Toute l'actualité économique et financière hebdomadaire de l'Arabie Saoudite, du Bahreïn, des Emirats arabes unis, du Koweït, d'Oman, du Qatar et du Yémen

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Too big to fail

« Nous avions l'habitude d'accorder des subventions directes et des dépôts sans condition, nous sommes en train de changer cela » avait déclaré le ministre saoudien des Finances Mohammed al-Jadaan au cours du Forum de Davos en janvier 2023. Est-ce la fin des chèques en blanc pour les pétro-monarchies du Golfe ?

Plusieurs économies du Moyen-Orient se maintiennent à flot grâce aux aides financières bilatérales de l’Arabie saoudite, des Emirats, du Koweït et du Qatar, en raison : i) de leur montant très important et ii) de leur conditionnalité historiquement faible, voire inexistante. Entre 2021 et 2022, le CCEAG a ainsi déboursé 34 Md USD afin d’aider six de ses voisins (International Institute for Strategic Studies (IISS), Gulf Bailout Diplomacy, 2023). En comparaison avec les prêts officiels du FMI dans la période 1963-2022, les renflouements du Golfe ont été cinq fois plus importants en Égypte et en Jordanie. Le véritable préteur en dernier ressort pour ces pays ? Ce n’est pas le FMI, mais les riches pétro-monarchies du Golfe.

Ces aides financières officielles passent par différents canaux, les plus importants étant les supports budgétaires, les dépôts à la Banque centrale du pays aidé, l’annulation de dette, l’achat d’obligations souveraines ou encore les facilités de crédits pour l’achat d’hydrocarbures. D’autres vecteurs d’aides existent et ont pu être mobilisés par le CCEAG, qu’ils soient non financiers (aide humanitaire, aide militaire) ou non officiels en transitant par des acteurs privés (dons à vocation religieuse, investissements).

Cette diplomatie du sauvetage financier par les pays du Golfe a une finalité protéiforme. Les principaux objectifs sont toutefois de quatre ordres : i) stabiliser la situation financière d’un pays allié en grande difficulté, ii) accroître son influence dans la politique interne, iii) renforcer son poids sur la scène internationale et, iv) obtenir des actifs économiques ou industriels stratégiques.

Le cas égyptien illustre parfaitement la stratégie de bail-out des pays du Golfe.

Tout d’abord car l’Egypte est un pays crucial pour les pétro-monarchies arabes. L’Egypte est à la fois le pays le plus peuplé du monde arabe (106 M d’habitants, 2/3 de moins de 30ans), le gardien du Canal de Suez, un centre culturel et religieux historique ainsi qu’une puissance militaire et diplomatique régionale. En d’autres termes, l’Egypte est « too big to fail ». 

Ensuite, par les montants des aides financières officielles en provenance du Golfe. L’Egypte en est le premier bénéficiaire. Entre 1963 et 2022, le pays a capté 30% des aides de renflouement des pays du CCEAG (IISS, 2023). Entre 2021 et 2022 ce ratio monte même à 50%, soit 17 Md USD (IISS, 2023). Des perfusions critiques donc, voire vitales (+ de 20% du RNB égyptien en 1990), pour l’économie domestique.

Enfin, car l’évolution non linéaire des opérations de bail-out des pays du CCEAG vers l’Egypte témoigne nettement du caractère très géopolitique de ces flux financiers. Par exemple, le soutien financier saoudien s’est arrêté en 1978 à la suite de la signature par l’Egypte des Accords de Camp David ainsi que d’un traité de paix avec Israël, et en 2012 avec l’arrivée au pouvoir au Caire de Mohamed Morsi dont le parti politique est issu des Frères musulmans, une organisation considérée comme terroriste par Riyad. Au contraire, l’aide financière saoudienne a repris en 1990 quand l’Egypte a participé à la coalition anti-Irak au Koweït et en 2013 à la suite du coup d’état militaire au Caire. L’aide financière bilatérale des pays du CCEAG auprès de l’Egypte est depuis restée importante afin de maintenir le pays à flot, alors en fortes difficultés financières. Rien qu’au S2 2023, deux accords ont été conclus entre les EAU et l’Egypte : un accord de currency swap entre banques centrales à hauteur de 1,36 Md USD et le renouvellement d’un dépôt émirien de 1 Md USD auprès de la Banque centrale cairote.

