Washington Wall Street Watch n°2024-18
Réflexions hebdomadaires sur les principaux évènements financiers, institutionnels ou règlementaires, aux Etats-Unis.
Sommaire
Conjoncture
- Les créations d’emploi sont en dessous des estimations et le taux de chômage augmente
- Les conditions d’accès au crédit se sont durcies au premier trimestre
Services financiers
- La Fed propose d’étendre les horaires d’ouverture des systèmes de paiement pour les gros montants
- L’OCC, la FDIC, et la FHFA publient une proposition de règle visant à mieux encadrer la rémunération des dirigeants de certaines institutions financières
Situation des marchés
Brèves
Conjoncture
Les créations d’emploi sont en dessous des estimations et le taux de chômage augmente
Selon le rapport mensuel du Bureau of Labor Statistics (BLS) sur la situation du marché du travail, les créations d’emplois non agricoles ont augmenté de +175 000 en avril (après +315 000), en deçà des attentes à +240 000. Les créations concernent principalement le secteur de la santé et de l’assistance sociale (+87 000) et des transports et stockage (+21 8000).
Les créations ont été globalement revues à la baisse de -22 000 en cumulé pour les deux mois précédents. En février, elles ont été révisées de +270 000 à +236 000 et en mars de +303 000 à +315 000.
Le taux de chômage a augmenté à 3,9 % (après 3,8 %). Le taux d’activité est resté stable à 62,7 % et le taux d’emploi a légèrement diminué à 60,2 % (après 60,3 %).
Le salaire horaire a augmenté en glissement mensuel de +0,2 % (après +0,3 %), en deçà des attentes à +0,3 %. Sur un an la croissance du salaire horaire continue de baisser à +3,9 % (après +4,1 %), en dessous des attentes à +4,0 %.
Les conditions d’accès au crédit se sont durcies au premier trimestre
L’enquête de la Fed sur les conditions de crédit (Senior Loan Officer Opitnion Survey on Bank Lending Practices – SLOOS), publiée le 6 mai fait état d’un durcissement des conditions d’octroi du crédit et d’une baisse de la demande au T1 2024 pour les entreprises et les particuliers. Toutefois, la part des banques ayant répondu avoir resserré davantage les conditions de crédit a baissé par rapport au T4 2023. Globalement, les petites et moyennes banques indiquent avoir resserré les conditions de crédit, tandis que les grandes banques ne les ont pas changées.
Concernant les entreprises, les petites et moyennes banques ont durci les conditions requises pour le crédit à l’immobilier commercial et les prêts commerciaux et industriels (commercial and industrial – C&I) pour les entreprises de toute taille. Pour les prêts C&I, le durcissement concerne le montant maximum des lignes de crédit, le coût du crédit, le spread entre les taux des prêts et le coût de la ressource, et les primes pour les prêts risqués. Les raisons du durcissement avancées par les banques sont (i) les perspectives économiques plus incertaines, (ii) une plus grande aversion au risque et (ii) l’aggravation des problèmes spécifiques aux industries.
Concernant les ménages, la demande pour les crédits immobiliers non garantis par l’État a baissé et les conditions d’octroi par les petites et moyennes banques se sont durcies, tandis qu’elles se sont assouplies pour les grandes banques. Les banques ont durci les standards pour les cartes de crédit, notamment en augmentant les exigences de score de crédit minimum et baissant les limites de crédit. Les banques notent une baisse de la demande pour les prêts automobiles.
Services Financiers
La Fed propose d’étendre les horaires d’ouverture des systèmes de paiement pour les gros montants
Le 3 mai 2024 la Fed a publié une proposition de règle visant à étendre les horaires d’ouverture des principales infrastructures de paiement de montants élevés Fedwire Fund Service ("Fedwire") et National Settlement Service (NSS) aux jours de weekend et aux jours fériés afin d’assurer leur fonctionnement tous les jours de l’année.
Pour mémoire, les infrastructures de paiement sont « des rails » permettant de procéder effectivement au transfert de fonds entre établissements bancaires. On distingue les infrastructures de paiement de détail, qui traitent les paiements des particuliers et des entreprises, et les infrastructures de paiement de montants élevés (Large Value Payment System – LVPS), qui traitent les opérations interbancaires jusqu’à 10 Md USD liés à la politique monétaire, aux règlements d’opérations de marché interbancaires, et à certains paiements élevés et urgents de particuliers. Les LVPS opérés par la Fed incluent notamment Fedwire (1 000 000 Md USD en 2023), dont le mode de règlement est brut (transaction par transaction) et en temps réel, et NSS (26 000 Md USD en 2023), moins fréquemment utilisée, dont le mode de règlement est net (compensation multilatérale) et discontinu.
Sous la nouvelle règle, Fedwire et NSS, actuellement ouvertes 22h par jour ouvré (22x5x365), seraient également fonctionnelles les jours de week-end et les jours fériés dès 2027 (22x7x365). Cette proposition vise à i) améliorer la gestion de liquidité des acteurs, ii) réduire les délais de règlement pour les paiements transfrontaliers, et iii) renforcer le rôle du dollar américain comme devise principale des règlements internationaux.
La proposition est soumise à consultation publique pendant 60 jours après sa publication au registre fédéral.
