Les exportations agri/agro de la France vers le Japon en 2023
Sous les effets conjugués d’une inflation élevée qui pèse sur la consommation et d’un effet de change défavorable, les exportations agricoles et agroalimentaires connaissent un léger recul en 2023 et s'élèvent à 1,38 Mds€ (-3% en valeur en glissement annuel). Le ralentissement de l’inflation observé depuis octobre pourrait favoriser les échanges au 1er semestre 2024, tout comme la reprise progressive du tourisme.
1 – Un contexte macroéconomique peu favorable, qui pénalise les exportateurs
L’impact de la crise en Ukraine s’est propagé progressivement au sein de l’économie japonaise en 2023. La forte hausse des coûts des matières premières et de l’énergie induite par l’agression russe en Ukraine a produit l’essentiel de ses effets au cours du 1er semestre 2023. La composante alimentaire de l’inflation (fig.1) a pris le pas sur l’énergie et semble avoir atteint son sommet en juillet à 8,8%, avant de ralentir progressivement. Elle reste à un niveau élevé (+6,7% en g.a. en décembre) et continue de peser sur la consommation. L’inflation core (hors produits frais) reste à des niveaux très inférieurs à ceux observés en Europe (2,3% en décembre, après avoir plafonné à +4,2% en janvier) mais est toujours perçue négativement par les consommateurs japonais, dans un pays habitué à la stagnation des prix et des salaires depuis trois décennies. Elle se traduit dans les arbitrages des consommateurs, et peut les conduire à privilégier les produits de base dont la plupart des aliments français importés ne font pas partie. Si l’indice nominal de consommation alimentaire des ménages (fig.8) est resté positif en 2023 du fait de l’inflation, il est resté en territoire négatif en termes réels sur la période. Les distributeurs estiment que l’inflation devrait ralentir au cours du 1er semestre 2024, l’essentiel des hausses de prix ayant été transmises aux consommateurs.
La dépréciation progressive du yen face à l’euro et au dollar depuis 2022 pénalise également les produits importés face aux productions domestiques. Le taux de change du yen par rapport à l’euro s’est dégradé de plus de 20% depuis le début de l’année pour atteindre 160 JPY pour un euro, contre 138 JPY en moyenne en 2022 et 130 JPY en 2021. Bien que l’écart entre les prix à l’importation exprimés en devises et les prix à la production alimentaire au Japon creusé au T1 2022 se résorbe sur l’année, l’écart de ces derniers avec les prix à l’importation exprimés en yen se creuse au 1er semestre 2023, puis se maintient du fait de l’effet de change défavorable (fig.2).
Facteur positif, la reprise progressive de l’activité dans le secteur des hôtels, cafés et restaurants a contribué à soutenir la demande de produits alimentaires haut de gamme. Après trois années de quasi-fermeture des frontières, le nombre de touristes entrants continue de progresser, même s’il reste inférieur de 21 % au record atteint en juillet 2019. La dépense moyenne est en forte hausse par rapport à l’avant COVID ce qui bénéficie aux produits du luxe, dont le Champagne, les vins haut de gamme et produits gourmets. Les nationalités habituellement très présentes sur le marché japonais sont pour la plupart revenues à des niveaux proches de la période prépandémique, à l’exception de la Chine, première nationalité avant 2020, qui n’a levé les restrictions aux voyages sortants en groupe qu’en août 2023. Le secteur de l’hôtellerie, premier bénéficiaire de cette reprise, se trouve confronté à de fortes tensions sur la main-d’œuvre, qui contribuent à soutenir la demande de produits professionnels prêts-à-servir. Après s’être redressé au T1, le secteur de la restauration plafonne entre 85 et 90% de son niveau d’activité d’avant Covid (fig.7).
2 – Les exportations françaises se maintiennent en valeur, malgré des volumes en baisse
Dans ce contexte économique peu porteur, les exportations françaises de produits agricoles et agroalimentaires vers le Japon reculent de 3% en glissement annuel en 2023, à 1,38 Md€, en raison d’une fin d’année médiocre (-8% en valeur au T4, avec des mois d’octobre et novembre en net reculs non compensés par un rebond en décembre).
Avec 665 M€ exportés, les vins reculent de 5% en valeur en glissement annuel. Les vins effervescents sont stables en valeur (-1%) mais reculent de 7% en volume, tandis que les vins tranquilles connaissent un recul net (-8% en valeur, -16% en volume). La baisse est particulièrement marquée pour les vins de Bordeaux (‑20% en valeur à 107 M€, -21% en volume), tandis que les Bourgognes résistent en valeur (+1%, à 137 M€), malgré des volumes en forte baisse (-12%).
Les produits d’épicerie reculent de 9% en valeur, à 201 M€, principalement du fait du recul des produits de boulangerie, pâtisserie et biscuits (-24% en valeur, à 62 M€). Le chocolat (41 M€), les eaux (28 M€) et confitures (23 M€) sont en revanche quasi-stables.
Les produits laitiers (95 M€) connaissent également une progression de 8% en valeur sur la période, principalement tirée par les bons résultats du beurre (21 M€, +30% en valeur et +28% en volume) dont la France est le 2e fournisseur avec 23% de parts de marché, derrière la Nouvelle-Zélande. Les fromages (68M€) augmentent de 4% en valeur mais reculent de 7% en volume. La France perd du terrain face à l’Italie (5% de pdm, contre 7%), principal concurrent de la France sur le marché japonais pour les fromages de spécialité et les fromages frais.
Les produits de la minoterie (66 M€, essentiellement de malt) bénéficient d’un fort effet prix et progressent de +46% en valeur, alors que les volumes reculent de 5%. A l’inverse, on observe une diminution des exportations de viande et produits carnés (80 M€, -12% en valeur et en volume), en raison de la quasi-interruption des exportations de volailles sur le semestre qui fait suite à l’épizootie d’influenza aviaire en France, et d’un recul de 19% en valeur et 12% en volume de la viande de porc.
Sur 2023, la France est le 9e fournisseur du Japon et le 1er européen, devant l’Italie et l’Espagne, pour un total de 1,88 Mds€. La différence avec le montant d’exportations déclaré par les douanes françaises tient notamment aux réexportations de produits depuis des pays tiers (les Champagnes réexportés depuis Singapour représentent à eux seuls plus de 230 M€ en 2023) ainsi qu’à un décalage temporel d’environ 1 mois et demi.
Les exportations de produits biosourcés (issus de végétaux ou animaux, mais non destinés à l’alimentation), non inclus dans les chiffres indiqués supra, représentent 94 M€ (+1% en valeur), et celles de machines agricoles et agroalimentaires 110 M€ (-9%).