Le budget 2024 de la Jordanie
L’incertitude associée à l’instabilité régionale rend la prévision du budget 2024 délicate. Tandis que la croissance a été revue à la baisse par le FMI (2,4 % du PIB pour 2024 au lieu de 2,6 %), le nouveau budget – en ligne avec le mécanisme élargi de crédit - reste dans la stricte continuité des précédentes lois de finances. Pour la 4e année consécutive aucune augmentation d’impôts n’est prévue, bien que les recettes domestiques reposent toujours en grande partie sur les recettes fiscales, notamment l’impôt sur les biens et services. Le gouvernement anticipe, en revanche, une baisse de l’aide budgétaire en dons. Les dépenses publiques restent quant à elles dominées par les dépenses courantes.
Des recettes en hausse, largement portées par la poursuite de l’élargissement de l’assiette fiscale.
Les recettes devraient enregistrer une nette hausse de +12,7 % par rapport à l’exécution budgétaire 2023. Elles devraient s’élever à 10,3 Mds JOD (14,5 Mds USD) en 2024, soit 27 % du PIB. Avec 9,6 Mds JOD (13,5 Mds USD) prévus en 2024, les recettes domestiques, notamment, augmenteraient de +13,6 % par rapport à l’exécution budgétaire 2023. Elles seront composées à 70,4 % de recettes fiscales et à 22,6 % de recettes non fiscales, en hausse respectivement de +17 % et +3,7 % par rapport à l’exécution budgétaire de 2023.
Les recettes fiscales contribueraient à hauteur de 92 % à la croissance des recettes totales. Les recettes issues de l’impôt sur les biens et services (46,3 % des recettes totales) augmenteraient de +17,2 %, l’impôt sur le revenu et les sociétés, de +10,6 %, et les taxes foncières de +46,2 %. Pour autant, comme dans les trois budgets précédents, aucune hausse des taux des taxes et impôts n’est prévue en 2024, le gouvernement poursuivant uniquement sa stratégie d’élargissement de l’assiette fiscale en luttant contre la fraude et l’évasion.
En revanche, si le montant des dons prévu dans ce budget est en hausse de +1,4 % par rapport au montant perçu par la Jordanie l’année dernière, il a néanmoins été revu à la baisse (-10 %) par rapport aux prévisions de la LF 2023. Les recettes en dons s’élèveraient ainsi à 1 Md USD, soit 7 % des recettes totales (contre 7,8 % dans l’exécution budgétaire 2023). Pour 2024, la Jordanie anticipe des subventions à hauteur de 600 M JOD (846,3 M USD) de la part des Etats-Unis, de 45,4 M JOD (64 M USD) de l’Union européenne et de 46 M JOD (65 M USD) du Fonds du Golfe pour le développement.
Des prévisions de dépenses prudentes et structurellement similaires à celles des années passées.
La loi de finances 2024 prévoit une augmentation de +12,4 % des dépenses publiques par rapport à l’exécution budgétaire 2023. Comme pour les recettes, la structure des dépenses publiques reste inchangée avec une nette domination des dépenses courantes (86 %), lesquelles devraient augmenter de +10,5 % en 2024 par rapport à l’exécution budgétaire de 2023, pour atteindre 10,6 Mds JOD (15 Mds USD). Les recettes domestiques ne permettront pas de couvrir la totalité de ces dépenses courantes (90 %) en 2024.
Comme dans la LF 2023, 24 % des dépenses seront allouées à la fonction publique. Désormais deuxième poste de dépenses, les intérêts de la dette (2 Mds JOD soit 2,8 Mds USD), en hausse de +16,3 % par rapport aux réestimations de 2023, représentent 16 % du total des dépenses publiques. Parmi les autres postes de dépenses importants, on recense les pensions et rémunérations (14 %). Malgré le contexte actuel, la part des dépenses militaires et de sécurité et sûreté publique dans ce budget est en baisse, représentant respectivement 13 % et 12 % du total des dépenses (contre 14 % et 13 % dans la LF 2023). Les dépenses associées aux soins médicaux et aux engagements financiers antérieurs - bien que négligeables (1 % des dépenses dans les deux cas) sont respectivement en hausse de +28,7 % et +69,3 % en 2024, par rapport aux réestimations 2023. Enfin, les aides ponctuelles directes versées aux ménages les plus vulnérables par le National Aid Fund, augmentent légèrement et passent de 244 M JOD (344 M USD) en 2023 à 262 M JOD (370 M USD) en 2024.
En augmentation de +25,4 % par rapport à l’exécution budgétaire 2023, les dépenses en capital représentent 14 % du total des dépenses. Parmi les principaux nouveaux projets, figurent la création du hub médical Al-Hussein (8 M JOD soit 11,3 M USD), un projet de centre de commande et de contrôle porté par le ministère de l’intérieur (5 M JOD soit 7 M USD), un projet d’accroissement de la capacité de stockage des silos à grains à Ghabawi (3,5 M JOD soit 4,9 M USD) et un projet de recensement de la population (7 M JOD soit 9,9 M USD).
Un déficit qui se creuse mais des besoins de financement qui diminueraient.
La loi de finances 2024 prévoit un creusement du déficit, hors dons, qui passerait de -7,1 % du PIB en 2023 à -7,4 % du PIB en 2024. Le déficit, dons inclus, devrait ainsi passer de -5,1 % du PIB en 2023 à -5,4 % en 2024. Ces prévisions sont en ligne avec celles du FMI mais restent volatiles de par l’imprévisibilité de la conjoncture régionale actuelle.
Les besoins de financement de la Jordanie devraient cependant diminuer sensiblement (-11 %) pour s’établir à 7,4 Mds JOD (soit 10,4 Mds USD) en 2024, en raison notamment de l’amortissement de la dette (43,7 % du total) et des obligations en dollar, qui sont en baisse de -11 % et -58 % respectivement.