Réflexions hebdomadaires sur les principaux évènements financiers, institutionnels ou règlementaires, aux Etats-Unis.

Sommaire

Conjoncture

  • Les enquêtes industrielles soulignent un redressement de l’activité

Politiques macroéconomiques

  • La Fed maintient ses taux directeurs inchangés
  • Les Républicains publient une proposition de budget provisoire

Services financiers

  • La SEC renforce l’encadrement de la dénomination des fonds d’investissement
  • Le Treasury publie des principes pour le financement et l’investissement Net-Zéro
  • Les régulateurs sont préoccupés par les stratégies d’arbitrage sur le marché des Treasuries
  • La Chambre des représentants envisage d’interdire l’émission d’une monnaie numérique de banque centrale

Situation des marchés

Brèves

 

 

Conjoncture

 

Les enquêtes industrielles soulignent un redressement de l’activité

D’après une publication mensuelle de la Fed, la production industrielle a progressé de +0,4 % en août après +0,7 % en juillet (révisé à la baisse de ‑0,3 point par rapport à l’estimation initiale). Le taux d’utilisation des capacités productives a également progressé à 79,7 % après 79,5 % (révisé à la hausse de +0,2 point). Ces indicateurs surprennent à la hausse le marché qui anticipait respectivement +0,2 % et 79,3 % en août. Cette hausse de l’activité est en ligne avec le rebond de l’activité observé dans les diverses enquêtes régionales publiées en août.

Selon l’enquête Empire State Manufacturing Survey menée par la Fed de New York, l’indicateur des conditions générales de l’activité dans l’État de New York a progressé de 21 points, à 1,9 en septembre après -19,0 en août, tiré par les nouvelles commandes et les livraisons et surprenant à la hausse par rapport aux  attentes du marché (‑10). Toutefois, la publication montre également un ralentissement du marché du travail avec une contribution négative de l’emploi.

Selon une enquête mensuelle de la Fed de Philadelphie, l’activité industrielle a reculé dans la région en septembre. L’indicateur synthétique a reculé à -13,5 en septembre (après 12 en août). L’emploi continue de se contracter. Les nouvelles commandes et les livraisons ont également fléchi après un rebond en août.

 


Politiques macroéconomiques

 

La Fed maintient ses taux directeurs inchangés

La réunion du comité de politique monétaire (FOMC) des 19 et 20 octobre 2023 s’est conclue sur le maintien de la fourchette-cible des taux fed funds à [5,25 % - 5,5 %]. Cette décision a été prise à l’unanimité. Par ailleurs, la Fed poursuivra la réduction de son bilan au rythme précédemment annoncé (95 Md USD par mois).

Dans son propos liminaire, le président de la Fed, Jerome Powell, a commencé par rappeler la détermination de la Fed à assurer son double mandat, à savoir la stabilité des prix et le maximum d’emplois. Il a décrit une économie américaine solide soutenue par une consommation robuste. L’inflation diminue, bien qu’elle demeure encore élevée par rapport à la cible de la Fed. Le marché du travail demeure également solide même si les créations d’emplois ont ralenti depuis le début d’année. S’agissant de la politique monétaire, il a justifié cette pause en indiquant que les taux ont atteint des niveaux considérés comme « suffisamment restrictifs » et que les pleins effets du resserrement étaient encore à venir. Selon lui, il est toutefois trop tôt pour décider de l’arrêt du resserrement. À cet égard, les décisions seront prises à chaque réunion (meeting-by-meeting) en fonction des données publiées (data-dependent).

Selon la projection économique trimestrielle publiée par la Fed, la prévision de croissance du PIB a été nettement revue à la hausse pour 2023, à +2,1 % (+1,1 point par rapport à la projection de mars) et pour 2024, à +1,5 % (+0,4 point). La prévision de taux de chômage est revue à la baisse à 3,8 % (-0,3 point) pour 2023 et à 4,1 % (‑0,4 point) pour les deux années 2024 et 2025. La prévision d’inflation est restée quasi inchangée mais celle de sa composante sous-jacente (hors énergie et alimentation) a été légèrement revue à la baisse. Selon la projection, il pourrait y avoir une hausse supplémentaire de 25 points de base d’ici fin 2023 et les taux resteraient plus élevés et plus longtemps (higher for longer).

