Toute l'actualité économique et financière hebdomadaire de l'Arabie Saoudite, du Bahreïn, des Emirats arabes unis, du Koweït, d'Oman, du Qatar et du Yémen

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Les Temps de la Mer

« Les larmes de nos souverains ont souvent le goût salé de la mer qu’ils ont ignorée » est un bon mot communément prêté à Armand Jean du Plessis de Richelieu, le célèbre cardinal de Richelieu. Emplie d’amertume, la formule a souvent été reprise par les responsables militaires pour affirmer le caractère stratégique de l’espace marin. C’était d’ailleurs le titre du dossier portant sur la pensée stratégique navale française du Centre d’études stratégiques de la Marine en 2014.

Il en est de même dans le champ économique. Des cités-Etats du Moyen-âge aux flottes marchandes asiatiques du XXIème siècle en passant par les puissances européennes et leur course aux comptoirs commerciaux entre les XVème et XIXème siècle : l’histoire regorge d'exemples témoignant du rôle hautement stratégique du transport maritime.

Le commerce maritime façonne les puissances économiques. Surtout, il est un des principaux moteurs de l’essor des échanges internationaux, et a contrario un de ses freins majeurs lorsqu’il est entravé. Outre le développement à grande échelle des nouveaux outils de communication, une innovation souvent oubliée a joué un rôle clé : la standardisation des conteneurs avec par exemple les conteneurs de 20 pieds et 40 pieds. Aujourd’hui encore, une très large partie de nos échanges passe par la voie maritime (80 % en valeur, 90 % en volume). C’est encore plus vrai pour les pays du CCEAG qui exportent leurs hydrocarbures (pétrole brut, produits pétroliers, GNL) par la mer.

Dans ce contexte, les Emirats arabes unis sont idéalement situés pour pleinement bénéficier des retombées économiques d’un commerce maritime fluide. Au carrefour de trois continents, l’Océan indien est un espace congestionné et stratégique. Au nord-est des Emirats se trouve le détroit d’Ormuz, porte de passage quotidien de 20 % de la demande mondiale de pétrole, et du tiers de celle de gaz. Au sud de la Péninsule arabique, le détroit de Bab el Mandeb : un bateau commercial (tanker, porte-conteneurs, méthanier etc.) y passe toutes les 20 minutes. Il s’ouvre sur la mer Rouge qui voit transiter 12% du commerce mondial et 30 % du trafic conteneurisé. Rien d’étonnant à ce que cette géographie ait maintenu et renforcé le tropisme affirmé de la population émirienne pour la mer, Dubaï étant par exemple un ancien port de pêche et de chasseurs de perles. Et nous comprenons aisément les investissements massifs des Emiriens dans le domaine du commerce maritime et leur ambition d’être un hub logistique mondial. Aujourd’hui, 60 % des marchandises transportées par voie maritime destinées aux pays du CCEAG accostent ainsi dans les ports émiriens.

Deux acteurs dominent les activités portuaires du pays : DP World (Dubaï) et AD Ports (Abou Dabi). Le premier a été formé en 2005 par la fusion de deux anciennes entités dont la Dubai Ports Authority, créée dès 1972 juste après l’indépendance du pays. DP World est désormais un acteur incontournable pour l’économie de l’émirat de Dubaï, son port de Jebel Ali représentant 1/4 du PIB de l’émirat (selon le groupe). La stratégie portuaire d’Abu Dhabi s’est quant à elle développée plus tardivement. Le groupe AD Ports a été lancé en 2006 et exploite aujourd’hui 10 ports et terminaux dans le pays. Selon Oxford Economics, ses activités contribuent à hauteur de 1/5 du PIB non-pétrolier de l’émirat.

DP World et AD Ports suivent tous les deux une politique d’expansion à l’international très active. Toutefois, leurs stratégies d’investissement sont distinctes. Plus qu’un acteur portuaire, le géant DP World opère sur l’ensemble de la chaîne logistique. Ce dernier est présent dans près de 75 pays et maîtrise l’ensemble de la chaîne de valeur : il peut tout autant opérer des concessions en Afrique ou fournir des infrastructures à ses partenaires que lancer ses propres lignes commerciales depuis Jebel Ali. Il rivalise même avec les Amazon ou Maersk dans le secteur mondial de la logistique.

