Ces dernières années, l'intérêt mondial pour les ressources minières s’est accru et le secteur minier nigérian attire l'attention des investisseurs nationaux et internationaux. Le secteur demeure néanmoins sous développé. En 2022, il ne représentait que 0,85 % du PIB contre 5 % dans les années 1960. Ainsi, l’administration Buhari a entrepris une série de réformes pour restructurer et redynamiser l’industrie.

Le secteur minier au Nigéria

 

Ces dernières années, l'intérêt mondial pour les ressources minières s’est accru et le secteur minier nigérian attire l'attention des investisseurs nationaux et internationaux. Le secteur demeure néanmoins sous développé. En 2022, il ne représentait que 0,85 % du PIB contre 5 % dans les années 1960. Ainsi, l’administration Buhari a entrepris une série de réformes pour restructurer et redynamiser l’industrie.

Un secteur prometteur au potentiel inexploité

Le Nigéria est riche en ressources minières, le pays compte 44 minéraux solides. Néanmoins, ces derniers sont sous-exploités et l’exploitation se fait souvent de manière illégale, non réglementée et à petite échelle, quasi artisanale. La production en 2021 était de 89,48 Mt contre 54,5 Mt en 2019[i]. Les ressources minérales du Nigéria se divisent en cinq groupes : les minéraux industriels, minéraux énergétiques, minéraux métalliques, minéraux de construction et les pierres précieuses (Annexe 1).

Dans les années 1960 et 1970, le secteur minier était important pour l’économie, contribuant à hauteur de 4 à 5 % au PIB. Avec la découverte du pétrole, l’extraction minière a été délaissée. En 2022, le secteur minier n’a généré que 0,85 % du PIB, soit 4 Md USD[ii]. A titre de comparaison il a, la même année, représenté 7,6 % du PIB au Ghana et 22,6 % en RDC.

Avec plus de 3 Md de tonnes de réserves, le Nigéria détient le deuxième plus grand gisement de minerai de fer d’Afrique et le douzième au monde. Paradoxalement, le pays importe plus de 4 Md USD d'acier par an. Les réserves en charbon sont également estimées à 2,75 Md t. Le potentiel du secteur minier reste donc inexploité (Annexe 2). A noter que la filière calcaire se démarque : des groupes tels que Dangote Cement, BUA et Lafarge soutiennent une chaîne de valeur solide qui permet de répondre à la demande locale et d’exporter vers d’autres pays du continent. Bien que sous-exploité, le secteur demeure morcelé. En 2021, la Nigerian Extractive Industry Initiative (NEITI) recensait 1214 entreprises y opérant.

La croissance constante du secteur ces cinq dernières années, passant de 0,2 % du PIB en 2018 à 0,85 % en 2022 (Annexe 3), témoigne néanmoins d’un regain d’intérêt. Dans le cadre du National Development Plan 2021-2025, le ministère des Mines estimait qu’avec des investissements appropriés, le secteur pouvait, en 2025, atteindre 3 % du PIB et employer 3 M de personnes contre 130 000 en 2020.

Le gouvernement nigérian met en place des réformes pour redynamiser le secteur.

Bien que sous-développé, le secteur attire des investissements domestiques et étrangers et a le potentiel pour devenir une source de revenus importante pour le pays. Pour ce faire, le gouvernement met en place des mesures pour améliorer la réglementation et la transparence du secteur. Dès 2016, le Président Buhari fait adopter la Mining Roadmap, destinée à faire du secteur minier un moteur de croissance, contribuant à l’emploi, aux recettes de l’Etat et à la constitution de réserves de changes. Sept filières prioritaires ont été désignées : l’or, le plomb/zinc, le charbon, le bitume, le fer, le calcaire et la baryte. Au terme des deux mandats de Muhammadu Buhari, les résultats sont mitigés.

