Réflexions hebdomadaires sur les principaux évènements financiers, institutionnels ou règlementaires, aux Etats-Unis.

Sommaire

Conjoncture

  • Les créations d’emploi surprennent à la hausse
  • L’endettement des ménages et leur taux de défaillance continuent d’augmenter
  • Les conditions de crédit continuent de se durcir

Politiques macroéconomiques

  • Le CBO publie les projections économiques et budgétaires sur 10 ans
  • Les membres de la Fed s’accordent sur la nécessité d’attendre avant d’entamer la baisse des taux

Services financiers

  • La SEC encadre l’activité des investisseurs pour compte propre
  • La SEC renforce les exigences de transparence des hedge funds
  • Auditionnée par le Congrès sur les priorités du FSOC, Janet Yellen met l’accent sur la hausse des exigences de fonds propres bancaires

Situation des marchés

Brèves

 


Conjoncture

 

Les créations d’emploi surprennent à la hausse

Selon le rapport mensuel du Bureau of Labor Statistics (BLS) sur la situation de l’emploi, les créations d’emploi ont surpris à la hausse en janvier, à +350 000, dépassant les attentes du marché (+185 000), après +333 000 en décembre (révisé à la hausse de +117 000) et +182 000 en novembre (révisé de +9 000). Ces créations concernent principalement les services professionnels et aux entreprises (+74 000), la santé (+70 000) et le commerce de détail (+45 000).

Le taux de chômage est resté inchangé à 3,7 % en janvier, tout comme le taux d’emploi à 62,5 %. Le taux d’activité a augmenté de +0,1 point à 60,2 %.

Le salaire horaire a progressé de +0,6 % en janvier, après +0,4 % en novembre. Sur douze mois glissants sa croissance s’établit à +4,5 %, après +4,1 % en novembre.

À l’occasion de ce rapport, le BLS a procédé à une revue annuelle des créations d’emplois en 2023 conduisant à des révisions globalement à la hausse.

 

Publié

Révisé

Différence

Janvier

472

482

+10

Février

248

287

+39

Mars

217

146

-71

Avril

217

278

+61

Mai

281

303

+22

Juin

105

240

+135

Juillet

236

184

-52

Août

165

210

+45

Septembre

262

246

-16

Octobre

105

165

+60

Novembre

173

182

+9

Décembre

216

333

+117

Source : BLS

Unité : millier d’emplois créés

 

L’endettement des ménages et leur taux de défaillance continuent d’augmenter

Selon les données trimestrielles publiées par la Fed de New York, l’endettement des ménages a progressé de +1,2 % au T4 2023, portant son niveau total à 17 500 Md USD (+212 Md USD par rapport au T3 2023). Cette progression est tirée principalement par la hausse des crédits immobiliers (+112 Md USD), de la dette de cartes de crédit (+50 Md USD) et des prêts automobiles (+12 Md USD).

Fin décembre 2023, les défaillances concernent 3,1 % du stock des dettes, soit +0,1 point par rapport au trimestre précédent, en hausse continue depuis leur niveau le plus bas atteint au T4 2022 (2,5 %) mais toujours en-deçà du niveau prépandémique (4,7 % au T4 2019). Il a augmenté pour l’ensemble des crédits à l’exception de la dette étudiante. Pour cette dernière, l’administration Biden a mis en place une période de transition (du 1er octobre 2023 au 30 septembre 2024) durant laquelle les paiements non effectués ne sont ni signalés aux agences de notation ni comptabilisés comme des défaillances.

 

Les conditions de crédit continuent de se durcir

L’enquête de la Fed sur les conditions de crédit (Senior Loan Officer Opinion Survey on Bank Lending Practices – SLOOS), publiée le 5 février, fait état d’un durcissement des conditions d’octroi du crédit ainsi que d’une baisse de la demande, tant pour les entreprises que pour les particuliers, au T4 2023. Toutefois, la part des banques ayant répondu avoir resserré davantage les conditions de crédit au T4 2023 a baissé par rapport au T3 2023. Le durcissement des normes concerne davantage les petites banques.

