Toute l'actualité économique et financière hebdomadaire de l'Arabie Saoudite, du Bahreïn, des Emirats arabes unis, du Koweït, d'Oman, du Qatar et du Yémen.

Winner takes all, or win-win for all?

Ce mois-ci, Etihad Airways a déclaré avoir transporté 14 millions de passagers en 2023, soit une augmentation de 40 % par rapport à 2022, profitant d’un rebond important de l’économie touristique postpandémie.

Les recettes passagers de la compagnie aérienne aboudhabienne pour l'ensemble de l'année se sont élevées à 1,1 Mds $ quand son bénéfice net s'est établi à 143 M $. Le coefficient de remplissage du groupe a atteint 86 % en 2023, contre 82 % l'année précédente. La compagnie aérienne a ainsi vu son bilan renforcé en réduisant son ratio dette nette/EBITDA de 2,5x contre 5,0x en 2022, grâce à la forte augmentation de son cash-flow, des dépenses d’investissement contrôlées et la remise en service d’avions précédemment immobilisés. 15 nouvelles liaisons, notamment vers Lisbonne, Copenhague ou encore Osaka se sont rajoutées à un réseau totalisant 72 destinations mondiales.

Antonoaldo Neves, PDG d’Etihad Airways, indique dès lors se tenir prêt pour une introduction en bourse lorsque son actionnaire, le fonds souverain ADQ, estimera le moment venu de prendre son envol vers les marchés financiers. Pour soutenir cette ambition, il souhaite doubler la flotte et tripler le nombre de passagers d’ici 2030.

Sur le segment low-cost, FlyDubai, le partenaire d'Emirates, a enregistré un bénéfice record en 2023 de 572 M$, en augmentation de 75 % par rapport à 2022, ce qui constitue la meilleure performance jamais enregistrée par le transporteur. La compagnie a transporté 13,8 M de passagers à travers son réseau ; soit une augmentation de 31 % par rapport à 2022.

Le marché aérien du Golfe a assurément évolué ses dernières années. Avant la pandémie, l'aviation était largement dominée par Emirates, Qatar Airways et Etihad. Ces 3 faucons survolant un marché dynamique voient désormais de nouveaux concurrents émerger et le renforcement d’acteurs existants. Aux compagnies du CCEAG, notamment Gulf Air (Bahreïn), Kuwait Airways, Oman Air et Saudi Arabian Airlines (Saudia) s’ajoutent Air Arabia et Jazeera Airways, qui sont cotés. Le marché de l'aviation du CCEAG est aussi soutenu par le succès des transporteurs low-cost à l’instar de SalamAir ou encore Flynas. La concurrence accrue sur diverses liaisons les invite à améliorer leurs offres de services, leurs stratégies tarifaires et leur efficacité opérationnelle.

Sous les cieux cléments d’une région qui apparaît comme un îlot de prospérité dans un océan d’incertitudes, Riyadh Airlines, détenue par le Public Investment Fund et inaugurée en mars 2023 par le prince héritier de l’Arabie Saoudite, Mohammed ben Salmane, a commandé 72 Boeing 787-9 Dreamliners. Un carnet de commande ambitieux pour une compagnie qui entend relier l'Arabie saoudite à plus de 100 destinations d'ici 2030. Le Royaume espère en effet voir le nombre de passagers dans ses 29 aéroports progresser de 100 millions à 330 millions d'ici la fin de la décennie, dans le cadre de sa Vision 2030, où le tourisme doit contribuer à hauteur de 10 % au PIB. Le lancement de NEOM Airlines a été aussi annoncé pour 2024 par le Royaume.

Face à des journalistes qui soulevaient à l'Arabian Travel Market à Dubaï la perspective d'une concurrence accrue en raison de l'augmentation de la taille des compagnies aériennes régionales, le PDG de Qatar Airways s'est déclaré très enthousiaste face à la croissance de l'industrie aéronautique saoudienne notamment, tempérant ainsi la menace que la rivalité intrarégionale représenterait pour l’industrie.

Le sujet illustre pourtant bien une problématique de coordination intrinsèque à la rivalité des stratégies de diversification régionales. Courant après les mêmes avantages comparatifs, ces pays ciblent les mêmes secteurs d’activité et se retrouvent ainsi en compétition directe pour attirer des acteurs économiques, le tourisme et les talents, alors qu’ils forment dans leur ensemble un espace dont le PIB n’est guère plus important que 2.000 Mds USD.

