Un secteur qui représente un poids significatif dans l'économie, avec une importante dépendance à certaines ressources et une forte concurrence étrangère

Le secteur de la construction et des travaux public représente dans beaucoup de pays de la zone une part significative du PIB et plus encore du nombre d’emplois même si ceux-ci restent souvent largement informels et peu qualifiés. Les principaux vecteurs de croissance du secteur sont la croissance démographie et urbaine avec les logement et bâtiments commerciaux (financement largement privés) et les grands projets d’infrastructures (financements publics notamment des bailleurs). De entreprises françaises sont présentes sur l’ensemble de chaine de valeur : génie civil mais aussi fourniture de matériaux, ingénierie et architecte. Les entreprises locales sont souvent de petite taille et peu armées pour des grands projets mais la concurrence étrangère est très présente notamment chinoise mais aussi indienne ou turque. Même si peu mature à ce jour, le verdissement du secteur via des réglementations et innovations se développe et peut-être source d’opportunité pour des marchés plus favorables à l’offre française.

Un poids significatif dans l’économie avec une importance dépendance aux importations pour certains intrants.

Secteur structurant et moteur du développement d’infrastructures, le secteur du BTP et de la construction est un pilier de l’économie pour de nombreux pays dans la région. Il représentait en Éthiopie 20,6% du PIB en 2021/2022, 13,1% en 2021 en Tanzanie et 7,6% du PIB au Rwanda. Il est un pourvoyeur d’emplois important dans la région, comme au Rwanda où il est le premier secteur en termes de nombre d’emplois (12,6 %), même si ces derniers restent peu qualifiés et souvent informels. Le manque de formation nuit ainsi souvent à la productivité des entreprises dans le secteur.

Au-delà de l’activité des entreprises de construction et travaux publics, l’approvisionnement en intrants est également un enjeu économique majeur mais une situation assez différenciée entre les deux principaux matériaux de base : le ciment (relative autonomie de la zone) et le fer/acier (dépendance forte aux importation). Les principaux producteurs de ciment dans la région AEOI sont :  le Kenya avec une production de 9,8 Mt en 2022 (+5,5% par rapport à 2021), l’Ethiopie avec une production qui s’est élevée à 7,7 Mt sur FY20/21 (production inférieure à la demande en raison de contraintes de productions), et la Tanzanie avec 7,5 Mt de ciment produit en 2022, (+9,7% depuis 2021).

L’ensemble des pays de la région sont tributaires des importations en acier et en fer (voir graphique du mois), pour une valeur de totale 3,98 Mds$ en 2022, avec la Chine comme principal fournisseur[1]. Le Kenya a ainsi importé un volume de 1,7 Mt en 2021 pour une valeur de 1,3 Md EUR en provenance de la Chine, du Japon et de l’Inde. Si quelques entreprises locales de transformation d’acier existent, la production brute est faible malgré des réserves de minerais de fer significatives (Ethiopie par exemple). Le secteur est ainsi fortement affecté par les cours mondiaux des matières premières, ce qui se répercute, par une forte augmentation des coûts de construction. Faute de devises, les importations en Ethiopie sont ainsi fortement contraintes depuis 2019 (-44%),

Un secteur tiré par la demande de logement et bâtiments commerciaux ainsi que par les grands projets d’infrastructures

Conséquence d’un taux de croissance urbaine rapide (+4,2% par an au Kenya, +4,5% en Tanzanie, +5% en Ouganda) et de l’essor démographique dans la zone AEOI, les besoins dans le secteur de la construction sont importants dans les secteurs résidentiels et tertiaire. La grande majorité des logements et des nouvelles constructions tertiaires sont financés par le secteur privé et résistent donc partiellement aux contraintes des finances publiques.

Afin de faire face au déficit de logements abordables (déficit de deux millions d'unités au Kenya et de 5,5 millions au Rwanda), des programmes nationaux ont également été mis en œuvre par plusieurs gouvernements de la région, mais les contraintes de financement restent fortes et les résultats globalement faibles à ce jour. A Djibouti, le gouvernement a ainsi lancé le programme « Zéro bidonville » pour contenir l'expansion des logements précaires et informels. Au Kenya, le programme du gouvernement Ruto en la matière semble freiné par le coût des terrains et les obstacles à l’accès au financement des ménages et des organismes publics.  Dans le domaine du bâtiment tertiaire, au-delà des projets d’immeubles de bureaux, communs à de nombreuses capitales de la région, on peut citer le tourisme avec l’implantation de grands groupes étrangers qui dope la construction hôtelière (Tanzanie, Seychelles, Maurice, Madagascar notamment). 

