Lettre économique d'AEOI - Soutien des bailleurs en AEOI
Une APD qui représente la moitié de l’aide continentale, concentrée sur certains pays
En 2021, la zone AEOI a attiré 25,3 Mds USD d’APD, soit 45,9 % de l’aide publique au développement (APD) à destination des pays d’Afrique sub-saharienne et 18,7 % de l’APD mondiale. Caractérisée par une forte concessionnalité, en raison du faible niveau de développement des pays de la région, cette aide se concentre principalement sur l’Ethiopie (1er bénéficiaire en Afrique sub-saharienne), le Soudan (2ème), le Kenya (5ème) et la Tanzanie (6ème) en raison de leur forte population. L’APD par tête est en revanche dominée par les petits pays et le Soudan jusqu’à 2021. Bien que le montant de l’APD perçue par la région ait connu une baisse par rapport à son niveau de 2020 (point haut à 27,2 Mds USD du fait de la pandémie), ce dernier reste en forte augmentation par rapport à son niveau pré-crise de 2019 (+22,2 %). Les montants 2022 de nouveaux projets octroyés montrent une augmentation de l’intervention des bailleurs par rapport à 2021.
L’Ethiopie, le Soudan et le Kenya, principaux bénéficiaires de l’APD en AEOI en 2021
Selon les données de l’OCDE, la zone AEOI a bénéficié en 2021 de 25,3 Mds USD d’APD, soit 45,9 % de l’APD à destination des pays d’Afrique sub-saharienne et 18,7 % de l’APD mondiale. Un niveau élevé qui s’explique notamment par l’important soutien des bailleurs à l’Ethiopie (1er bénéficiaire d’APD en Afrique sub-saharienne ; 4,1 Mds USD d’APD perçue en 2021 dont 3,8 Mds de dons), au Soudan (3ème ; 3,8 Mds USD dont 3,6 Mds de dons) et au Kenya (5ème ; 3,2 Mds USD dont 1,8 Mds de dons). Concernant l’Ethiopie, l’attention particulière des bailleurs s’explique par la concomitance de divers facteurs, notamment son poids démographique (pays le plus peuplé de la zone AEOI avec 127 millions d’habitants en 2023), son fort niveau de pauvreté et son rôle majeur dans la stabilité de la Corne de l’Afrique. Concernant le Soudan, l’implication des bailleurs a été fortement renforcée en 2020-2021 après la révolution démocratique. Cependant l’éclatement du conflit armé en avril 2023 à mis un coup d’arrêt aux interventions prévues. Seuls l’aide humanitaire et quelques projets localisés dans des zones épargnées par le conflit perdurent. Concernant le Kenya, si le pays est considéré comme PRI-TI depuis 2014, ce dernier continue de bénéficier d’importants prêts concessionnels. En cause, le caractère « Too big to fail » du pays qui, malgré une situation financière très fragile, joue un rôle indispensable dans le développement économique et la stabilité politique de la région.
Outre les pays précédemment cités, la Tanzanie (6ème ; 10ème), l’Ouganda (7ème ; 7ème), la Somalie (8ème ; 5ème), le Soudan du Sud (10ème ; 8ème), le Rwanda (16ème ; 15ème) et Madagascar (21ème ; 24ème) sont aussi des bénéficiaires majeurs d’APD avec une aide cumulée de 12,1 Mds USD en 2021 dont 10,4 Mds USD de dons. A noter que la Somalie, l’Ouganda et le Soudan du Sud devancent le Kenya en matière d’APD délivrée sous forme de dons. Vient ensuite le Burundi (28ème ; 28ème) avec une APD totale nette de 608,2 MUSD dont 530,6 MUSD de dons. Depuis l’élection d’Evariste Ndayusimiye en 2020 et l’apaisement consécutif des relations avec les bailleurs multilatéraux, qui s’étaient détériorées à la suite de la crise politique de 2015, l’engagement de ces derniers a retrouvé son niveau pré-crise au Burundi. Malgré leur niveau de développement élevé, Maurice (33ème ; 46ème) et les Comores (41ème ; 38ème) continuent de bénéficier d’un soutien de la part des bailleurs, recevant respectivement 293,2 et 153,7 MUSD en 2021 dont 84,2 et 135,3 MUSD de dons. Dernier pays de la zone AEOI en matière d’APD avec 43,9 MUSD reçus en 2021 intégralement sous forme de dons, l’Erythrée (48ème ; 48ème) se démarque de ses voisins par une politique de refus de l’aide initiée en 2005, et s’inscrit sans surprise parmi les pays d’Afrique sub-saharienne recevant le moins d’aide des bailleurs. Mention spéciale pour les Seychelles qui n’ont reçu aucune APD en 2021 en raison de leur statut PRE.