Avant la fin de son mandat, ce dernier a soumis à l’Assemblée nationale une actualisation de la loi régulant le secteur minier, le Minerals and Mining Act de 2007, afin de créer un environnement favorable aux investissements. La loi amendée, la Nigerian Minerals & Mining Bill 2023, doit permettre de clarifier la propriété des ressources minérales, de définir les catégories de permis miniers, d’établir un régime fiscal, de contrôler l’impact sur l’environnement et d’offrir des incitations fiscales aux investisseurs (Annexe 4). A ce jour, la loi n’a pas été adoptée par l’Assemblée. L’absence de nouvelle législation ne freine pas pour autant les demandes de nouvelles licences des acteurs du secteur. Le nombre de licence d’exploration accordées par l’Etat est passé de 516 en 2020 à 3665 en 2024. Le rapport de la NEITI ne fait d’ailleurs pas état d’irrégularité manifeste dans leur attribution. Néanmoins, il recommande au gouvernement d’accroître son soutien aux activités d’exploration des entreprises en investissant dans des techniques géochimiques et géophysiques avancées qui améliorent la précision et l’efficacité des explorations. Il lui recommande aussi d’encourager et de mieux contrôler les Exploration License, Mining Lease et Quarry Lease afin d’assurer un développement durable du secteur, décourager les spéculateurs et appliquer le principe ‘use it or lose it’[iii].

Ces réformes s'inscrivent dans une démarche plus large visant à moderniser le secteur minier. Ainsi, plusieurs initiatives ont été mises en place pour digitaliser l’industrie. Parmi les mesures clés figurent la mise en place d'une plateforme électronique pour la délivrance des permis miniers, la numérisation des procédures de paiement des redevances minières, et la création d'une base de données géologiques pour faciliter l'exploration et la gestion des ressources[iv].

La filière aurifère a connu les avancées les plus significatives. Des mesures[v] ont certes été mises en place par l’administration mais c’est surtout la construction d’une usine d’extraction et de transformation par le canadien Thor Exploration dans l’Etat d’Osun qui a soutenu son développement. Il s'agit du premier site d’exploitation d'or à grande échelle du Nigeria. L’usine de Segilola est opérationnelle et exporte depuis 2021. En 2022, elle a produit 98 000 onces d’or.

En 2020, le gouvernement fédéral a approuvé une politique nationale sur la production locale de bitume. Le pays en détient 42,5 Mdt, faisant du Nigéria la 6ème réserve mondiale. Ces réserves sont néanmoins inexploitées. Le Nigéria importait 36 Mt de bitume en 2021. En 2022, le gouvernement fédéral a annoncé la mise en concession des réserves nationales de bitume pour commencer leur exploitation mais aucune annonce n’a été faite sur l’attribution des concessions.

La filière est relativement organisée avec trois structures principales indépendantes de représentation des acteurs, telles que la Nigerian Society of Mining Engineers (NSME), la Nigerian Mining and Geosciences Society (NMGS) et la Miners Association of Nigeria. Il existe également une multitude d’agences publiques (Annexe 5) sous-tutelle du ministère des Mines, notamment le COMEG, organisme de régulation.

Présence des entreprises françaises, opportunités et freins à leur implantation

Les entreprises françaises peuvent bénéficier des réformes entreprises en participant à des projets d'exploration, d'exploitation et de traitement des minéraux. Le Nigéria s’est engagé à atteindre le zéro net d’émission carbone d’ici 2060 et les acteurs du secteur (Annexe 6 et 7) auront pour cela besoin de mener des projets à faible impact environnemental. L’expertise des entreprises françaises, qui mettent l'accent sur la responsabilité sociale et environnementale pourraient constituer un atout.

Malgré ces opportunités, aucun des principaux groupes miniers français (Eramet, Imerys, Vicat…) n’est encore présent au Nigéria, découragés par l’environnement des affaires et la situation sécuritaire. Le déficit d’infrastructures de transport et de logistique complique également l'acheminement des matériaux et des équipements. L’entreprise française Rubis est néanmoins présente à travers sa filiale Ringardas, active dans l'importation, le stockage, la commercialisation et la distribution de bitume.

Si les entreprises françaises semblent pour l’instant frileuses, d’autres investisseurs étrangers et multilatéraux s’intéressent de plus en en plus au Nigéria. La Société financière africaine (AFC) et le Fonds de développement des minéraux solides du Nigeria (SMDF) ont signé un MOU pour des projets d’extraction de métaux rares et précieux. Des réserves conséquentes de lithium ont été découvertes à Kaduna et sept autres Etats. Tesla avait répondu à l’appel d’offre du gouvernement pour exploiter les ressources mais sa proposition a été rejetée par ce dernier car la compagnie ne s’intéressait qu’à l’extraction du minerai. Comme dans d’autres secteurs, le gouvernement a souhaité à travers la loi sur la chaîne de valeur minérale de 2021, développer le secteur minier en renforçant la chaîne de valeur locale et ainsi permettre au pays d’exporter des matériaux avec une plus grande valeur ajoutée. Le contrat a finalement été attribué à l’entreprise chinoise China’s Ming Xin Mineral Separation Nig Ltd (MXMS), qui extraira le matériau mais construira la première usine de transformation de lithium du pays. MXMS devrait également produire des batteries pour véhicules électriques dans le pays. Le gouvernement fédéral avait annoncé la mise en concession de l’usine d’acier d’Ajaokuta par deux entreprises publiques, l’Ajaokuta Steel Company (ASC) et la National Iron Ore Mining Company (NIOMC) dans l’Etat de Kogi. Ces procédures ont été suspendues par la cour de l’Etat de Kogi suite à des plaintes d’ONG pour non-respect du cadre juridique.

