Washington Wall Street Watch n°2023-37
Réflexions hebdomadaires sur les principaux évènements financiers, institutionnels ou règlementaires, aux Etats-Unis.
Sommaire
Conjoncture
- Le marché du travail affiche des signes de vigueur
- L’inflation totale se stabilise mas sa composante sous-jacente poursuit sa baisse
- Les ventes au détail poursuivent leur progression
- Le Beige Book dépeint une économie américaine qui se normalise en douceur
Politiques macroéconomiques
- Les responsables de la Fed s’accordent sur une politique de « higher for longer » mais divergent sur une nouvelle hausse du taux directeur
Services financiers
- Les grandes banques publient des résultats trimestriels en nette hausse
- La SEC adopte trois règles de modernisation du fonctionnement des marchés
- La Fed travaille sur de nouveaux scénarios de stress tests pour les grandes banques
Situation des marchés
Brèves
Conjoncture
Le marché du travail affiche des signes de vigueur
D’après le rapport mensuel du Bureau of Labor Statistics (BLS) sur la situation de l’emploi, publié le 6 octobre, les créations d’emplois ont surpris à la hausse, à +336 000 en septembre, dépassant largement les attentes du marché (+170 000) et la moyenne des créations au cours des 12 derniers mois (+267 000). Ces créations sont concentrées notamment dans les loisirs et le tourisme (+96 000), l’administration publique (+73 000) – notamment l’éducation et les administrations locales –, les soins de santé (+41 000) et les services professionnels, scientifiques et techniques (+29 000).
Par ailleurs, les créations d’emploi des rapports précédents ont été révisées à la hausse, de +157 000 à +236 000 en juillet et de +187 000 à +227 000 en août.
Le taux de chômage est resté inchangé à 3,8 % en septembre. Le taux d’emploi et le taux d’activité sont également restés inchangés par rapport à août, à 60,4 % et 62,8 % respectivement. Par ailleurs, les demandes hebdomadaires d’allocations de chômage ont à nouveau reculé et s’établissent à moins de 200 000 demandes dans la semaine terminant le 14 octobre, reflétant ainsi la vigueur du marché du travail.
Le salaire horaire moyen a, quant à lui, progressé de +0,2 % sur un mois et de +4,2 % sur douze mois glissants (-0,1 point par rapport à août).
L’inflation totale se stabilise mas sa composante sous-jacente poursuit sa baisse
Selon la publication du BLS, publiée le 12 octobre, l’indice des prix à la consommation (IPC) et sa composante sous-jacente (hors énergie et alimentation) ont augmenté en septembre de +0,4 % et de +0,3 % respectivement (après +0,6 % et +0,3 % en août). Les prix de l’énergie ont augmenté de +1,5 % (après +5,6 %) et ceux de l’alimentation de +0,2 % (après +0,2 %).
Sur douze mois glissants, l’inflation s’établit à +3,7 %, inchangée par rapport à août, et sa composante sous-jacente recule à +4,1 % (après +4,3 %). Les prix de l’énergie baissent de ‑0,5 % (après ‑3,6 %) et ceux de l’alimentation ralentissent à +3,7 % (après +4,3 %).
Selon une enquête de la Fed de New York publiée le 10 octobre, en septembre, les anticipations d’inflation des consommateurs ont légèrement augmenté à 1 an et à 3 ans, respectivement à +3,7 % (+0,1 point par rapport au mois précédent) et +3,0 % (+0,2 point). En revanche, celles à 5 ans ont reculé à +2,8 % (-0,2 point).
Les ventes au détail poursuivent leur progression
Selon les données publiées par le Census Bureau, les ventes au détail poursuivent leur progression à +0,7 % en septembre (après +0,8 % en août, révisé de +0,2 point), soit un niveau nettement supérieur aux attentes du marché (+0,3 %). Les ventes hors essences ont également progressé de +0,7 %. Sur douze mois glissants, les ventes au détail ont progressé de +3,8 %. Les données sont publiées en valeur nominale, donc non ajustées de l’inflation.
Le Beige Book dépeint une économie américaine qui se normalise en douceur
Le Beige Book publié le 18 octobre, qui présente l’évolution de la situation économique dans les 12 districts des Fed régionales, témoigne d’une croissance de l’activité stable par rapport à la période couverte par la publication précédente.
