Le secteur des infrastructures de santé en AEOI

Si le droit à la santé est reconnu dans la Constitution d’une majorité des pays de la zone et/ou fait partie des priorités des stratégies de développement nationales, l’accès aux soins de santé via des infrastructures de qualité est entravé par un manque d’’investissements publics, la fragmentation de leur système de gouvernance, les disparités géographiques, le manque d'approvisionnement fiable et de capacité technique, et les conflits dans la région. Le secteur des infrastructures de santé reste très dépendant des bailleurs internationaux à l’exception de Maurice et les Seychelles. La présence des entreprises françaises est limitée dans le secteur et se concentre dans le secteur pharmaceutique et, dans une moindre mesure, la fourniture d’équipements médicaux. Des opportunités sur le long terme existent pour soutenir la numérisation des soins de santé et la fourniture d'équipements médicaux et d'infrastructures de santé modernes, dans un contexte où la majorité des pays de la région AEOI souhaitent atteindre la couverture de santé universelle (CSU) d'ici 2030. Par ailleurs, certains gouvernements misent sur les partenariats public-privé afin de développer leurs infrastructures de santé, mais leur mise en œuvre reste très incertaine vu la fragilité financière du secteur.

Des plans nationaux ambitieux pour améliorer l'accès à des infrastructures de soins de santé de qualité limités par des investissements publics insuffisants

Bien que les pays de la zone AEOI reconnaissent le droit à l’accès à la santé dans leur constitution (ex. le Kenya, Madagascar, les Seychelles, le Soudan du Sud) et/ou en font une priorité dans leurs stratégies nationales de politique publique (par exemple le Plan stratégique de santé de l'Ouganda (2020-2025) et de la Tanzanie (2021-2026), leurs ambitions en matière de développement d'infrastructures de santé de qualité sont entravées par le manque d'investissements publics, malgré des améliorations ces dernières années. La part des dépenses publiques gouvernementales dans les dépenses totales de santé illustre une grande disparité d’investissements dans le secteur de la santé entre les pays de la zone AEOI, bien que la dominante reste un faible investissement dans ce secteur. En 2020, aucun pays de la zone AEOI, à l’exception du Rwanda, ne respectait les objectifs internationaux issus du protocole d’Abuja, signé par les pays de l’Union Africaine en 2001, qui fixe à 15 % l’objectif de dépenses de santé dans le budget annuel national. Seuls les Seychelles et Maurice dépassaient les 10 % (10,2 %), tandis que les dépenses de santé des gouvernements kenyan et tanzanien représentaient respectivement 8,2 % et 9,4 % de leur budget national. Le reste à charge important dans la majorité des pays de la zone AEOI dans les dépenses totales de santé reflète les coûts supportés par les patients en l’absence d’un système publique assurantiel efficient. La moyenne du reste à charge en Afrique Subsaharienne est de 30,3 %.  Enfin, les financements extérieurs du secteur représentent une part importante des dépenses de santé dans les pays de la zone AEOI, notamment en Tanzanie, en Ethiopie et en Ouganda, respectivement de 33,2 %, 34,4% et 41,1 %, tandis qu’ils sont quasi-nuls pour d’autres pays de la zone (Maurice et Seychelles). L’évolution du montant de dépenses de santé par habitants est quant à lui révélateur des tendances de plus long terme dans la région AEOI. Les situations varient entre les pays ayant des faibles dépenses de santé par habitant : le montant de dépenses de santé par habitant en Ethiopie a été multiplié par près de 6 entre 2000 et 2020 et atteint désormais 28,7 USD par habitant par an tandis qu’il n’a progressé que de 41% à Madagascar sur la même période.

Le bon fonctionnement des infrastructures de santé est affecté par une gouvernance fragmentée, des disparités géographiques, un manque d'approvisionnement fiable et de capacité technique, et des conflits dans la région

La gouvernance fragmentée des infrastructures de santé entre les autorités centrales et locales, ainsi que les multiples acteurs internationaux - ONG et donateurs internationaux - dans la plupart des pays de l'AEOI entravent le bon fonctionnement des infrastructures de santé en raison d'un manque de coordination. L’inégale répartition géographique des infrastructures de santé, principalement concentrées dans les zones urbaines alors que la majorité de la population (80% à Madagascar, 75% au Kenya, 63% en Tanzanie) vit dans les zones rurales, limite l'accès des habitants de l'AEOI aux soins de santé. La disponibilité et la vétusté des infrastructures de base dans la plupart des pays de l'AEOI restent problématiques, notamment en termes d'approvisionnement en eau potable, d'électricité fiable, d'ambulances fonctionnelles et de services de pharmacie et de laboratoire. La pénurie de ressources humaines est également un défi dans la région, en raison de la fuite des cerveaux (Soudan notamment) et du manque de formation. Par exemple, en 2021, Djibouti-ville comptait 0,51 médecin généraliste pour 10 000 habitants, Madagascar 1,95 pour 10 000 habitants, l'Érythrée 0,5 pour 10 000 habitants, tandis que les Seychelles ont actuellement la plus forte densité de personnel de santé parmi les îles de l'océan Indien, avec une moyenne de 24,3 médecins pour 10 000 habitants en 2023 selon l'OMS. 

