Washington Wall Street Watch n°2024-24
Réflexions hebdomadaires sur les principaux évènements financiers, institutionnels ou règlementaires, aux Etats-Unis.
Sommaire
Conjoncture
- Les ventes au détail stagnent
Politiques Macroéconomiques
- Le CBO actualise sa projection économique et budgétaire
- Les responsables de la Fed restent partagés sur la baisse des taux malgré la reprise de la désinflation
- Le Treasury publie son rapport semestriel sur la politique macroéconomique et le taux de change
Services financiers
- Le Sénat souhaite renforcer la supervision des hedge funds en matière d’intelligence artificielle
- L’OCC publie son rapport semestriel sur les risques du secteur bancaire
- Les régulateurs bancaires réhaussent les exigences de qualité des modèles d’évaluation automatisés utilisés pour l’octroi de crédit
- La FDIC finalise une règle sur le renforcement des plans de résolution des banques
Situation des marchés
Brèves
Conjoncture
Les ventes au détail stagnent
Selon les données du Census Bureau, les ventes au détail ont légèrement progressé en mai à +0,1 %, après -0,2 % en avril (révisé de ‑0,2 point par rapport à l’estimation précédente). Elles sont en dessous des attentes à +0,2 %. Les ventes augmentent pour le secteur automobile (+0,8 %) et les ventes en ligne (+0,8 %), mais baissent pour les stations essence (-2,2 %), les bars et les restaurants (‑0,4 %) et les magasins d’alimentation et de boisson (-0,2 %).
Sur douze mois glissants, les ventes au détail ont progressé de +2,3 % (après +2,7 %, révisé de -0,3 point), tirées par les magasins de détail divers (+7,3 %), les ventes en ligne (+6,8 %), les bars et les restaurants (+3,8 %), partiellement compensées par une baisse des ventes de meubles (-6,8 %) et de matériel de construction (-4,8 %).
Politiques Macroéconomiques
Le CBO actualise sa projection économique et budgétaire
Le Congressional Budget Office (CBO) a publié le 18 juin une actualisation de sa projection économique et budgétaire.
S’agissant de la trajectoire économique, la croissance serait plus dynamique en 2024 (+2,0 % contre +1,5 % dans la projection de février 2024) et ralentirait progressivement ensuite (+2,0 % contre +2,2 % en 2025 et +1,8 % contre +2,0 % en 2026). Le marché du travail serait plus résilient (en 2024, taux de chômage à 3,9 % contre 4,2 % et en 2025, 4,0 % contre 4,4 %). La normalisation de la politique monétaire se ferait en douceur avec une politique de taux élevés dans la durée (higher for longer). Le taux directeur serait à 5,3 % contre 5,1 % à fin 2024 et 4,8 % contre 4,1 % en 2025.
La situation budgétaire serait, en revanche, plus dégradée que celle présentée dans la projection de février 2024.
En particulier, en 2024, le déficit s’établirait à environ 2 000 Md USD (+408 Md USD par rapport à la projection de février 2024). Cette révision résulterait principalement (i) du dispositif d’annulation de dettes étudiantes par le Président Biden (+145 Md USD de dépenses), (ii) du recouvrement plus faible qu’initialement prévu par le CBO des dépenses effectuées par la FDIC (via la liquidation des actifs et l’augmentation des primes d’assurance) durant les faillites bancaires de 2023 et 2024 (+70 Md USD), (iii) des dépenses discrétionnaires supplémentaires résultant des lois d’appropriation adoptées en mars 2024 (+60 Md USD) et (iv) des dépenses de Medicaid (+50 Md USD).