La consommation demeure mitigée mais le tourisme continue d’être dynamique avec une substitution des voyages d’affaires à ceux de loisir. La demande de crédit ralentit mais la qualité du crédit demeure globalement saine. Le taux de défaillances est en hausse bien qu’il demeure historiquement bas. En dépit d’un stock de logements en vente faible, les conditions sont stables sur le marché de l’immobilier. Globalement, les perspectives de l’activité à court terme seraient stables ou légèrement négatives.
Les tensions sur le marché du travail s’apaisent, la plupart des districts ayant indiqué une hausse modérée de l’emploi et de moindres difficultés à recruter. La croissance des salaires a été modeste ou modérée.
Les prix ont progressé à un rythme modeste. En particulier, les prix de vente ont augmenté moins rapidement que ceux des intrants, traduisant une plus grande sensibilité des consommateurs aux prix et le risque d’érosion de la marge bénéficiaire des entreprises.
Politiques macroéconomiques
Les responsables de la Fed s’accordent sur une politique de « higher for longer » mais divergent sur une nouvelle hausse du taux directeur
Selon le procès-verbal (minutes) du dernier comité de politique monétaire de la Fed (FOMC) qui s’est tenu les 19 et 20 septembre 2023, l’ensemble des responsables se sont accordés pour maintenir les taux directeurs élevés dans la durée (higher for longer).
Sur la situation économique, les responsables ont d’abord souligné la résilience de l’économie américaine, soutenue par une consommation robuste, qui montre toutefois des signes d’essoufflement liés à l’épuisement de l’épargne et une plus grande dépendance au crédit. Bien que les tensions s’apaisent sur le marché du travail et que l’inflation recule, les responsables ont indiqué qu’ils observaient une désinflation des services (logements et hors logements) encore trop lente.
S’agissant de la politique monétaire, l’ensemble des membres du FOMC ont soutenu le maintien des taux directeurs dans la durée (higher for longer). Bien que la majorité ait soutenu une hausse supplémentaire du taux directeur, certains ont indiqué que le niveau actuel était suffisamment restrictif, plaidant ainsi pour un statuquo. Les responsables se sont montrés prudents face au double risque, à la fois de surréagir, pouvant conduire à une récession, et de sous-réagir, pouvant provoquer la résurgence de l’inflation.
Les marchés anticipent, à la date du 19 octobre, un maintien des taux directeurs (à une probabilité de 97 %) en novembre. Pour le mois de décembre, le FedWatch Tool prévoit la probabilité de maintien des taux à 69 %, et celle d’une hausse de +25 points de base à 29 %.
Services Financiers
Les grandes banques publient des résultats trimestriels en nette hausse
Les huit plus grandes banques américaines ont publié cette semaine leurs résultats pour le 3ème trimestre 2023.
Les principales banques généralistes enregistrent des marges nettes d’intérêt en forte hausse sur un an (+30 % pour JP Morgan [+12 % sans compter l’intégration de First Republic], +10 % pour Citi, +8 % pour Wells Fargo, +4 % pour Bank of America), la hausse des taux d’intérêt sur les crédits ainsi que rémunération élevée des Treasuries, s’étant opérée plus rapidement que la hausse de la rémunération des dépôts.
Les revenus des activités de marché et de banque d’investissement sont globalement en hausse. Les banques d’investissement profitent de la reprise du marché des transactions de fusions-acquisitions, sauf Morgan Stanley dont les revenus baissent de -27 % sur un an. Les revenus des activités de marché sont en hausse, tirés par le marché des instruments à taux fixe (Citigroup, Bank of America) et celui des actions (Wells Fargo, Morgan Stanley).
Le coût du risque est en baisse pour la plupart des banques (Wells Fargo, JP Morgan, Goldman, Citi) après une forte augmentation au T2 2023. Les banques réduisent leurs provisions pour les crédits automobiles et industriels, qu’elles perçoivent moins risqués, et les compensent en partie seulement par une augmentation pour les prêts du secteur de l’immobilier commercial (Morgan Stanley et Wells Fargo) et les activités de cartes de crédits (Bank of America), en forte hausse dans toutes les banques.