Il faut espérer que le projet de visa de tourisme régional, les perspectives d’interconnexions, ferroviaires notamment, et plus généralement la mise en œuvre de projets commun permettant de dégager des synergies régionales, conjureront le risque d’une mauvaise allocation des investissements dans des activités n’atteignant pas à terme la taille critique. Entre un modèle winner-takes-all et win-win-for-all, la bande d’atterrissage paraît étroite.

  

Luidgy Gabriel Belair, Attaché macroéconomique et financier

 

Nombre de passagers transportés par les  principales compagnies aériennes du Golfe, en millions

Source : Rapports annuels des compagnies aériennes mentionnées   

 

Airlines

Pétrole et gaz

Brent : 29/03/2024 à 12h00 GST : 87,0 USD

Brent Crude

Le prix du baril de Brent continue à augmenter et atteint 87 USD le baril ce vendredi, poussé par des pressions géopolitiques sur l’offre et une reprise plus rapide que prévue de la demande.

La poursuite des restrictions volontaires annoncées début mars par l’OPEP+ continue de peser sur les prévisions d’offre pour le reste de l’année. Les tensions géopolitiques ne paraissent pas s’atténuer et continue de menacer l’approvisionnement en pétrole, avec l’attaque d’un tanker chinois par les rebelles Houthis ce dimanche et surtout la multiplication des frappes ukrainiennes sur les raffineries russes. Aux craintes sur l’offre s’ajoutent certains indices d’une hausse inattendue de la demande : les stocks d’US crude ayant augmenté de 9,3 millions de barils cette semaine alors qu’ils étaient attendus à la baisse, et le trafic maritime reprend plus rapidement que prévu.

Il est difficile d’attendre un relâchement des restriction OPEP+ ou une diminution des disruptions géopolitiques avant Juin 2024, et les prix du baril devraient continuer à monter dans les prochains mois. Une hausse continue du baril au-delà de 90 USD pourrait cependant pousser l’OPEP+ à reconsidérer sa politique de quotas pour récolter les dividendes des prix élevés et éviter d’éroder encore d’avantage sa part de marché, déjà bien entamée par l’intensification ces dernières années de la production des Etats-Unis, du Canada, du Brésil ou encore du Suriname.

Backward

Le marché à terme reflète le sentiment des investisseurs : après un début d’année timide, les achats se sont multipliés ces dernières semaines, triplant la position combinée sur les 6 plus importants contrats de pétrole à 641 millions de barils au 20 mars 2024. Les prix des contrats à terme du Brent ont monté significativement pour toutes les échéances par rapport à la semaine dernière (en jaune clair). Cette augmentation est cependant plus prononcée pour les échéances les plus courtes, et la structure du marché présente toujours une très forte « backwardation ». La conjonction d’une contraction de l’offre et d’une hausse de la demande est interprétée comme un phénomène ponctuel par les marchés qui prévoient un retour à la normale historique des prix du pétrole sur le long terme.

Leith PIC, Analyste macroéconomie et finance

Brèves économiques 

Péninsule Arabique

Le Programme de Développement Nations Unies a dévoilé son rapport 2023-2024 mesurant l'indice de développement humain (IDH) de 195 pays sur l'année 2022. Les Emirats Arabes Unis restent en tête des pays du CCG, décrochant une 17ème place avec un IDH très élevé de 0,937, entre le Canada et la Nouvelle-Zélande. Le Bahreïn à la 34ème place, le Qatar et l'Arabie Saoudite à la 40ème place, le Koweït à la 49ème place, et Oman à la 59ème place, conservent à peu près le même rang qu'en 2021. Pour le Qatar et le Koweït, le très fort écart entre leur rang en termes de PIB/habitant et celui en IDH (2ème et 40ème pour le premier, 13ème et 49ème pour le second), semble indiquer que les dividendes des hydrocarbures ne sont pas encore efficacement distribués pour améliorer le niveau de vie de la population, en particulier dans l'éducation. Le Yémen ferme la marche avec un IDH particulièrement faible à 0,424, le plaçant à la 186ème place, très loin des autres pays du Golfe qui sont tous regroupés parmi les pays dont l'IDH est "très élevé"

 

Arabie saoudite

Le taux de chômage global en Arabie saoudite est tombé à 4,4% au T4 2023, son plus bas niveau historique. Cela représente une baisse de 0,7 point de pourcentage (pp) en glissement trimestriel et de 0,4 pp en glissement annuel. Le taux de chômage des Saoudiens s’est élevé à 7,7%, en baisse de 0,9 pp en glissement trimestriel et par rapport au T3 2023 et de 0,3 pp en glissement annuel.

