L’électrification universelle reste un défi majeur en Afrique de l’Ouest, accentué par les besoins croissants en énergie de la région. Le Système d’Echanges d’Energie Electrique Ouest Africain doit y répondre. Si les récentes découvertures d’hydrocarbures pourraient permettre d’accélérer l’accès universel à l’électricité, l’Afrique de l’Ouest souhaite dans le même temps réduire sa dépendance aux énergies fossiles. Elle pourra pour ce faire jouir de son potentiel en énergies renouvelables.

 

1. L’accès à l’électricité est un défi pour l’Afrique de l’Ouest, encore dépendante des énergies fossiles

Un objectif d’électrification universelle encore lointain pour la plupart des pays 

En 2021, le taux d’accès à l’électricité était de 51,3% en moyenne dans les pays d’Afrique de l’Ouest, allant de 18,7% au Niger et 19% au Burkina Faso à 93,7% au Cap-Vert et 86,3% au Ghana, soit largement en deçà de la moyenne mondiale (91,4%) [Annexe 1]. En 2011, ce taux était de 37,1%, les pays ayant connu la plus forte progression durant la décennie étant le Liberia, la Guinée-Bissau et la Sierra Leone.

Des disparités géographiques s’observent au sein des pays, avec un taux d’accès à l’électricité en zone rurale largement inférieur à celui des zones urbaines.  Au Mali par exemple, alors que le taux d’accès était de 97% en zone urbaine en 2021, il ne s’élevait qu’à 18% en zone rurale [Annexe 2]. De fait, l’électrification rurale est une priorité des pays de la zone pour parvenir à leur objectif d’électrification universelle.

Des économies qui dépendent des énergies fossiles mais qui restent peu polluantes à l’échelle mondiale

En 2021, le gaz naturel était la première source de production d'électricité (42%) dans la CEDEAO, suivi par les produits pétroliers (37%) et l'hydroélectricité (19%) [Annexe 3]. Le solaire photovoltaïque représentait 1% de la production. Au Sénégal, les énergies fossiles, notamment le fioul lourd, représentaient 71% de la capacité totale installée du pays en 2022. Au Nigéria, 78% de l’électricité du réseau national provient du gaz naturel.

Malgré cette dépendance aux énergies fossiles, les pays de la zone restent des émetteurs de gaz à effet de serre (GES) modestes à l’échelle mondiale. Les pays de la CEDEAO ne représentent en effet que 1,8% des émissions mondiales de GES. Les économies d’Afrique de l’Ouest sont toutefois parmi les plus vulnérables au changement climatique et cherchent de fait à verdir leur mix énergétique conformément à l’Accord de Paris.

 

2. Des initiatives pour assurer un approvisionnement en électricité régulier, fiable et à faible coût

Au niveau régional, le West African Power Pool (WAPP) a été créé en 1999. Il regroupe tous les pays de la CEDEAO sauf le Cap-Vert et a pour ambition d’intégrer les réseaux électriques nationaux dans un marché régional unifié de l'électricité. Ce marché doit assurer un approvisionnement en électricité stable, fiable, plus écologique et à des coûts abordables en diminuant d’un tiers à un quart le coût moyen de production d'électricité. Le WAPP prévoit 36,4 Mds USD d’investissements dans le cadre du Plan Directeur de la CEDEAO pour le développement des Moyens Régionaux de Production et de Transport d'Energie Electrique 2019-2033.

Des infrastructures de production et de transport d’énergie électrique ont dans ce cadre déjà été réalisées, telles que la ligne entre Ferkéssedougou (Côte d’Ivoire) et Sikasso (Mali) en 2015 ou l’interconnexion de 200 km de ligne haute tension (HT) entre Ouagadougou (Burkina) et Bolgatanga (Ghana) en 2018, réalisée par les équipes d’Eiffage Energie Systèmes et financée par l’AFD, la BEI et la Banque Mondiale [Annexe 4]. D’autres projets sont en cours, dont « dorsale nord », financé par l’AFD, une ligne HT (330 kV) de 832km entre le Nigéria, le Niger, le Burkina Faso, le Togo et le Bénin ainsi qu’une ligne HT (225 kV) de 1 357 km pour connecter les réseaux nationaux de la Côte d’Ivoire, du Libéria, de la Sierra Leone et de la Guinée (CLSG).

