Le financement des startups dans l'ASEAN au S1-2024
Le financement des startups dans l’ASEAN a chuté au premier semestre, atteignant son plus bas niveau depuis 2017 avec seulement 2,6 Mds USD levés au cours de 376 tours de financement (« rounds »), d’après les données de la plateforme Dealroom, soit près de deux fois moins qu'au S1-2023. Cette tendance à la baisse, observée depuis le pic du S2-2021 (14,8 Mds USD), se poursuit entre le S1-2023 et le S1-2024 dans la plupart des pays de la région, notamment en Indonésie (-79% en glissement annuel ; g.a.), au Vietnam (-93%), en Malaisie (-59%) et en Thaïlande (-58%). Seules les Philippines ont enregistré une hausse de 118% des investissements dans leur écosystème de startups, atteignant 165 M USD. Malgré une baisse des levées de fonds dans son écosystème (-29%), Singapour reste le leader régional avec 1,9 Md USD d'investissements captés par ses startups, représentant près des trois quarts des fonds levés dans la région. Les investisseurs français sont particulièrement actifs ce semestre, avec 11 tours de financement, dont 9 à Singapour. En Indonésie, Eurazeo a participé au plus grand tour de table du semestre (47 M USD en Series C) pour l'Insurtech Qoala, aux côtés d'investisseurs américains et japonais. En Thaïlande, Partech a investi dans HD, le « Airbnb de la chirurgie », contribuant ainsi à la deuxième place du pays dans l'ASEAN pour les levées de fonds dans les startups. La région voit la création de 13 nouveaux fonds de capital-risque (dont 7 à Singapour) ce semestre, pour un montant de près de 900 M USD (dont plus de 600 M USD par les investisseurs singapouriens), destinés au développement des startups dans la région, au Japon et au Moyen-Orient. Enfin, l’ASEAN enregistre 22 sorties d’investissement (« exits ») de startups soutenues par des fonds de capital-risque (« VC-backed »), dont deux introductions en bourse (« IPO »), avec notamment Graphjet Technology (MY), une entreprise spécialisée dans les technologies pour produire du graphite et du graphène à partir de déchets agricoles, qui fait son entrée au NASDAQ.
Malgré une baisse importante de leurs investissements (-44% en g.a.), les acteurs asiatiques restent les premiers contributeurs aux levées de fonds des startups d'Asie du Sud-Est (1,4 Md USD au S1-2024), représentant plus de la moitié du total (55%) des investissements dans celles-ci (cf. Graphique 1). Les acteurs singapouriens – à l’instar de Grab, GIC, Vertex Holdings, Northstar Group, DBS, Alpha JWC, ou Golden Gate Ventures – sont les plus actifs, participant à près de la moitié des rounds des startups à Singapour ce semestre (GXS Bank, Atlan, Peak3, Atome Financial, etc.), et à près de 40% de ceux des autres startups de la région (Salmon, Lhoopa, Rukita, etc.). Les investisseurs américains, en grande majorité des fonds de capital-risque (« VC ») comme Salesforce Ventures, Lightspeed Venture Partners, 500 Global, ou Meritech Capital Partners, sont également très actifs (581 M USD pour 125 rounds), à un niveau stable par rapport au S1-2023. En revanche, les investissements des acteurs européens (Standard Chartered, Eurazeo, Partech, Seventure Partners, etc.) dans les startups d'Asie du Sud-Est ont chuté à leur plus bas niveau depuis 2017 (130 M USD). De leur côté, les investisseurs français, dont Eurazeo, Partech, Ventech, Interop Ventures, Seventure Partners et Shift4Good, ont participé à 11 tours de table dans la région (dont 9 à Singapour), notamment dans les secteurs de la fintech (Eurazeo avec Qoala en Indonésie), de la santé (Partech avec HD en Thaïlande), de la biotechnologie (Seventure Partners avec Allozymes et Peptobiotics à Singapour), de la logistique (Shift4Good avec Pyxis à Singapour) et des plateformes cyber/cloud (Interop Ventures avec Dora Factory et Ventech avec Chainstack à Singapour). Selon Arnaud Bonzom, Directeur général chez Black Mangroves, de « nombreux investisseurs en startups ciblent désormais les tendances émergentes, en particulier dans les startups d'IA et de GenAI ». Toutefois, celles-ci restent « moins nombreuses en Asie du Sud-Est par rapport aux principaux hubs de startups ». Malgré tout, ces startups pourraient prospérer dans un avenir proche grâce aux « nombreux programmes lancés par les Big Tech américaines dans la région, dont notamment : i) Generative AI Spotlight d'Amazon Web Services ; ii) AI First de Google à Singapour ; iii) Generative AI Accelerate de Microsoft et NUS Enterprise (BLOCK71) ; et iv) Ignition AI Accelerator de NVIDIA, lancé en collaboration avec Tribe et Digital Industry Singapore (DISG) dans la cité-Etat ».