Tiré à la hausse par l’Ethiopie, le Soudan et le Kenya, le niveau d’APD par habitant de la zone AEOI est élevé. En 2021, les 14 pays de la zone (hors Seychelles) ont ainsi perçu une moyenne d’APD de 98 USD/habitant. Un montant nettement supérieur à la moyenne mondiale de 26 USD/habitant et à la moyenne en Afrique sub-saharienne de 53 USD/habitant. En regardant l’APD par habitant, le classement des bénéficiaires change radicalement, puisque l’Ethiopie se retrouve en queue de peloton, après Madagascar (voir graphique). Le niveau d’APD décaissée par pays est également dépendant de l’avancée effective des projets, qui est entre les mains du pays bénéficiaire et le taux de décaissement peut être faible (exemple de Madagascar).
Si l’impact de l’APD sur l’évolution des indicateurs de développement demeure incertain, il convient d’observer que ces derniers se sont globalement améliorés sur les vingt dernières années. Entre 2000 et 2021, la moyenne pondérée[1] du PIB/habitant en AEOI est ainsi passée de 282 USD à 1 035 USD. Sur la même période, la moyenne pondérée de l’IDH en AEOI est passée de 0,38 à 0,52, soit une augmentation de 38,5 %. Une tendance à la hausse suivie également par l'espérance de vie dont la moyenne pondérée en AEOI a connu une croissance d’environ 11 ans, passant de 52 ans en 2000 à 63 ans en 2021.
La majorité des pays de la zone étant classifiés comme PMA, ces derniers bénéficient d’une APD principalement en don (environ 79 % de l’aide totale délivrée à la zone AEOI) ou en prêts très concessionnels. La Banque mondiale, qui compte en 2021 pour 17,7 % de l’APD totale perçue par la région, intervient majoritairement via des prêts AID (98,2 % des prêts consentis par la BM en AEOI en 2022). De même, de nombreux pays bénéficient de programmes FMI puisant intégralement ou majoritairement dans les ressources du fonds PRGT, caractérisé par des prêts à taux zéro.
Si l’ensemble des pays de la région (hors Seychelles) bénéficient de conditions de financement concessionnelles, des différences subsistent néanmoins sur le degré de concessionnalité qui leur est accordé. On soulignera notamment le cas (i) du Kenya qui, par son niveau de développement, bénéficie de conditions de financement auprès de la BM, de la BAD et du FMI moins concessionnelles que les autres pays de la région, et (ii) des Comores, qui bénéficient de conditions de financement auprès de la BM plus concessionnelles que les autres en raison du caractère small economy de l’archipel.
La Banque mondiale, les Etats-Unis et le FMI comme principaux bailleurs de la région AEOI
En 2022, selon les données du SER de Nairobi, le montant des projets approuvés par les bailleurs multilatéraux en AEOI a observé une hausse d’environ 26 % en comparaison de 2021 pour atteindre un total de 19,0 Mds USD. En termes de montants engagés, le groupe Banque mondiale arrive en tête avec 76,6 % des montants engagés par les bailleurs multilatéraux. Dans le détail, l’IDA compte pour 66,2 % des montants engagés, contre 7,3 % pour la SFI, 1,8 % pour la MIGA et 1,2 % pour la BIRD. Viennent ensuite la BAD avec 6,9 % des montants engagés, le FMI avec 6,6 %, l’Union européenne avec 3,3 % et la BEI 1,8 %. Si la contribution de l’UE est relativement faible en comparaison de celle des autres bailleurs, il convient de noter que celle-ci est intégralement composée de dons. En 2022, l’aide des bailleurs multilatéraux se répartie essentiellement sur les secteurs de l’agroalimentaire (11,9 %), des transports (11,9 %), du social (10,9 %), de l’aide budgétaire (10,1 %) et du secteur privé (8,8 %).