L’OCC, la FDIC, et la FHFA publient une proposition de règle visant à mieux encadrer la rémunération des dirigeants de certaines institutions financières
La section 956 du Dodd Frank Act dispose que six agences de régulation financière (la Fed, la Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC) , l’Office of the comptroller of the currency (OCC) , la Securities & Exchange Commission (SEC) , la National credit union administration (NCUA), et la Federal Housing Finance Agency (FHFA) doivent adopter conjointement une règle ou des lignes directrices encadrant les rémunérations à la performance (incentive-based compensation) des cadres exécutifs et des employés des banques de dépôts, des organismes de crédit, de Fannie Mae et Freddie Mac. Les six agences avaient déjà formulé deux propositions en 2011 et en 2016 qui n’avaient pas été adoptées. La nouvelle proposition (notice of proposed rulemaking on incentive-based compensation arrangements), formulée uniquement par la FDIC, l’OCC, et la FHFA, actualise la proposition de 2016, notamment à la lumière des faillites bancaires du printemps 2023.
La règle définit trois seuils de taille d’actifs permettant de moduler l’application de la règle (1 à 50 Md USD, 50 à 250 Md USD et au-delà de 250 Md USD). Pour toutes les institutions, elle interdit les rémunérations qui inciteraient les employés concernés à une prise de risque inappropriée, en accordant des niveaux de rémunération disproportionnés au regard des missions exercées, ou en créant des risques de pertes pour l’institution. La règle prévoit six indicateurs permettant de définir ce qu’est une rémunération excessive, et trois principes à prendre en compte pour respecter un équilibre entre la prise de risque et la rémunération.
Pour les plus grosses institutions, la proposition requiert que le versement de 40 à 60% de la rémunération des cadres dirigeants (senior executive officer) ou des salariés en capacité de faire prendre des risques à leur institution ou parmi les mieux rémunérés (significant risk-takers) soit différée de 1 à 4 ans. La rémunération de ces deux catégories de salariés doit également pouvoir être ajustée à la baisse en cas de mauvaises performances, de problèmes de gestion des risques, de gouvernance ou de supervision. Enfin, l’institution doit pouvoir récupérer les rémunérations jusqu’à 7 ans après leur versement lorsque son bénéficiaire est à l’origine des dommages financiers ou réputationnels qu’elle a subis.
Les échanges se poursuivent entre les trois agences, la NCUA, la Fed et la SEC pour que l’encadrement couvre également les entités régulées par ces trois dernières. La règle n’entrera en vigueur qu’une fois qu’elle sera adoptée par les six agences visées à la section 956 du Dodd Frank Act.
Situation des marchés
Au cours de la semaine écoulée (de vendredi à jeudi), l’indice S&P 500 a progressé de +1,78 %, à 5 214 points. Les marchés ont considéré que les données du rapport sur l’emploi, en dessous des attentes, suggéraient un ralentissement du marché du travail rendant possible une baisse des taux d’intérêt par la Fed cette année.
Les rendements des obligations souveraines américaines (Treasuries) à 2 ans et à 10 ans ont baissé, à 4,8 % (‑8 points de base) et 4,5 % (-13 points de base).
Brèves
- Selon le rapport du Congressional Budget Office (CBO) publié le 8 mai, le Joint Committee on Taxation (JCT) estime que la prorogation des dispositions du Tax Cuts and Jobs Act (TCJA) qui doivent expirer fin 2025 augmenterait le déficit primaire de 3 300 Md USD, dont 467 Md USD de dépenses d’intérêts, par rapport au scénario de référence du CBO. Pour rappel, le TCJA adopté en 2017 est une mesure phare du mandat de Donald Trump. Ce dernier, candidat à l’élection présidentielle, s’est déjà exprimé en faveur de la reconduction des mesures arrivant à expiration en 2025.
- Le 9 mai, le Consumer Financial Protection Bureau (CFPB), l’agence de protection de consommateurs, a publié un rapport au sujet des difficultés que rencontrent les porteurs de cartes de crédit pour bénéficier de leurs programmes de récompense (reward), présentés sous la forme de cashback, de miles ou encore de points. Selon les auteurs, les termes vagues et parfois complexes de ces programmes conduisent à une sous-utilisation des avantages qu’ils offrent. Rohit Chopra, Président du CFPB, dénonce les méthodes d’affichage attrayantes des banques pour promouvoir leurs cartes de crédit auprès de leurs clients.
- Cleary Gottlieb, le cabinet d’avocat mandaté par le comité spécial du conseil d’administration de la Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC), a remis le 7 mai 2023 son rapport sur les allégations de harcèlement sexuel et de problèmes de comportements survenus au sein de la FDIC. Le rapport met notamment en évidence les cas de harcèlement et de discrimination et l’insuffisance de la réponse apportée par le management pour y remédier. Martin J. Gruenberg, président de la FDIC, a présenté ses excuses aux équipes qui ont souffert de tels comportements dont il assume la responsabilité en tant que Président, et s’est engagé à mettre en œuvre les recommandations du rapport. Patrick McHenry (R-N.C.), président de la commission des services financiers de la Chambre des représentants a appelé à un changement de leadership, alors que Maxime Waters (D-C.), leader démocrate de la commission, a renvoyé au conseil de la FDIC le soin de décider du départ ou non de son président.