Réflexions hebdomadaires sur les principaux évènements financiers, institutionnels ou règlementaires, aux Etats-Unis.

Sommaire

Politiques Macroéconomiques

  • Les membres de la Fed souhaitent ne pas précipiter la baisse des taux
  • Le recul de l’inflation depuis mi-2022 résulterait notamment de l’amélioration de l’offre et devrait se poursuivre

Services financiers

  • Le rachat de Discover par Capital One fera l’objet d’un contrôle des concentrations approfondi
  • La CFTC propose trois nouvelles règles relatives à la gestion des risques, des conflits d’intérêts, la gouvernance et l’accès à certaines plateformes d’échanges

Situation des marchés

Brèves

 

Politiques Macroéconomiques

 

Les membres de la Fed souhaitent ne pas précipiter la baisse des taux

Selon le procès-verbal (minutes) de la réunion du comité de politique monétaire de la Fed (FOMC) des 30 et 31 janvier, publié le 21 février, l’ensemble des responsables se sont accordés pour maintenir les taux directeurs à leur niveau actuel, en attendant d’avoir plus de donnés permettant de confirmer la tendance baissière de l’inflation. Compte tenu de la robustesse de l’économie américaine, les membres n’ont pas souhaité baisser les taux prématurément. En effet, bien que les risques soient plus équilibrés entre l’inflation et l’emploi, les responsables n’ont pas écarté la possibilité de résurgence de l’inflation. Par ailleurs, ils estiment que la liquidité est toujours abondante dans le système, ce qui permet de poursuivre la réduction du bilan de la Fed.

Les économistes de la Fed (staff) ont révisé leur projection de croissance à la hausse et celle du taux de chômage à la baisse pour 2024. D’ici 2026, l’inflation totale et sa composante sous-jacente devraient être proche de 2 %.

Les membres du FOMC ont salué la résilience de l’économie en 2023. Toutefois, ils ont souligné que la vigueur de la croissance du PIB au T4 résultait principalement des exportations nettes et des stocks plus importants que prévu. Étant très volatiles, ces composantes donneraient peu d’indication sur la croissance future. Bien que la consommation des ménages demeure solide, les membres ont aussi remarqué que la situation financière des ménages à revenu faible et modéré se dégradait, comme en témoigne l’augmentation de l’utilisation des cartes de crédit, des crédits renouvelables (revolving) et des services d’achat immédiat et de paiement ultérieur (Buy Now Pay Later - BNPL), ainsi que la hausse des retards de paiement. Cette situation constituerait un risque pour les perspectives de consommation.

Selon les membres du FOMC, les risques pour le système bancaire ont diminué depuis le printemps 2023, bien que certaines banques montrent des signes de vulnérabilité liés à l’augmentation des coûts de financement, une forte dépendance à l’égard des dépôts non assurés ou aux moins-values latentes.

 

Le recul de l’inflation depuis mi‑2022 résulterait principalement de l’amélioration de l’offre et devrait se poursuivre

Selon une étude publiée par le Peterson Institute for International Economics (PIIE), la hausse de l’inflation sur la période 2021-2023 résulterait principalement des chocs d’offre. Néanmoins, la réponse de la Fed, consistant à durcir les conditions financières et à modérer la demande, aurait été appropriée afin de résorber les déséquilibres entre l’offre et la demande, notamment aux États-Unis où la demande a été également très soutenue. Par ailleurs, la hausse des taux d’intérêt aurait permis de maintenir les taux réels stables dans un contexte de hausse d’inflation.

Cette thèse a été soutenue par une étude de la Fed de New York selon laquelle les déséquilibres entre l’offre et la demande ont créé de fortes pressions inflationnistes. Toutefois, avec l’amélioration de la chaîne de valeur et le resserrement monétaire, les pressions ont nettement diminué au cours de 2023 et cette baisse devrait se poursuivre selon les enquêtes menées par la Fed de New York auprès des entreprises. En effet, celles-ci soulignent une modération du rythme de progression des coûts des intrants et des salaires ainsi qu’une plus grande sensibilité des consommateurs aux prix. Enfin, l’étude met en exergue la baisse des anticipations d’inflation, notamment des entreprises, facilitant une stabilisation de l’inflation.

 

 

Services Financiers

 

Le rachat de Discover par Capital One fera l’objet d’un contrôle des concentrations approfondi

Lundi 19 février, Capital One Financial Corp. (Capital One), neuvième plus grande banque des États-Unis (480 Md USD d’actifs), a annoncé le rachat de la société de crédit et de paiement Discover Financial Services (Discover) pour environ 35 Md USD (entièrement en titres) afin de créer un géant mondial des paiements. Si elle est approuvée par les autorités de la concurrence (antitrust) l’opération devrait se clôturer fin 2024 ou début 2025.