Concernant le FMI, les pays sous assistance du fonds à novembre 2023 sont :
- Au titre des programmes Extended Credit Facility (ECF) et Extended Fund Facility (EFF), le Kenya (3,0 Mds USD d’engagement[2], 2,1 Mds USD de prêts décaissés à ce jour) et la Somalie (395,5 MUSD d’engagement, 385,8 MUSD de prêts décaissés à ce jour) ;
- Au titre de l’EFF, les Seychelles (57,0 MUSD d’engagement, 8,2 MUSD de prêts décaissés) ;
- Au titre de l’ECF, les Comores (43,0 MUSD d’engagement, 4,8 MUSD de prêts décaissés), l’Ouganda (1,0 Md USD d’engagement, 0,7 Md USD de prêts décaissés), la Tanzanie (1,1 Md USD d’engagement, 304,3 MUSD de prêts décaissés), et Madagascar (312,4 MUSD d’engagement, 234,1 MUSD de prêts décaissés) ;
- Au titre de la Resilience and Sustainability Facility (RSF), le Rwanda (319,2 MUSD d’engagement, 98,5 MUSD de prêts décaissés), les Seychelles (46,0 MUSD d’engagement, 4,2 MUSD de prêts décaissés), et le Kenya (544 MUSD d’engagement) ;
- Le Soudan du Sud, s’il n’est pas prêt pour un programme avec financement, bénéficie d’un SMP, auquel a été adossé un déboursement au titre de la RCF (114,8 MUSD) ;
- Le Burundi bénéficie d’une ECF depuis juillet 2023, d’un montant total de 266,9 MUSD.
Parmi les bailleurs bilatéraux, selon les données de l’OCDE, les Etats-Unis (21,8 % ; 5,5 Mds USD) arrivent en tête en 2021 et concentrent principalement leur aide sur l’Ethiopie (1,3 Mds USD), le Soudan du Sud (799 MUSD), le Soudan (734 MUSD) et le Kenya (701 MUSD). Viennent ensuite l’Allemagne (4,4 %), le Royaume-Uni (3,9 %) et le Japon (3,4 %). Bien que l’aide de la Chine ne soit pas considérée comme concessionnelle, le pays reste un bailleur bilatéral important pour la région. C’est notamment le cas en Ethiopie (14,1 Mds USD de prêts supposés entre 2000 et 2022 selon le Boston University Global Development Policy Center), au Kenya (9,7 Mds USD), en Ouganda (3,7 Mds USD), en Tanzanie (2,4 Mds USD) et à Djibouti (1,5 Mds USD). En ce qui concerne les secteurs d’intervention, l’APD bilatérale est principalement fléchée vers les infrastructures et services sociaux (39,1 %), l’aide humanitaire (26,5 %) et la gouvernance financière (10,6 %).
En 2021, l’APD bilatérale française pour la zone AEOI a atteint 546,6 MEUR, soit 14,1 % de l’APD totale de la France vers le continent africain, qui reste essentiellement tournée vers l’Afrique de l’Ouest (35,5 %). La zone AEOI n’héberge aucun des 10 premiers bénéficiaires de l’APD française dans le monde[3] mais la France se positionne comme le premier bailleur aux Comores et le 3ème bailleur bilatéral à Djibouti. Les principaux bénéficiaires de l’APD française sont le Kenya (166,6 MEUR en moyenne sur la période), Maurice (143,6 MEUR), la Somalie (137,7 MEUR) et Madagascar (100,0 MEUR). La santé est le premier secteur d’intervention de la France (127,2 MEUR en 2021 soit 23,3 % de l’APD bilaterale française), suivi par le secteur de « l’eau et l’assainissement » (100,5 MEUR ; 16,8 %) et de l’éducation (72,9 MEUR ; 12,4 %). Par ailleurs, 65,2 % de l’aide est distribuée par le groupe AFD (356,1 MEUR - 60,3 % de l’AFD et 4,8 % par Proparco).
[1] Pondérée par la population de chaque pays
[2] Le montant des engagements est donné à titre indicatif, ces derniers peuvent évoluer au gré de l’évolution du taux de change DTS/USD
[3] Brésil, Maroc, Colombie, Mexique, Côte d’Ivoire, Philippines, République dominicaine, Afrique du Sud, Tunisie, Egypte