Washington Wall Street Watch n°2024-26
Réflexions hebdomadaires sur les principaux évènements financiers, institutionnels ou règlementaires, aux Etats-Unis.
Sommaire
Conjoncture
- L’inflation PCE marque le pas
Politiques Macroéconomiques
- Les responsables de la Fed constatent de légers progrès sur l’inflation et se montrent attentifs à l’évolution du marché du travail
Services financiers
- BlackRock annonce le rachat du fournisseur de données Preqin
- La SEC réhausse les exigences de transparence de certains produits d’assurance complexes
- Le FinCEN renforce les exigences de lutte anti-blanchiment
Situation des marchés
Brèves
Conjoncture
L’inflation PCE marque le pas
Selon les estimations du Bureau of Economic Analysis (BEA), l’indice des prix des dépenses de consommation personnelle (Personal Consumption Expenditure – PCE) et sa composante sous-jacente (hors énergie et alimentation) ont marqué le pas en mai, augmentant respectivement de +0,0 % et +0,1 % (après +0,3 % pour les deux indices en avril), en ligne avec les attentes. Sur douze mois glissants, l’inflation et sa composante sous-jacente ont baissé à +2,6 % (après respectivement +2,7 % et +2,8 %).
Les prix de l’énergie ont reculé de -2,1 % (après +1,2 %) et les prix de l’alimentation ont stagné à +0,1 % (après -0,2 %). Sur douze mois glissants les prix de l’énergie ont augmenté de +4,8 % (après +3,0 %) et les prix de l’alimentation de +1,2 % (après +1,3 %).
Les prix des services ont augmenté de +0,2 % (après +0,3 %) et les prix des biens ont baissé de -0,4 % (après +0,2 %). En glissement annuel, les prix des services ont augmenté de +3,9 % (après +4,0 %) et ceux des biens ont reculé de -0,1 % (après +0,1 %).
Politiques macroéconomiques
Les responsables de la Fed constatent de légers progrès sur l’inflation et se montrent attentifs à l’évolution du marché du travail
Selon le procès-verbal (minutes) de la réunion du comité de politique monétaire de la Fed (FOMC) des 11 et 12 juin, publié le 3 juillet, l’ensemble des responsables se sont accordés pour maintenir les taux directeurs à leur niveau actuel, en attendant de disposer de plus de données confirmant la reprise du processus de désinflation.
Les membres du FOMC considèrent que l’activité continue de croître à un rythme solide, mais ralentit par rapport à 2023. Les tensions sur le marché du travail se résorbent comme en témoigne la baisse du rythme de création d’emplois, la baisse du ratio des offres vacantes rapportées au nombre de chômeurs, la baisse du taux de démission et l’augmentation graduelle du taux de chômage. Ils soulignent que la force de travail devrait s’accroitre à mesure de l’intégration des vagues migratoires, mais prévoient un ralentissement de l’immigration. Ils ont souligné une légère reprise des progrès de la désinflation : ils notent une baisse du pouvoir de tarification des entreprises et constatent que le resserrement monétaire a un effet restrictif visible sur le ralentissement de l’activité, de la consommation et de l’investissement.
Les prévisions des économistes de la Fed (staff) sont dans l’ensemble similaires à celles du dernier FOMC : l’économie devrait continuer à croître à un rythme proche de la croissance potentielle, le chômage devrait baisser au cours de deux prochaines années et se stabiliser en 2026 et l’inflation, dont la trajectoire a été révisée à la hausse, devrait continuer de baisser.
Les économistes et les membres du FOMC ont toutefois identifié des risques pour le processus de désinflation : les crises géopolitiques, les tensions commerciales, des conditions financières pas assez restrictives, une politique fiscale expansionniste et des anticipations qui se désancreraient. La persistance de l’inflation et la détérioration de la situation financière des ménages les plus pauvres pourraient peser sur l’activité.
