Niveau record des IDE dans l’ASEAN en 2022
Après un net rebond de 79% en 2021, les flux mondiaux d’investissements directs étrangers (IDE) vers l’ASEAN ont atteint un niveau record en 2022, avec une croissance de 5%, selon la CNUCED. D’après les données de la Banque de France, les flux français vers l’ASEAN, négatifs en 2021, ont bondi à 9,9 Mds EUR, ce qui a contribué à augmenter de plus de moitié notre stock d’IDE dans la région. Singapour confirme son rôle de hub en attirant près des trois quarts des IDE français à destination de la région (10,3 Mds EUR), principalement dans les secteurs du commerce de gros et de détail, de la finance et de l’industrie. Bien que l’ASEAN attire 8,1% des stocks d’IDE mondiaux, sa part dans les IDE français reste relativement faible, à seulement 2,1%.
I. Les flux mondiaux d’IDE vers l’ASEAN poursuivent leur progression de 5% en 2022…
Après une hausse très significative de 79% en 2021, les flux d’IDE vers l’ASEAN ont atteint un niveau record[1] en 2022, avec une progression de 5% qui les a portés à 223 Mds USD (dont 141 Mds USD dirigés vers Singapour). Cette croissance est d’autant plus notable qu’elle intervient dans un contexte international déprimé, la tendance mondiale étant à la baisse (1 295 Mds USD, -12% des flux). Les performances restent toutefois en deçà des niveaux pré-crise (-24% par rapport à 2019), essentiellement en raison des conditions économiques et financières globales défavorables – guerre en Ukraine, contexte inflationniste et pressions liées à la dette. En 2022, les plans de relance et programmes d'investissement déployés dans l’ASEAN, ainsi que les nombreux accords internationaux d’investissement – accords de libre-échange, traités bilatéraux d’investissement - ont permis de maintenir l’intérêt et la confiance des investisseurs, notamment pour les projets d’infrastructure.
L’Asie du Sud-Est a été particulièrement attractive en 2022, sa part dans les flux d’IDE mondiaux ayant crû de 14,4 à 17,2% (cf. Annexes 1 et 2), un point haut qui s’explique en partie par la réouverture des frontières, ainsi que par la forte croissance des annonces de projets, illustrant une volonté de diversification. Dans la région, Singapour est le 4ème pays le plus compétitif au monde (1er en Asie)[2]. La Thaïlande et le Vietnam ont bénéficié de la politique « Chine+1 » appliquée par les entreprises – politique qui consiste à établir des chaînes d'approvisionnement à la fois en Chine et sur un autre marché asiatique - leur permettant de devenir des marchés émergents plus attractifs (+10 et +12 places respectivement au classement de l’EIU[3]). Derrière les Etats-Unis, 1er investisseur mondial dans la région, et devant la Chine, la part des IDE intrarégionaux s’est également appréciée, de 12,0 à 12,4%, soutenue par des initiatives d’intégration régionale (signature du RCEP en 2020).
II. …en phase avec la tendance haussière des flux d’IDE français dans la région…
Suivant la courbe d’évolution des flux d’IDE français dans le monde (+21%), les flux français à destination de l’ASEAN ont crû de manière spectaculaire en 2022 (9,9 Mds EUR) (cf. Annexes 3 et 5), du fait d’opérations spécifiques ne concernant que Singapour. Cette performance est d’autant plus significative qu’elle constitue un montant record jamais enregistré dans la région, et qu’elle fait suite à des flux négatifs (-4,6 Mds EUR) enregistrés pour 2021.
Le niveau record des flux d’IDE français à Singapour (10,3 Mds EUR) – 2ème destination des investissements français dans le monde après les Etats-Unis-, ainsi que les entrées nettes d’IDE enregistrées par le Cambodge (24 M EUR), le Laos (10 M EUR) et la Birmanie (7 M EUR) ont largement compensé les flux négatifs dans la région, à destination du Vietnam (-1 Md EUR), de la Thaïlande (-155 M EUR), de la Malaisie (-123 M EUR), de l’Indonésie (-120 M EUR), du Brunei (-36 M EUR) et des Philippines (-22 M EUR). Singapour a été particulièrement attractive pour l’investissement français au cours des dernières années, en témoignent plusieurs projets d’envergure, tels que i) le projet de modernisation d’une usine de Soitec à 400 M EUR ; ii) le déploiement du projet de construction d’une usine pharmaceutique innovante de Sanofi pour 400 M EUR ; iii) l’investissement de 370 M USD de STMicroelectronics dans la création d’un système industriel de refroidissement urbain d’ici 2025 ; ou encore iv) les 110 M USD injectés par Schneider Electric dans « Hub Asia », un centre de distribution neutre en carbone. La majorité des entrées d’IDE ont été constituées de dividendes réinvestis et/ou d’augmentations de capital. Dans la région, des projets solaires d’Engie en Malaisie, ou encore des investissements d’EDF Renouvelables et de TotalEnergies, ont été réalisés au Vietnam. Enfin, un accord prévoyant des contrats PPP entre la France et la Thaïlande dans le secteur des transports a également été conclu.
