1/ Le Pakistan est une puissance agricole importante à fort potentiel.

Le secteur agricole est l’épine dorsale de l’économie pakistanaise. Selon le « Pakistan Economic Survey 2021-22 » publié par le ministère des finances en juin 2022, elle aurait contribué pour 22,7 % au PIB de l’économie au cours de l’année budgétaire 2021/2022. Elle emploie 37,4 % de la population active.

Le Pakistan est la 8ème agriculture mondiale en termes de richesse produite[1].

La production laitière pakistanaise est au 5ème rang mondial (65,7 millions de tonne), la production de coton est la 5ème (après l'Inde, la Chine, les États-Unis et le Brésil), la production de canne à sucre est à la 5ème place (derrière le Brésil, l'Inde, la Chine & la Thaïlande), la production de blé est à la 7ème place mondiale avec 25 millions de tonnes métrique,  la production d’œufs est au 9ème rang mondial (avec 48,83 millions de poules pondeuses et 21,28 milliards d’œufs produits), la production de riz est à la 10ème place mondiale, le 11ème rang en matière de production de volailles au monde (1,02 milliard de poulets), et le 15ème producteur de viande (bœuf, chèvres, moutons).

Le Pendjab est de loin la province plus importante en matière de production agricole. Le riz Basmati représente 65% de la production totale de riz de la province et 100% du riz basmati produit au Pakistan l’a été dans le Pendjab.  Lors du dernier recensement agricole de 2016, la province comptait 5,2 millions de fermes, 42% des fermiers possèdent seulement un hectare de terres.  70% du lait produit au Pakistan a été trait au Pendjab.

2/ Le développement agricole pakistanais est à ce stade quasiment autocentré à l’exception majeure du secteur rizicole.

Secteur de la volaille/oeufs :

En 2021/2022, le Pakistan a exporté pour 3,23 M USD de viande de volaille. En forte baisse par rapport à 2016/2017 (80 MUSD). Selon la fédération pakistanaise de la volaille (PPA), cette situation est liée (i) au fait que les couts de production ont beaucoup augmenté en raison des restrictions à l’importations du soja, une politique visant à la substitution des importations mise en vigueur en 2020 (officiellement, il s’agit de lutter contre le soja produit à partir d’OGM) et (ii) augmentations des impôts sur les sociétés de la filière. Dans cette situation, les exportateurs de poulets auraient, selon la PPA, des couts de productions finaux supérieurs de 20 à 25 % à ceux du Brésil qui se sont emparés de leurs part de marché sur les Emirats arabes unis et au Koweït.

Cependant, l’usine d’abattage et de congélation « Sabroso » visitée pendant la mission correspondait aux meilleures pratiques sanitaires du continent nord-américain (passage des volailles dans des bains de chlore) avec des normes sanitaires très strictes.

Dans le secteur des œufs, le Pakistan est un exportateur marginal vers les EAU et le Koweït (seules destinations des œufs pakistanais pour un montant de 16 M USD en 2021/2022).

Les secteurs des ovins et des bovins est estimé à 80 millions de têtes dans le pays. Leur développement à l’international est entravé (i) par des zoonoses récurrentes (fièvre aphteuse et dermatose nodulaire contagieuse), (ii) par des logiques de prix très avantageuses (« premium ») pendant les fêtes religieuses, (iii) par le fait qu’il s’agit du secteur le plus « éclaté » de l’agriculture pakistanaise, le cheptel étant majoritairement détenu par des petits ouvriers agricoles (cf. partie 3/)

Secteur du riz :

Entre 8 et 10% des transactions internationales de riz proviennent chaque année du Pakistan. En 2019/2020, le riz avait représenté 2 Mds USD du total des exportations pakistanaises (pour 3,4 millions de tonnes métriques en 2019/2020 -3,8 millions de tonnes métriques sont attendues en 2022/2023) soit 8% du total des exportations pakistanaises. La Rice Exporters Association of Pakistan (REAP) projette d’augmenter ses exportations de riz à 5 Mds USD par an (par une politique agressive en Afrique et en Asie centrale notamment.

Les autres exportations sont balbutiantes :

Le Pakistan a exporté marginalement en 2021/2022 des mangues (86 MUSD), des pommes de terre (86,4 M USD), des oignons (76 M USD) et des oranges (20 M USD).[2] Quand on voit l’implication d’un grand groupe comme Mannoo dans la culture des mangues et des oranges, on ne peut être que surpris par ces faibles résultats pour un pays qui est le 5ème producteur du monde en matière de mangue[3].

3/ La faible ouverture à l’international de l’agriculture s’explique en grande partie par la structure de l’agriculture pakistanaise divisée en deux « blocs » socio-économiques.

- Les grands propriétaires terriens ont la plupart du temps un comportement « latifundiaire », ils sont représentés par un « manager » dans une propriété. Ils sont très présents dans le nord du Sindh, le Baloutchistan et le sud du Pendjab.