Au niveau sous-régional, l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal (OMVS) portée par le Mali, la Mauritanie, le Sénégal et la Guinée, a construit trois centrales hydroélectriques au Mali. Le productible annuel moyen de l’OMVS est ainsi passé de 1150 à 1757 GWh. D’autres barrages pourraient voir le jour à Koukoutamba (Guinée) et Gourbassi (frontière sénégalo-malienne), avec des puissances installées de 300 MW et 18 MW. L’Organisation pour la Mise en Valeur du fleuve Gambie (OMVG) a démarré en 2017 le projet Energie qui doit renforcer l’intégration régionale en exploitant les ressources hydroélectriques des pays membres (Sénégal, Gambie, Guinée, Guinée-Bissau). Il comprend (i) la construction d’un réseau d’interconnexion de lignes HT (225kV) de 1 677 km reliant les réseaux électriques des Etats quasiment achevée et (ii) la construction par Vinci Construction d’un barrage hydroélectrique de 128 MW à Sambangalou, retardé dans sa réalisation. Les entreprises françaises (Vinci Énergies et Construction, Eiffage Énergie) participent largement à ces projets d’envergure.

 

3. Perspectives et défis pour le modèle énergétique en Afrique de l’Ouest : répondre à une demande exponentielle en énergie tout en prenant en compte les enjeux climatiques

Répondre à des besoins croissants en électricité : un défi majeur pour les années à venir

L’Afrique de l’Ouest est en tête des zones à forte augmentation de la consommation d’électricité à travers le monde, une tendance qui résulte des besoins d’électrification pour son développement et de sa croissance démographique (800 M d’habitants d’ici 2050 contre 447 M actuellement). Ainsi, la demande en énergie électrique de la CEDEAO qui était de 21,3 GW en 2022 contre 15,3 GW en 2018, devrait s’établir à 26,8 GW en 2025.

Les découvertes importantes de gaz et de pétrole dans plusieurs pays de l’UEMOA et les nouveaux projets d’infrastructures gazières pourraient améliorer la sécurité énergétique de l’Afrique de l’Ouest

Les découvertes substantielles de gisements pétro-gaziers dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest pourraient contribuer à améliorer l’accès des populations à l’électricité. Peuvent être citées les découvertes des gisements de Calao et de Baleine en Côte d’Ivoire, de Bir Allah en Mauritanie, de Sangomar au Sénégal ou encore de Kafra au Niger. Au Sénégal, le gaz de Yakaar-Téranga devrait venir alimenter quatre centrales électriques et ainsi contribuer à diminuer le prix de l’électricité, tandis que celui de Grand Tortue Ahmeyim (GTA) dans les eaux sénégalo-mauritaniennes, destiné à l’export, répond davantage à des prérogatives économiques que sociales. Le potentiel des réserves de gaz du Nigéria, principal producteur pétro-gazier d’Afrique sub-saharienne, est également suffisant pour assurer l’approvisionnement en électricité en Afrique de l’Ouest, à condition que de nouvelles centrales thermiques au gaz soient construites et que le gaz soit extrait en quantité suffisante. Ses réserves, encore sous-exploitées (production de gaz naturel de 40,4 Mds m3 en 2022), sont estimées à 5 848 Mds m3. Ces réserves de gaz ont motivé les projets du gazoduc sous-marin Nigéria-Maroc et du gazoduc Nigéria-Algérie (NIGAL) qui permettraient d’alimenter en gaz les pays de la région et l’Europe. Si le premier a des chances de s’accélérer en 2024 à la suite de la fin des études de faisabilité et d’ingénierie, le second semble plus que jamais compromis eu égard à la sortie du Mali, du Niger et du Burkina Faso de la CEDEAO.

Néanmoins, l'Afrique de l'Ouest doit aussi répondre au défi de la transition énergétique, et dispose pour cela d'un potentiel unique en matière d'énergie solaire et hydraulique qui reste à exploiter

La CEDEAO s’est fixée pour objectif d’atteindre 48% d’énergie renouvelable dans le mix électrique à l’horizon 2030, contre 20% en 2021, bien que l'électricité ne représente que 7% de sa consommation finale d'énergie. Les niveaux d’ensoleillement particulièrement élevés en Afrique de l’Ouest et notamment dans les zones septentrionales (Mali, Burkina Faso, Niger) peuvent permettent d’atteindre ces objectifs en exploitant le potentiel de l’énergie solaire, estimé à 37,5 GW. Cependant, l’Afrique de l’Ouest n’a pas encore pu tirer pleinement parti de la baisse des coûts des technologies photovoltaïques ni attirer des investissements pour un déploiement à grande échelle. En cause notamment, des entreprises nationales du secteur de l'énergie qui manquent de capacités techniques et financières et d'incitations de la part des Etats. Dans certains pays, elles demeurent peu enclines à étendre leur réseau d’énergie solaire et préfèrent s’appuyer sur les sources d’énergies conventionnelles qu'elles considèrent comme le choix le plus sûr. Les capacités hydroélectriques en Guinée, Côte d’Ivoire, Nigéria, Sierra Leone et au Libéria (potentiel estimé à 25 GW), sont quant à elles encore largement inexploitées.