Pour les particuliers, les conditions se sont durcies pour les crédits immobiliers non garantis par l’État et pour les crédits à la consommation. Notamment, les banques ont fait état de spreads plus larges pour les prêts automobiles. Pour les entreprises, le durcissement concerne notamment les prêts commerciaux et industriels (commercial and industrial – C&I) et les prêts pour l’immobilier commercial. Les raisons du durcissement avancées par les banques sont (i) des perspectives économiques moins favorables ou plus incertaines, (ii) une plus grande aversion au risque, (iii) une concurrence moins agressive des organismes de crédit et (iv) la détérioration de leur liquidité actuelle ou attendue.

Interrogées sur les perspectives d’évolution des conditions de crédit, les banques ont déclaré envisager de les resserrer pour l’immobilier commercial, les cartes de crédit et les prêts automobiles. En outre, elles anticipent une détérioration de la qualité des prêts et une hausse de la demande de prêts sous l’effet de la baisse anticipée des taux

 

 

Politiques Macroéconomiques

 

Le CBO publie les projections économiques et budgétaires sur 10 ans

Le Congressional Budget Office (CBO), organe rattaché au Congrès chargé des analyses et des prévisions économiques et budgétaires, a publié le 7 février les projections économiques et budgétaires sur 10 ans.

Sur le plan économique, l’activité devrait ralentir en 2024 avec une hausse du taux de chômage. L’inflation poursuivrait sa baisse en 2024 mais le CBO prévoit un léger rebond de l’inflation en 2025 résultant de la hausse des prix de l’immobilier. Les taux d’intérêt resteraient élevés à court et moyen termes malgré la baisse des taux directeurs. Enfin, le CBO met en avant le relèvement de la croissance potentielle à +2,2 % sur 2024-2028 contre +1,9 % à moyen et long terme, résultant d’une hausse de la main d’œuvre issue de l’immigration.

Sur le plan budgétaire, le déficit et la dette progresseraient moins vite sous l’effet notamment du Fiscal Responsibility Act (FRA). Le CBO indique que le déséquilibre entre les recettes et les dépenses persisterait, conduisant à un déficit chronique de -5,5 % en moyenne sur 2025-2034 (dont -2 % de déficit primaire et -3,5 % liés aux paiements des intérêts la dette). Le taux d’endettement, qui présente le stock de dettes rapporté au PIB, passerait de 99 % en 2024 à 116 % en 2034.

 

Les membres de la Fed s’accordent sur la nécessité d’attendre avant d’entamer la baisse des taux

Les responsables de la Fed s’accordent sur le niveau des taux directeurs qui serait approprié au regard de la bonne tenue de l’économie américaine. Il faudrait d’après eux que la tendance baissière de l’inflation se confirme dans la durée avant d’entamer la baisse des taux. Le président de la Fed, Jerome Powell, a indiqué, lors d’une interview sur CBS, qu’il n’envisageait pas de baisse en mars et que même une baisse en mai était incertaine du fait de la robustesse de l’économie.

Les facteurs qui pourraient contribuer à la poursuite de la désinflation sont selon Loretta Mester (présidente de la Fed de Cleveland) l’amélioration continue des chaînes d’approvisionnement et selon Adrian Kugler, gouverneur, (i) la normalisation de la croissance des salaires, (ii) l’ajustement des prix moins fréquent par les entreprises et (iii) la stabilité des anticipations d’inflation.

Néanmoins, L. Mester a souligné des aléas négatifs comme (i) les tensions en Mer rouge, qui pourraient affecter le coût du fret et perturber les chaînes de valeur, (ii) une surchauffe de la demande en cas d’assouplissement prématuré des conditions financières et (iii) un nouvel épisode de turbulences bancaires. En outre, J. Powell a soulevé l’enjeu des finances publiques américaines au regard de l’évolution du déficit et de la dette. Enfin, Neel Kashkari a signalé des facteurs de risque comme la hausse des défaillances des prêts automobiles et de cartes de crédit et l’immobilier de bureaux.