Au total, les résultats nets des banques universelles surprennent à la hausse et dépassent les attentes du marché, à l’exception de Goldman Sachs et Morgan Stanley, qui bénéficient moins de la hausse de la marge nette d’intérêt compte tenu de leur modèle d’affaires centré sur les activités de banque d’investissement et de la forte hausse de leurs charges d’exploitation.
En Md USD |
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Produit net bancaire |
39,9 (+22 %) |
25,2 (+3 %) |
20,1 (7 %) |
Résultat net |
13,2 (+35 %) |
7,8 (+10 %) |
3,5 (+2 %) |
En Md USD |
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Produit net bancaire |
20,9 (+7 %) |
11,8 (-1 %) |
13,3 (+2 %) |
Résultat net |
5,8 (+63 %) |
2,1 (-33 %) |
2,4 (-9 %) |
Source : Bloomberg (standardized) et états financiers trimestriels. Les pourcentages entre parenthèses représentent les variations par rapport au T3 2022 (résultats trimestriels).
La SEC adopte trois règles de modernisation du fonctionnement des marchés
La Securities and Exchange Commission (SEC), l’autorité des marchés financiers, a finalisé cette semaine trois règles qui modernisent le fonctionnement des marchés financiers.
Le premier texte, adopté à 4 voix contre 1 (opposition d’Hester M. Price [R]), raccourcit les délais de déclaration de franchissement du seuil de propriété effective (beneficial ownership), établi à 5 % de détention du capital d’une société cotée. Les investisseurs qui manifestent une intention de contrôle (control intent) sur une société cotée devront transmettre à la SEC leur déclaration (Schedule 13D) dans les 5 jours ouvrés qui suivent le franchissement du seuil de propriété effective, contre 10 jours actuellement, et toute évolution de cette participation de plus de 1 % à la hausse ou à la baisse dans un délai de deux jours ouvrés. Les délais sont également réduits pour les autres catégories d’investisseurs, dont l’échéance de déclaration (Schedule 13D) diffère selon leur classification. Par ailleurs, la réforme prévoit la déclaration obligatoire de tous les titres dérivés qui utilisent l’actif de l’émetteur comme sous-jacent, ces derniers participant au calcul du seuil de propriété effective.
Le deuxième texte, adopté à 3 voix contre 2, renforce les exigences de déclaration des opérations de prêt de titres (securities lending). Sous la nouvelle règle, tout établissement (banques, agences de compensation, broker-dealers, etc.) qui souscrit à une opération de prêt de titre avec collatéral (covered securities loan) devra déclarer à l’organisation d’autorégulation des marchés financiers, la Financial Industry Regulatory Authority (FINRA), dans le délai d’un jour ouvré, certaines caractéristiques de la transaction qui seront par la suite rendues publiques (dont le montant des titres prêtés, le taux appliqué à la transaction, le type de collatéral utilisé, la date de fin du prêt et le type d’emprunteur). Les informations plus sensibles (le nom des parties de la transaction, les modalités d’utilisation du titre prêté etc.) seront gardées confidentielles par la FINRA. La Securities Industry and Financial Markets Association (SIFMA), représentant des institutions financières, soutient la règle finale, qui tient compte de ses commentaires.
Le troisième texte, adopté à 3 voix contre 2, renforce la transparence des opérations de vente à découvert (short selling) – qui impliquent des opérations de prêt de titres (cf. § précédent) – dont un plus grand nombre de données seront rendues publiques. Sous cette nouvelle règle, les gestionnaires d’actifs dont les positions dépassent 10 M USD ou 2,5 % du capital d’une société cotée, ou 500 K USD pour les titres non cotés, feront l’objet d’une déclaration mensuelle à la SEC. Ils devront déclarer leurs positions brutes de fin de mois (end-of-month gross short position) ainsi que leurs positions nettes journalières (for each settlement date) pour les titres concernés. La SEC prévoit ensuite de publier les données agrégées spécifiques à chaque titre. Par ailleurs, la réforme amende le système d’audit des marchés (Consolidated Audit Trail – CAT) afin de rendre obligatoire l’identification des transactions de couverture de vente à découvert (buy to cover).
