En 2023, la croissance de l'ASEAN (+4,2%) a légèrement fléchi par rapport à son rythme historique de 5%, demeurant néanmoins supérieure d’un point à la croissance mondiale (+3,1%) et de près de trois points à celle des économies avancées (+1,6%). Ce léger fléchissement s'explique par un environnement global moins porteur. Sur le plan extérieur, la croissance a en effet pâti de la stagnation du commerce mondial de biens et services selon la Banque mondiale, aggravée par le ralentissement de la croissance économique chinoise. Sur le plan intérieur, la consommation ne bénéficie plus de l’effet de réouverture post-Covid et se confronte désormais à des pressions inflationnistes toujours présentes, bien qu’en diminution. Le FMI prévoit un léger mieux en 2024 (+4,7%), aidé par le recul de l’inflation et un relatif assouplissement monétaire. La solidité de la reprise dépendra toutefois de facteurs externes, comme la direction du cycle monétaire aux États-Unis, du risque (géo)politique, ainsi que la conjoncture en Chine.

I. Une croissance 2023 ralentie mais résiliente, dans un environnement international peu porteur

Réflétant le ralentissement de l'activité économique mondiale, l'ASEAN-5[1] a connu un ralentissement de sa croissance de 1,3 point en 2023, s'établissant à +4,2%, selon le FMI (World Economic Outlook de janvier 2024). Pour l'ensemble des dix pays de l'ASEAN, l'institut régional AMRO propose une estimation de croissance très proche, de +4,3% dans sa dernière publication de janvier 2024. Ce recul de la croissance, bien que notable, doit être relativisé : en 2023, la croissance de l’ASEAN s'est maintenue à plus d'un point au-dessus de la moyenne mondiale (qui s’est établie à +3,1%) et près de trois points au-dessus de celle des économies avancées (+1,6%). De plus, l'exceptionnelle performance de 2022 avait été en grande partie le résultat de la réouverture post-Covid, qui avait provoqué un net rebond de la consommation privée après deux années de ralentissement, voire d'arrêt, de l'activité. Dans ce cadre, une correction à la baisse était prévisible, plusieurs pays ayant par ailleurs atteint des taux de croissance record en 2022, à l’instar de la Malaisie (+8,7%), du Vietnam (+8,0%) et des Philippines (+7,6%). D'après les données nationales, les taux de croissance les plus élevés en 2023 ont été enregistrés aux Philippines (+5,6%), au Cambodge (+5,2%), en Indonésie (+5,0%) et au Vietnam (+5,0%), ces économies étant les seules à avoir enregistré une croissance supérieure à 5%. Elles sont suivies par la Malaisie (+3,7%), la Thaïlande (+1,9%) et Singapour (+1,1%), économies plus matures, dont les performances sont largement influencées par la demande externe. S’agissant du Laos et de la Birmanie, le FMI estime les taux de croissance à 4,4% et 2,6%, respectivement. Le Brunei est la seule économie en récession, du fait de sa forte dépendance au secteur des hydrocarbures. Son économie recule pour la deuxième année de suite (-0,8%).

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En niveau de PIB, selon les données nationales, l'Indonésie continue de dominer l’ASEAN, avec 1 371 Mds USD, suivie par la Thaïlande à 515 Mds USD. Quatre autres pays, dont la position fluctue annuellement en raison des variations de devises, complètent ce classement : Singapour (502 Mds USD), les Philippines (437 Mds USD), le Vietnam (430 Mds USD) et la Malaisie (399 Mds USD). Les 4 autres économies se situent en dessous de 80 Mds USD : Birmanie (75 Mds USD), Cambodge (31 Mds USD[2]), Brunei (15 Mds USD) et Laos (14 Mds USD).

S’agissant des indices de développement, l'Indonésie, avec environ 5 100 USD par habitant selon le FMI, est le seul pays à avoir été promu dans une catégorie supérieure par la Banque mondiale en 2023. L'archipel a en effet réintégré les « pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure » (PRITS - défini par un seuil de ~4 500 USD), statut perdu pendant la crise Covid. Le Vietnam et les Philippines, avec un PIB par habitant avoisinant les ~4 300 USD et ~3 900 USD, sont en bonne voie pour accéder à cette catégorie. La Malaisie, avec un revenu par habitant de ~13 000 USD, est en bonne voie pour échapper à la « trappe à revenu intermédiaire » cette décennie, tandis que la Thaïlande, avec ~7 300 USD par habitant, connaîtra davantage de difficultés pour franchir cette étape du fait d’importants défis structurels à surmonter. Le revenu par habitant malaisien se rapproche de celui des pays à revenu élevé (seuil de ~13 800 USD), où l’on trouve seulement Singapour et Brunei, à ~87 900 USD et ~34 400 USD par habitant. Le Cambodge et le Laos[3], avec un PIB par habitant de ~1 900 USD, ainsi que la Birmanie (~1 300 USD) restent parmi les « pays les moins avancés » (PMA) pour l’ONU.

