Lettre économique d'AEOI - Les technologies de protection de l'environnement en AEOI
Les technologies de protection de l'environnement en AEOI : un secteur stratégique dans la lutte contre le changement climatique, marqué par de faibles capacités financières et humaines malgré un soutien des bailleurs internationaux
Si l'ensemble des pays ont inscrit la protection de l'environnement dans leur constitution et disposent de plans stratégiques ambitieux en la matière, leur mise en œuvre et l'adoption de technologies visant à garantir une gestion efficace et durable des ressources naturelles sont très inégales dans la région et entravées par un manque de données de qualité et accessibles, de financement et de capacités humaines. Dans le même temps, la coordination est souvent complexe entre les ministères et les agences sectorielles dont les mandats sont parfois redondants. Le secteur est fortement soutenu par des donateurs internationaux tels que la France, la GIZ, l'USAID, la Banque mondiale, le PNUE et le PNUD. Avec le renforcement des normes environnementales internationales, comme la directive européenne contre la déforestation importée, des opportunités existent pour les entreprises françaises, sur financement de bailleurs de fonds, dans la collecte et la coordination des systèmes de données concernant le changement climatique, les ressources naturelles et les catastrophes, et l'intégration de ces informations dans les processus de prise de décision. Les crédits carbones, notamment volontaires, sont également un sujet émergent pour la mobilisation de financement avec une expertise française pertinente.
Un cadre institutionnel et juridique en faveur de la protection de l’environnement dont la mise en œuvre via l’adoption de nouvelles technologies est très inégale dans la région
Si la majorité des pays de la région disposent de cadres institutionnels et juridiques pour la protection de l'environnement, avec des agences sectorielles susceptibles d'utiliser les technologies pour assurer une meilleure gestion des ressources naturelles, leur mise en œuvre est très inégale dans la région et est freinée par un manque de capacités financières, techniques et humaines. Alors que les Seychelles sont le pays le mieux noté en Afrique subsaharienne en termes de performance environnementale, se classant 32e sur 180 pays dans le monde, le Burundi et l'Ouganda font partie des pays les moins préparés à faire face au changement climatique, se classant 163e et 165e sur 181 pays selon l'indicateur de résilience ND-GAIN 2020. Le Rwanda, le Kenya et l'Éthiopie disposent d'agences spatiales qui collectent des données pour surveiller les ressources naturelles et analyser le changement climatique, tandis que la Somalie, le Burundi, le Soudan et le Sud-Soudan, malgré une attention portée à la protection environnementale dans la Constitution et la législation, se caractérisent par une instabilité économique ou politique qui entrave la réalisation des objectifs fixés et l'adoption des technologies.
La fragmentation du cadre institutionnel et le manque de capacités financières et techniques entravent l’adoption de nouvelles technologies
La multiplicité de ministères et d'agences sectorielles impliqués dans la gestion des ressources naturelles constitue un obstacle à l'efficacité des institutions. La coordination entre les systèmes d’information des différentes agences concernant le changement climatique, les ressources naturelles (forêt, eau, air) et les catastrophes naturelles reste largement perfectible, de même que l'intégration effective de ces informations dans les processus décisionnels.
Le manque de données accessibles et de qualité et le déploiement de technologies appropriées limitent la protection de l'environnement dans de nombreux domaines tels que la gestion des ressources en eau. Au Kenya, en 2017, les stations de surveillance des eaux de surface et souterraines transmettaient seulement 28 % des données disponibles sur la qualité de l'eau. Dans la plupart des villes de la région de l'AEOI, la qualité de l'air ne peut être contrôlée en raison de l'absence de systèmes de collecte de données fiables et à long terme qui permettraient d'évaluer les variations temporelles et spatiales. En 2021, Addis-Abeba disposait d'un réseau de 20 capteurs, dont la plupart étaient de qualité médiocre et rencontraient des difficultés opérationnelles, notamment des problèmes de connectivité, alors que le PNUE estime que les particules fines (PM2,5) sont trois fois supérieures aux niveaux recommandés par l'OMS. Malgré des progrès récents, le manque de capacités humaines et d’équipements de surveillance ne permettent pas de lutter contre le braconnage et l’exploitation abusive des ressources (forêts, minerais) dans les pays de la région. Selon la FAO, l'Éthiopie aura ainsi perdu près de 18,5 % de son couvert forestier entre 1990 et 2020. La mise en place de systèmes d'information météorologique et d'alerte précoce permettrait une meilleure prévention des catastrophes naturelles.
