Réflexions hebdomadaires sur les principaux évènements financiers, institutionnels ou règlementaires, aux Etats-Unis.

 

Sommaire

Conjoncture

  • Les ventes au détail surprennent à la hausse
  • Le Beige Book décrit une économie qui se normalise

Politiques macroéconomiques

  • Le Speaker de la Chambre des représentants publie une contre-proposition d’aides internationales
  • La probabilité d’une baisse des taux directeurs en juin se réduit

Services financiers

  • Les résultats trimestriels des grandes banques sont tirés par les activités de marchés et d’investissement
  • Les sénateurs K. Gillibrand et C. Lummis ont publié une nouvelle de proposition de loi régulant les stablecoins

Situation des marchés

Brèves

 

Conjoncture

 

Les ventes au détail surprennent à la hausse

Selon les données du Census Bureau, les ventes au détail ont augmenté de +0,7 % en mars 2024 par rapport au mois précédent, au-delà des attentes à +0,3 % après une révision à la hausse des données du mois de février (de +0,6 % à +0,9 %). Les ventes sont tirées par les stations essence (+2,1 ), les détaillants divers (+2,1 %) et les ventes en ligne (+2,7 %). Cette hausse est partiellement compensée par une baisse des ventes d’articles de sport, musique et livres (-1,8 %), des appareils électroménagers (-1,2 %) et des ventes automobiles (‑0,7 %). Hors ventes automobiles, les ventes au détail croissent de +1,1 %.  

Sur douze mois glissants, les ventes au détail ont progressé de +4 % (après +2,1 %), tirée par les ventes de véhicules (+2,8 %), les ventes en ligne (+11,3 %), les détaillants divers (+6,1 %) et les services de restauration et débits de boisson (+6,5 %).

 

Le Beige Book décrit une économie qui se normalise

Le Beige Book publié le 17 avril, qui présente l’évolution économique dans les 12 districts régionaux de la Fed, dépeint une activité globalement en croissance depuis la dernière publication avec une normalisation qui se poursuit sur le marché du travail et l’inflation.

Dans l’ensemble, l’activité économique a légèrement progressé. En particulier, l’activité a repris dans les secteurs de la construction résidentielle et des services non financiers. Bien que l’activité progresse également dans les secteurs du tourisme et de l’automobile, l’ampleur demeure inégale selon les districts. Au contraire, l’activité manufacturière s’est contractée. La consommation des ménages demeure atone et les consommateurs sont plus sensibles aux prix. Les entreprises interrogées signalent un optimisme prudent. 

Les tensions sur le marché du travail continuent de s’apaiser avec une augmentation des travailleurs disponibles. En revanche, les entreprises soulignent des difficultés à trouver les travailleurs dont les qualifications correspondent aux tâches, notamment les mécaniciens, les ouvriers qualifiés et les employés de l’hôtellerie et de la restauration. Les entreprises interrogées anticipent une poursuite du rééquilibrage entre l’offre et la demande ainsi qu’une modération des gains de salaires.

Les prix ont augmenté modérément, au même rythme que sur la période précédente. Les entreprises anticipent une désinflation continue, même si des risques de résurgence à court terme sont soulignés, en particulier pour l’industrie manufacturière.

 

Politiques Macroéconomiques

 

Le Speaker de la Chambre des représentants publie une contre-proposition d’aides internationales

Le Speaker de la Chambre des représentants, Mike Johnson (R-Louisiane), a dévoilé une contre-proposition d’aides internationales. Celle-ci prévoit de scinder en quatre textes la version adoptée de façon bipartisane au Sénat le 13 février : un paquet Ukraine de 60,8 Md USD, un paquet Moyen-Orient (Israël) de 26,4 Md USD et un paquet Indopacifique (Taïwan) de 8,1 Md USD ainsi qu’un dernier paquetregroupant de nombreuses mesures comme l’autorisation de la confiscation des avoirs russes par le Président américain (REPO for Ukrainian Act), un projet de loi visant une vente forcée de TikTok US par ByteDance et des sanctions contre l’Iran.

Dans le paquet d’aides à l’Ukraine, 23,2 Md USD seront dédiés à reconstituer les armes et les équipements militaires déjà envoyés à l’Ukraine et la loi vise également à renforcer le contrôle de l’utilisation des dépenses et son audit par les États-Unis.

Le Speaker a indiqué souhaiter mettre au vote l’ensemble des textes le samedi 20 avril, ce qui laisserait 72 heures d’examen aux élus. Toutefois, certains Représentants républicains comme Marjorie Greene (R-Géorgie) et Thomas Massie (R-Kentucky) ont exprimé leur mécontentement et menacent de destituer le Speaker en initiant une motion de censure (motion de vacate).

 

La probabilité d’une baisse des taux directeurs en juin se réduit

Lors d’une interview sur CNBC le 16 avril, le président de la Fed, Jerome Powell, a signalé une absence de progrès dans le processus de désinflation en 2024, ce qui plaiderait pour un maintien des taux élevés dans la durée (higher for longer) et donc le report de toute baisse des taux directeurs par rapport aux anticipations initiales. Toutefois, selon lui, le niveau actuel des taux directeurs demeurerait approprié pour juguler l’inflation, écartant ainsi l’hypothèse d’une nouvelle hausse.