Sur la période 2025-2034, le CBO prévoit un déficit cumulé de 22 100 Md USD (+2 100 Md USD par rapport à la projection de février 2024). Cette augmentation s’explique par (i) des changements législatifs (+1 600 Md USD par rapport à la projection de février 2024) dont les aides à l’Ukraine, Israël et l’Indopacifique ; (ii) une révision à la baisse des recettes d’impôt sur les sociétés (IS) et à la hausse des dépenses publiques (+1 100 Md USD) et (iii) des changements de prévisions économiques (‑600 Md USD, conduisant à une hausse des recettes d’impôt sur les revenus (IR)). Par ailleurs, le CBO souligne la hausse des paiements d’intérêts de la dette publique (+348 Md USD sur 2025-2034).
Les responsables de la Fed restent partagés sur la baisse des taux malgré la reprise de la désinflation
La plupart des responsables de la Fed (John Williams – Fed de New York, Adriana Kugler – gouverneure, Lorie Logan – Fed de Dallas, Neel Kashkari – Fed de Minneapolis, Thomas Barkin – Fed de Richmond, Susan Collins – Fed de Boston) estiment que la désinflation se poursuit, à l’instar des données de mai. A. Kugler a mis en avant quatre facteurs participant à la baisse de l’inflation à savoir (i) des ajustements des prix moins fréquents, (ii) le ralentissement des coûts pour les entreprises, notamment des salaires nominaux, (iii) les gains de productivité et (iv) une politique monétaire restrictive.
Cependant, ils se montrent partagés sur la baisse des taux. A. Kugler estime qu’il serait possible de baisser les taux dès cette année, tandis que J. Williams, L. Logan, T. Barkin et S. Collins ont été plus prudents, mettant en avant le besoin de disposer de plus de données. Alberto Musalem (président de la Fed de Saint-Louis) est même allé plus loin en indiquant qu’il n’écartait pas la possibilité d’augmenter ou de ne pas baisser les taux en 2024.
Le Treasury publie son rapport semestriel sur la politique macroéconomique et le taux de change
Le Treasury a publié le 20 juin son rapport semestriel sur la politique de change des principaux partenaires économiques des États‑Unis pour la période de 12 mois de janvier à décembre 2023.
Le rapport met en avant la résilience de l’économie mondiale en 2023 observée à la fois dans les pays développés et émergents. Le déséquilibre des comptes courants s’est résorbé avec la modération des prix des matières premières. Le dollar s’est déprécié vis-à-vis des économies avancées et émergentes au cours de la période étudiée.
Par ailleurs, aucun partenaire commercial majeur des États-Unis n’aurait manipulé sa monnaie pour obtenir un avantage commercial indu. La liste des pays surveillés comprend l’Allemagne, la Chine, le Japon, la Malaisie, Singapour, Taïwan et le Vietnam. Le Treasury a par ailleurs souligné le manque de transparence de la Chine sur le marché des changes et son excédent commercial important.
Pour rappel, le Treasury utilise trois critères pour évaluer si un pays manipule sa monnaie. Un pays est placé sur la liste des pays surveillés s’il remplit au moins deux des trois conditions suivantes :
- un excédent commercial (de biens et services) vis-à-vis des États-Unis supérieur à 15 Md USD au cours de 12 derniers mois ;
- une balance des paiements excédentaire dépassant 3 % du PIB du pays ;
- des achats de devises étrangères (pour affaiblir sa monnaie) sur au moins 8 mois au cours des 12 derniers mois, pour un montant supérieur à 2 % du PIB du pays.
Services Financiers
Le Sénat souhaite renforcer la supervision des hedge funds en matière d’intelligence artificielle
Le 14 juin, le département de la Sécurité intérieure du Sénat a publié un rapport sur l’utilisation des technologies d’intelligence artificielle (IA) par les fonds de gestion alternative (hedge fund) pour leurs stratégies de trading. Le rapport appelle les régulateurs à renforcer le cadre réglementaire applicable aux hedge funds en matière d’IA.
