Réflexions hebdomadaires sur les principaux évènements financiers, institutionnels ou règlementaires, aux Etats-Unis.

Sommaire

Conjoncture

  • Les ventes au détail surprennent à la hausse
  • Le Beige Book indique une activité économique stable
  • Les dépenses des ménages ralentissent

Politiques macroéconomiques

  • Le Congrès adopte un 3ème budget provisoire expirant les 1er et 8 mars
  • Le Congrès publie un paquet fiscal à la suite d’un accord bipartisan
  • Les responsables de la Fed n’envisagent pas de baisses imminentes des taux directeurs

Services financiers

  • Les grandes banques publient leurs résultats trimestriels et annuels
  • Face aux critiques contre la transposition de Bâle III, la Fed montre des signes d’ouverture
  • L’OCC souhaite renforcer les exigences de liquidité des banques
  • Le CFPB propose d’encadrer les frais de découvert facturés par les grandes banques

Situation des marchés

Brèves

 

Conjoncture

 Les ventes au détail surprennent à la hausse

Les données publiées le 17 janvier par le Census Bureau indiquent, pour le mois de décembre, une hausse des ventes au détail de +0,6 % par rapport à novembre 2023. Cette hausse est portée par les ventes en ligne (+1,5 %), les vêtements et les accessoires (+1,5 %) et les ventes automobiles (+1,1 %), mais partiellement compensée par une baisse de la vente de produits de santé et d’hygiène (-1,4 %), de meubles (-1 %) et dans les stations-services (-1,3 %). 

Sur douze mois glissants, la progression s’est établie à +5,6 %, appuyée par les ventes automobiles (+10,3 %), l’électronique et les appareils électroménagers (+10,7%), les produits d’hygiène et de santé (+10,7%) et les ventes en ligne (+9,7%), tandis qu’ont reculé les ventes de meubles (-4,7%) et dans les stations-services (-6,6%).

 

Le Beige Book indique une activité économique stable

Le Beige Book publiépublié le 17 janvier, qui présente l’évolution de la situation économique dans les 12 districts des Fed régionales, n’indique pas de changement majeur de l’activité par rapport à sa dernière parution fin novembre.

La consommation des ménages est restée dynamique pour les fêtes de fin d’années, soutenue par le tourisme et la vente d’accessoires. L’activité manufacturière a baissé. Les taux encore élevés ont pesé sur les ventes immobilières et automobiles, mais la perspective de leur baisse dans l’année est source d’optimisme pour de nombreux secteurs. Malgré des inquiétudes quant à l’affaiblissement de la demande, à l’immobilier de bureaux et aux échéances politiques, les entreprises interrogées anticipent une croissance positive pour 2024.

De même, le marché du travail est resté stable mais affiche néanmoins des signes de ralentissement, à savoir une augmentation du nombre de demandeurs d’emplois, ainsi qu’une baisse des entrées et sorties des travailleurs et de la pression salariale.

Les prix ont progressé à un rythme modéré. La sensibilité au prix croissante des consommateurs a conduit les commerçants à réduire leurs marges et à se mobiliser contre l’augmentation des prix des intrants par leurs fournisseurs.

 

Les dépenses des ménages ralentissent

Selon une enquête de la Fed de New York sur la consommation des ménages publiée le 16 janvier, sur un an, les dépenses mensuelles des ménages ont ralenti à +5 % en décembre 2023 après +5,5 % en août 2023. Cette baisse est plus prononcée pour les personnes âgées de plus de 60 ans (+5 % après +7,9 %) et les ménages dont les revenus annuels sont inférieurs à 50 000 USD (+5,6 % après +9 %).

Ce mouvement semble se confirmer dans les intentions de dépenses des ménages pour 2024. La variation attendue au cours des douze prochains mois a baissé, à +3 % en décembre contre +3,4 % en août.

 

 

Politiques Macroéconomiques

 

Le Congrès adopte un 3ème budget provisoire expirant les 1er et 8 mars

Le Congrès a adopté (77-18 au Sénat et 314-108 à la Chambre des représentants) le 18 janvier un nouveau budget provisoire (continuing resolution) expirant les 1er et 8 mars. Le texte a été publié par la commission des appropriations du Sénat le 14 janvier à l’approche de la 1ère date d’expiration du budget provisoire, à savoir le 19 janvier.

Le texte prolonge jusqu’au 1er mars le financement des 4 des 12 lois d’appropriations – (i) agriculture et développement rural, (ii) énergie, (iii) construction militaire et anciens combattants, et (iv) transport, logement et développement urbain – et jusqu’au 8 mars celui des 8 lois d’appropriations restantes.