En 2023, les économies les plus dynamiques ont été celles dotées d'un marché intérieur robuste et/ou de la croissance des investissements publics-privés, comme c’est le cas de l'Indonésie, des Philippines et du Vietnam. L'Indonésie, géant régional tant par sa population (277 millions, la 4ème nation la plus peuplée du monde après l'Inde, la Chine, et les États-Unis) que par sa superficie (1 904 443 km² répartis sur plus de 17 000 îles), a affiché une croissance stable, estimée à environ 5% pour l'année 2023. La consommation des ménages, qui représente plus de la moitié du PIB, a joué un rôle clé dans la croissance économique de ces deux dernières années, contribuant à hauteur de 2,7 points en 2023. La consommation a également soutenu l'économie philippine, où elle représente plus de 70% du PIB. En 2023, elle contribue pour plus des deux tiers à la croissance (+5,3%), stimulée par l'atténuation de l’inflation et la hausse des dépenses publiques, résultant de l'accélération du programme d'infrastructures lancé par l'administration Marcos Jr en 2022. Au Vietnam, contrairement à la Chine, la consommation intérieure (plus de la moitié du PIB) soutient aussi en large partie la croissance (+5,0%).

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À l’inverse, les pays les plus dépendants de la demande extérieure (e.g. Singapour, Vietnam, Malaisie, Thaïlande), ont fait face à un contexte moins porteur. Ces pays ont souffert de la conjonction de plusieurs facteurs : i) le changement dans les tendances de consommation mondiale, avec le passage d'une demande en biens vers une demande accrue en services ; ii) la persistance des tensions commerciales (US/Chine) et géopolitiques (e.g. Ukraine, Proche-Orient, Taïwan), affectant les chaînes d’approvisionnement ; iii) le ralentissement chinois ; iv) le point bas atteint dans le cycle des semiconducteurs – affectant particulièrement Singapour (~40% de la production industrielle) – ainsi qu’un recul des cours des matières premières (huile de palme, charbon, et minerais de fer notamment, exportés par l’Indonésie et la Malaisie) et de la demande globale en textiles (affectant le Cambodge et le Vietnam). À l’échelle de l’ASEAN, le recul de l’industrie s’illustre par la contraction de l’indice PMI manufacturier à trois reprises en fin d’année. Dans le secteur des services, aucun pays n'a retrouvé son niveau de tourisme pré-crise : en Thaïlande, où le tourisme représentait ~20% du PIB en 2019, 28,1 M de visiteurs ont été comptabilisés, soit 2,6 fois plus qu’en 2022 (10,8 Mi) mais un taux de récupération d'environ 70% par rapport au niveau pré-Covid (39,8 Mi) et des dépenses par tête inférieures.

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À l'exception du Cambodge, les petites économies telles que le Laos et la Birmanie ont continué à faire face à des défis politiques ou d'endettement qui ont entravé leur développement. Le Cambodge s'est distingué comme la seule petite économie à avoir enregistré une croissance soutenue de 5,2%, grâce notamment à la résilience de ses exportations (+1,8% selon les douanes locales), y compris dans les domaines de l'électronique et du riz, malgré une baisse dans son principal secteur d'exportation, le textile (-13%) et des recettes touristiques inférieures d’environ ~35% à leurs niveaux pré-Covid. Le Laos devrait voir une légère amélioration de sa croissance à 4% en 2023 (FMI), mais reste entravé par une dette bilatérale considérable envers la Chine. En Birmanie, la croissance, qui devrait atteindre 2,6% en 2023 (FMI), cache un effondrement économique à la suite du coup d’État de 2021 (contraction de 18% du PIB). Le pays souffre encore de l'instabilité politique et fait également face aujourd’hui à une grave crise énergétique, entraînant un retrait progressif des investisseurs étrangers, comme en témoigne la chute des investissements directs étrangers de près de 60% entre avril et décembre 2023. Le Brunei, seul pays en récession de la région (-0,8%), présente la pire performance de la zone, en raison de la très faible diversification de son économie, centrée sur les hydrocarbures.