Les hedge funds utilisent principalement l’IA pour identifier des opportunités d’investissement (analyse fondamentale) et maximiser les rendements de leurs portefeuilles d’actifs (optimisation). Le rapport souligne les risques posés par i) l’utilisation d’une variété de terminologies pour caractériser les systèmes d’IA (systèmes experts, algorithmes, optimisateurs), permettant aux hedge funds d’échapper à certaines règlementations en la matière ; ii) l’absence de normes uniformes concernant la supervision des décisions automatisées de trading ; et iii) les difficultés du régulateur à catégoriser les techniques d’IA en fonction de leur niveau de risque.
Pour pallier ces difficultés, les auteurs recommandent notamment à l’autorité des marchés financiers (SEC) et à l’autorité des marchés de dérivés (CFTC) i) d’harmoniser les définitions des systèmes d’IA utilisés par les hedge funds ; ii) d’adopter des principes opérationnels pour responsabiliser les pratiques d’utilisation de l’IA (audits des systèmes utilisés) ; iii) de développer un cadre de gestion des risques spécifique à l’utilisation des technologies d’IA ; iv) de clarifier le champ d’application des règles existante quant à l’utilisation de l’IA et de les amender si nécessaire.
La Managed Fund Association, une association de représentants de l’industrie des hedge funds, a critiqué les conclusions du rapport, les qualifiant de « partisanes », et éloignées de la réalité des pratiques responsables de l’industrie concernant l’IA.
L’OCC publie son rapport semestriel sur les risques du secteur bancaire
Le 20 juin, l’Office of the Comptroller of the Currency (OCC), le régulateur des national banks, a publié un rapport sur les risques bancaires, dans un contexte de résilience économique et de stabilité générale du système bancaire.
S’agissant du risque de crédit, le rapport met l’accent sur la vulnérabilité des prêts à l’immobilier commercial, en particulier sur le segment des bureaux, en raison des taux d’intérêts élevés et des refinancements de certains prêts sur les trois prochaines années. Le rapport souligne également un risque d’affaiblissement de la consommation des ménages si l’inflation et taux d’intérêt élevés persistent.
S’agissant du risque de marché, les marges d’intérêt nette (net interest margins – NIM) subiraient une pression à la baisse, en raison de la baisse de la rémunération des dépôts. Par ailleurs, un ralentissement du financement des banques par des sources autres que les dépôts (wholesale funding) de gros est attendu pour l’année 2024. Enfin, la valorisation des portefeuilles d’actifs s’est améliorée, mais les moins-values latentes resteraient importantes en raison des taux d’intérêt élevés et du risque de liquidité du marché.
S’agissant du risque opérationnel, le rapport souligne des menaces cyber élevées et la complexification de l’environnement numérique des banques. L’OCC met en garde contre l’accroissement des risques de fraudes pour les paiements (en particulier pour les chèques, les paiements mobiles de pair-à-pair et les virements) et des erreurs informatiques.
Le rapport souligne enfin les risques en matière de conformité, en particulier au sujet de la garantie d’un accès équitable au crédit. Les banques doivent veiller à ne pas intégrer de biais discriminatoires dans leur processus d’octroi de crédit. Les banques doivent par ailleurs continuer d’appliquer rigoureusement leurs procédures de prévention des fraudes.
Les régulateurs bancaires réhaussent les exigences de qualité des modèles d’évaluation automatisés utilisés pour l’octroi de crédit
Le 20 juin, les régulateurs bancaires (OCC, FDIC, NCUA, CFPB et FHFA) ont conjointement adopté une règle visant à rehausser les normes contrôle de qualité des modèles d’évaluation automatisés (Automated Valuation Models – AVMs), utilisés pour les décisions d’octroi de crédits. La règle s’applique aux institutions financières émettrices de crédits sur les marchés primaires (banques, fintech) et secondaires (agences de titrisation)
Les AVMs utilisent des technologies d’IA qui servent à affiner les formules de calcul traditionnelles pour déterminer la probabilité de défaut d’un emprunteur, ou encore la valeur du collatéral à prendre en garantie hypothécaire en fonction de son profil de risque. La complexité des AVMs et l’opacité des techniques d’IA utilisées présentent un risque de renforcement des biais discriminatoires à l'encontre des populations défavorisées ou des minorités.
