Toute l'actualité économique et financière hebdomadaire de l'Arabie Saoudite, du Bahreïn, des Emirats arabes unis, du Koweït, d'Oman, du Qatar et du Yémen

 SERAD

 To tax or not to tax ?

La forte baisse des cours pétroliers en 2014 a entraîné une vague de réformes fiscales dans le CCEAG visant à diversifier les sources de revenus.

En 2016, deux traités au niveau du CCEAG sont signés afin d’harmoniser les futures TVA et taxe d'accise sur les produits jugés dangereux pour la santé. Une TVA à 5 % est donc instaurée aux Emirats et en Arabie saoudite en 2017 (désormais à 15 % du côté saoudien), en 2019 à Bahreïn (10 % depuis janvier 2022) ou encore à Oman en 2021. Et aujourd’hui, cinq des six pays du CCEAG ont une taxe d’accise.

L’assiette fiscale globale des économies du CCEAG reste toutefois très faible par rapport à celle des pays occidentaux. Un facteur d’attractivité certain pour les particuliers et entreprises même avec l’introduction récente d’impôts sur les sociétés ici ou là dans la région. Aujourd’hui, le Koweït et le Qatar ne taxent que les entreprises étrangères (hors CCEAG). L’Arabie saoudite également, mais le royaume impose sur les entreprises domestiques la zakat, un impôt religieux. Oman taxe à la fois les entreprises hors CCEAG et domestiques, tout comme les Emirats qui ont été les derniers à mettre en place un impôt sur les sociétés. Ce dernier est entré en vigueur en juin 2023 à un taux de 9 % et concerne les bénéfices annuels imposables supérieurs à 375 000 AED (~100 000 USD). En outre, de nombreuses zones franches permettent aux entités d’échapper à la taxation sous conditions. Bahreïn reste donc le seul pays du CCG à n'appliquer aucune forme d'impôt sur les sociétés en dehors des entreprises du secteur pétrolier. Pour l’instant.

Pour l'instant, car la tendance est à un accroissement de la fiscalité dans les économies du CCEAG. Par exemple, l’administration fiscale koweïtienne élabore actuellement un projet de loi (comprehensive tax law) qui introduira le 1er janvier 2025 un impôt sur les sociétés locales et CCEAG au taux de 15 %. Cette tendance a plusieurs raisons.       

Tout d’abord, il s’agit de diversifier les revenus publics afin de ne pas connaître – en cas d’une chute durable des cours pétroliers – des périodes de disette et d’endettement non-productifs comme dans les années 2014-2020. Prévenir plutôt que guérir. Car même dans une économie émirienne plus diversifiée que celle de ses voisins (hormis peut-être Bahreïn), les hydrocarbures continuent de représenter 55-60% des recettes publiques.  

Ensuite, il s’agit de récupérer des marges de manœuvre fiscales afin de financer les très nombreux projets de diversification des Visions stratégiques nationales. A cet égard, diminuer la dépendance des économies domestiques à la volatilité des marchés pétrolier permet aussi de renforcer les ratings souverains et d’émettre une dette à moindre coût.

Enfin, il s’agit de se mettre à la page de certains standards internationaux. Taxer, c’est également demander aux entreprises de faire preuve de plus de transparence. A noter également que l’existence d’une taxation permet de mettre en œuvre de nouvelles politiques publiques par voie d’incitation (par exemple en prévoyant des déductions fiscales pour certaines dépenses ou des rythmes d’amortissement favorables).

On observe bien ici un des dilemmes du processus de diversification économique : vaut-il mieux taxer pour diversifier les sources de revenus ou mener une politique fiscale très favorable pour se démarquer de ses voisins et attirer les entreprises et les talents étrangers, dans un contexte de plus en plus concurrentiel ?

Comme souvent, la réponse n’est pas absolue et dépend de la situation de chaque pays. De manière générale, il serait préférable d’instaurer une fiscalité plus élevée et non distorsive, et dans le même temps de supprimer certaines subventions distorsives et non ciblées (par exemple dans le domaine énergétique).