Les pays du CCEAG sont toutefois de plus en plus vigilants quant à l’utilisation de cette aide financière. Une rationalité que l’on retrouve d’ailleurs dans les décisions d’investissement des fonds souverains, bien moins opportunistes qu’avant. La raison en est la priorité mise, par les pétro-monarchies, dans le développement de leurs économies alors que la fin du tout-pétrole se rapproche inéluctablement et que les besoins d’investissements en interne sont immenses.

A défaut de disparaitre, il y a donc fort à parier que les chèques en blanc vont progressivement se raréfier. Les pays du CCEAG vont désormais demander, dans le cadre de leurs aides, une garantie supplémentaire FMI accompagnée de réformes (pour maximiser l’efficience et l’efficacité du bail-out bilatéral) et/ou davantage de contreparties économiques. Par exemple, en 2022, le soutien financier saoudien à l’Egypte a été suivi d’accords d’une valeur combinée de 7,7 Md USD.

Une autre solution est peut-être d’innover dans les relations financières bilatérales.

Cette semaine, le ministre égyptien des Finances, M. Mohamed Maait, a ainsi déclaré que son gouvernement songeait à émettre, pour la première fois, une dette libellée en dirhams émiriens. L’objectif est clair : diversifier le stock de dette en termes de devises et attirer davantage d’investisseurs d’Abu Dhabi et de Dubaï.

 

Principaux bénéficiaires des aides de renflouement des pays du Golfe (1963-2022)

GCC Gulf

Source : IISS research, Hasan T Alhasan and Camille Lons, Gulf Bailout Diplomacy: Aid as Economic Statecraft in a Turbulent Region (2023), décaissements calculés en USD constants de 2020.

 

Pétrole et gaz

Brent : 02/02/2024 à 19h30 GST : 79,2 USD

Les cours pétroliers sont en baisse cette semaine. Après avoir atteint près de 84 USD le baril en début de semaine, les contrats de Brent pour la prochaine livraison s’échangent actuellement – ce vendredi 2 février à 9h30 GST - à un peu plus de 79 USD.

Cette dynamique baissière est liée à la fois i) aux fondamentaux économiques qui demeurent fragiles et ii) aux signaux positifs reçus Proche-Orient quant à un potentiel cessez-le-feu entre Israël et le Hamas, ce qui apaiserait les craintes quant à une perturbation future de l’offre. En parallèle, l’OPEP+ a décidé de maintenir le statuquo autour des réductions actuelles de pétrole au T1 2024. L’Arabie saoudite va donc continuer à produire environ 9Mbj contre un quota OPEP 2024 officiel de 10,5Mbj et une capacité de 12Mbj.

 

Brèves économiques  

Arabie Saoudite

Le PIB réel de l'Arabie saoudite s'est contracté de 3,7 % en glissement annuel (g.a) au T4 2023. Le PIB pétrolier a diminué de 16,4% en g.a au T4 2023 tandis que le PIB non pétrolier a augmenté de 4,3% sur la même période.

Les autorités saoudiennes demandent à Aramco de mettre en pause le processus d’augmentation de ses capacités pétrolières et de maintenir ces dernières à 12Mbj. Pour rappel, en mars 2020, le géant pétrolier avait reçu une directive lui demandant d’augmenter sa capacité de production maximale de 1 Mb/j pour atteindre 13 Mb/j d’ici 2027. En novembre 2023, Aramco avait indiqué que ce projet de renforcement de sa capacité de production maximale avançait très bien.

NEOM lance un appel d’offres pour un PPP de 8 Md USD. NEOM a lancé un appel d’offres pour un contrat visant à développer la deuxième phase de ses partenariats public-privé (PPP) pour les logements des travailleurs du projet. La date limite de soumission des offres est fixée au 5 février. Cette deuxième phase devrait comprendre jusqu’à 20 communautés de 10 000 habitations chacune. Le coût de chaque communauté est compris entre 400 et 450 M USD, soit 8 Md USD pour l’ensemble du projet. La première phase du projet avait été finalisée en juin dernier pour un montant de 5,6 Md USD.