 

 

Services Financiers

 

La SEC encadre l’activité des investisseurs pour compte propre

Le 6 février, la Securities and Exchange Commission (SEC), l’autorité des marchés financiers, a adopté à 3 voix contre 2 (Mark Uyeda [R] et Hester Peirce [R]) une règle visant à encadrer les institutions non bancaires agissant en tant qu’investisseur pour compte propre. Cette règle intervient en réponse à leur rôle croissant sur certains marchés américains. La SEC souligne en particulier l’importance des Principal Trading Firms (PTFs), qui opèrent à haute fréquence sur le marché des obligations souveraines (Treasuries). La proposition de règle avait été publiée le 28 mars 2022.

Sous la nouvelle règle, les investisseurs pour compte propre dont les actifs sous gestion dépassent 50 M USD doivent s’enregistrer auprès de la SEC en tant que Dealer, et de Government Security Dealer lorsqu’ils interviennent sur le marché des Treasuries. La règle prévoit également qu’ils adhèrent à une organisation professionnelle et qu’ils se conforment à des exigences réglementaires et professionnelles (fonds propres, marges, reporting, déontologie, etc.). L’obligation résulte de critères qualitatifs (nature des activités et des revenus) mais ne comporte pas le critère quantitatif de la proposition de règle, qui fixait un volume de trading mensuel de Treasuries de 25 Md USD.

La règle s’applique aux opérateurs de marché qui exercent à titre principal une activité consistant à (i) dégager des revenus provenant des spreads bid-ask ou (ii) à exprimer des intérêts simultanés à l’achat et la vente sur des titres, à des prix proches des meilleurs prix disponibles et à destination d’autres participants du marché. La règle ne s’applique pas aux sociétés de gestion pour compte de tiers, et vise en premier lieu les PTFs qui ne disposent pas déjà, contrairement aux banques, d’un agrément de Dealer.

L’industrie, représentée par l’Alternative Investment Management Association (AIMA) s’est exprimée à l’encontre de la règle, la considérant comme une menace pour certaines stratégies de trading. La règle entrera en vigueur un an après sa publication au registre fédéral.

 

La SEC renforce les exigences de transparence des hedge funds

La SEC et la Commodity Futures Trading Commission (CFTC), régulateur des marchés de dérivés, ont finalisé le 8 février une règle renforçant les exigences de reporting des hedge funds envers les régulateurs et le Financial Stability Oversight Council (FSOC), le conseil chargé de la stabilité financière. Les hedge funds devront transmettre des informations plus détaillées sur leurs expositions, leurs emprunts, leurs méthodes de compensation, leur liquidité, leurs risques ainsi que la performance de leurs différentes stratégies. Les hedge funds ayant plus de 500 M USD d’actifs nets sous gestion seront soumis à des exigences d’information renforcées.

La règle prévoit en outre certaines dispositions applicables aux sociétés de gestion des private funds, catégorie incluant les hedge funds et les fonds de private equity, et leur impose de transmettre des informations sur leurs activités (actifs sous gestion, flux de souscriptions et de rachats, levier, performance, investisseurs, etc.) afin que les régulateurs puissent mieux suivre les tendances de ces marchés et prévenir les risques systémiques.

La règle entrera en vigueur un an après sa publication au registre fédéral.

 

Auditionnée par le Congrès sur les priorités du FSOC, Janet Yellen met l’accent sur la hausse des exigences de fonds propres bancaires

Les 6 et 8 février, Janet Yellen, secrétaire au Treasury, a été auditionnée par la Chambre des représentants et le Sénat à propos du rapport annuel 2023 sur la stabilité financière du Financial Stability Oversight Council (FSOC), qui réunit les principaux régulateurs bancaires et financiers (Fed, FDIC, SEC, CFTC, etc.).