Lors de la conférence de presse, le président de la Fed s’est montré prudent face au double risque lié à une surréaction ou une sous-réaction. Selon J. Powell, les taux ayant été relevés à un rythme historiquement élevé, il convient à présent de ralentir le resserrement et d’évaluer l’ensemble des données publiées afin d’ajuster éventuellement le niveau terminal des taux directeurs. En ce sens, il est resté ouvert à une nouvelle hausse au cours de 2023 du fait notamment du risque de résurgence de l’inflation liée au dynamisme de l’activité. Il n’a d’ailleurs pas souhaité affirmer que l’économie américaine était en soft landing tout en admettant que ce dernier était plus probable qu’une récession.

 

Les Républicains publient une proposition de budget provisoire

Les Républicains de la Chambre des représentants ont publié le 17 septembre une proposition de budget provisoire (continuing resolution) visant à prolonger l’activité des administrations fédérales jusqu’au 31 octobre 2023. Faute de budget annuel ou provisoire, l'État fédéral court le risque d’un arrêt des activités non-essentielles (shutdown) après le 30 septembre, date de clôture de l’exercice budgétaire.

Selon la proposition, issue d’une négociation entre les différents courants du parti républicain (Freedom Caucus, aile droite du parti, et Main Street Caucus), les dépenses militaires et des anciens combattants resteraient au même niveau mais les dépenses non-militaires baisseraient de -8 % par rapport au budget 2023. Par ailleurs, ce budget ne comprend pas les dépenses exceptionnelles d’aides à l’Ukraine et de catastrophes naturelles demandées par le Président Biden le 10 août.

Toutefois, la situation demeure particulièrement incertaine : d’une part, en raison des divisions internes, les Républicains ne parviennent pas à se mettre d’accord et les tractations se poursuivent. D’autre part, les Démocrates, ayant le contrôle du Sénat, indiquent déjà leur intention de rejeter le texte. La Maison-Blanche a mis en garde le 19 septembre contre ces coupes drastiques et pointé du doigt le 20 septembre les divisions internes des Républicains qui allaient provoquer un shutdown.

 

 

Services Financiers

 

La SEC renforce l’encadrement de la dénomination des fonds d’investissement

La Securities and Exchange Commission (SEC), l’autorité des marchés financiers, a finalisé le 20 septembre l’amendement d’une règle (Names Rule) visant à renforcer la cohérence entre la dénomination des fonds d’investissement et la composition de leurs portefeuilles. Cette règle a notamment pour objectif de prévenir l’utilisation trompeuse de la terminologie ESG. Il s’agit de la finalisation d’une proposition de règle qui avait été mise en consultation le 25 mai 2022.

La règle impose aux fonds l’adoption d’une politique d’investissement liant à minima 80 % de leurs actifs aux objectifs suggérés par leurs noms. Elle s’applique à tout fonds dont le nom suggère des investissements dans des entités ou actifs présentant des caractéristiques spécifiques (particular characteristics). Avant son amendement, la règle s’appliquait uniquement aux fonds dont le nom faisait référence à certains critères (zone géographique, secteur économique, type d’investissement, traitement fiscal). La SEC estime que 10 300 fonds (76 % des fonds) seront soumis à la Names rule amendée, contre 8 100 fonds (60 %) pour la règle actuelle.

Il appartient aux fonds de définir les termes utilisés dans leur dénomination et leur stratégie d’investissement et d’informer les investisseurs de ces définitions dans leur prospectus. Les définitions adoptées par les fonds doivent être cohérentes avec le langage courant (« plain English ») et avec les « standards de l’industrie ».

La règle finale a été adoptée par la SEC à 4 voix contre 1. Mark T. Uyeda, commissaire républicain de la SEC, s’est opposé à la réforme. L’Investment Company Institute (ICI), groupe d’intérêt des gestionnaires d’actifs, a critiqué la réforme qui entraverait, selon l’ICI, les opérations courantes des fonds par la remise en cause systématique de la cohérence de ces dernières avec le nom des fonds.

 

Le Treasury publie des principes pour le financement et l’investissement Net-Zéro

Dans le cadre de la Climate Week organisée à New York en marge de l’Assemblée générale des Nations Unies, le Treasury a publié le 19 septembre des principes (the Principles) pour guider les engagements volontaires des institutions financières dans la poursuite de leurs objectifs de neutralité carbone (Net-Zero). Ces principes concernent les voies de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Ils soulignent notamment l’importance de tenir des engagements compatibles avec un objectif de neutralité carbone d’ici 2050 et de limiter la hausse de la température moyenne mondiale à +1,5 °C, en s’appuyant sur des métriques et des objectifs quantifiés. L’adoption d’objectifs intermédiaires (horizon 2030) est également recommandée.