Services Financiers
BlackRock annonce le rachat du fournisseur de données Preqin
Le 1er juillet, BlackRock, première société de gestion d’actifs au monde (10 500 Md USD d’actifs sous gestion), a annoncé le rachat de 100 % du capital de Preqin, un fournisseur de données britannique spécialisé dans les marchés non cotés, pour un montant de 3,2 Md USD réglés au comptant. La clôture de la transaction devrait avoir lieu fin 2024, sous réserve de l’autorisation des autorités de concurrence.
Fondé en 2003, Preqin est un fournisseur indépendant de données spécialisé dans le suivi de la performance des marchés alternatifs (alternative global markets). Prequin couvre environ 190 000 fonds, 60 000 gestionnaires de fonds, et 30 000 investisseurs, comptant plus de 200 000 utilisateurs, dont des gestionnaires d’actifs, des compagnies d’assurance, des fonds de pension, des conseillers en investissement et des banques. BlackRock estime le chiffre d’affaires de Preqin à 240 M UDS pour l’année 2024, avec un taux de croissance annuel moyen de 20 % sur les trois dernières années.
L’opération vise à regrouper les données et les outils de recherche de Preqin avec ceux d’Aladdin, la solution technologique de gestion des risques de BlackRock, et ainsi de créer un fournisseur global de technologies et de données sur les marchés cotés et non cotés. À l’issue de la transaction, Mark O’Hare, le fondateur de Preqin, rejoindra BlackRock en tant que vice-président.
L’acquisition de Preqin s’inscrit dans la stratégie de développement des investissements alternatifs de BlackRock (Private Equity, dette privée, immobilier, infrastructure et autres actifs alternatifs), dont les actifs sous gestion avaient déjà augmenté de 65 % sur la période 2020-2023 en réponse à la demande croissante de diversification des investisseurs institutionnels (fonds de pension, fonds souverains, fonds de dotation etc.). L’annonce du rachat, en janvier 2024, de la société de gestion Global Infrastructure Partners (GIP), spécialisée dans les infrastructures (100 Md USD d’actifs sous gestion), pour environ 12,5 Md USD, marque également un pilier essentiel de cette stratégie.
Selon BlackRock, le marché de la gestion alternative, en pleine expansion, devrait atteindre 40 000 Md USD d’actifs sous gestion d’ici 2030(contre 13 000 Md USD aujourd’hui).
La SEC réhausse les exigences de transparence de certains produits d’assurance complexes
Le 1er juillet, la Securities and Exchange Commission (SEC), le régulateur des marchés financiers, a finalisé une règle visant à améliorer la qualité des informations fournies aux investisseurs concernant certains contrats de rente complexes. La règle vise notamment les contrats de rente partiellement indexés sur un indice de marché (Registered Index-Linked Annuities - RILA) et les contrats de rente à taux fixe pouvant être ajustés en fonction des conditions de marché (Market Value Adjustment – MVA). Cette réforme a pour objectif d’améliorer la prise de décision des investisseurs lors de leur souscription à ce type de produits.
Sous la nouvelle règle, les compagnies d’assurance qui émettent ces produits complexes devront notamment i) remplir un formulaire d’enregistrement spécifique auprès de la SEC, ii) préciser dans leurs supports de communication un plus grand nombre de caractéristiques de ces contrats, et en souligner les informations importantes. La règle vise par ailleurs à moderniser les procédures de publication d’informations relatives à ces contrats.
Gary Gensler, Président de la SEC, a souligné l’importance de l’amélioration de la qualité des informations disponibles sur les produits d’assurance complexes, dont la collecte estimée à 47 Md USD en 2023, a quintuplé depuis 2017. La règle entrera en vigueur 60 jours après sa publication au registre fédéral.
Le FinCEN renforce les exigences de lutte anti-blanchiment
Le Financial Crimes Enforcement Network (FinCEN), service du Treasury chargé de la lutte contre la criminalité financière, a publié le 28 juin une proposition de règle visant à renforcer les exigences de lutte contre le blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme (LCB-FT) pour les institutions financières. La règle s’applique notamment aux banques, aux intermédiaires financiers (brokers-dealers), aux fonds d’investissement, aux intermédiaires en matières premières, aux opérateurs de paiement, aux organismes de prêt, aux agences de titrisation hypothécaire et aux casinos.