Dans le sens inverse, les flux d’IDE en France en provenance de l’ASEAN ont également été positifs, atteignant 1,4 Md EUR, après -783 M EUR en 2021, illustrant le renforcement de l’attractivité de la France. En 2022, Singapour a été à l’origine de 13 projets de création et/ou de maintien d’activités[4], représentant un total d’environ 300 emplois. En s’établissant à Paris en 2023, le fonds souverain singapourien Temasek devrait contribuer au financement d’entreprises françaises. D’autres fonds de capital-risque singapouriens (Hera Capital, Antler) ainsi que le géant de la cryptomonnaie Crypto.com ont également choisi la France comme base européenne.
III. …contribuant à une croissance d’environ 57% du stock d’IDE français dans l’ASEAN.
Le stock français dans la région se consolide, représentant 29,2 Mds EUR fin 2022 (+57,2% par rapport à 2021), son montant le plus haut jamais enregistré. Les investissements français dans l’ASEAN ont représenté 2,1% du stock total d’IDE français dans le monde en 2022 (cf. Annexe 4), loin derrière les Etats-Unis, destinataire principal dont la part s’élève à 16,7%. A titre comparatif, selon la CNUCED, l’ASEAN représente 8% du stock mondial d’IDE (3 564 Mds USD), ce qui souligne le potentiel de progression de la France pour accroître ses IDE dans la région.
Singapour continue d’accueillir la majorité des IDE français, avec près des trois quarts du stock (soit 21,6 Mds EUR, en hausse de 105,1% (cf. Annexes 5, 6, 7 et 10), loin devant la Thaïlande (2,5 Mds EUR, -4,1%), l’Indonésie (1,6 Md EUR, -8,7%), et la Malaisie (1,3 Md EUR, -5,2%). Le rôle de plateforme régionale qu’occupe Singapour pour l’investissement peut cependant conduire à minorer les flux d’investissements effectifs des entreprises françaises dans la région (qui n’apparaissent pas comme provenant directement de France).
Dans le sens contraire, le stock d’IDE sud-est asiatique en France s’élève à seulement 3,1 Mds EUR (+84%), majoritairement de Singapour. Ce montant est près de dix fois inférieur à celui du stock d'IDE français dans la région.
IV. Le commerce de gros et de détail, la finance et l’industrie dominent la répartition sectorielle.
En 2022, la répartition sectorielle des flux d’IDE français est majoritairement orientée vers le commerce de gros et de détail (87% sur l’année, cf. Annexe 9), mais également vers l’industrie manufacturière (7%), les services de finance et assurance (5%) et les activités scientifiques et techniques (4%). Cette répartition est cohérente avec la présence de grands groupes français dans la région, notamment dans :
- La finance (BNP Paribas, Crédit Agricole, Société Générale, Natixis) ;
- Les transports (Airbus, CMA-CGM, Louis Dreyfus Armateurs) ;
- Le secteur agroalimentaire (Bel, Danone) ;
- Les secteurs pharmaceutiques et de la chimie (Sanofi, Servier, Air Liquide, Novacap, Arkema) ;
- L’énergie (TotalEnergies, Engie, EDF).
Si l’investissement français est fortement axé sur l’industrie manufacturière et les industries extractives en Indonésie et en Malaisie, elle est plus équilibrée entre industries et services à Singapour et en Thaïlande. L’essentiel des IDE dans le secteur de la construction est concentré aux Philippines (Vinci, Bouygues) tandis que les pays moins développés (Vietnam, Cambodge, Laos) attirent des IDE dans les services (financiers notamment).
Selon Business France, les employeurs originaires de l’ASEAN en France opèrent principalement dans l’hôtellerie (Dorchester Collection), l’agroalimentaire (Thai Union Group), l’immobilier et la logistique (Capitaland) et la chimie (PTT), mais également des entreprises innovantes dans la robotique et l’industrie du futur (Eureka robotics, Unabiz).
[1] D’après le rapport 2023 de la CNUCED sur les IDE dans le monde.
[2] D’après le « World Competitiveness Report » de l’Institute for Management Development (IMD), en juin 2023.
[3] Classement des marchés émergents les plus attractifs du « Global Business Environment Ranking » de The Economist Intelligence Unit.
[4] D’après le Bilan 2022 des investissements internationaux établi par Business France.