Depuis la fin de l’exercice budgétaire 2023 (30 septembre 2023), le Congrès a adopté 3 fois le budget provisoire : le 1er expirant le 17 novembre, puis le 2ème expirant les 19 janvier et 2 février selon la répartition supra. Faute de budget annuel ou provisoire, l’État fédéral risque un arrêt des activités non-essentielles (shutdown). Un budget provisoire permet de maintenir le fonctionnement de l’État fédéral pour une période intérimaire mais ne l’autorise pas à engager de nouvelles dépenses.

Dans le cadre de la loi Fiscal Responsibility Act, adoptée en juin 2023, si le budget annuel n’est pas voté le 30 avril, un rabot de ‑1 % est appliqué à l’ensemble des dépenses discrétionnaires (représentant environ un tiers des dépenses totales).

 

Le Congrès publie un paquet fiscal à la suite d’un accord bipartisan

Le Congrès a publié le 16 janvier un nouveau paquet fiscal visant notamment à (i) alléger la fiscalité pour les ménages à bas revenus, (ii) favoriser l’innovation et la croissance, (iii) renforcer la compétitivité, (iv) soutenir les zones touchées par les catastrophes naturelles, (v) accroître l’offre de logements abordables et (vi) avancer la date limite du dépôt de demandes de certains dispositifs de soutien mis en place dans le cadre de la crise sanitaire.

Le projet résulte d’un accord bipartisan porté par le sénateur Ron Wyden (D‑Oregon), président de la commission des finances au Sénat, et le représentant Jason Smith (R-Missouri), président de la commission des voies et moyens.

Le projet de loi comprend notamment (i) la prolongation de l’allocation familiale (Child Tax Credit) en rehaussant le plafond des aides à 1 800 USD en 2023, 1 900 USD en 2024 et à 2 000 USD en 2025 avec ajustement en fonction de l’inflation dès 2024, (ii) l’élargissement des dispositifs de déduction de certaines dépenses de R&D, de dépréciation et d’amortissement des entreprises ainsi que le rehaussement du plafond de ces dispositifs pour les PME, (iii) des dispositifs fiscaux avec Taïwan dont ceux permettant d’éviter une double imposition, (iv) le rehaussement du plafond de financement pour l’offre de logements pour les ménages à bas revenus.

La Joint Committee on Taxation (JCT), organe du Congrès chargé d’évaluer les mesures fiscales, estime le coût des mesures à près de 80 Md USD sur 2024-2033.

 

Les responsables de la Fed n’envisagent pas de baisses imminentes des taux directeurs

Christopher Waller, gouverneur de la Fed, a indiqué que la première baisse aurait plutôt lieu au second semestre 2024, position partagée avec Raphael Bostic, président de la Fed d’Atlanta.

En effet, C. Waller souligne une évolution de l’économie conforme aux attentes, à savoir une croissance du PIB qui se normaliserait à +1 à 2 % au T4 2023, un taux de chômage inférieur à 4 % et une inflation sous-jacente (Personal Consumption Expenditure – PCE) proche de 2 % en rythme annualisé au cours des six derniers mois. Néanmoins, il a indiqué souhaiter observer des données supplémentaires afin de pouvoir affirmer le retour de l’inflation à sa cible de 2 % et donc commencer la baisse des taux. En particulier, il identifie trois risques qui pourraient retarder la baisse des taux : une activité qui resterait vigoureuse, la détérioration de l’équilibre entre l’offre et la demande sur le marché du travail et la résurgence de l’inflation.

Pour mémoire, les marchés anticipent six baisses de 25 points de base des taux directeurs à partir de mars 2024.

 

 

Services Financiers

 Les grandes banques publient leurs résultats trimestriels et annuels

Les six plus grandes banques américaines par la taille du bilan (JP Morgan - JPM, Bank of America - BoA, Citigroup - Citi, Wells Fargo - WF, Goldman Sachs - GS, Morgan Stanley - MS) ont publié leurs résultats pour le T4 2023 et l’exercice 2023.