Les entreprises sont les premiers investisseurs dans les startups de la zone (42% du total ; 1,1 Md USD ; -27% ; cf. Graphique 2), devant les VC (31% ; 796 M USD), dont les contributions ont été divisées par deux par rapport au S1-2023. Ainsi, 4 des 5 premiers tours de table ce semestre – un tiers du total des fonds levés pendant la période (882 M USD) – ont été menés en late-stage (« Growth Equity ») par i) Alibaba (CN) avec Lazada (SG) et Ant Group (CN) avec Anext Bank (SG), leurs filiales singapouriennes pour l’Asie du Sud-Est ; ii) Mitsubishi UFJ Financial Group (JP) avec la licorne Ascend Money (TH), le bras fintech du conglomérat thaïlandais spécialisé dans l'agroalimentaire Charoen Pokphand Group (TH) ; et iii) Grab (SG) avec GXS Bank (SG), une JV entre l’application de VTC et le télécom Singtel (SG).
L'Asie du Sud-Est maintient un niveau stable de sorties d'investissements pour les startups soutenues par le capital-risque (cf. Graphique 3), avec 20 acquisitions et 2 IPO. Le Singapore Institute of Advanced Medicine (SG), spécialisé dans les traitements contre le cancer, a fait son IPO à la bourse de Singapour (SGX), tandis que Graphjet Technology (MY), spécialisé dans la production de graphite et de graphène à partir de déchets agricoles, a fait son entrée au NASDAQ. En matière d'acquisitions, 12 startups singapouriennes ont été rachetées, principalement par des fonds de capital-risque singapouriens tels que V3V Ventures et 5i Ventures, ainsi que par des PME/ETI locales comme Umami Bioworks et Sqreem Technologies. On note également quelques rachats de startups par des acteurs internationaux, comme celui de l’Adtech ELama par le moteur de recherche russe Yandex. La Malaisie et de l'Indonésie enregistrent chacune 2 acquisitions, dont celle de la Proptech Dekoruma (ID) par la plateforme d’e-commerce Blibli (ID) pour 70,4 M USD. Le Vietnam, le Brunei et les Philippines comptent chacun une acquisition.
Les investisseurs de la zone créent 13 nouveaux fonds de VC ce semestre (cf. Graphique 4), dont 7 à Singapour, pour un montant estimé de 887 M USD (dont 627 M USD par les investisseurs singapouriens ; 71% du total), avec notamment l’ouverture i) du premier fonds d’Unstuck VC (SG), Unstuck VC Fund I (250 M) ; ii) de celui de Seviora Capital (SG), Seviora Future of Food and Farming (T3F) Fund (173 M USD) pour soutenir des startups de l’Agri-food dans la région avec la participation du fonds souverain Temasek (SG) ; iii) du MENA Fund I (100 M USD) de Golden Gate Ventures (SG) dédié au Moyen-Orient (MENA) et qui sera géré depuis le Qatar ; et iv) du fonds inaugural Vertex Ventures Japan Fund I (10 Mds JPY soit 62 M USD) par Vertex Holdings (SG) qui permet à la branche capital-risque du fonds souverain Temasek de dédier son premier fonds aux startups japonaises. En Indonésie, AC Ventures (ID) ouvre son cinquième fonds, ACV Fund V, d’une taille de 220 M USD, destiné aux startups de la région, avec la participation d'investisseurs institutionnels comme l’IFC (Banque mondiale). Aux Philippines, le VC Kaya Founders (PH) crée 2 fonds (18 M), Kaya Founders Zero to One et Kaya Founders One to Ten, pour investir dans 30-40 startups dans le pays et la région dans les 4 prochaines années. Enfin, au Vietnam, le VC Ethos Fund inaugure son premier fonds, Ethos Fund I, d’une taille de 12 M USD, dont l’objectif est d’investir en « very early-stage level » au Vietnam et aux Etats-Unis.