L’intervention de J. Powell intervient dans un contexte où un nombre croissant de responsables se montrent réticents à une baisse imminente des taux directeurs. Le vice-président de la Fed, Philip Jefferson a réaffirmé le besoin de garder les taux aux niveaux actuels si l’inflation demeurait persistante. Cette position est partagée par d’autres responsables comme John Williams, président de la Fed de New York, et Loretta Mester, présidente de la Fed de Cleveland. Le président de la Fed de Minneapolis, Neel Kashkari, et le président de la Fed d’Atlanta, Raphael Bostic, ont indiqué que les taux pourraient ne pas baisser en 2024 alors que la projection trimestrielle de la Fed de mars 2024 esquissait trois baisses de 25 points de base. Michelle Bowman, gouverneure de la Fed, a même évoqué le 5 avril la possibilité d’une hausse de 25 points de base. De même, J. Williams n’a pas écarté cette possibilité lors de son intervention du 17 avril.

Au cours des trois premiers mois de 2024, l’inflation a surpris à la hausse et l’économie américaine est restée vigoureuse avec un marché du travail et des ventes au détail dynamiques. Les marchés anticipent, à la date du 18 avril, deux baisses de 25 points de base en 2024, en septembre et en décembre.

 

Services Financiers

 

Les résultats trimestriels des grandes banques sont tirés par les activités de marchés et d’investissement  

Les huit plus grandes banques américaines ont publié leurs résultats pour le premier trimestre 2024.

Les effets du resserrement monétaire continuent de se faire sentir sur leurs marges nettes d’intérêts (MNI), la hausse de la rémunération des dépôts faisant plus que compenser celle de leurs actifs. Les banques disposant d’une activité de détail subissent ainsi une baisse de leur MNI sur un trimestre (-4 % pour JP Morgan et Wells Fargo) et sur un an (-8 % pour Wells Fargo ; ‑3 % sur Bank of America). Les banques d’investissement subissent également une érosion de leurs marges nettes d’intérêts sur un an (-10 % pour Goldman Sachs ; -23 % pour Morgan Stanley).

En revanche, les revenus issus des activités de banque d’investissement (émission de dettes et d’actions principalement) et de marchés (trading et tenue de marché) sont orientés à la hausse sur un trimestre pour les grandes banques généralistes (+30 % pour JP Morgan ; +12 % pour Wells Fargo et +8 % pour Bank of America) comme pour les banques d’investissement (+26 % pour Goldman Sachs ; +42 % pour Morgan Stanley). Les commissions sont également en hausse sur un an (+7 % pour JP Morgan ; +17 % pour Wells Fargo ; +21 % pour Goldman Sachs et +10 % pour Morgan Stanley).

La bonne tenue des dépenses et la baisse des provisions pour risque de crédit, combinées à la hausse des revenus issus des activités de marché et de banque d’investissement se traduisent ainsi par une hausse des résultats nets sur un trimestre. En revanche, sur un an, les évolutions des résultats nets sont plus disparates. La hausse des charges et celle du coût du risque (+42 % pour Bank of America ; +20 % pour Citi) auxquelles s’ajoute la contraction de la marge nette d’intérêts font baisser le résultat net de Bank of America (-18 %), Citi (-27 %) et Wells Fargo (‑7%), alors qu’il progresse pour les banques d’investissements (+28 % pour Goldman Sachs et +14 % pour Morgan Stanley).

S’agissant plus spécifiquement du coût du risque, les provisions pour pertes de crédit de Bank of America augmentent de +42 % sur un an. L’encours de carte de crédits en défaut depuis plus de 30 jours augmente de +46 % et celui en défaut depuis plus de 90 jours augmente de +57 % sur un an. L’encours de prêts non performants de Wells Fargo au secteur de l’immobilier commercial est multiplié par près de 4 en un an.

En Md USD

JP Morgan

Bank of America

Citi

Produit net bancaire

41,9

(+9%)

25,8

(-2%)

21,1

(-2%)

Résultat net

13,4

(+6%)

6,7

(-18%)

3,4

(-27%)

En Md USD

Wells Fargo

Goldman Sachs

Morgan Stanley

 

Produit net bancaire

20,9

(+1%)

14,2

(+16%)

15,1

(+4%)

 

Résultat net

4,6

(-7%)

4,1

(+28%)

3,4

(+14%)

 

               

Source : Bloomberg et états financiers trimestriels. Entre parenthèses, variation par rapport au T1 2023.

Si les CEO des banques se montrent optimistes sur la reprise de leurs activités de marchés et d’investissements, Jamie Dimon, CEO de JP Morgan, a une nouvelle fois alerté sur la montée des risques géopolitiques, la persistance de l’inflation aux États-Unis et les pleins effets du resserrement monétaire sur la contraction des marges nettes d’intérêts.