Ces principes reposent sur la mobilisation volontaire des acteurs, n’imposent aucun cadre légal et ne prétendent pas à l’exhaustivité. À ce titre, le Treasury espère que les institutions financières utiliseront ces principes pour soutenir la mise en œuvre de leurs engagements. Par ailleurs, le Treasury et l'administration Biden-Harris se félicitent des engagements pris par les institutions financières en matière d'émissions Net-Zéro (environ 100 entreprises).

La publication des principes s'accompagne d'annonces de la part de la société civile, dont un engagement de 340 M USD sur trois ans d'organisations philanthropiques pour soutenir le développement des engagements en faveur de l'objectif Net-Zéro. Un autre engagement émane de la Glasgow Financial Alliance for Net Zero (GFANZ), groupe de travail formé lors de la COP26 (2021), qui a annoncé l’intention de 50 institutions financières américaines et internationales à publier des plans de transition Net-Zéro dans l’année qui vient en utilisant les cadres communs développés par la GFANZ et les alliances du secteur financier.

 

Les régulateurs sont préoccupés par les stratégies d’arbitrage sur le marché des Treasuries

À la suite d’un article publié par la Fed fin août 2023, la Banque des règlements internationaux (BRI) a consacré un volet dans son rapport trimestriel aux basis trades sur le marché des obligations souveraines américaines (Treasuries).

Le basis trade est une stratégie consistant à prendre simultanément une position sur un titre et une position opposée sur un produit dérivé du même sous-jacent afin de bénéficier de l’écart de prix entre les deux instruments. En l’espèce, de nombreux hedge funds (fonds alternatifs) et principal trading firms (sociétés de trading pour compte propre) prennent des positions longues sur des Treasuries et des positions courtes sur des contrats futures, avec un niveau de levier important (via des emprunts en repo).

Les positions courtes sur des futures de Treasuries ont atteint environ 600 Md USD fin août 2023. Un tel niveau n’avait plus été atteint depuis l’automne 2019, période marquée par un épisode de forte tension sur le marché des Treasuries.

Les régulateurs estiment que les basis trade peuvent représenter un risque pour la stabilité du marché : lorsque la volatilité augmente, les chambres de compensation accroissent leurs exigences de marge sur les contrats futures, conduisant les intervenants à réduire rapidement leurs positions. Les régulateurs indiquent qu’ils maintiendront un suivi vigilant de ce marché.

 

La Chambre des représentants envisage d’interdire l’émission d’une monnaie numérique de banque centrale

La commission des services financiers de la Chambre des représentants, à majorité républicaine, a adopté le 20 septembre deux propositions de loi qui restreindraient la capacité de la Fed à émettre une monnaie numérique de banque centrale (MNBC ou Central Bank Digital Currency – CBDC en anglais).

Le « CBDC Anti-Surveillance State Act » interdirait à la Fed de proposer des services et d’émettre une MNBC à destination des particuliers, soit directement, soit par l’intermédiaire de banques. La Fed se verrait également interdire l’utilisation d’une MNBC pour mettre en œuvre sa politique monétaire. Par ailleurs, le « Digital Dollar Pilot Prevention Act » interdirait à la Fed de mener des expérimentations sur l’émission d’une MNBC sans obtenir au préalable une autorisation explicite par une loi du Congrès.

Ces textes, qui devront être discutés en séance plénière à la Chambre des représentants avant d’être transmis au Sénat (à majorité démocrate), visent à manifester l’opposition des Républicains à l’idée d’une MNBC. La Fed poursuit depuis 2021 des programmes de recherche sur les MNBC. Les responsables de la banque centrale réaffirment régulièrement qu’aucune décision en la matière ne sera prise sans le soutien du pouvoir exécutif et l’autorisation formelle du Congrès.

 

Situation des marchés

 

Au cours de la semaine écoulée (de vendredi à jeudi), l'indice S&P 500 a reculé de ‑3,7 %, à 4 330 points du fait de l’aversion au risque accrue et des inquiétudes liées à la poursuite du resserrement monétaire par la Fed. En particulier, les projections de la Fed ont esquissé une hausse supplémentaire de 25 points de base au cours de 2023 et le maintien dans la durée de taux à un niveau élevé (higher for longer).

Les rendements des obligations souveraines (Treasuries) à 2 ans et à 10 ans ont également progressé à 5,1 % (+0,1 point) et 4,5 % (+0,2 point) respectivement, traduisant (i) la perspective « higher for longer » de la politique monétaire, (ii) une offre accrue de Treasuries, et (iii) la robustesse de l’économie américaine. Le taux à 10 ans évolue à son plus haut niveau depuis 2007.

 

 

Brèves