Washington Wall Street Watch n°2024-19
Réflexions hebdomadaires sur les principaux évènements financiers, institutionnels ou règlementaires, aux Etats-Unis.
Sommaire
Conjoncture
- L’inflation et sa composante sous-jacente baissent sur un an
- Les ventes au détail stagnent
- L’endettement des ménages et les taux de défaillance continuent d’augmenter
Politiques macroéconomiques
- La Chambre des représentants avance sur le budget 2025
- Les membres de la Fed souhaiteraient maintenir les taux élevés plus longtemps
Services financiers
- Le Congrès auditionne les régulateurs bancaires sur la transposition de Bâle III et appelle à un changement de leadership de la FDIC
- La Fed publie les résultats de son exercice d’analyse d’impact de scénarios climatiques pour les grandes banques
Situation des marchés
Brèves
Conjoncture
L’inflation et sa composante sous-jacente baissent sur un an
Selon la publication du Bureau of Labor Statistics (BLS), l’indice des prix à la consommation (IPC) et sa composante sous-jacente (hors énergie et alimentation) ont augmenté tous deux de +0,3 % en avril (après +0,4 %). Les attentes étaient à respectivement +0,4 % et +0,3 %. Les prix de l’énergie ont augmenté de +1,1 %, au même rythme qu’en mars et les prix de l’alimentation ont marqué le pas à +0,0 % (après +0,1 %).
Sur douze mois glissants, l’inflation a baissé à +3,4 % (après +3,5 %) et sa composante sous-jacente à +3,6 % (après 3,8 %). Les prix de l’énergie ont augmenté à +2,6 % (après +2,1 %) et les prix de l’alimentation ont augmenté de +2,2 % au même rythme qu’en mars.
Selon une enquête de la Fed de New York, publiée le 13 mai, les anticipations d’inflation ont augmenté en avril à horizon un an, à +3,3 % (après +3,0 %) et cinq ans, à +2,8 % (après +2,6 %) mais ont baissé à horizon trois ans, à +2,8 % (après +2,9 %).
Les ventes au détail stagnent
Selon les données du Census Bureau, les ventes au détail ont marqué le pas en avril à +0,0 %, après +0,6 % en mars (révisé de ‑0,1 point par rapport à l’estimation précédente). Elles sont en dessous des attentes à +0,4 %. Les ventes ont augmenté dans les stations essence (+3,1 %), mais ont baissé pour les ventes en ligne (-1,2 %) et les ventes automobiles (‑0,8 %).
Sur douze mois glissants, les ventes au détail ont progressé de +3,0 % (après +3,8 %), tirées par les ventes en ligne (+7,5 %), celles des magasins de détail divers (+6,8 %) et les bars et restaurants (+5,5 %), partiellement compensées par une baisse des ventes de meubles (-8,4 %).
L’endettement des ménages et les taux de défaillance continuent d’augmenter
Selon les données trimestrielles publiées par la Fed de New York, l’endettement des ménages a progressé de +1,1 % au T1 2024, portant son niveau total à 17 690 Md USD (+184 Md USD par rapport au T4 2023). Cette progression est tirée par les crédits immobiliers (+190 Md USD) et partiellement compensée par une baisse de la dette de cartes de crédit (-14 Md USD).
Fin mars 2024, les défaillances concernent 3,2 % du stock de dette (+0,1 point par rapport au T4 2023 mais -1,5 point par rapport au T4 2019). Les défaillances ont augmenté pour toutes les catégories de crédit. Il convient de noter que conformément à la consigne du département de l’Éducation, les défaillances des prêts étudiants ne sont pas signalées aux agences d’évaluation du crédit pendant 12 mois à compter de la reprise du remboursement (septembre 2023). Sur l’année écoulée, 8,9 % des encours de cartes de crédit et 7,9 % des prêts automobiles sont entrés en défaillance.
Politiques Macroéconomiques
La Chambre des représentants avance sur le budget 2025
Tom Cole (R-Oklahoma), président de la commission des appropriations de la Chambre des représentants, a publié le 16 mai le calendrier d’élaboration du budget annuel 2025 et la répartition des enveloppes budgétaires.
Le budget 2025 s’élèverait ainsi à 1 605,9 Md USD dont 895,2 Md USD de dépenses militaires et 710,7 Md USD de dépenses non-militaires, en ligne avec le plafond prévu par Fiscal Responsibility Act voté en juin 2023.
Pour mémoire, le Congrès doit adopter le budget annuel avant le 1er octobre, date de nouvel exercice budgétaire. Faute de budget annuel, l’État fédéral risque un arrêt des activités non-essentielles (shutdown).