 

ANNEXES

Annexe 1 : Détail des groupes de minéraux trouvés au Nigéria

Groupes de minéraux

Minéraux

Zone géographique

Minéraux industriels

Barytine, kaolin, gypse, feldspath, calcaire

Est du pays

Minéraux énergétiques

Charbon, bitume, lignite, uranium

/

Minéraux métalliques

Or, cassitérite, colombite, minerai de fer, plomb-zinc, cuivre

Nord du pays

Minéraux de construction

Granit, gravier, latérite, sable

Sud du pays

Pierres précieuses

Saphir, tourmaline, émeraude, topaze, améthyste, grenat

/

 

Annexe 2 : Les 7 minéraux prioritaires de la Mining roadmap

 

Fer

Calcaire

Plomb/Zinc

Bitume

Baryte

Or

Charbon

Réserves

(estimations)

3 Md tonnes dans les Etats de Kogi, Enugu, Niger

10,6 Md tonnes dans 14 Etats

(6ème mondiale) 

10 M tonnes dans huit Etats

42,5 Md tonnes dans les Etats du Sud-Ouest

21 M tonnes (4ème réserve mondiale)

300 M d’onces dans le Nord du pays et l’Etat d’Ogun

2,8  Md tonnes dans 17 Etats

Extraction

Faible

Développée

Modérée

Inexistante

Faible

Modérée

Faible

Transformation

Faible

Développée

Faible

Faible

Faible

Faible

 

Demande locale

Acier importé,  ferraille locale

Ciment local

Importation pour les toitures et batteries

Asphalte importé

Baryte importé et local

Artisanat local et bijoux importé

Peu de débouchés locaux

Exportation

Non

Oui (ciment)

Oui (brut)

Non

Non

Faible, principalement informelle

Faible

Source : Nigerian Mining : Progress, but still a long way to go, Pwc, 2023

 

Annexe 3 : Part du secteur minier dans le PIB nigérian (en %)

Année Part dans le PIB
2018 0,18
2019 0,26
2020 0,43
2021 0,63
2022 0,85

Source : Nigerian Mining Sector Watch Report, KPMG, 2023

 

Annexe 4 : Réformes proposées du Nigerian Minerals and Mining Act 2007

  • Propriété des ressources minérales : la loi clarifie la propriété des ressources minérales, en stipulant que toutes les ressources minérales se trouvant sur le territoire nigérian, dans les eaux territoriales et dans le lit du sous-sol appartiennent au gouvernement fédéral.
  • Réglementation et administration : La loi établit un cadre réglementaire pour l'exploration et l'exploitation minières, créant ainsi un environnement propice aux investissements.
  • Permis miniers : Elle définit les différentes catégories de permis miniers, les procédures d'octroi de ces permis et les conditions auxquelles les titulaires de permis sont soumis.
  • Fiscalité minière : La loi établit un régime fiscal pour le secteur minier, y compris les redevances et les impôts à payer par les entreprises minières.
  • Participation communautaire : Elle encourage la participation des communautés locales dans les projets miniers en exigeant que les entreprises minières établissent des plans de développement communautaire et contribuent au bien-être des communautés hôtes.
  • Protection de l'environnement : La loi comporte des dispositions pour la protection de l'environnement, l'atténuation des impacts environnementaux et la restauration des sites miniers après leur exploitation.
  • Incitations à l'investissement : Elle offre diverses incitations pour attirer les investissements dans le secteur minier, notamment des incitations fiscales et des garanties pour les investisseurs.
  • Dispositions relatives à la santé et à la sécurité : La loi établit des normes de santé et de sécurité pour les opérations minières afin de protéger les travailleurs et l'environnement.
  • Arbitrage et règlement des litiges : Elle prévoit des mécanismes de règlement des litiges, y compris des dispositions pour l'arbitrage en cas de litiges entre les parties.