 

Bouygues Construction a commencé les premiers travaux d’excavation pour le Sharaan Resort à AlUla. La Commission Royale pour AlUla (RCU) a déclaré que l’entreprise française Bouygues Construction a commencé les premiers travaux d’excavation pour le Sharaan Resort. Conçu par l’architecte français Jean Nouvel, l’hôtel est situé au sein de la réserve naturelle Sharaan à AlUla et les chambres y seront taillées au sein de la paroi rocheuse. Ce contrat, estimé à 800 M USD, est pour l’instant le plus important attribué à AlUla. A noter que depuis 2018, et la signature de l’accord intergouvernemental, 250 contrats ont été remportés par plus de 180 acteurs publics et privés français à AlUla. La valeur totale de ces contrats s’élève à plus de 2 Md EUR, les principaux étant l’hôtel Sharaan ainsi que le tramway remporté par Alstom en octobre dernier.

 

Fisia Italimpianti annonce le début des travaux de construction de la station d’épuration de Zuluf. La filiale du groupe italien WeBuild a annoncé avoir officiellement démarré la phase de construction de la station d’épuration du complexe pétrolier de Zuluf. L’usine traitera jusqu’à 185 000 mètres cubes d’eau par jour destinés à soutenir la production de pétole brut du champ. Le champ pétrolier de Zuluf, détenu et géré par Aramco, produit actuellement 800 000 barils par jour (bpj). Cette capacité devait être portée à 1,4 M bpj dans le cadre d’un vaste programme d’expansion des principaux champs pétroliers du pays. Toutefois, en janvier dernier, le Ministère saoudien de l’Energie a annoncé mettre en suspens le plan d’expansion des différents champs pétroliers et garder une capacité de production maximale de 12 M bpj.

 

Diriyah investit dans des solutions de refroidissement innovantes pour diminuer son empreinte carbone. Diriyah Co a annoncé avoir signé un partenariat avec City Cool, filiale à 100 % du groupe Al-Rajhi Holding, dans le but de réduire considérablement sa consommation d’énergie et ses émissions de carbone avec des solutions de refroidissement. L’entreprise City Cool construira et exploitera une station de refroidissement ainsi que le réseau de distribution associé. Le royaume a annoncé vouloir atteindre la neutralité carbone d’ici 2060, et engage de nombreux programmes de développement des énergies renouvelables et de capture et stockage du carbone, sans renoncer à la place centrale des hydrocarbures dans son système économique et malgré le développement de « giga-projets » difficilement compatibles avec une réduction nette des émissions de gaz à effet de serre.

 

Bahreïn

L’Arabie saoudite et Bahreïn signent des protocoles d’accord pour renforcer leur coopération dans le domaine des transports. L’Arabie saoudite et Bahreïn ont signé deux protocoles d’accord pour renforcer leur partenariat dans le domaine des transports et de la logistique. Les accords prévoient notamment une collaboration accrue dans les secteurs du transport et de l’entretien des routes. Ils ont été signés à Manama par le ministre saoudien des Transports, Saleh Al Jasser, et son homologue bahreïni Mohamed Al Kaabi. Les échanges entre les deux royaumes sont particulièrement importants et un projet visant à désengorger le pont existant via une ligne ferroviaire pour le transport de passagers et de fret est en cours. En effet, le pont actuel devrait arriver à saturation d’ici 5 ans d’après les estimations des autorités saoudienne et bahreïnie.

 

Émirats arabes unis

Les sukuks émis par la Banque Centrale des Emirats Arabes Unis ont connu un succès remarqué, avec une sursouscription de 710% pour les tranches de 3 et 5 ans. L'intérêt des investisseurs est confirmé par l'attractivité des prix de marché, avec un spread de 4 points de base (0,4%) par rapport aux produits similaires émis par la Réserve Fédérale américaine. Le programme T-Sukuk avait émis des bons respectant les préceptes islamiques pour une valeur de 7,83 milliards de dirhams, soit 1,98 milliards d'euros.