AD Ports, de par son apparition plus tardive, se concentre davantage sur le développement de son activité maritime et logistique que sur le développement d’infrastructures portuaires. Sa montée en puissance est toutefois remarquable. Encore cette semaine, le groupe d’Abou Dabi a signé un accord de concession de 25 ans avec le Karachi Port Trust (KPT) au Pakistan pour le terminal de vrac et de marchandises générales et a finalisé l’acquisition de Sesé Auto Logistics en Espagne.

Alors que la montée en puissance de AD Ports avait pu interroger sur la nature des relations entre les deux géants portuaires émiriens et plus généralement l’intensité concurrentielle entre les deux émirats dans certains domaines (logistique, transport aérien, places financières…), les projets de connexion ferroviaire entre émirats montrent une volonté politique grandissante de coordination et de création de valeur collective à travers les synergies et externalités positives dégagées par les infrastructures nationales. Le modèle émirien semble ainsi s’orienter vers la valorisation collective des atouts propres à chaque émirat, tout en maintenant une saine émulation interne, l’objectif étant de devenir un hub global et non plus seulement régional.

Cette stratégie permettra d’attirer les investisseurs et entreprises, qui bénéficieront d’infrastructures de premier plan, de chaînes de valeur sécurisées, et des accords commerciaux bilatéraux que cette Venise du XXIème siècle est en train de conclure de manière accélérée avec des pays des cinq continents.  

Evolution du solde commercial de la France avec les trois principales économies du CCEAG (Md EUR)

Solde commercial FR

Source : Douanes françaises (nomenclature agrégée)

 

Pétrole et gaz

Brent : 09/02/2024 à 10h30 GST : 81,5 USD

Les cours du pétrole sont en hausse cette semaine. Le baril de Brent pour la prochaine livraison s’échange actuellement, vendredi 9 février 2024, à environ 81,5 USD.

Les tensions géopolitiques au Moyen-Orient continuent de peser sur les cours du pétrole. Le prix du Brent a ainsi augmenté de 3 % jeudi dernier, peu de temps après que le Premier ministre israélien a rejeté une proposition de cessez-le-feu.

Du côté de la demande de pétrole, une dynamique différente est à relever pour les deux grands stocks américains : les stocks de brut ont augmenté de 5,5Mbj la semaine dernière (contre des attentes de seulement +1,9Mbj) alors que les stocks de d’essence ont diminué de 3,15Mbj (contre une baisse de juste 0,14Mbj attendue).

 

Brèves économiques  

Arabie Saoudite

Le FMI actualise ses prévisions de croissance du PIB saoudien : +2,7% en 2024 (contre +4% dans sa dernière anticipation).  Cette actualisation reflète notamment la baisse de la production pétrolière du pays qui devrait se maintenir à 9 Mb/j jusqu’à la fin du T1 2024 au moins. La croissance non pétrolière restera robuste selon le FMI. En parallèle, les autorités saoudiennes ont annoncé une contraction de 0,9% du PIB réel en 2023. L’activité pétrolière a diminué de 9,2% par rapport à 2022 tandis que l’activité non pétrolière a augmenté de 4,6%. Le FMI avait estimé quelques jours plus tôt une contraction du PIB réel de 1,1%.

La France a réduit son déficit commercial avec l’Arabie de saoudite de 63% (1,9 Md EUR) en 2023 par rapport à 2022. Les exportations françaises se sont élevées à 4,2 Md EUR en 2023 tandis que ses importations sont tombées à 5,3 Md EUR, soit une baisse de 25% par rapport à 2022. Cette diminution est presque exclusivement due à la baisse des approvisionnements en produits pétroliers raffinés et hydrocarbures naturels (-24% par rapport à 2022), dans un contexte de chute des prix. Le déficit commercial s’établit à 1,1 Md EUR en 2023, contre 3 Md EUR en 2022.