La règle impose notamment à ces institutions de mettre en place des programmes de LCB-FT efficaces, fondés sur une approche par les risques, et incluant certaines exigences minimales, y compris une procédure d’évaluation des risques. Ces programmes devront obligatoirement intégrer les priorités du Gouvernement en matière de LCB-FT, adoptées par le FinCEN depuis mars 2021 et devant être mises à jour au moins tous les quatre ans. La règle demande également aux institutions de mener une analyse spécifique de chacun de leurs clients, afin d’éviter d’exclure systématiquement des catégories de clients qui se verraient ainsi frappées d’exclusion financière.
La période de consultation est ouverte pour 60 jours à compter de la publication de la règle au registre fédéral.
Situation des marchés
Au cours de la semaine écoulée (de vendredi à mercredi), l’indice S&P 500 a progressé de +1,1 %, pour atteindre un plus haut historique de 5 537 points. L’indice Nasdaq 100 atteint également un niveau record de 20 186 points (+2,2 % sur la semaine). Les données de l’inflation PCE, ainsi que la prise de parole de Jerome Powell, président de la Fed, au cours de laquelle il a salué les progrès dans le processus de désinflation, ont de nouveau ravivé l’espoir d’une baisse plus rapide des taux directeurs. La hausse est notamment tirée par les « Magnificent 7 » (Apple, Amazon, Meta, Microsoft, Nvidia, Alphabet, Tesla) qui enregistrent une hausse de +5 % en moyenne sur la semaine (indice Bloomberg Magnificent 7). L’action Tesla progresse de +25 % cette semaine à la suite de l’annonce de livraisons de véhicules supérieures aux attentes.
Les rendements des obligations souveraines américaines (Treasuries) reculent sur l’échéance à 2 ans (4,7 % ; +4 points de base - pb) mais progressent légèrement sur l’échéance à 10 ans (4,4 % ; +3 pb) et à 30 ans (4,5 % ; +7 pb) sur la semaine.
Brèves
- Le 1er juillet, la Commodity Futures Trading Commission (CFTC), le régulateur des marchés de dérivés, a publié les résultats de ses quatrièmes stress-tests prudentiels (après ceux des années 2016, 2017 et 2019) sur les chambres de compensation de produits dérivés (Derivatives Clearing Organization – DCO). Le rapport conclut que chacun des 9 DCOs de l’échantillon, qui couvrent quatre grandes classes de produits dérivés (contrats futures et d’options, swaps de taux d’intérêt, contrats délivrant un paiement en cas de défaut [Credit Default Swaps – CDS] et produits de change), a démontré une forte résilience financière, détenant suffisamment de ressources propres pour résister à de nombreux chocs d’offres (price shocks) extrêmes et improbables.
- Le 1er Juillet, la Cour Suprême a publié, à 6 voix contre 3, une décision de justice autorisant deux entreprises de l’Etat de Dakota du Nord à lancer des poursuites en justice contre la Fed pour réparer les préjudices causés par une règle adoptée en 2011 qui fixe le plafond des commissions d’interchange perçues par les banques lors d’une transaction de débit (Durbin amendment). Cette décision est controversée en raison du délai de prescription statutaire fixé à 6 ans pour intenter une action en justice contre une agence de régulation. Ketanji Brown Jackson, juge à la Cour Suprême, souligne le risque de « tsunami » de poursuites judiciaires qui pourraient découler de cette décision, avec le risque de « dévaster » le fonctionnement du gouvernement.
- Le 28 juin, le Treasury et l’administration fiscale (Internal Revenue Service – IRS) ont conjointement finalisé une règle visant à clarifier les exigences de transparence des plateformes d’échanges de crypo-actifs en matière fiscale, précisant la mise en œuvre de l’Infrastructure Investment and Jobs Act (IIJA). La nouvelle règle vise à formaliser les modalités déclaration déjà en vigueur, pour les brokers concernés, qui devront notamment déclarer à partir de 2026 (pour l’année fiscale 2025) les produits bruts de session (gross proceeds) de crypto-actifs réalisées par leurs clients sur l’année fiscale précédente.