[1] L’agrégat ASEAN-5 défini par le FMI comprend l’Indonésie, la Malaisie, les Philippines, Singapour et la Thaïlande

[2] Réévaluation de 30% du PIB prévue normalement au 1er juillet 2024 (méthodologie FMI)

[3] Les NU ont décidé de la graduation du Laos, en février 2021, d’ici 2026 (asymétrie allongée de 5 ans), le pays ayant rempli les critères de graduation dès 2018.

II. Comparativement à d’autres émergents, les économies sud-est asiatiques ont relativement mieux géré les pressions inflationnistes et les risques de fuites de capitaux.

Après avoir atteint un pic d'inflation de 5,1% en 2022, l'inflation a diminué pour s'établir à 4,2% en 2023, selon la Banque Asiatique de Développement (BAsD), marquant un recul des tensions inflationnistes et un retour graduel vers les niveaux d'avant crise. Cette baisse progressive de l'inflation peut être attribuée à divers facteurs : i) une réduction des pressions sur l'offre, manifestée par la chute des prix mondiaux des matières premières et de l'énergie ; ii) les impacts, retardés, du resserrement monétaire initié en 2022 dans l’ensemble de la région ; iii) la mise en œuvre de mesures de lutte contre l'inflation dans certains pays, comme le contrôle des prix et/ou des subventions en Indonésie et en Malaisie pour l'énergie et les produits alimentaires de base, le plafonnement des prix du carburant en Thaïlande, et la réduction de certaines taxes au Vietnam.

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Avec la stabilisation de l'inflation, certaines banques centrales ont interrompu leur cycle de resserrement monétaire tout en maintenant – hors cas du Vietnam - une approche restrictive. Ce recul des tensions inflationnistes a permis à plusieurs pays de ramener l'inflation (ou le maintenir) à l'intérieur des fourchettes cibles des banques centrales. Selon la BAsD, en décembre 2023, près de deux tiers des banques centrales des pays asiatiques émergents avaient gardé leurs taux directeurs inchangés, tandis qu'un nombre plus restreint avait débuté un assouplissement de leur politique monétaire. Le Vietnam a par exemple réduit ses taux de 50 à 100 points de base (pdb) dès mars 2023, puis a procédé à une nouvelle réduction de 50 pdb en juin. Le maintien de taux élevés pose des défis pour la croissance de certains pays. En Thaïlande, la banque Nomura considère ainsi que le taux directeur actuel de 2,5% représente un niveau neutre, c'est-à-dire compatible avec la réalisation du potentiel de croissance.

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Comparativement à d'autres pays émergents, l'ASEAN a su éviter d'importantes fuites de capitaux, un phénomène pouvant être attribué à une perception plus favorable par les investisseurs des fondamentaux économiques de la région. Ces fondamentaux incluent un excédent courant dans la plupart des pays, à l'exception des Philippines (-2% du PIB au T4-23) et, dans une moindre mesure, de l'Indonésie (-0,4%) ; un niveau élevé de réserves de change - conforme aux niveaux recommandés par le FMI ; ainsi qu’un endettement en devises relativement modéré alors qu’il s’agissait de l’un des facteurs déclencheurs de la crise financière asiatique de 1997. Une politique monétaire réactive, s'adaptant aux décisions de la Réserve fédérale américaine a joué un rôle clé dans les économies de la zone, l’écart de taux déterminant le plus souvent la direction des flux de capitaux. Dans son rapport de décembre 2023 sur la stabilité financière régionale, l'AMRO a mis en avant la résilience de la région face à la volatilité accrue des marchés financiers. À l'exception des monnaies laotienne et birmane, la dépréciation la plus marquée a concerné le ringgit malaisien, avec une moyenne de -3,6% face au dollar. Selon les données des balances de paiements, la plupart des pays de l'ASEAN-5, à l'exception de la Thaïlande, ont réussi à éviter d'importantes sorties de capitaux durant les neuf premiers mois de 2023. Ce constat pourrait être nuancé dans le cas du Vietnam : l’importance de la ligne « erreurs et omissions » dans la balance des paiements (près de de 7% du PIB en 2022, selon le FMI) s’expliquant probablement par des fuites de capitaux aggravées par la campagne de lutte contre la corruption.