Les membres de la Fed souhaiteraient maintenir les taux élevés plus longtemps
Jerome Powell, président de la Fed, a indiqué le 14 mai que l’inflation avait surpris à la hausse mais restait sur une trajectoire de baisse, ce qui permettait d’écarter l’hypothèse d’une hausse des taux de la Fed. D’autres membres de la Fed (Jeffrey Schmid – Président de la Fed de Kansas City, Nell Kashkari – Président de la Fed de Minneapolis et Loretta Mester – Présidente de la Fed de Cleveland) ont partagé la position de J. Powell. Ils ont notamment souligné la nécessité de maintenir les taux élevés plus longtemps (« higher for longer ») les progrès dans la baisse de l’inflation ayant marqué le pas début 2024. Michelle Bowman, gouverneure de la Fed, a même laissé entendre qu’elle n’envisageait pas de baisse des taux en 2024. Certains membres (Austan Goolsbee – Président de la Fed de Chicago - et John Williams – Président de la Fed de New York) ont salué la baisse de l’inflation en avril, tout en appelant à rester vigilant.
Avec les publications des chiffres en-deçà des attentes, les marchés anticipent désormais deux baisses de 25 points de base des taux directeurs tandis qu’ils n’envisageaient qu’une baisse au lendemain de la dernière réunion du Comité de politique monétaire de la Fed (FOMC), qui s’est tenue les 30 avril et 1er mai.
Services Financiers
Le Congrès auditionne les régulateurs bancaires sur la transposition de Bâle III et appelle à un changement de leadership de la FDIC
Les 15 les 16 mai, les Commissions des Services Financiers de la Chambre des représentants et du Sénat ont auditionné les régulateurs bancaires : la Fed, la FDIC (chargée de la garantie des dépôts) et l’OCC (régulateur des national banks).
Les principales discussions ont porté sur la transposition des accords de Bâle III, qui fait l’objet d’importantes controverses bipartisanes. Pour mémoire, la proposition mise en consultation par les trois régulateurs en juillet 2023 vise à durcir les exigences de capital pour les banques de plus de 100 Md USD d’actifs. Les responsables de la Fed, la FDIC et l’OCC ont indiqué qu’ils n’avaient pas encore statué sur la suite à donner aux commentaires du secteur bancaire reçus en janvier 2024, à savoir i) la poursuite des négociations sur le texte initial publié en juillet 2023 ou, si les modifications apportées étaient trop substantielles, ii) la publication d’une nouvelle proposition de règle. L’incertitude sur l’issue des discussions s’intensifie sous l’effet de la pression croissante d’élus des deux camps en faveur d’un changement de leadership de la FDIC, faisant suite à la publication d’un rapport sur les allégations de harcèlement sexuel et de problèmes de comportements survenus au sein de l’agence. Si son Président Martin Gruenberg venait à démissionner, la composition modifiée du conseil d’administration de la FDIC pourrait compromettre les négociations du texte avec un vote potentiellement bloqué à 2 voix contre 2. Pour l’heure, M. Gruenberg a présenté ses excuses aux équipes qui ont souffert de tels comportements, et a annoncé la création d’un bureau pour traiter la problématique du harcèlement et des discriminations au sein de la FDIC.
Michael Barr, vice-président de la Fed chargé de la supervision bancaire, a également rappelé les conclusions du rapport semi-annuel sur la supervision et la régulation publié par la Fed en mai 2024 qui souligne la résilience générale du système bancaire, avec un haut niveau de capitalisation et de liquidité des banques. Le rapport met cependant en évidence les risques liés aux activités de prêts à l’immobilier commercial (taux de défaillance à son plus haut niveau depuis 5 ans), les cartes de crédit et les prêts automobiles. Il a également signalé les priorités de travail de la Fed, avec i) la réforme en cours du système de supervision des banques régionales, qui fait suite aux faillites bancaires de mars 2023, ii) la proposition conjointe de la Fed, la FDIC et l’OCC de réhausser les exigences de dettes de long terme pour les banques de plus de 100 Md USD d’actifs, et iii) une meilleure utilisation de la discount window, principale facilité de refinancement de la Fed, pour améliorer la gestion du risque de liquidité des banques.
La Fed publie les résultats de son exercice d’analyse d’impact de scénarios climatiques pour les grandes banques
Le 9 mai, la Fed a publié les résultats de son exercice pilote d’analyse d’impacts de scénarios climatiques (Climate Scenario Analysis - CSA) pour les 6 plus grandes banques américaines pour l’année 2023.
Dans le cadre de cet exercice, JP Morgan, Bank of America, Citigroup, Wells Fargo, Goldman Sachs et Morgan Stanley ont détaillé les effets quantitatifs de différents scénarios simulés sur leurs portefeuilles de prêts immobiliers résidentiels et commerciaux. Deux risques ont été évalués : i) les risques physiques, par la modélisation de manière distincte des effets de deux catastrophes naturelles sur un horizon temporel d’une année, et ii) les risques de transition, par la modélisation des effets de deux scénarios d’évolution des politiques climatiques et du prix de l’émission de carbone sur une période de dix ans. Les banques ont par ailleurs répondu à des questions relatives à la gouvernance de ces risques.