Mawani établit de nouvelles zones d’ancrage pour le port King Fahd. L’Autorité portuaire saoudienne (Mawani) a annoncé vouloir moderniser le port industriel King Fahd de Yanbu en établissant de nouvelles zones d’ancrage des navires. Ces installations permettront de moderniser plusieurs services logistiques dans le port, notamment le ravitaillement des navires en fournitures et en carburant. Pour mémoire, la stratégie nationale de transport et de logistique vise à porter la contribution du secteur au PIB brut du pays à 10 % d’ici 2030 contre 6 % actuellement.

La King Abdulaziz City for Science and Technology (KACST) et ACWA Power créent un centre de recherche sur la « clean tech ». Ce centre marque une étape décisive dans l’avancement de ces technologies dans la région et devrait se concentrer sur la réalisation d’études scientifiques dans des domaines clés des secteurs de l’eau et de l’énergie. Parmi ses principaux objectifs figurent le développement des technologies de l’énergie solaire, le développement des centrales photovoltaïques dans des conditions climatiques difficiles, le stockage de l’énergie et les matériaux innovants pour les membranes de dessalement.

Le PIF a complété l’émission de son obligation de 5 Md USD. L’émission avait suscité une forte demande lundi dernier avec des souscriptions qui ont dépassé les 27 Md USD. L’obligation est structurée en 3 tranches : une première tranche de 1,75 Md USD qui arrivera à échéance en 2029, une deuxième tranche de 1,75 Md USD qui arrivera à échéance en 2034, et une troisième tranche de 1,5 Md USD qui arrivera à échéance en 2054.

Le prince héritier a annoncé le lancement d’Alat, une nouvelle société du fonds souverain PIF. Alat doit contribuer à faire du royaume un hub mondial de l’électronique et des industries de pointe. L’entreprise devra contribuer à hauteur de 9,3 Md USD au PIB non pétrolier d’ici 2030 et créer 39 000 emplois directs. Elle se concentrera sur la fabrication de produits destinés aux marchés locaux et internationaux à travers sept business units : industries de pointe, semi-conducteurs, appareils intelligents, santé intelligente, bâtiments intelligents et infrastructures de nouvelle génération.

L’Arabie saoudite pose sa candidature pour accueillir le Forum mondial de l’Eau à Riyad en 2027. Cette décision s’inscrit dans le cadre des efforts faits par le pays en faveur de la durabilité des ressources en eau et objectifs de développement durable (ODD). Le forum est organisé par le Conseil mondial de l’eau.

Bahreïn

Bahreïn accueille la troisième assemblée générale de l’Organisation pour la coopération digitale (OCD). Présidée par le Ministre des transports et des télécommunications et Président de l’OCD, Mohammed Al Kaabi, la réunion qui accueille des délégations étrangères vise à renforcer les initiatives de coopération digitale internationale et à soutenir le secteur de l’économie du numérique.

Bapco Energies a lancé son cadre de financement de la transition énergétique. Ce cadre permettra à la structure énergétique de Bahreïn de lever des fonds pour financer des projets de transition dans certaines catégories clés. Ces catégories comprennent, entre autres, les énergies renouvelables, le captage et le stockage du carbone, les combustibles à faibles ou à nulles émissions et l'efficacité énergétique. Pour rappel, l'objectif du Royaume est de parvenir au net-zéro d'ici à 2060.

Emirats arabes unis

L'énergéticien émirien Masdar et CMA CGM ont signé un partenariat sur le long terme visant à conclure des contrats d'achat de carburants maritimes verts destinés aux navires de l'armateur marseillais. D'ici 2028, CMA CGM disposera d'une flotte de 119 navires capables de fonctionner aux carburants verts.

Le ministre égyptien des Finances, M. Mohamed Maait, a déclaré que son gouvernement songeait à émettre, pour la première fois, des obligations libellées en dirhams émiriens, en roupies indiennes et en dollars de Hong Kong. Toujours selon le ministre, ces émissions contribueraient à diversifier le portefeuille de la dette en y incluant différentes devises et en attirant davantage d'investisseurs étrangers.

La coentreprise entre l'émirien TAZIZ et la société suisse Proman a lancé un appel d'offres pour un projet de construction de la première usine de méthanol des EAU dans la zone industrielle de Ruwais. Le complexe aura une capacité de production annuelle de 1,8 M de tonnes, le méthanol servant à produire des carburants, des adhésifs, des solvants ou encore des produits pharmaceutiques. Les offres techniques sont attendues d'ici le 17 avril.