Sous la nouvelle règle, les institutions financières concernées (banque de détail, fintech) devront s’assurer que leurs AVMs : i) produisent des estimations précises ; ii) sont protégés du risque de manipulation des données ; iii) évitent tout conflit d’intérêts ; iv) sont soumis à des procédures de supervision humaines ; et v) sont conformes aux lois contre les discriminations en vigueur. Les institutions bénéficieront néanmoins de souplesse pour adopter des critères de qualité qui reflètent la complexité et les risques spécifiques de leur modèle d’affaires.
La FDIC finalise une règle sur le renforcement des plans de résolution des banques
La Federal Deposit Insurance Coporation (FDIC) a finalisé le 20 juin une règle qui modifie le cadre en vigueur depuis 2012 en matière de résolution des banques de plus de 50 Md USD d’actifs.
La règle distingue les banques de 100 Md USD d’actifs et plus (groupe A) qui doivent soumettre un plan incluant une stratégie de résolution alternative à une simple reprise de l’établissement par un ou plusieurs acquéreurs dans un délai très court, des banques dont l’actif est compris entre 50 et 100 Md USD (groupe B) qui doivent soumettre une information plus limitée. Dans les deux cas, la règle précise et renforce les informations que les banques doivent transmettre à la FDIC en vue de leur mise en résolution ordonnée en cas de faillite.
La règle exige que ces plans soient transmis par les banques à la FDIC tous les trois ans, avec des mises à jour intermédiaires, sauf pour les filiales d’un groupe bancaire systémique (Global systemically important banking organizations - GSIBs) qui doivent transmettre leur plan tous les deux ans. La règle entrera en vigueur le 1er octobre 2024 avec les premières transmissions des plans attendues en 2025.
Situation des marchés
Au cours de la semaine écoulée (de vendredi à jeudi), l’indice S&P 500 a progressé de +0,6 %, à 5 473 points. Nvidia est devenue la 3ème entreprise au monde à dépasser 3 000 Md USD de valorisation (le 5 juin 2024) après Apple (3 janvier 2022) et Microsoft (24 janvier 2024). Le fabricant de puces a décroché la place de première capitalisation boursière mondiale mardi et mercredi avant de redescendre en deuxième position jeudi avec une valorisation de 3 220 Md USD.
Les rendements des obligations souveraines américaines (Treasuries) sont restés quasi inchangés, à 4,7 % à 2 ans et 4,3 % à 10 ans. La volatilité implicite (MOVE index) des taux des Treasuries a augmenté de +7 %, à 99.
Les marchés financiers ont été marqués par des craintes liées aux projections de hausses des déficits américains, mais un espoir d’assouplissement plus rapide de la politique monétaire au regard des ventes au détail et de l’indice de confiance des ménages en-deçà des attentes.
Brèves
- L’indice de confiance des consommateurs publié par l’Université du Michigan a continué de baisser au mois de juin à 65,6 (après 67,4 en mai et 77,2 en avril), contre 71,5 attendu. La directrice de l’enquête Joanne Hsu évoque le sentiment de dégradation de la situation financière personnelle liée à la hausse des prix, perçue en particulier par les ménages à faible revenu.
- Selon les données du Census Bureau, les mises en chantier pour l’immobilier résidentiel ont baissé en mai à +1 277 000 (après +1 352 000 et contre +1 370 000 attendu). Cette baisse refléterait (i) la hausse des taux d’intérêts longs depuis le début de l’année (le taux d’intérêt moyen pour les prêts hypothécaires à 30 ans est passé de 6,6 % début janvier à 7,0 % en juin) et (ii) une faible demande de logement.