Les résultats trimestriels, marqués par de nombreux éléments exceptionnels, sont très différenciés selon les banques. Par rapport au T4 2022, les banques enregistrent pour la plupart une hausse de leurs produits nets bancaires (PNB). La marge nette d’intérêt est néanmoins pénalisée par la hausse des charges d’intérêt, tandis que les encours de prêts sont stables et que les dépôts sont en légère baisse. Le coût du risque augmente pour la plupart des banques, principalement face aux expositions à l’immobilier commercial, aux cartes de crédit et aux crédit autos. Les banques ont toutefois souligné la bonne résilience des consommateurs américains. Plusieurs banques enregistrent des provisions ou des charges exceptionnelles ce trimestre (contribution exceptionnelle au fonds de garantie des dépôts ; provision de Citi face à ses expositions en Russie et en Argentine ; indemnités de licenciements pour WF, etc.).

 

Sur l’ensemble de l’année 2023, les quatre plus grandes banques enregistrent des PNB en hausse grâce à la progression de leur marge nette d’intérêt (+34 % pour JPM, +9 % pour BoA, +13 % pour C, +17 % pour WF), notamment sur le segment des particuliers. Les banques spécialisées dans les activités d’investissement et de marché voient leur PNB stagner (-2 % pour GS, +1 % pour MS). Les charges d’exploitation sont dans une dynamique haussière, entraînant des résultats nets en baisse pour 4 banques sur 6. JPM se démarque avec un résultat net en hausse de +32 % et réalise le meilleur résultat de son histoire, grâce à la hausse de ses résultats de banque de détail (y compris intégration de First Republic) et à la résistance de sa banque d’investissement. Citi (-38 %) a annoncé un plan de suppression de 20 000 emplois. GS et MS publient leurs résultats annuels les plus faibles depuis l’exercice 2019.

 

S’agissant des perspectives pour 2024, plusieurs banques estiment que la tendance de renchérissement des dépôts devrait se poursuivre, même dans un contexte de baisse des taux d’intérêt. Les banques s’attendent par ailleurs à une faible croissance de leurs encours de prêts. Les banques disent néanmoins anticiper une reprise des activités d’émission et de fusions-acquisitions, favorisées par des baisses de taux (signalées par la Fed). La plupart des banques indiquent être davantage confiantes dans un scénario d’atterrissage en douceur (soft landing) de l’économie américaine.

 

Face aux critiques contre la transposition de Bâle III, la Fed montre des signes d’ouverture

La période de consultation publique sur le projet de transposition des accords de Bâle III aux États-Unis s’est achevée le 16 janvier 2024. Dans leur réponse à la consultation, le Bank Policy Institute (BPI) et l’American Bankers Association (ABA), qui représentent les intérêts des banques, estiment que ces règles font peser des risques importants sur le financement de l’économie et critiquent le manque de justification économique des propositions. Ils regrettent en outre que les nouvelles pondérations des risques opérationnels et de marché ne tiennent pas compte des exigences liées au Stress Capital Buffer (SCB) déjà en vigueur. Dans une  lettre du 12 janvier, le BPI, la US Chamber of Commerce, la SIFMA (qui représente la gestion d’actifs) et le Financial Services Forum estiment que l’adoption du cadre proposé constituerait une violation des règles de procédure administrative et demandent qu’une nouvelle proposition de règle soit publiée.

Depuis plusieurs mois, ces critiques sont régulièrement relayées par des élus républicains. Des élus démocrates ont également manifesté récemment leurs réserves. Dans un courrier du 16 janvier adressés aux régulateurs, 50 représentants à la Chambre se disent préoccupés par les impacts potentiels sur le crédit immobilier et sur le financement des entreprises. Dans un courrier distinct, 13 sénateurs démocrates souhaitent que le cadre prudentiel ne pénalise pas l’investissement dans la transition énergétique.

Dans des interventions récentes, Michelle Bowman et Christopher Waller, gouverneurs de la Fed d’affinité républicaine, se sont exprimés sur le sujet. M. Bowman a estimé, à partir de données collectées par la Fed auprès des banques en octobre 2023, que les nouvelles règles entraîneraient des impacts négatifs sur l’économie américaine. Elle souhaite une recalibration des exigences et une adaptation de celles-ci selon la taille des banques.  C. Waller a appelé à une refonte du projet et à la publication d’une nouvelle proposition par la Fed. Dans un évènement à huis clos du 9 janvier, Michael Barr, vice-président de la Fed pour la supervision, aurait, selon BPI, indiqué que la Fed publiera prochainement une nouvelle analyse d’impact ouverte à commentaires publics. Il se serait montré ouvert à de potentiels assouplissements relatifs au risque opérationnel et au risque de crédit pour les expositions aux prêts immobiliers.