Une chose est aussi certaine : une meilleure coordination fiscale régionale apporterait un bénéfice collectif pour des pays du Golfe tous confrontés, à des degrés certes divers, à la nécessité de diversifier leur économie. Cette coordination permettrait d’obtenir un niveau de fiscalité optimal : suffisamment élevé pour renforcer le financement public de la diversification via des ressources plus stables, mais pas trop élevé pour éviter les phénomènes de passagers clandestins et un retour à un jeu non coopératif. Dans cette perspective, les accords bilatéraux signés cette semaine lors de la 8e édition du Forum fiscal arabe à Dubaï ne peuvent qu’être salués, et la coopération fiscale régionale encouragée. 

 

Part des hydrocarbures, moyenne du CCEAG (%)

 GCC oil sector

 Source : BNP Paribas

 

Pétrole et gaz

Brent : 16/02/2024 à 12h00 GST : 82,7 USD

Les cours pétroliers sont globalement en hausse au cours de la semaine écoulée. Le baril de Brent pour la prochaine livraison s’échange actuellement, vendredi 16 février à midi GST, à un peu moins de 83 USD (+1 USD par rapport à lundi dernier). Les prix pétroliers vont donc, en toute vraisemblance, augmenter pour la deuxième semaine consécutive. Cette dynamique haussière semble toujours soutenue par les conflits et incertitudes du Moyen-Orient.

L’OPEP et l’Agence internationale de l’énergie ont chacun publié leur rapport mensuel. Le cartel de producteurs n’a pas changé ses prévisions pour 2024 et reste sur une hausse de la demande de 2,25Mbj. En revanche, l’AIE a très légèrement révisé à la baisse ses estimations et table sur une hausse de la demande de 1,22 Mbj en 2024.

 

Brèves économiques  

Région

Le Conseil de coordination saoudien-bahreïnien s’est tenu à Riyadh et a conduit à des avancées en i) matière fiscale et ii) dans la coopération entre les deux banques centrales. Des avancées en matière fiscale avec l’annonce d’un mémorandum d’entente entre la Bahrain Bourse et la Saudi Stock Exchange (Tadawul) sur le développement de structures intégrées qui permettront de créer de nouveaux produits financiers. Un mémorandum d’entente entre la Central Bank of Bahrain et la Saudi Capital Market Authority sur la coopération bilatérale notamment dans l’échange de données clients. La création de la Saudi-Bahraini Company a été actée ; cette joint-venture annoncée en novembre 2022 est dotée d’un fonds de USD5 milliards porté conjointement par le Fonds public saoudien d’investissement et Mumtalakat.

La 8e édition du Forum fiscal arabe s’est tenu à Dubaï. Plusieurs accords sont à signaler entre les EAU et Bahreïn/Koweït. Cet événement était coorganisé par le ministère émirien des Finances, le Fonds monétaire arabe et le Fonds monétaire international. Le ministre bahreïnien des Finances et de l’Economie, Shaikh Salman bin Khalifa Al Khalifa, a rencontré son homologue, Mohammed Hadi Al Husseini, et deux accords ont été signés. L’un vise à encourager et développer les investissements mutuels, l’autre vise à empêcher la double imposition entre Bahreïn et les Emirats. Le Koweït et les Emirats Arabes Unis ont aussi signé un accord visant à éviter la double taxation sur le revenu et lutter contre l’évasion fiscale.

Arabie Saoudite

Le ministre des Finances saoudien a annoncé un déficit budgétaire de 21,5 Md USD (-1,9% du PIB) pour 2023. Cela correspond aux estimations qui avaient été faites par les autorités saoudiennes en fin d’année 2023. Les dépenses se sont élevées à 344 Md USD et les revenus à 323 Md USD. En revanche, les revenus non pétroliers de l’Arabie saoudite ont augmenté de 11% en 2023 à 122 Md USD. Quant aux revenus pétroliers, ils se sont élevés à 201 Md USD, dont 66 Md USD au T4 2023 (+28% par rapport au T4 2022).