J. Yellen est d’abord revenue sur deux risques majeurs pour la stabilité financière des États-Unis, à savoir l’exposition des banques au secteur de l’immobilier commercial, rappelant les faillites bancaires survenues au printemps 2023 (Silicon Valley Bank, Signature, First Republic, etc.), et l’instabilité géopolitique internationale, qui ont constitué les priorités du FSOC pour l’année 2023.

J. Yellen a ensuite exposé le programme de travail du comité, qui s’organise autour de cinq axes : i) la réévaluation des niveaux de fonds propres et des réserves de liquidités nécessaires aux institutions financières, en insistant sur la nécessité de réguler les institutions financières non bancaires (IFNB) ; ii) la promotion d’un cadre réglementaire ambitieux en matière de transparence climatique, en soulignant l’impact des risques climatiques sur le système financier, en particulier dans le secteur de l’assurance dommage ; iii) l’établissement de partenariats publics-privés pour lutter contre les incidents de cybersécurité ; iv) l’accroissement des capacités d’expertise des régulateurs sur les technologies d’intelligence artificielle (IA), qui constitue une vulnérabilité émergente pour le système financier ; v) la conception d’une régulation fédérale des stablecoins et du marché au comptant des crypto-actifs.

Plusieurs fois interrogée sur la transposition des accords de Bâle III, J. Yellen n’a pas souhaité commenter les dispositions spécifiques de la règle. Elle a cependant réitéré son soutien à l’esprit de la mesure, qu’elle considère essentielle pour que les banques soient en mesure d’absorber leurs pertes en cas de nouvelle crise bancaire. Interrogée sur le sujet connexe des risques liés à l’exposition des banques au secteur de l’immobilier commercial, J. Yellen a indiqué que le risque systémique était improbable. Cependant, elle estime que les banques régionales montrent des signes de vulnérabilité, et que certaines pourraient connaître des difficultés dans les mois à venir.

 

Situation des marchés

 

Au cours de la semaine écoulée (de vendredi à jeudi), l’indice S&P 500 a progressé de +1,66 %, à 4 998 points. Les actions de Meta, Amazon, SoFi Technologies et Chevron ont progressé à la suite de la publication des résultats ou de perspectives de bénéfices optimistes.

L’action de New York Community Bank (NYCB, 116 Md USD d’actifs) a poursuivi sa chute cette semaine (-27 % sur 5 jours, -60 % sur un mois). Les agences de notation Moody’s et Fitch ont dégradé la notation de la dette de long terme de la banque. Celle-ci a tenté de rassurer les marchés en publiant un communiqué sur la situation de sa liquidité (dépôts en hausse depuis le début de l’année, actifs liquides excédant les dépôts non-assurés, etc.). L’action a toutefois de nouveau baissé de ‑6,5 % le 8 février. Les autres banques régionales ont été partiellement affectées par cette baisse (KBW Regional Banks en baisse de -2,9 % sur 5 jours et de -10,6 % sur un mois), certains établissements particulièrement exposés à l’immobilier commercial étant les plus touchés (Valley National -8% sur 5 jours et ‑23% sur un mois).

La foncière cotée KKR Real Estate Finance Trust a enregistré une baisse de -21 % sur la semaine à la suite d’une forte réduction de son dividende. Le groupe a annoncé une perte de 59 M USD sur un prêt à l’immobilier de bureau à Philadelphie et le placement sous surveillance de plusieurs prêts à des immeubles d’habitation.

Les rendements des obligations souveraines américaines (Treasuries) à 2 ans et à 10 ans ont augmenté respectivement de +24 points de base et de +27 pb pour atteindre 4,5 % et 4,2 %. Le taux à 2 ans a bondi lundi à l’ouverture des marchés du fait notamment de l’interview de J. Powell dimanche selon lequel les taux de la Fed ne baisseraient probablement pas avant mai.

 

Brèves