La ligne de train passagers entre Abu Dhabi et Al Dhannah a été inaugurée jeudi. Le ministre émirien de l'Industrie et des Technologies avancées et patron d'ADNOC, Sultan Al Jaber, a participé à ce voyage inaugural. Cette première portion du réseau ferroviaire vise à permettre aux travailleurs d'ADNOC de voyager entre les deux villes. Pour mémoire, la ligne de fret est quant à elle opérationnelle depuis mi 2023.

S’est ouverte cette semaine la 49ème édition du salon Arab Health de Dubaï, le plus grand événement sur la santé de la région. Plus de 110 000 visiteurs sont attendus. Selon le cabinet de conseil Alpen Capital, les investissements dans le secteur de la santé dans le CCG devraient atteindre 135.5Md USD d'ici 2027, avec un taux de croissance annuel de 5.4%. Parmi les premières annonces en marge de l’évènement : Abu Dhabi Health Services Company (SEHA), une filiale à 100% de Pure Health Holding, a déclaré acquérir 25% des parts de la Mayo Clinic dans le cadre d'une transaction de 150M USD.

Koweït

Le ministère koweïtien des Finance anticipe un déficit budgétaire pour l’exercice 2024-2025. Plus précisément, les autorités prévoient des recettes estimées à environ 18,7 milliards de dinars (60,8 milliards de dollars), en baisse de 4,1% par rapport à l'exercice précédent, et des dépenses totales estimées à environ 24,5 milliards de dinars (79,6 milliards de dollars), soit une baisse de 6,6% par rapport à l'exercice précédent. Le ministère prévoit donc un déficit budgétaire à environ 5,9 milliards de dinars (19,1 milliards de dollars), soit 13,5% de moins que l'exercice précédent.

Renforcement de la coopération entre le Koweït et l’Arabie saoudite à la suite d’une visite de l’émir du Koweït. Les deux pays ont annoncé renforcer la coopération dans des domaines variés incluant les hydrocarbures et les technologies vertes. Ils ont souligné l’importance de leur coopération dans le cadre de l’OPEP+. Un memorandum of understanding a été signé dans le domaine de la cybersécurité et aussi un accord sur le projet de connexion ferroviaire reliant le Koweït à l’Arabie Saoudite.

Un rapport de la National Bank of Kuwait (NBK) prévoit un léger rebond dans l’activité immobilière en 2024. Le dernier trimestre 2023 a vu la meilleure performance par rapport au trimestre précédent (+13,6% QoQ) depuis le T2 2022. L’année a tout de même été difficile pour le secteur, avec la hausse des taux d’intérêt, l’augmentation de la valeur des logements et l’attractivité d’autres classes d’actif.

Oman

Annoncé lors du « Sommet sur lIntelligence Artificielle dOman », le Sultanat dOman aurait accueilli en 2023 environ 33 M OMR (85,8 M USD) dinvestissements dans lIA. Pour rappel, le MTCIT cherche à accélérer la transformation numérique et le rôle des technologies de l'information (de 30 à 35% en 2040 contre 10 à 15% aujourd’hui) en stimulant les investissements et la R&D dans l’IA, les technologies avancées, l’entreprenariat et l’innovation. Dans le détail, le Sultanat d’Oman a pour objectif de porter l’investissement dans l’IA à 250 M USD en 2025 et 400 M USD en 2030.

Qatar

QatarEnergy annonce l'attribution des quatre principaux contrats d'ingénierie, d'approvisionnement, de construction et d'installation (EPCI), évalués au total à plus de 6 Md USD, dans le cadre de la troisième phase de développement d'Al-Shaheen, le plus grand champ pétrolier du Qatar. Les quatre lots EPCI ont été attribués à des compagnies américaines et asiatiques.

QatarEnergy et Excelerate Energy signent un accord de vente et d'achat pour la fourniture de jusqu’à 1 million de tonnes par an (MTPA) de GNL du Qatar vers le Bangladesh, sur une durée de 15 ans à compter de janvier 2026.

Le Qatar signe un MoU de transport aérien avec Madagascar qui stipule l'exploitation de sept vols de passagers et de sept vols de fret.

Qatar Financial Center (QFC) va promouvoir les services de Meeza auprès de ses entreprises enregistrées. Dans le cadre d’un MoU signé entre les deux entités, Meeza offrira des tarifs privilégiés et compétitifs aux entreprises enregistrées au QFC.