Plusieurs initiatives sont toutefois à l’œuvre pour développer le solaire. En 2022, la Banque mondiale a approuvé un financement de 311 MUSD au titre de son projet régional d’intervention urgente dans le secteur de l’énergie solaire (RESPITE), qui seront utilisés au Libéria, en Sierra Leone, au Tchad et au Togo. Il comprend une subvention de 20 MUSD pour renforcer les capacités institutionnelles et techniques du WAPP. Le projet doit permettre d’augmenter la capacité d'énergies renouvelables connectées au réseau et de renforcer l'intégration régionale en finançant l'installation et l'exploitation de 106 MW d'énergie solaire photovoltaïque avec des systèmes de stockage par batterie, et l'expansion de 41 MW de capacité hydroélectrique. Au Nigéria le gouvernement recherche une solution de mini centrales hydrauliques pour exploiter le potentiel des bras du fleuve Niger.  

Au Sénégal, un partenariat pour une transition énergétique juste (JETP) a été conclu en 2023 avec plusieurs partenaires clefs dont la France, l’Allemagne, l’UE et le Canada, pour éviter que les récentes découvertes d’hydrocarbures et la stratégie du gas-to-power des autorités n’entravent le développement des énergies renouvelables. Dans ce cadre, le Sénégal, dont la part d’énergie renouvelable dans la capacité totale de production installée s’élève aujourd’hui à 30%, s’engage à porter ce taux à 40% à horizon 2030. Pour soutenir le pays, 2,5 Mds EUR de financement sous 3 à 5 ans devraient être mobilisés. La France s’est engagée à apporter 530 MEUR, répartis entre des garanties (250 MEUR) et des prêts concessionnels (280 MEUR).

Particularité dans la région, le Ghana prévoit la construction d’une centrale nucléaire d’ici 2030-2035 avec l’objectif de porter le taux de production d’électricité d’origine nucléaire à un tiers de son mix électrique d’ici 2050. D’ici décembre 2024, les autorités ghanéennes choisiront leur partenaire international qui construira et exploitera la centrale. La France est en lice avec EDF, qui pourrait y construire un réacteur EPR 1200 ou un réacteur SMR.

 

4. Opportunités pour les entreprises françaises

Bien que la France n’accorde plus depuis 2023 de garanties export pour la chaîne de valeur des hydrocarbures, sauf rares exceptions, ses entreprises restent actives dans le secteur. Au Sénégal, si l’exploitation des ressources offshores sera majoritairement assurée par les groupes pétroliers anglo-saxons (BP, Kosmos, Woodside), les entreprises françaises, principalement des grands groupes et ETI comme Eiffage Marine (brise-lames géant), Technip Energie (unité flottante de production, de stockage et de déchargement) ou Schlumberger (forages), réalisent plusieurs contrats de sous-traitance. Au Nigéria, la présence de Total Energies pour l’exploitation et plus généralement l’importance du secteur pétro-gazier continue d’offrir des opportunités de contrats de sous-traitance pour les entreprises de maintenance telles que Spie, Vinci Energie ou Ponticelli.

Les entreprises françaises peuvent également se positionner sur des projets d’énergies renouvelables pour accompagner les pays de la CEDEAO dans leur transition énergétique. Au Togo, Meridiam a remporté fin 2023 un contrat pour construire et exploiter la deuxième centrale solaire du pays. En Mauritanie, un prêt du Trésor de 30 à 40 MEUR devrait être accordé dans le cadre d’un projet d’hybridation des centrales thermiques réalisé par Ausar Energy, qui permettrait de coupler l’activité thermique avec une production d’énergie renouvelable. Au Sénégal, plusieurs FASEP ont financé des démonstrateurs de technologies solaires et Meridiam exploite en PPP 4 centrales solaires d’une capacité installée totale de 120 MW (49% de la puissance installée en solaire en 2022), alors que 3 PME françaises sont en train de finaliser la pose de 165 000 lampadaires solaires. Au Nigéria, des projets FASEP sont lancés par le Trésor dans l’Etat d’Oyo avec l’entreprise Fonroche pour l’éclairage solaire de zones agricoles ainsi que dans l’Etat d’Abia avec Schneider Electric pour l’installation de systèmes solaires off-grid.  Dans le domaine hydraulique OS Energie est présente en Côte d’Ivoire et prospecte le marché nigérian.

Au Sénégal, les financements apportés dans le cadre du JETP pourront bénéficier aux entreprises françaises, déjà très présentes dans le secteur de l’énergie renouvelable. Les projets de production d’énergies renouvelables, de stockage, d’extension et modernisation des réseaux électriques qui s’inscrivent dans le cadre du JETP sont ouverts aux financements export (prêts du Trésor et crédits-export) et de l’AFD.

***

Annexes dans le document pdf joint.