Cette partie de l’agriculture cultive essentiellement le blé et le coton et marginalement des mangues et des dates. Comme ils ont de bonnes relations avec le pouvoir politique, les grands propriétaires terriens disposent d’un accès privilégié aux engrais et aux subventions économiques (notamment au prix de soutien à l’achat de blé et de coton, qui diffère selon les provinces).

Si on ajoute les propriétaires terriens traditionnels aux fermes détenues par les industriels (paragraphe 5), 2% des propriétaires terriens détiennent 45% des terres arables du pays.[4]

- La culture du blé représente 7,8 % de la valeur ajoutée de l’agriculture pakistanaise et 1,8 % du PIB (Pakistan Economic Survey 2021-2022). La production de blé est passée de 23,6 millions de tonnes métriques en 2018/2019 à 25,6 millions de tonnes métriques en 2019/20 à 27,4 millions de tonnes métriques en 2020/2021 et 26,4 millions de tonnes métriques en 2021/2022. La difficulté du Pakistan à atteindre l’autosuffisance en matière de blé et du coton, deux cultures poussant dans les propriétés latifundiaires est en partie liée au sous-investissement en matière d’irrigation et d’arrosage et d’utilisation de semences de mauvaise qualité [5], cette situation étant -selon certains analystes- liée au fait que les propriétaires terriens perçoivent l’agriculture plus comme une rente garantie par des prix de l’Etat que comme une économie qui améliore ses rendements en fonction des investissements qui y sont effectués.

- Les 7,4 millions de petits paysans et ouvriers agricoles qui ne sont pas propriétaires de leurs terres pourraient représenter avec leurs familles 56 millions de Pakistanais[6]. Les très petits agriculteurs travaillent en partie sur les terres des grands propriétaires terriens, ils possèdent entre 2 et 5 hectares (12,5 acres) de terres.

Ils pratiquent une agriculture vivrière peu monétarisée (économie de troc, informelle sur le lait, autoconsommée). Ils possèdent quelques buffles et des vaches. 50% du lait produit dans ces cellules agricoles familiales est autoconsommé, l’autre moitié étant achetée par des intermédiaires. Ces vaches ont une production quotidienne Il est généralement estimé que 82% (d’autres sources vont jusqu’à 90%) du lait de vache produit au Pakistan sont issus de ces très petites exploitations[7]. Le modèle économique de cette population est structuré autour de l’élevage notamment du fait que l’animal constitue l’épargne « sur pied » de la cellule agricole familiale.

On notera que les institutions en charge du développement agricole n’ont pas encouragé sérieusement les petits paysans à se moderniser ou à former des coopératives. La proportion de la main-d’œuvre agricole n’a diminué que de 7 points de pourcentage en trois décennies, contre 30 à 35 points de pourcentage au cours de la même période dans des pays à forte croissance et orientés vers l’exportation comme la Chine et le Viet Nam.[8]

4/ On constate cependant, un début de transformation sectorielle liée à l’émergence de nouveaux types d’acteurs agricoles.

4/1- Les propriétaires de fermes de taille moyenne et moyenne supérieure.

- Les agriculteurs de taille moyenne sont situés dans le centre du Pendjab et dans le centre et le nord du Khyber Pakhtunkhwa. Leurs exploitations sont généralement diversifiées : riz, mais, pommes de terre, fruits, tabac, troupeaux n’excédant pas 50 têtes de vaches laitières ou de buffles.

Au Baloutchistan, ce type d’agriculteurs se lance dans la culture des olives. Le Pakistan étant passé en 10 ans de zéro à 1,500 tonnes d’huile d’olive/an et à 830 tonnes d’olives comestibles.

Ces agriculteurs sont déjà des acteurs du changement agricole qui s’orientent vers de nouvelles cultures non-subventionnées mais mieux rémunérées comme le maïs ou les pommes de terre (entre Okara et Gujranwala dans le Pendjab) dont la production a augmenté annuellement de 20% au cours des 10 dernières années. Plusieurs de ces agriculteurs fournissent notamment la filiale du groupe Pepsi Cola qui fabrique les chips Lays.

Cette approche est encouragée par la Banque mondiale qui veut entrainer un changement de la structure agricole du Pakistan en concentrant soin aide sur les petits et moyens agriculteurs (et notamment les éleveurs) alors que jusqu’à présent son action était orientée vers les propriétaires terriens bénéficiant déjà de subventions de l’Etat.

- Les propriétaires d’élevages allant jusqu’à 200 têtes deviennent des acteurs majeurs du secteur du lait de vache. Il existe actuellement 4600 fermes de 200 têtes dans le pays dont 90% sont situées au Pendjab.

 

4/2- Les grands industriels pakistanais investissent dans l’agriculture (filière lait, élevages de poulets, filière fruits)

Le Président Pervez Musharraf avait appelé en 2005 les grands industriels du textile et du ciment à initier une « révolution blanche » en se diversifiant dans le secteur laitier. Aujourd’hui, 17 sociétés basées dans de très grandes fermes du Pendjab disposent de plus de 600 vaches laitières.

Selon le directeur général de Tetra Pak Pakistan, le secteur du lait a un potentiel de chiffre d’affaires d’environ 30 Mds.[9] Ci-dessous, une présentation rapide des 7 plus grands groupes impliqués dans l’industrie laitière.