Des besoins importants en infrastructures dans la région soutiennent le développement du secteur de la construction, mais leurs concrétisations se heurtent souvent aux manques de capacités des autorités publiques et aux contraintes de financements. Au-delà de quelques projets financés sur fonds propres des gouvernements (comme le barrage du GERD en Ethiopie) ou sur financements commerciaux (SGR Tanzanien), les bailleurs contribuent historiquement au financement d’infrastructures du BTP en soutenant notamment les secteurs des transports. A titre d’exemple, l’AFD a approuvé un projet de réhabilitation et construction de routes dans les régions arides au nord du Kenya.

Malgré une forte concurrence, notamment chinoise, des opportunités pour les acteurs françaises, d’ampleur variables selon les géographies et segments de marché.

Du fait de leurs tailles souvent réduites, les entreprises locales, pourtant nombreuses, sont largement concurrencées par les entreprises étrangères pour les projets de grande ampleur. Au Kenya, en Tanzanie et en Ethiopie, le marché de la construction est dominé par les entreprises chinoises qui concurrencent les fabricants locaux et les entreprises françaises encore peu positionnées malgré de réelles opportunités. L’Éthiopie est devenue le plus grand bénéficiaire des activités de construction chinoises en Afrique[2]. Parmi les nombreuses entreprises chinoises actives, il est possible de citer deux des principales entreprises (majoritaires détenues par l’Etat chinoise) : China Communication Construction Company (CCCC, SGR Kenyan et de nombreux projets routiers au Kenya) ou China Civil Engineering Construction Corporation (rail éthio-djiboutien). Certaines entreprises européennes restent actives comme l’Italien Webuild, qui réalise les activités de génie civil du GERD, ou le Portugais Mota-Engil qui réalise la première phase de l’aéroport de Bugesera au Rwanda. Au Rwanda et en Somalie, les grands projets ont principalement profité à des entreprises turques comme EBS (Base militaire turque, hôpital ou bureaux Mogadishio). Des entreprises indiennes, comme Larsen and Toubro sont également bien placées sur plusieurs marchés (eau, énergie, transports) de la région comme en Ouganda, au Kenya, en Ethiopie ou à Maurice.

Les Entreprises françaises sont présentes dans la région sur la chaîne de valeur du BTP, principalement en matière de fourniture de matériaux et d’ingénierie/architecte mais aussi sur le génie civil (Groupes Vinci, Eiffage ou Colas). Des opportunités existent aussi pour les entreprises françaises sur le segment du bâtiment durable. C’est par exemple le cas au Kenya et en Tanzanie, où Saint- Gobain a ouvert des bureaux et déploie différentes solutions de matériaux d'isolation économes en énergie aux systèmes de construction durables et innovants et possède également une usine locale. Schneider Electric se positionnent aussi dans ces deux pays pour la fourniture de matériel électrique. Le développement de plusieurs complexes résidentiels de luxe dans ces deux géographies représente des opportunités pour l’offre française, sur les segments de l’éclairage haut de gamme par exemple. Le segment du logement abordable reste peu porteur pour l’offre française en raison de la concurrence à bas coût, locale ou étrangère (chinoise notamment).

Concernant le verdissement du secteur, via des matériaux plus durables ou l’efficacité énergétique notamment, il reste à un niveau globalement faible même si la règlementation (comme au Kenya, s’inspirant de celle européenne) évolue et des initiatives privées se développe. L’adaptation au changement climatique des infrastructures (routes, barrages, etc.) est également un enjeu de plus en plus pris en compte notamment sur les projets financés par des bailleurs multilatéraux ou bilatéraux.

 



[1] Principalement de la Chine, du Japon, de Turquie, d’inde, d’Afrique du Sud, de la Corée du Nord, d’Italie, des Emirats Arabes Unis.