Un soutien des bailleurs internationaux pour le développement des technologies de protection de l’environnement
Le soutien des bailleurs multilatéraux et bilatéraux au secteur reste essentiel et cible (i) le déploiement de technologies de collecte de données et de système d’information et d’alerte, (ii) le renforcement des capacités et des équipements pour lutter contre la déforestation et le braconnage, (iv) la lutte contre les pollutions de l’air et de l’eau.
Le Trésor français a financé plusieurs prêts et études de faisabilité au Kenya, en Tanzanie, au Rwanda et en Ouganda pour améliorer la gestion de l'eau et des déchets et lutter contre les incendies de forêt et le braconnage. Au Kenya, deux prêts ont été accordés pour (i) aider le Kenya Wildlife Service à lutter contre le braconnage en déployant un système de communication sécurisé fabriqué par la société française Ellipse, et (ii) fournir du matériel de lutte contre les incendies au Kenya Forest Service (y compris camions, caméras et drones), projet mené par la société Tyllium. En Ouganda, BRL Ingénierie a réalisé une étude de suivi quantitatif des ressources en eau de surface par altimétrie spatiale. Tandis qu’au Rwanda, un financement FASEP a permis l'installation de capteurs de pollution atmosphérique par Tactis et les sociétés Spalian, Atmotrack et Streamwide.
L'AFD soutient le développement des technologies environnementales, notamment auprès de l'Agence spatiale rwandaise (RSA) pour la création d'un « hub géospatial » destiné à collecter des données satellitaires, notamment pour un usage environnemental. Aux Comores et à Madagascar, l'AFD renforce les capacités des acteurs publics par la mise en place d'infrastructures géographiques qui faciliteront la collecte de données, afin d'améliorer la gestion des ressources en eau, des forêts et des risques naturels. L'Autorité météorologique des Seychelles bénéficie du programme Hydromet sur financement français, pour fournir des prévisions météorologiques fiables à travers des systèmes d'alerte précoce (SAR), et mettre ces informations à la disposition des utilisateurs.
L'Union européenne, la GIZ, la Banque mondiale, l'USAID, le PNUE et le PNUD sont d'autres bailleurs de fonds importants dans ce secteur. Aux Comores, un programme européen géré par la région Réunion finance plusieurs projets de protection de la faune et de la flore par la pose de capteurs Argos sur les espèces maritimes, recueillant des données de position, de salinité et de température, transmises à Météo France et à l'aviation civile. La GIZ finance un projet de coopération régionale transfrontalière dans le bassin du Nil, qui exploite le système régional de surveillance hydrologique et échange des données pour la gestion des ressources en eau. La Banque mondiale soutient plusieurs projets dans la région dans les domaines de l'agriculture intelligente, de la gestion durable des terres et de l'eau et de la pêche durable. USAID finance des projets de collecte de données sur les ressources naturelles et des équipements de surveillance de la faune et de la flore à Madagascar et en Tanzanie. Tandis que le PNUE a développé des plateformes en ligne pour cartographier les ressources naturelles de la région, ainsi que des systèmes d'alerte climatique précoce et de restauration des écosystèmes au Sud-Soudan.
Des opportunités pour les entreprises françaises sur financements bailleurs
Les besoins en investissements et en infrastructures des pays de la région créent des opportunités pour les entreprises françaises dans les secteurs de la collecte et le traitement de données (surveillance des ressources naturelles, anticipations des risques climatiques, crédits carbones) et des services météorologiques. L’expertise française est reconnue dans ces domaines, avec une plus-value liée à la numérisation des processus, à l’utilisation de technologies innovantes (capteurs connectés) et à l’intégration des systèmes (plateformes et systèmes d’information intégrés par exemples).
La concurrence est importante sur le segment des geodatas, par exemple la Chine a déjà noué d’importants partenariats avec l’Ethiopie pour le lancement de leur premier satellite d’observation (2019) et pour un projet de développement de stations au sol capable de recevoir et de traiter des données géo-satellites. L’ouverture des solutions technologiques et la préservation de la souveraineté des pays en matière de données et d’analyse (y compris via le renforcement des capacités locales) restent des enjeux majeurs pour la différentiation de l’offre française.