La première importation de 500 vaches Holstein-Frisonnes au Pakistan a été prises en charge par le groupe Sapphire, holding active dans divers groupes (immobilier, centrales électriques conventionnelles, parcs éoliens), dont le textile, s’est lancé en 2007 dans les laiteries en créant Sapphire Dairies Ltd et les « Rivayat Farms » ainsi que la marque « Trumilk ».

Le modèle de la ferme pakistanaise constaté sur le terrain est la ferme américaine ou australienne. Les deux premiers producteurs de textile (« Interloop » et « Nishat Textile » ont rapidement emboité le pas de Sapphire dans le domaine laitier., suivi d’acteurs de plus petite taille (le Pakistan compte aujourd’hui 17 fermes de plus de 600 vaches).

Interloop compte aujourd’hui 4000 vaches laitières et Nishat en compte pour sa part 3700. Les deux sociétés ont conclu des joint-ventures avec des sociétés turques (Rella Gida pour Interloop et Sütaş pour Nishat). Interloop RellaGida CO -IRC- utilise à ce stade 6000 tonnes par mois pour produire des produits laitiers (beurre, yoghourts et fromages). Nishat est moins avancé qu’Interloop et passe actuellement par Fauji Food pour refroidir et pasteuriser son lait. D’ici deux mois, Nishat Dairy devrait disposer de sa propre structure de pasteurisation avec son partenaire turc Sütaş.

Les vaches élevées dans ces structures sont en moyenne à 30 litres de lactation par vache et par jour tout au long de l’année (contre 28 litres de lait en France sur 10 mois). Ces fermes sont intégrées depuis la production d’alimentation jusqu’à la vente du lait. Nos interlocuteurs évoquent l’arrêt de l’importation de soja (pour des raisons liées au manque de devises). De facto, les sociétés laitières essaient de remplacer le soja par d’autres aliments protidiques comme les graines de coton. 

Ummer group of companies une société de Karachi active dans le secteur du textile, du cuir, du BTP et de la génération électrique a également lancé Umer Farms Ltd dans le secteur des produits laitiers au Pendjab, la société dispose d’une ferme de 1500 vaches laitières Holstein Friesian qui devraient doubler prochainement. Cette ferme qui est considérée comme la mieux équipée du Pakistan (matériel Delaval, Wopa et Albers) dispose de taureaux reproducteurs et s’est diversifiée dans la génétique.

Haleeb, Dairy est une société issue d’un petit producteur national de ciment (Pioneer cement, 23ème société pakistanaise en production). 

Akhtar Group : un autre groupe du textile, de taille relativement modeste, a lui aussi investi dans les industries agro-alimentaires avec des marques de lait (« Dairyland ») et les élevages de poulet (Dairyland poultry).

Monnoo Group of Companies : ce groupe est un grand groupe textile (17filatures) qui a investi dans la production de fruits (mangues et oranges).

 

4/3- Intérêt des grands investisseurs internationaux :

Arrivée de Nestlé en1988 dans le cadre d’une joint-venture avec Milk Pak Ltd qui a été totalement absorbée dès 1992.

Arrivée de la société néerlandaise Friesland-Campina

Friesland-Campina a acheté 51% des parts de la filiale laitière d’Engro, la première société pakistanaise en matière de fabrication d’engrais (et un importateur de gaz naturel liquéfié), elle contrôle aujourd’hui à 51% Friesland-Campina Engro (qui détient 49% du groupe néerlando-pakistanais).

Le potentiel lié à la rationalisation de l’agriculture pakistanaise étant très important (au minimum 85% de la production laitière du pays est effectuée par des très petits agriculteurs), le secteur semble ouvert à de nouveaux acteurs internationaux.  Le fonds d’investissement du Qatar « Qatar Fund » recherche selon le « Pakistan Agriculture Coalition » des opportunités d’investissements dans le secteur laitier notamment.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



[1] Il n’existe pas d’information fiable concernant l’agriculture pakistanaise depuis le dernier le recensement de 2016. Selon les experts, tous les chiffres sont établis à partir d’algorithmes appliquant des taux de croissance annuelles à partir de données de 2016. On notera que le ministère de l’agriculture ne publie plus de statistiques concernant la production de blé depuis les deux campagnes de 2020/2021, dernière année où le Pakistan a officiellement exporté du blé.

[2] http://amis.pk/Import%20and%20Export%20of%20Agricultural%20Commodities/ImportAndExport.html

[3] Chiffre exprimé par le ministère de l’agriculture pakistanais

[4] https://tribune.com.pk/story/2374250/smallholder-agriculture-emergence-of-production-clusters

[5] Entretien banque mondiale et https://iips.com.pk/wheat-crisis-in-pakistan-policy-brief/

[6] https://tribune.com.pk/story/2374250/smallholder-agriculture-emergence-of-production-cluster

[7] https://pide.org.pk/blog/milk-production-in-pakistan/

[8] https://tribune.com.pk/story/2374250/smallholder-agriculture-emergence-of-production-clusters

[9] https://aurora.dawn.com/news/1144640