Un secteur soutenu par les bailleurs internationaux

Les donateurs internationaux soutiennent le secteur en fournissant un appui technique et en finançant les infrastructures de santé dans les pays de la région de l'AEOI. A titre d'exemple, les donateurs contribuent à hauteur de 40 %, 84,5 % et 75 % des budgets de santé en Tanzanie (2022-23), à Madagascar (2024) et en Ouganda, et à hauteur de 90 % des coûts des services de santé en Somalie. La Banque mondiale et l'OMS ont joué un rôle majeur dans la réponse à la crise du Covid-19 en renforçant les systèmes de santé dans de nombreux pays de la région. Parmi les autres donateurs présents dans la région, citons le Fonds mondial, le Fonds saoudien pour le développement (SFD) et la Banque africaine de développement (BAD) qui financent la construction d'unités médicales spécialisées et des équipements technologiques en Ouganda ainsi que des programmes de promotion des services de base en Éthiopie. L'USAID est très présente dans la région, en finançant des programmes de construction d'infrastructures de santé en Éthiopie, en réhabilitant des établissements de santé et en fournissant des équipements modernes à Madagascar, et en développant les soins de santé primaires au Rwanda. Le Royaume-Uni (FCDO) finance des programmes visant à fournir un accès aux soins primaires et à renforcer les services d'eau, d'assainissement et d'hygiène en Éthiopie. La Fondation Bill & Melinda Gates participe à la numérisation du secteur des soins de santé en Éthiopie et au Kenya. En cofinancement avec le Japon, le PNUD finance un projet de santé en ligne à Maurice. La Chine est un partenaire de nombreux pays de la région de l'AEOI, notamment le Kenya, l'Éthiopie et l'Érythrée, pour la construction d'hôpitaux et la fourniture d'équipements médicaux et de médicaments. Le gouvernement allemand, via la GIZ, a financé la construction et la rénovation d'unités de santé et de services de maternité, ainsi que le développement de la sécurité sociale au Rwanda. L'Union européenne participe à un programme de promotion des services de base en Ethiopie et a financé la réhabilitation d'infrastructures sanitaires à Madagascar.

La France soutient les systèmes de santé dans la région AEOI principalement via l’Agence française de développement (AFD) en finançant des réhabilitations et des extensions d’infrastructures de santé comme en Tanzanie, à Madagascar, à Djibouti, au Rwanda et au Kenya. Proparco est actif dans la région via l’octroi de prêts notamment en Ethiopie pour financer une usine de production médicale ou au Kenya en investissant dans un hôpital privé pour améliorer l’offre de soins. Le secteur privé assure une part importante de l’offre de soins dans certains pays comme au Kenya, aux Comores, aux Seychelles, au Rwanda et en Ouganda. Outre le groupe AFD, le trésor français a financé des prêts concessionnels au Rwanda et au Kenya mis en œuvre par la société française FSE pour l’achat d’équipements médicaux.

Une présence limitée des entreprises françaises concentrées dans le secteur pharmaceutique et concurrencées par des acteurs étrangers

Les produits pharmaceutiques français constituent l'une des principales exportations de la France vers les pays de la zone AEOI, bien qu’elles soient en baisse constante ces dernières années, en raison de la concurrence de produits moins onéreux en provenance d’Asie (Inde notamment). A Madagascar, elles atteignent 31,2 MEUR en 2023, soit 7,5% des exportations françaises vers la grande île tandis qu'en Ethiopie, en raison des restrictions à l'importation et de la pénurie de devises, elles passeront de 110,2 MEUR en 2015 à 1,6 MEUR en 2023., les produits pharmaceutiques sont le premier poste d'exportation de la France vers l'Ouganda, avec 10,8 MEUR en 2023, soit 25 % des exportations françaises vers ce pays. Les laboratoires pharmaceutiques français tels que Servier, Sanofi, Pierre Fabre et la Fondation Mérieux sont présents de longue date dans certains de ces territoires comme à Madagascar, au Kenya, en Ethiopie, au Rwanda et au Soudan. Des opportunités sur le long terme existent pour soutenir la numérisation des soins de santé et la fourniture d'équipements médicaux et d'infrastructures de santé modernes, dans un contexte où de nombreux pays de la région de l'AEOI visent à atteindre la couverture sanitaire universelle d'ici 2030. Les gouvernements éthiopien et kényan comptent s'appuyer sur des partenariats public-privé pour financer le développement d’infrastructures de de santé modernes. Toutefois, des questions subsistent quant à la manière dont ces partenariats peuvent être mis en œuvre et leur viabilité.

La France réputée pour son expertise et ses équipements dans le secteur médical, est concurrencée par des acteurs étrangers moins onéreux. Les États-Unis, sont un contributeur important au secteur de la santé dans la région AEOI notamment au Kenya où General Electric Healthcare a été sélectionnée en 2015 pour la modernisation d’infrastructures de radiologie tandis que la fondation Johnson & Johnson y déploie différents projets, qui portent sur la mise en œuvre de la CSU. Le groupe germano-autrichien VAMED s’est vu confié la gestion d’un hôpital public en cours de construction à Djibouti ainsi que la modernisation de maternités au Kenya. L’Inde est présente sur le marché, via notamment des entreprises pharmaceutiques.  La Chine fournit des équipements médicaux et des médicaments comme au Kenya et a financé la construction d’hôpitaux en Erythrée et en Ethiopie.