Le ministre de l’Énergie justifie le report du projet d’augmentation de la capacité de production de Saudi Aramco par la transition énergétique. Le ministre a indiqué que Saudi Aramco était en train de devenir une entreprise d’énergie, et non plus seulement une entreprise pétrolière. Il a ajouté que le projet n’était pas abandonné et que l’Arabie saoudite revoyait continuellement ses positions pour garantir la stabilité des marchés. Pour rappel, Aramco avait annoncé le mois dernier avoir reçu une directive lui demandant de suspendre le projet d’augmentation de sa capacité de production maximale (+1 Mb/j pour atteindre 13 Mb/j d’ici 2027, contre 12 Mb/j aujourd’hui).

Le National Debt Management Center (NDMC) a clôturé l’émission de sukuk de février en levant 2,1 Md USD. L’émission de février était structurée en trois tranches : une première tranche de 315 M USD qui arrivera à échéance en 2029, une deuxième tranche de 725 M USD qui arrivera à échéance en 2034, et une troisième tranche de 1 Md USD qui arrivera à échéance en 2039. En janvier, l'émission de sukuk du royaume s’était élevée à 2,4 Md USD, après 2,8 Md USD en décembre 2023. Les émissions de sukuk d’octobre et novembre 2023 s’étaient élevées respectivement à 700 M USD et 1,1 Md USD.

Saudi Aramco dévoilera ses résultats financiers pour 2023 le 11 mars 2024. Les bénéfices nets de l’entreprise ont diminué de près de 28% à 95 Md USD sur les 9 premiers mois de 2023, contre 130 Md USD sur la même période en 2022. Cette baisse est notamment due à la baisse des prix des hydrocarbures et des marges de raffinage en 2023 par rapport à 2022. Pour rappel, l’année 2022 avait été une année record pour Aramco avec un résultat net de 161 Md USD, soit une augmentation de 47% par rapport à 2021. Dans son communiqué, le géant pétrolier a précisé que le montant des dividendes sera annoncé un jour plus tôt, le 10 mars 2024.

Saudi Aramco va faire appel à Goldman Sachs, HSBC, et Citi pour la vente de ses actions sur le marché secondaire et prévoit de lever 20 Md USD. Pour rappel, le groupe avait levé près de 26 Md USD pour 1,5% de son capital lors de son introduction en bourse (IPO) en 2019, soit la plus grosse IPO de l’histoire. La capitalisation boursière actuelle de Saudi Aramco s’élève à 1 981 Md USD, derrière les entreprises américaines Apple (2 916 Md USD) et Microsoft (3 124 Md USD).          

Le nombre d’employés dans le secteur privé a atteint 11 millions en janvier. La plateforme en ligne du National Labor Observatory (NLO), qui suit en temps réel le nombre d’employés dans le secteur privé, indique que la barre des 11 millions d’employés a été dépassée en janvier. Selon un rapport du NLO cité par l’article ci-dessous mais que nous n’avons pas pu consulter, 2,3 millions des employés sont de nationalité saoudienne, dont 1,4 millions d’hommes (59%) et 950 000 femmes (41%).

L'Arabie saoudite et la Grèce ont officialisé la création d'un fonds commun de créance pour un projet visant à relier leurs réseaux électriques. Ce fonds de créance commun (special-purpose vehicle ou SPV en anglais) est chargé d'entreprendre l'étude de faisabilité et de viabilité commerciale du projet. La structure regroupe l’entreprise grecque Independent Power Transmission Operator (IPTO) et l’entreprise saoudienne National Grid Company, filiale de la Saudi Electricity Company (SEC).

Bahreïn

La National Bank of Bahrain a annoncé envisager une fusion avec la Bank of Bahrain and Kuwait. Des experts ont été mandatés pour évaluer la faisabilité, les coûts et les bénéfices. Cette fusion potentielle permettrait de créer un champion national, à l’image d’un FAB émirien.

Le London Stock Exchange Group et l’Islamic Development Bank Group ont placé Bahreïn en première position du classement Islamic Finance Development Indicator. Cet indice évalue la qualité de la régulation de la finance islamique selon les Etats. Cette nouvelle est un atout pour le royaume alors que la finance halal est en plein essor.

Emirats arabes unis

Les EAU ne prévoient pas de modifier la structure de l'impôt sur les sociétés cette année. Ils ne mettront pas non plus en place un impôt sur le revenu et n'augmenteront pas la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), a déclaré à Zawya Younis Haji Al Khouri, sous-secrétaire du ministère des finances. Pour rappel, l'Autorité fiscale fédérale a introduit une TVA de 5 % sur la fourniture de certains biens et services aux Émirats arabes unis en 2018.