 

L’OCC souhaite renforcer les exigences de liquidité des banques

Dans un discours du 18 janvier, Michael Hsu, directeur par intérim de l’Office of the Comptroller of the Currency (OCC), régulateur des banques ayant un agrément fédéral (State Banks), s’est dit favorable à un renforcement des exigences de liquidité des banques afin de tirer les enseignements des faillites de Silicon Valley Bank (SVB) et de Signature Bank en mars 2023.

M. Hsu a retenu trois principaux enseignements : (i) la rapidité de la fuite des dépôts non-couverts par le fonds de garantie, (ii) la nécessité, pour les banques, d’être capable de convertir rapidement en cash leurs actifs liquides et (iii) la contagion des risques de liquidité entre banques comparables, même en l’absence d’expositions ou d’interconnexions entre elles (« guilt by association »). Il regrette aussi que la discount window, principale facilité de refinancement auprès de la Fed, soit peu utilisée, notamment en raison du stigma associé à ce dispositif et souhaite inciter les banques à utiliser celui-ci.

Dans cet objectif, M. Hsu évoque l’idée d’un ratio de liquidité de très court terme qui serait imposé aux banques de moyenne et grande taille. Ce ratio rapporterait les réserves et les actifs pré-positionnés comme collatéral auprès de la discount window (numérateur) aux potentiels tirages de liquidités sur une période de 5 jours en situation de stress (dénominateur). La règle imposerait aussi aux banques d’effectuer des tests de tirage auprès de la discount window, afin de s’assurer de leur préparation et de mettre un terme au stigma. L’OCC poursuivra ses analyses et ses travaux en collaboration avec les autres régulateurs dans les prochains mois.

 

Le CFPB propose d’encadrer les frais de découvert facturés par les grandes banques

Le 17 janvier, le Consumer Financial Protection Bureau (CFPB) a publié une proposition de règle visant à  encadrer les frais de découvert facturés par les plus grandes banques dont les actifs dépassent 10 Md USD. La proposition a pour objectif de limiter les facturations abusives des frais de découvert, et de soumettre ces prestations à l’ensemble des lois sur la protection financière des consommateurs, dont elles étaient jusqu’à présent exemptées.

Sous cette règle, les banques couvrant les découverts de leurs clients auront la possibilité (i) de facturer des frais de découvert strictement encadrés (courtesy service) ou (ii) d’octroyer des crédits, en s’inscrivant dans ce cas dans les règles de protection des consommateurs. Dans le premier cas, les banques seraient tenues de facturer des frais de découvert couvrant uniquement leurs coûts (break-even standard) ou bien de suivre une grille tarifaire (benchmark fee) proposée par le CFPB, actuellement en cours de discussion (les seuils proposés sont de 3, 6, 7, ou 14 USD - contre une moyenne de 35 USD actuellement). Dans le second cas, les banques pourront proposer des crédits qui leurs seront profitables, tant qu’ils sont conformes aux règles de droit commun sur le crédit (The Truth in Lending Act – TILA), notamment en termes de transparence sur les coûts (charge d’intérêt, frais etc.) et de protection des consommateurs (établissement du profil de risque de l’emprunteur). Les découverts sont jusqu’à présent exemptés de ces règles de droit commun.

La proposition cible environ 175   établissements bancaires. Le CFPB estime que cette règle permettrait aux 23 millions de ménages concernés par les frais de découvert d’économiser environ 150 USD par an (soit 3,5 Md USD à l’échelle nationale). La proposition est soumise à consultation publique jusqu’au 1er avril 2024. 

 

Situation des marchés

 

Au cours de la semaine écoulée (de vendredi à jeudi), l’indice S&P 500 a reculé de -0,2 % pour atteindre 4 780 points. Cette baisse s’expliquerait notamment par des craintes liées au maintien prolongé des taux élevés du fait de la robustesse de la demande (ventes au détail) et des discours des responsables de la Fed moins favorables à des baisses rapides des taux directeurs. Les actions des grandes banques ont baissé plus que l’indice S&P 500 (KBW Bank Index -2,1 %, Morgan Stanley -6,5 %) à la suite de la publication de leurs résultats (cf. infra) et dans le contexte d’incertitude sur la trajectoire de la politique monétaire.

Les rendements des obligations souveraines américaines (Treasuries) à 2 ans et à 10 ans ont augmenté depuis la semaine dernière, à 4,34 % (+0,09 point) et 4,14 % (+0,16 point) respectivement, influencés par une révision de la trajectoire de taux d’intérêt.

 

Brèves

 

 Résultat net annuel