Les startups saoudiennes ont levé 1,38 Md USD en 2023, soit une augmentation de 33% par rapport à 2022. Ce résultat place le pays en tête du financement par capital-risque (venture capital ou VC en anglais) dans la région MENA et confirme l’attractivité de ses startups auprès des fonds de VC.

L’Arabie saoudite s’apprête à émettre un sukuk mensuel en monnaie locale dans le cadre de la stratégie de financement de la Vision 2030. Le premier sukuk sera probablement émis début février, avec une maturité d'un an et une valeur minimale de 266 ,7 USD. Il continuera ensuite à être émis au cours de la première semaine de chaque mois.

L’Arabie saoudite a déjà doublé son objectif de visiteurs étrangers pour 2030. Le ministre du Tourisme a annoncé que 27 millions de touristes étrangers sont arrivés en 2023, soit plus du double de ce qui avait été fixé dans la Vision 2030. De plus, le chiffre de 100 millions de touristes (locaux et internationaux) qui avait été fixé pour 2030 a été atteint en 2023. Les autorités espèrent maintenant atteindre 150 millions de touristes en 2030, dont 70 millions de touristes étrangers.

Gigaprojet : NEOM ouvre un bureau à New York pour renforcer la coopération avec les investisseurs américains. C’est le deuxième bureau international de NEOM après l’ouverture de celui de Londres en novembre dernier. Avec ce nouveau bureau, NEOM souhaite renforcer ses relations existantes avec les investisseurs américains.

Quatre contrats d’une valeur totale de 3,2 Md USD ont été attribués pour la construction d’infrastructures à Djeddah. Les contrats concernent la construction d’un stade, d’un opéra, et d’un océanarium. Ils ont été attribués à deux entreprises chinoises et une entreprise saoudienne : la China Harbor Engineering Arabia Company Limited (CHEC), la China Railway Construction Corporation and Sama Construction for Contracting, et Modern Building Leaders (MBL).

Bahreïn

Bahreïn a émis des sukuks et des obligations conventionnelles pour une valeur de 2 Md USD. Plus précisément, l'émission consiste en un sukuk d'une valeur de 1 Md USD à 6 % sur 7 ans et des obligations d'une valeur de 1 Md USD à 7,5 % sur 12 ans. Le royaume a reçu des ordres d'une valeur supérieure à 14 Md USD. La dernière émission du royaume date d’août 2023, il avait alors levé 1 Md USD sur 10 ans

En présence du Ministre des Finances et de l'Economie Nationale, l’entreprise Zain lance la fintech Bede et l'application Bede. Bede Company fait partie du plan de transformation numérique de Zain et fournira de nouveaux services et solutions dans le domaine de la technologie financière. Zain a réalisé des bénéfices estimés à 5.8 millions de dinars bahreïnis en 2023 (15,4 M USD).

Emirats arabes unis

Le promoteur immobilier d'Abu Dhabi, Aldar Properties, déploiera 1.4Md USD supplémentaires pour développer des actifs commerciaux tels que des tours de bureaux, des bâtiments commerciaux ou encore hôteliers dans la capitale émirienne. Aldar Properties a attribué un contrat estimé à 820M USD pour la construction du projet Saadiyat Lagoons à l'entrepreneur local Innovo Build. Dans le cadre du troisième lot du développement, environ 975 villas seront construites d'ici fin 2026. En tout, 2700 unités résidentielles sont attendues dans le cadre de ce projet

La plus grande banque des EAU en termes d’actifs, First Abu Dhabi Bank, annonce une hausse de 22% de son bénéfice net en 2023, à 16,4Md AED (4,5Md USD). Cela correspond à une augmentation de 56% sur une base sous-jacente, si l'on exclut les gains provenant de la vente de participations dans des filiales. Le bénéfice net au T4 2023 est quant à lui en hausse de 63% (yoy).

Le groupe portuaire AD Ports a signé un accord de concession de 25 ans avec le Karachi Port Trust (KPT) du Pakistan pour le terminal de vrac et de marchandises générales du port de Karachi. AD Ports ayant déjà obtenu une concession pour plusieurs postes d'amarrage en juin 2023, cet accord vient étendre la présence du groupe sur le port pakistanais. Jusqu'à 75M USD seront investis au cours des deux premières années.