 

Les sénateurs K. Gillibrand et C. Lummis ont publié une nouvelle de proposition de loi régulant les stablecoins

Les sénateurs Kristen Gillibrand (D- New York), membre de la commission de l’agriculture et Cynthia Lummis (R- Wyoming), membre de la commission des affaires bancaires, ont publié une proposition de loi bipartisane le 17 avril , le Lummis-Gillibrand Payment Stablecoin Act, créant un cadre de régulation pour les stablecoins. Ces deux sénateurs avaient introduit une première proposition de loi en juin 2022, le Responsible Financial Innovation Act visant à créer une régulation de l’ensemble des cryptoactifs, dont les stablecoins, modifiée en juillet 2023 pour tenir compte de la faillite de la plateforme d’échange de cryptoactifs FTX. Cette fois, la proposition se concentre uniquement sur le cadre de régulation des stablecoins.

La proposition limite l’émission de stablecoins (i) aux filiales de banques créées exclusivement à cet effet et (ii) aux organisations non bancaires (sous un plafond d’émission de 10 Md USD) qui dans les deux cas doivent soumettre une demande d’autorisation au régulateur bancaire de l’État ou au Comptroller of the Currency et s’enregistrer auprès de la Fed.

Les stablecoins algorithmiques sont interdits, et les stablecoins ne peuvent être adossés qu’à des dépôts assurés en dollars, Treasuries ou accords de Repo garantis par des Treasuries de maturité inférieure à un an. La proposition prévoit des garanties en termes de conservation et de ségrégation des actifs, des exigences de capital et de liquidité et des obligations de publications régulières notamment sur les réserves. La proposition crée enfin un régime de résolutions sous l’autorité de la Federal Deposit Insurance Corporation.

Cette proposition s’inscrit dans une dynamique favorable à l’avancée des débats au Congrès sur la régulation des stablecoins. Patrick McHenry (R-Caroline du Nord), président de la commission des services financiers de la Chambre des Représentants, qui avait présenté une proposition de régulation des stablecoins en juillet 2023, et Maxime Waters (D-Californie), la cheffe de l’opposition démocrate au sein de la commission qui s’y était opposée, ont indiqué être proches d’un accord et se sont entretenus avec le leader démocrate au Sénat Chuck Schumer (D-New York) à ce sujet. Le président de la commission des affaires bancaires du Sénat, Sherrod Brown (D- Ohio), s’est dit ouvert à avancer sur le sujet, dans le cadre d’un texte qui comprendrait également des dispositions relatives à l’accès de l’industrie du cannabis au secteur financier et des sanctions contre les dirigeants de banques défaillantes, à condition d’obtenir des garanties suffisantes en matière de financement des activités illicites.

 

Situation des marchés

 

Au cours de la semaine écoulée (de vendredi à jeudi) :

  • l’indice S&P 500 a reculé de -3,1 %, à 5  011 points ;
  • les rendements des obligations souveraines américaines (Treasuries) à 2 ans et 10 ans ont augmenté à respectivement 5 % (+3 points de base) et 4,64 % (+6 points de base) ;
  • le taux d’intérêt moyen sur les prêts hypothécaires à 30 ans (Freddie Mac 30) a atteint son plus haut niveau depuis décembre 2023 à 7,1 % (+22 points de base cette semaine).

Le dynamisme de l’économie américaine (ventes au détail) conjuguée à des discours des responsables de la Fed plus prudents et réticents à une baisse des taux imminente a été le facteur déterminant des mouvements sur les marchés cette semaine. Sur le marché des actions, les tensions croissantes au Moyen-Orient, notamment entre l’Iran et Israël ont participé à la baisse de l’indice S&P 500.

 

Brèves

 

  • Le Government Accountability Office (GAO) a publié le 16 avril une étude selon laquelle les pertes fiscales liées aux fraudes sont estimées entre 233 Md USD et 521 Md USD par an. Le GAO préconise un travail conjoint entre l’Office of Management and Budget, organe de la Maison-Blanche chargé de la gestion budgétaire, et les agences fédérales, notamment le Treasury.
  • Le département de l’Éducation a soumis à consultation publique un projet d’annulation de dettes étudiantes annoncé par la Maison-Blanche le 8 avril. L’annulation est plus ciblée que la version initiale de l’administration invalidée par la Cour suprême le 30 juin 2023. En parallèle, le Président Biden a également annoncé une annulation de 7,4 Md USD de dettes étudiantes pour 277 000 emprunteurs. En cumulé, l’administration Biden a allégé ou annulé la dette de 4,3 M de personnes pour un montant total de 153 Md USD.
  • Tim Scott, chef de file des Républicains à la commission des affaires bancaires du Sénat, a déposé le 17 avril une résolution visant à annuler la règle de la Securities and Exchange Commission (SEC – l’autorité des marchés financiers) imposant des obligations de transparence climatique aux sociétés cotées. La résolution, soutenue par une trentaine d’élus Républicains et par le sénateur démocrate Joe Manchin (D – Virginie Occidentale), sera soumise au vote du Sénat avant d’être, le cas échéant, examinée à la Chambre des représentants.