Les résultats de l’analyse montrent notamment que les banques i) adoptent des approches de modélisation différentes en fonction de leur modèle d’affaires, de leur perception du risque et des données auxquelles elles ont accès, et ii) réutilisent des modèles de risques existants pour estimer les conséquences des scénarios étudiés, sans en ajuster les paramètres malgré les changements climatiques et les évolutions des fondamentaux économiques prévus par l’exercice. Les banques ont fait part de leurs difficultés de modélisation et de collecte des données nécessaires pour estimer leurs risques financiers liés au climat. Elles soulignent également l’importance du rôle des assureurs pour atténuer les risques du changement climatique sur les consommateurs, les entreprises et les banques, et appellent à une plus grande surveillance de l’évolution des tarifs appliqués par le secteur.
La Fed précise que les résultats de cette analyse sont de nature exploratoire (exploratory analysis), et ne seront pas utilisés pour calibrer les exigences de fonds propres des banques.
Situation des marchés
Au cours de la semaine écoulée (de vendredi à jeudi), l’indice S&P 500 a progressé de +1,37 %, à 5 302 points et les rendements des obligations souveraines américaines (Treasuries) à 2 ans et à 10 ans ont baissé, à 4,8 % (‑2 points de base) et 4,4 % (-8 points de base). Cette progression s’expliquerait par des données économiques (inflation, ventes au détail, indice de confiance, enquêtes industrielles...) en-deçà des attentes, alimentant l’espoir d’un assouplissement plus rapide de la politique monétaire.
Brèves
- Selon le rapport du BLS, l’indice des prix de production (IPP) a augmenté de +0,5 % en avril (après -0,1 % en mars), dépassant les attentes à +0,3 %. Les prix des services et des biens ont augmenté de +0,6 % et de +0,4 % respectivement. L’indice sous-jacent (hors énergie et alimentation) a augmenté de +0,4 % (après +0,0 %). Sur douze mois glissants, l’IPP a augmenté de +2,2 % et l’indice sous-jacent de + 1,6 %.
- L’indice de confiance des consommateurs, publié par l’Université du Michigan, baisse au mois de mai à 67,4 (après 77,2), soit le niveau le plus bas sur les six derniers mois. Selon le rapport, la baisse est significative pour tous les segments de consommateurs (tous les groupes d’âge, de revenu et de niveau d’éducation) et résulterait des inquiétudes liées à une évolution défavorable de l’inflation, du chômage et des taux d’intérêt.
- Le 13 mai, Securities and Exchange Commission (SEC), l’autorité des marchés financier, et le Financial Crimes Enforcement Network (FinCEN), l’organisme rattaché au Treasury chargé de la lutte contre la criminalité financière, ont conjointement publié une proposition de règle qui imposerait aux conseillers en investissement, qu’ils soient exemptés ou non d’un enregistrement à la SEC (Exempt Reporting Advisers – ERAs, Registered Investment Advisers – RIAs ), de mettre en œuvre des procédures d’identification de leur clientèle (Customer Identification Program – CIP) afin de renforcer leur cadre de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme (Anti Money Laundering and Countering the Financing of Terrorism – AML/CFT). La proposition est soumise à consultation publique pour 60 jours.
- Le 14 mai, la New York Community Bancorp (NYCB) a annoncé la vente de 5 Md USD de son portefeuille de prêts hypothécaires à JP Morgan Chase afin d’améliorer i) sa solvabilité, avec le renforcement de son ratio de fonds propres à 10,8 %, soit +65 points de base par rapport au T1 2024, ii) sa liquidité, en augmentant la part de ses instruments financiers liquides à 24 % du total de ses actifs contre 20 % au T1 2024 et iii) la composition de son bilan, en réduisant la part de ses prêts à 104 % du montant de ses dépôts, contre 110 % au du T1 2024. Cette opération intervient après des pertes importantes liées à l’immobilier commercial au T4 2023, compensées par de meilleurs résultats au T1 2024 (perte de –0,3 Md USD, contre ‑2,7 Md USD au T4 2023).
- Le 16 mai, la SEC a finalisé une modification de la Regulation S-P, qui établit les exigences applicables aux institutions financières en matière de cybersécurité. Sous la nouvelle règle, les broker-dealers (courtiers et institutions financières opérant pour compte propre) et les gestionnaires d’actifs, seront tenus i) de mettre en œuvre des procédures de détection et de réponse aux incidents de fraude impliquant les données personnelles de leurs clients et ii) d’informer sans délai (timely) les clients de toute violation de données personnelles les concernant. La règle renforce également les modalités de protection de ces données. La nouvelle règle entrera en vigueur 60 jours après sa publication au registre fédéral.