 

Les exportations industrielles aux EAU ont augmenté de 60% en 2023, atteignant 187 Mds de dirhams (47,2 Mds d'euros). Sultan Al Jaber, ministre de l'industrie et des technologies avancées (MoIAT), a souligné le rôle de son ministère dans le développement d'une industrie locale plus robuste et compétitive. L'action du MoIAT couvre des projets de substitution aux importations d'une valeur de 9,3 Mds de dhs pour renforcer la sécurité industrielle,  le lancement d'une stratégie nationale pour l'industrie mobilisant 300 Mds dhs depuis 2021 et la création du ministère, et de nombreuses mesures régulatoires et d'aide à l'innovation, qui ont permis de faire augmenter la contribution du secteur à l'économie des EAU de 49% en 3 ans.

 

Le fonds souverain stratégique Mubadala a annoncé l'acquisition de KELIX bio, une entreprise pharmaceutique spécialisée dans les médicaments génériques. L'entreprise, fondée en 2020, a connu une croissance rapide, enchaînant les acquisitions dans des pays émergents clefs comme l'Inde ou l'Egypte. L'entreprise affiche des revenus de plus de 150 millions de dollars et se déploie dans 50 pays avec une gamme de produits thérapeutiques variée. Cette opération confirme la stratégie des Emirats Arabes Unis d'investir massivement dans le domaine de la santé, ainsi que l'importance des marchés émergents par rapport auxquels les EAU veulent se placer comme leaders d'innovation.

 

Koweït

L’inflation accélère en février à 3,4% en glissement annuel, un léger rebond par rapport à janvier (3,3% en g.a), après 3 mois consécutifs de baisse. Elle est portée par les prix alimentaires (+5% en g.a) et les prix de l’habillement (+6,6% en g.a). Néanmoins, l’inflation sous-jacente (hors alimentaire et logement) reste stable à 3,4% en g.a.

Le Koweït investit 410 milliards de dollars dans des nouveaux projets d’hydrocarbures. Le pays, qui possède la sixième plus grande réserve prouvée, souhaite développer ses capacités de forages pour l’exploiter et explorer de nouveaux gisements, pour atteindre une capacité de production de 4 millions de barils par jour (bpd). La capacité de production du pays est aujourd’hui d’environ 2,9 millions bpd, en hausse depuis 2020 (2,4 millions bpd), bien que 400 000 bpd ne soient pour l’instant pas exploités afin de suivre les quotas de l’OPEC+.

 

Oman

L’Oman Investment Authority lance le « Future Fund Oman » doté de 5,2 Mds USD pour soutenir les projets d’investissements locaux et attirer les IDE. Le nouveau fonds dédiera 90% de son enveloppe au développement de grands projets, 7% au développement des PMEs et 3% pour encourager l’innovation au niveau des startups. Pensé dans le cadre de la diversification de l’économie du Sultanat, il doit investir dans des secteurs stratégiques pour le développement d’Oman, comme le tourisme, l’industrie manufacturière ou encore les énergies vertes.

 

Qatar

Le Qatar prévoit une croissance soutenue de son secteur de la santé, appuyé par la dépense publique. Dans son budget pour l’année 2024, l’Etat alloue 11% des dépenses publiques au secteur de la santé, soit 6 Mds USD, fléchés vers la R&D, la numérisation et l’investissement dans les infrastructures à l’instar du complexe médical ‘Medical City’ t du Centre national pour la recherche et le soin du cancer (NCCCR). L’Etat prévoit également la construction d’un hôpital psychiatrique.

Qatar Investment Authority (QIA) et Enel Green Power (EGP) annoncent un projet de production d’énergie renouvelable en Afrique du Sud. Ce projet comprend la construction de trois parcs éoliens dans la province du Cap-Oriental, d’une capacité annuelle totale de 1100 GWh. Les parcs, dont la mise en service est prévue en 2026, seront détenus par EGP RSA, une joint-venture entre QIA et EGP établie début 2021. EGP RSA a également conclu un accord de vente direct de 330 MW de sa production d’énergie renouvelable avec Sasol South Africa, pour approvisionner le site de Secunda où Air Liquide opère la plus grande unité de production d’oxygène au monde.

QatarEnergy (QE) signe un accord d’affrètement de 25 méthaniers pour 15 ans avec Nakilat. L’accord confirme le statut de Nakilat – le transporteur maritime local de gaz naturel - comme propriétaire et opérateur des 25 méthaniers de taille conventionnelle et d’une capacité de 174 000 m3 chacun, actuellement en construction par Hyundai Heavy Industries et Hanwha Ocean en Corée du Sud. Les méthaniers seront affrétés par Nakilat à des filiales de QE.