Pour mémoire, Discover est i) un établissement bancaire émetteur de cartes de crédit (5ème en volume de prêts après JP Morgan, American Express, Capital One, Citi et Bank of America) et ii) un fournisseur de réseau de paiement (4ème aux États-Unis après Visa, Mastercard et American Express). Le rapprochement de Capital One et Discover implique des dynamiques concurrentielles opposées sur ces deux segments qui feront l’objet d’une attention particulière des régulateurs. D’une part, l’opération favorise la concentration du secteur bancaire en créant le plus grand émetteur de cartes de crédit des États-Unis en volume de prêts (256 Md USD) devant JPMorgan (211 Md USD) et Citi (165 Md USD). Cependant, sur le segment des réseaux de paiement, le rapprochement permettrait d’accroître la concurrence envers le quasi-duopole Visa-Mastercard (76 % des paiement par carte de crédit aux États-Unis en 2022). En effet, Capital One, qui utilise actuellement l’intermédiaire de Visa et MasterCard pour le traitement de ses transactions, a l’intention de progressivement migrer vers le réseau Discover. Selon les estimations de Bank of America, un transfert total vers Discover pourrait faire perdre à Mastercard 25% de ses volumes aux Etats-Unis et 9% à Visa. Le jour de l’annonce, l’action Visa a reculé de 1,4 % et MasterCard de 3,5 %.

L’annonce de l’opération intervient après les propositions du DoJ et de l’OCC de renforcer les procédures d’autorisation des rapprochements bancaires. Certains élus démocrates (E. Warren – Massachussetts, S. Brown – Ohio) ont exprimé leur opposition à ce rapprochement, dénonçant les effets défavorables d’une plus grande concentration du secteur sur la stabilité financière et le coût du crédit.

 

La CFTC propose trois nouvelles règles relatives à la gestion des risques, des conflits d’intérêts, la gouvernance et l’accès à certaines plateformes d’échanges

La Commodity Futures Trading Commission (CFTC), le régulateur américain des marchés de dérivés aux États-Unis, a mis en consultation trois nouvelles règles le 20 février 2024 pour lesquelles les commentaires sont attendus d’ici le 22 avril 2024.

Une première proposition de règle porte sur la gestion des risques par les opérateurs (future commission merchants - FCM). membres d’une chambre de compensation et qui sollicitent ou acceptent des ordres d’achats/ventes contre rémunération sur des produits dérivés et procèdent aux appels de marges auprès de leurs clients Les FCM doivent s’assurer qu’un client n’effectue pas de retraits sur son compte qui conduisent à une insuffisance de fonds pour satisfaire aux exigences d’appels de marges relatives aux opérations rattachées à ce compte. Pour l’application de cette règle, la proposition autorise par ailleurs, sous certaines conditions, les FCM à traiter de manière distincte les différents comptes d’un même client.

Une deuxième proposition de règle porte sur les places de marchés dérivés et de matières premières étrangères (foreign board of trade - FBOT) qui souhaitent donner un accès direct à leur plateforme à des US persons (ressortissants ayant des liens fiscaux avec les États-Unis). Depuis 2011, elles doivent être enregistrées auprès de la CFTC. La proposition de règle élargit cet accès direct aux introducing broker, c’est-à-dire les intermédiaires entre les clients et les institutions chargés d’exécuter les ordres sur les marchés (FCM). La proposition prévoit également une procédure de demande de révocation volontaire de son enregistrement par une FBOT et le retrait de certaines références à des procédures qui ne sont plus en vigueur.

La troisième proposition porte sur la gouvernance et la gestion des conflits d’intérêts pour les plateformes d’échanges de contrats futures et d’options (designated contract markets – DCM) et de swaps (swap execution facilities – SEF). La proposition prévoit des standards minimums d’identification et de traitement des conflits d’intérêts, ainsi que des règles visant notamment à accroître l’indépendance des organes de gouvernance.

 

Situation des marchés

 

Au cours de la semaine écoulée (de vendredi à jeudi), l’indice S&P 500 a progressé de +1,13 %, à 5 087 points. Après avoir baissé en début de semaine du fait d’une aversion au risque accrue, l’indice a fortement rebondi à l’issue de la publication des résultats trimestriels et des perspectives de croissance de Nvidia (21 février après la clôture), bien supérieurs aux attentes des analystes. En particulier, cette publication a été perçue comme une jauge du marché de l’intelligence artificielle.

Les rendements des obligations souveraines américaines (Treasuries) à 2 ans et à 10 ans ont augmenté respectivement de +14 points de base (pb) et +9 pb pour atteindre 4,72 % et 4,33 %. Ils ont notamment augmenté mercredi, après la publication du procès-verbal du FOMC selon lequel les membres étaient favorables au maintien des taux élevés.

 

Brèves

 

  • Selon l’enquête PMI de S&P Global publiée le 22 février, l’indicateur composite de la production a baissé à 51,4 après 52 en janvier. L’indicateur du secteur des services a légèrement reculé (51,3 après 52,5) tandis que celui de l’industrie a renoué avec la croissance (l’indice PMI a atteint 51,5 après 50,7 et le sous-indice de la production est passé en zone d’expansion à 52,3 après 49,3). Les économistes de S&P signalent que l’amélioration des conditions météorologiques ont facilité l’acheminement des matières premières, relâché les tensions sur les chaînes de production et donc stimulé la production. Enfin pour les services et l’industrie, le prix des intrants a progressé moins vite.