Les EAU ont lancé un fonds destiné à financer le développement de technologies avancées dans les pays en développement. Lancé avec un capital de 200M USD, ce fonds est financé par le gouvernement d'Abu Dhabi et supervisé par le Conseil de recherche sur les technologies avancées (ATRC).

L'entreprise américaine Joby Aviation a conclu un accord avec la Roads and Transport Authority dubaïote, RTA, pour lancer des services de taxis aériens dans l'émirat d'ici le début 2026. Cette signature accorde à Joby le droit exclusif d'exploiter des taxis aériens à Dubaï pendant six ans.

ADIA le plus grand fonds souverain des Émirats unis, va créer un fonds de 4 à 5 Md USD dans la dernière zone économique spéciale lancée par l'Inde. L'autorité de régulation des services financiers de la Gujarat International Finance Tec-City (Gift City) a donné son accord de principe à l'investisseur public pour la création du fonds, a rapporté l'agence de presse Reuters, citant des sources informées. Cette approbation fera d'Adia le premier fonds souverain à commencer à investir en Inde par l'intermédiaire de Gift City.

ADNOC et le géant britannique BP ont convenu de former une coentreprise en Egypte pour développer la production de gaz naturel. BP apportera ses participations dans trois concessions, ainsi que des projets d'exploration en Egypte, tandis qu'ADNOC fournira des liquidités pour financer les possibilités futures de croissance. BP sera l'actionnaire majoritaire de la coentreprise à 51%.

L'entreprise locale Titan Lithium a conclu un accord avec la zone industrielle KEZAD, à Abu Dhabi, pour développer une usine de traitement du lithium grâce à un investissement total de 5Md AED (1,36Md USD). Cette installation vise à positionner les EAU en tant qu'acteur de premier plan dans le domaine du traitement du lithium, un composant essentiel des véhicules électriques et des énergies renouvelables.

Qatar

Qatar Gas Transport Company Limited (Nakilat) a été sélectionné par QatarEnergy pour être le propriétaire et l'opérateur de 25 méthaniers dans le cadre du projet d’expansion de la flotte de navires GNL du Qatar. Les 25 navires sont actuellement en construction en Corée du Sud. En 2022, QatarEnergy a signé une série de contrats d'affrètement et d'exploitation à long terme de 60 navires de GNL, concluant ainsi la première phase de son programme d'expansion de sa flotte. Un programme qui s’inscrit directement dans les projets d'expansion de production de GN,  North Field East et North Field South. QatarEnergy a annoncé que d'autres armateurs devraient prochainement être sélectionnés.

L’Emir du Qatar et le Président du Kazakhstan ont assisté la signature de plusieurs MoU entre leur deux pays, couvrant la coopération dans le domaine des communications et des technologies de l'information. Lors de cette visite du président kazakh au Qatar, le conglomérat qatarien UCC a également signé deux contrats énergétiques pour sept projets au Kazakhstan. Le premier contrat, conclu avec QazaqGas, comprend trois usines de traitement de gaz et la construction d'une nouvelle station de compression et de gazoducs. Le second contrat, conclu avec le ministère de l'Énergie, comprend la construction d'une centrale électrique à turbine à gaz à cycle combiné (CCGT) d'une capacité totale d'environ 1 100 MW dans la région de Kyzylorda ; et la construction d’une usine de traitement de gaz d'une capacité de 6 milliards de mètres cubes.

Le Brésil souhaite signer un accord à long terme sur le GNL avec le Qatar dans le but de réduire les coûts d'importation du carburant super réfrigéré, a déclaré le directeur général de Petrobras, la compagnie pétrolière nationale brésilienne. Les dirigeants de Petrobras se rendront au Qatar plus tard ce mois-ci pour proposer un contrat de GNL à long terme avec un prix stable, a déclaré le directeur de la compagnie brésilienne.

Egypt Satellites Company (Nilesat) et Qatar Satellite Company (Es'hailsat) signent un accord de coopération et un partenariat stratégique pour fournir des services communs par satellite à leur clientèle.