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III. Vers un léger rebond de la croissance en 2024, sans pour autant revenir au rythme historique

Bien qu’un redressement de la croissance soit largement anticipé en 2024, les perspectives restent nuancées par rapport à la moyenne historique de la croissance régionale. Les prévisions des institutions internationales convergent cependant, avec l'AMRO projetant une croissance de 4,5% et le FMI de +4,7% pour l'ASEAN-5, en ligne avec les attentes du secteur privé (Nomura estimant à +4,5% dans l'ASEAN-5 ; DBS prévoyant +4,7% dans l'ASEAN-6). Selon le FMI (prévisions de janvier 2024 pour l'ASEAN-5 et octobre 2023 pour les autres pays), les économies avec les rebonds les plus forts devraient inclure Brunei, qui devrait enregistrer une croissance de 3,5%, marquant une nette amélioration par rapport à la récession de 0,8% de 2023. De son côté, la Thaïlande devrait connaître une croissance en forte augmentation, de 4,4%, stimulée par les mesures de relance du nouveau gouvernement de Srettha, bien que l'impact de ces mesures budgétaires suscite un vif débat parmi les analystes et que la prévision du FMI, faite avant la publication des chiffres officiels de croissance pour 2023, devrait être ajustée à la baisse et se rapprocher des prévisions locales (+3,8% pour la Bank of Thailand). Singapour devrait voir sa croissance doubler à +2,1%, soutenue par un regain du commerce global, en particulier dans la Tech, tandis que le Vietnam, également très dépendant de la demande externe, pourrait connaître une croissance d'environ 5,8%. Les autres pays devraient croître plus modestement mais toujours à des niveaux élevés, notamment les Philippines (+6,0%), le Cambodge (+6,1%) et la Malaisie (+4,3%). Enfin, la croissance resterait stable en Indonésie (+5,0%), au Laos (+4,0%), et en Birmanie (+2,6%).

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Sur le plan domestique, les risques en 2024 sont essentiellement fiscaux, le risque politique étant réduit depuis l’élection quasi assurée de Prabowo aux présidentielles indonésiennes (crédité début mars de près de 60% des suffrages au premier tour). Le programme de Prabowo devrait en effet s'inscrire dans la continuité de celui de son prédécesseur, Jokowi, centré sur le développement des infrastructures et une forme de nationalisme économique. Par conséquent, le risque politique pour la première économie de la région ne devrait pas être significatif, surtout que le nouveau gouvernement ne prendra ses fonctions qu'en octobre, et s'appuiera sur des alliances politiques. Dans le reste de la région, le principal défi sera de voir si des politiques budgétaires plus expansionnistes seront envisagées, alors que les marges budgétaires se sont resserrées pendant la crise et sont aujourd’hui mises à l'épreuve par la dégradation des conditions d'endettement. En 2023, la dette publique dépassait en effet le seuil des 60% du PIB en Thaïlande, en Birmanie et en Malaisie, et s’est approché du seuil de 130% du PIB au Laos. Dans ce domaine, l’Indonésie, malgré un budget modeste par rapport à sa taille, fait figure de bon élève, ayant quasi normalisé sa situation post-crise, avec un déficit et une dette publique bien en dessous de 3% et 60% du PIB, respectivement – le déficit (actuellement de -1,6%) pourrait cependant se creuser avec le financement de certaines promesses de campagne de Prabowo. Le Vietnam affiche, lui aussi, un déficit budgétaire stable (-4% du PIB) mais pâtit depuis plusieurs années du faible décaissement de ses fonds publics.