Via sa filiale à 100% Noatum Group, le groupe AD Ports a finalisé l'acquisition de Sesé Auto Logistics en Espagne, dans le cadre d'une transaction évaluée à 88M USD. L'entreprise s'occupe de la logistique et du transport routier de véhicules légers et lourds, et opère dans la plupart des pays européens.

Abu Dhabi Catalyst Partners, une JV entre Mubadala Capital et Alpha Wave Global, a annoncé investir dans le Secondaries Fund IX d'Ardian. Le mandat d'ADCP est d'encourager les entreprises à s'installer ou à étendre leur présence à ADGM (le centre financier de l'émirat), en échange d'investissements.

Blue Owl Capital va s'associer avec Lunate pour acheter des participations minoritaires dans des gestionnaires d'actifs de taille moyenne. Lunate devrait contribuer à hauteur d'environ 500 M USD alors que Blue Owl cherche à lever 2,5 Md USD. Pour mémoire, Lunate a été lancé en 2023 par le fonds souverain ADQ et Chimera Investment.

La municipalité de Dubaï invite les entreprises d'ingénierie, d'approvisionnement et de construction (EPC) à soumettre leurs déclarations de qualification d'ici le 26 février pour le projet de modernisation du système d'assainissement existant de Dubaï. Une fois les entreprises préqualifiées, le processus de PPP sera lancé. Le projet global, d'un montant de 22Md USD, est divisé en six lots qui feront l'objet d'appels d'offres distincts.

Koweït

La National Bank of Kuwait (NBK) vient de présenter un profit net record dans l’histoire de l’entreprise s’élevant à 560.6 M KWD (1,8 Md USD) pour l’exercice 2023. Cela représente une augmentation de 10.1% par rapport à l’exercice précédent. La performance a notamment été portée par les opérations internationales et la gestion de fortune. 

Oman

L’autorité de régulation des services publics (APSR) a annoncé l’objectif d’augmenter la part des énergies renouvelables (EnR) dans le mix énergétique à 31 % fin 2029. Actuellement, la part des EnR est de 5% selon le président d’APSR. Pour rappel, les autorités omanaises visent à porter la part des EnR dans la production locale d’électricité à 10% en 2025, 30% en 2030, 39% en 2040 et 60% en 2050

Qatar

QatarEnergy signe le renouvellement du contrat d’approvisionnement avec Petronet pour la livraison de 7,5 millions de tonnes par an (MTPA) de GNL vers l’Inde sur une durée de 20 ans. 

Les actifs totaux des banques qatariennes augmentent de +3,4% en glissement annuel (g.a.) en 2023, pour atteindre 541 Md USD. Les actifs ont augmenté en moyenne de +6,8% au cours des cinq dernières années (2019-2023) d’après le même rapport de Qatar National Bank Financial Services (QNBFS). Les prêts ont augmenté de +2,5% en g.a. en 2023 pour atteindre 354 Md USD (soit une hausse de +6,5% sur les cinq dernières années). Les dépôts ont diminué de -1,3 % en 2023 et augmenté de +4,1 % en moyenne au cours des cinq dernières années.

Les investissements dans les zones franches du Qatar atteignent 1,4 Md USD, a annoncé Ahmad Al-Sayed, Ministre d'État et Président de l'Autorité des zones franches du Qatar (QFZ) lors d’une visite d’une délégation de la Chambre du Qatar. Les deux entités ont échangé sur les stratégies visant à renforcer leur collaboration, en mettant l'accent sur le soutien à l'économie nationale et la promotion de la mise en place de projets par le secteur privé qatarien au sein des zones franches.

Les fabricants chinois de produits solaires Sungrow et JA Solar ont été contractés par Samsung C&T dans le cadre de la construction de la seconde centrale solaire du Qatar, IC Solar, d’une capacité de 875 mégawatts (MW). Pour mémoire, QatarEnergy avait attribué en août 202 le contrat de d’ingénierie, approvisionnement et construction (ECP) de cette centrale à l’ingénieriste coréen Samsung C&T.