 

Annexe 5 : Agences publiques et parapubliques

Agence

Rôle

Council of Nigerian Mining Engineers and Geoscientist (COMEG)

 

Créé en 2000, le COMEG est l'organisme de régulation de tous les professionnels et entreprises du secteur des géosciences, de l'ingénierie minière et de la métallurgie au Nigeria. Le ministère des Mines et du Développement de l’acier est le ministère de tutelle de la COMEG.

Metallurgical Training Institute

 

L'Institut de formation métallurgique est un organisme parapublic dépendant du ministère fédéral des Mines et du Développement de l'acier. L'institut a pour mission de former les Nigérians dans le domaine de l'ingénierie de maintenance afin d'accélérer le développement technologique au Nigeria. L'institut a été créé en 1981 à la suite d'un accord bilatéral entre les gouvernements du Nigeria et de l'Allemagne.

National Metallurgical Development Centre (NMDC)

 

Créé en 1973, le National Metallurgical Development Centre de Jos est un établissement parapublic dépendant du ministère des Mines et du Développement de l’acier, chargé d'effectuer des travaux de recherche et de développement sur les minéraux solides, ainsi que sur les processus métallurgiques.

National Steel Raw Materials Exploration Agency (NSRMEA)

 

L'Agence nationale d'exploration des matières premières sidérurgiques (NSRMEA) est un centre d'information géoscientifique pour les investisseurs et les chercheurs dans le secteur des minéraux solides.

La NSRMEA a vu le jour en 1971 avec pour mandat d'effectuer la prospection de matières premières sidérurgiques dans toutes les régions du Nigeria pour l'industrie du fer et de l'acier, et d'établir une réserve de matières premières sidérurgiques pour le pays.

The Nigerian Geological Survey Agency (NGSA)

 

La Nigerian Geological Survey Agency est un organisme parapublic dépendant du Ministère des Mines et du Développement de l'acier. L'Agence a pour mission de fournir des informations géoscientifiques pour le développement du secteur au Nigéria.

Nigerian Institute of Mining and Geosciences (NIMG)

Situé à Jos, le NIMG est un institut de formation dépendant du ministère des Mines et du Développement de l'acier, qui forme la main-d'œuvre nécessaire à l'industrie minière émergente. Il dispense une formation de troisième cycle dans le domaine des mines et des géosciences.

Solid Minerals Development Fund (SMDF)

 

Le Fonds de développement des minéraux solides est un fonds souverain créé par le gouvernement du Nigeria pour stimuler et catalyser les investissements du secteur privé dans le secteur minier du Nigeria. Il fournit des financements tout au long du cycle de vie des projets miniers, y compris l'exploration, le développement et la production.

 

Annexe 6 : Production de minerais au Nigéria par entreprise en 2021

Entreprise

Tonnes produites en millions

Pourcentage de la production domestique

Dangote Cement Plc

28,8

37,8%

BUA Cement Plc

8,4

11%

Lafarge Plc

4,3

5,7%

Eberced Lmt

3,3

4,3%

Autre entreprises

31,5

41,2%

Source : Rapport NEITI, 2021

 

Annexe 7 : Principales entreprises exportatrices de minerais depuis le Nigéria en 2021

Entreprise

Part dans les exportations en valeur

Part dans les exportations en volume

First Patriot Ltd

44.26%

 

3.63 %

 

Sino Min-metals Co. Limited

6.81%

 

44.07 %

 

Synee Alumony Mining Limited

6.63 %

 

7.19 %

 

 

Venuz World-class Limited

5.96 %

 

0.24 %

 

Indviz Metals Limited

2.77 %

 

0.15 %

 

Malcomines Minor Metals Ltd

2.57 %

 

2.57 %

 

Anyang Kuangye Investment Ltd

 

2.18 %

 

0.39 %

 

Source : Rapport NEITI, 2021



[iv] Digitalisation des opérations du Bureau du cadastre minier (MCO) sur le web depuis le 1er novembre 2022 ; Mise en place un géoportail compilant des rapports géologiques

[v] Initiative PAGMI : l’initiative présidentielle de développement de l'exploitation minière artisanale de l'or est un projet de l'administration Buhari visant à recenser (grâce aux BVN et NIN), formaliser, former, équiper et financer les mineurs d'or artisanaux au Nigeria.