Les risques externes sont prédominants, marqués par des tensions géopolitiques et par des incertitudes concernant la demande globale ainsi que l'évolution des taux d'intérêt directeurs. Hors échanges intrarégionaux, depuis 2009, la Chine est le premier partenaire commercial de l'ASEAN et, depuis 2021, sa troisième source d’IDE, juste après les États-Unis et l’UE. Ainsi, selon l'AMRO, une réduction d'un point de la croissance chinoise entraînerait une diminution d’au moins 1,2 point de celle de l'ASEAN, en tenant compte des échanges commerciaux, des investissements et du tourisme. En 2023, la Banque mondiale signalait par ailleurs que la croissance du commerce mondial avait atteint son niveau le plus bas en 50 ans (+0,3%), hors récessions, une situation imputable aux défis économiques de la Chine. Dans l'électronique – secteur clé pour Singapour, la Malaisie, le Vietnam, et les Philippines -, un point bas dans le cycle global semble avoir été franchi, ouvrant la voie à un rebond cette année. Ce rebond pourrait être facilité par l’engouement pour les applications de l’IA ainsi qu’une plus forte croissance de la Chine, ainsi que la poursuite de stratégies de « de-risking » vis-à-vis de la Chine (de type « China+1 »).  Enfin, la demande mondiale pourrait bénéficier d’une détente des taux d'intérêt, actuellement élevés aux États-Unis en raison de la bonne tenue de l’économie (croissance de 2,5% en 2023).

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IV. Les dynamiques structurelles sont toujours favorables à la région, même si les effets des reconfigurations des chaînes de valeur mondiales se font attendre.

À long terme, le potentiel de croissance de l'ASEAN reste considérable, tiré par l’émergence d’une classe moyenne et un déficit colossal d'infrastructures, y compris dans le secteur numérique. Sur le plan démographique, l'ASEAN bénéficie d'une population jeune (un tiers de la population a moins de vingt ans), majoritairement urbaine (environ la moitié actuellement, avec une projection à 60% d'ici 2030) et en forte croissance (+100 millions de personnes attendues d'ici 2040 selon le World Population Review de l’ONU). Concernant les infrastructures, avant la pandémie, les besoins étaient estimés à près de 210 Mds USD par an jusqu'en 2030 par la Banque asiatique de développement, soit environ 6% du PIB de la région. Ce chiffre est probablement sous-évalué, si on considère les efforts nécessaires pour la transition écologique, par rapport à une réalité d'investissement probablement inférieure à la moitié de ce besoin. Cette sous-réalisation s’explique par des marges budgétaires resserrées, une faible mobilisation des ressources domestiques (ratio moyen impôt/PIB de 15%, vs 33% dans l’OCDE en 2020) et des niveaux d'endettement public élevés. Pour combler ces besoins, la région devra donc probablement compter sur le secteur privé et bénéficier du soutien des bailleurs de fonds internationaux – avec un risque, cependant, que l’enrichissement progressif de certains pays de la zone se répercute sur leurs conditions d’emprunt (taux d’intérêt plus élevés) et détourne les bailleurs vers des pays moins développés. Le numérique, en plein essor depuis la pandémie, profite de l'expansion de l'utilisation des smartphones et des réseaux mobiles, avec une prévision de 80% de la population connectée à l'horizon 2030.

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Après avoir progressé régulièrement ces dernières années, les flux d’IDE vers l'ASEAN auraient fléchi en 2023, selon les premières données de la CNUCED. Bien que cette baisse puisse s’expliquer par la conjoncture mondiale dégradée et la détérioration des conditions de financement, la baisse des flux d'IDE vers l'Asie du Sud-Est en 2023 (-16%) a été plus marquée que celle enregistrée en Chine (-6%) et dans l'ensemble des pays émergents (-9%). Ces indications initiales devraient être nuancées avec la publication, au second semestre 2024, des statistiques détaillées par pays pour l'année 2023. L'importance de Singapour dans les IDE reçus par l’ASEAN (75% des flux en 2022) influence fortement les statistiques régionales, et le recul global pourrait masquer des tendances plus positives, comme pour les investissements « Greenfield », qui ont augmenté de 37% pour l'ASEAN en 2023. Deux leçons peuvent être tirées de ces premières données : i) les stocks d’IDE importent plus que les flux, qui peuvent varier considérablement en fonction de quelques transactions seulement ; ii) le phénomène de reconfiguration des chaînes de valeur mondiales (CVM) n'est pas évident à déceler alors que la région est régulièrement citée comme bénéficiaires des stratégies de « de-risking » par rapport à la Chine.

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Tableau statistique

PIB ASEAN ~ entre 3 700 et 3 800 Mds USD

Croissance 2022 : +5,7%, Prévisions ASEAN-5 : +4,2% en 2023 suivi de +4,7% en 2024

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Les données ci-dessus proviennent des estimations du FMI pour l’année 2023 (World Economic Outlook d’octobre 2023) sauf pour celles marquées avec un * qui sont issues des données nationales