La Fed travaille sur de nouveaux scénarios de stress tests pour les grandes banques.
Lors d’un discours prononcé le 19 octobre à l’occasion d’une conférence à la Fed de Boston, Michael Barr, vice-président de la Fed chargé de la supervision, est revenu sur les limites des stress test utilisés chaque année pour évaluer la solidité des 19 plus grosses banques américaines et déterminer leurs exigences de fonds propres (stress-test capital buffer). Il a indiqué à cette occasion en quoi le développement de stress tests alternatifs (exploratory stress-test), permettant de modéliser de nouveaux scénarios de crise, peut en partie palier ces limites, tout en précisant qu’ils n’avaient pas vocation à être pris en compte dans le calcul des exigences de fonds propres. Fort du retour d’expérience sur l’utilisation de scénarios alternatif de choc de marché (exploratory market shocks) lors de la dernière campagne de stress tests, M. Barr a précisé que la Fed travaillait sur l’introduction de scénarios alternatifs de chocs macroéconomiques (exploratory macroeconomics scenarios) pour les prochains stress-test.
Situation des marchés
Au cours des deux dernières semaines (du vendredi 6 octobre à l’ouverture, au jeudi 19 octobre à la clôture), l'indice S&P 500 a progressé de +1,0 %, à 4 278 points. L’indice a progressé au cours de la 1ère semaine, en lien avec la publication des minutes et les discours des responsables de la Fed favorables au maintien des taux directeurs lors du prochain FOMC. Les gains ont été effacés au cours de la 2ème semaine, sous l’effet d’une plus grande aversion au risque et de la hausse des rendements des obligations souveraines (Treasuries) à moyen et long termes. Notamment, le président de la Fed, Jerome Powell, est intervenu le 19 octobre, en indiquant que la bonne tenue de l’économie américaine pourrait compromettre la lutte contre l’inflation et qu’il serait encore trop tôt pour parler de la fin du resserrement.
Les rendements des Treasuries à 2 ans et à 10 ans ont nettement progressé au cours des deux dernières semaines, à 5,2 % (+0,2 point), et à 5,0 % (+0,3 point). Après avoir reculé durant la 1ère semaine du fait d’une aversion au risque accrue liée au conflit israélo-palestinien, les rendements ont repris leur progression au cours de la 2ème semaine sous l’effet, notamment, des rumeurs d’une aide massive des États-Unis à l’État d’Israël pouvant conduire à une émission plus importante de Treasuries. L’indice de volatilité implicite des Treasuries (MOVE index) évolue à des niveaux autour de 130, soit nettement supérieur à son niveau en septembre (100). Le taux à 10 ans évolue ainsi à son plus haut niveau depuis 2007.
Brèves
- La Fed a publié le 18 octobre les résultats de l’enquête de la situation financière des ménages (Survey of Consumer Finances – SCF). Cette publication triennale trace l’évolution des revenus et du patrimoine des ménages entre 2019 et 2022. Selon ce rapport, le revenu réel médian d’un ménage a augmenté de +3 % contre +15 % pour le revenu réel moyen, les hausses ayant été les plus importantes dans le haut de la distribution des revenus. Cette progression s’appliquerait à l’ensemble des groupes ethniques. Le patrimoine réel net médian a également progressé de +37 % contre +23 % pour le patrimoine net moyen, soit une progression triennale la plus importante depuis la publication de ce rapport. Notamment, cette progression est tirée par l’immobilier, qui a connu une forte hausse au cours de la période.
- Le département de lutte contre la criminalité financière (Financial Crimes Enforcement Network - FinCEN) du Trésor a annoncé le 19 octobre une proposition de règle qui vise à renforcer la surveillance et les exigences de transparence des Convertible Virtual Currencies Mixing – CVCM (activités visant à opacifier l’usage d’actifs numériques adossés à une monnaie ou utilisés comme un substitut à une monnaie), susceptibles d’être utilisés à des fins de blanchiment d’argent. Le FinCEN cherche notamment à prévenir l’utilisation illicite des CVCM dans le financement d’acteurs malveillants impliqués dans les différentes crises géopolitiques internationales actuelles (les membres du Hamas palestinien, le gouvernement de Corée du Nord sont par exemple cités dans la proposition).