Réflexions hebdomadaires sur les principaux évènements financiers, institutionnels ou règlementaires, aux Etats-Unis.

 Sommaire

Conjoncture

  • La croissance du PIB au T2 2023 est légèrement révisée à la baisse
  • L’inflation totale augmente du fait d’un effet de base mais sa composante sous-jacente diminue
  • Le marché du travail poursuit son ralentissement

Politiques macroéconomiques

  • Fitch dégrade la notation de la dette souveraine américaine de AAA à AA+
  • La Fed se montre déterminée à faire reculer l’inflation tout en signalant les risques d’un resserrement excessif ou insuffisant

Services financiers

  • La Fed, la FDIC et l’OCC proposent de nouvelles règles pour la résolution des banques
  • La SEC finalise sa réforme des hedge funds et des fonds de capital-investissement
  • Les agences Moody’s et S&P dégradent la notation de crédit de plusieurs banques
  • PayPal annonce le lancement d’un stablecoin
  • Une décision de justice pourrait faciliter la création d’ETF investis en crypto-actifs

Situation des marchés

Brèves

 

Conjoncture

 

La croissance du PIB au T2 2023 est légèrement révisée à la baisse

Selon la 2ème estimation du Bureau of Economic Analysis (BEA), le PIB des États-Unis a augmenté de +0,5 % au 2ème trimestre 2023 (+2,1 % en rythme annualisé) contre +0,6 % (+2,4 %) dans l’estimation préliminaire. Au 2ème trimestre, le PIB américain est supérieur de +6,1 % à son niveau prépandémique (4ème trimestre 2019). Lors de la 2ème estimation, la révision à la baisse de l’investissement privé, des variations des stocks, et du solde commercial a été partiellement compensée par une révision à la hausse de la consommation et de l’investissement publics.

 

L’inflation totale augmente du fait d’un effet de base mais sa composante sous-jacente diminue

Selon la publication du Bureau of Labor Statistics (BLS), publiée le 10 août, l’indice des prix à la consommation (IPC) et sa composante sous-jacente (hors énergie et alimentation) ont tous deux augmenté de +0,2 % en juillet (après +0,2 % également en juin). Les prix de l’énergie ont augmenté de +0,1 % (après +0,6 %) et ceux de l’alimentation de +0,2 % (après +0,1 %).

Sur douze mois glissants, l’inflation s’établit à +3,2 %, en légère hausse après +3,0 % en juin principalement du fait d’un effet de base (+0,2 point de contribution), et sa composante sous-jacente recule à +4,7 % (après +4,8 %). Les prix de l’énergie baissent de ‑12,5 % (après +16,7 %) et ceux de l’alimentation ralentissent à +4,9 % (après +5,7 %).

Selon une enquête de la Fed de New York publiée le 14 août, les anticipations d’inflation des consommateurs ont baissé à tous horizons, à +3,5 % pour les anticipations d’inflation à un an (‑0,3 point), et à +2,9 % (-0,1 point) pour celles à 3 ans et à 5 ans.

 

Le marché du travail poursuit son ralentissement

D’après le rapport mensuel du BLS sur la situation de l’emploi, publié le 4 août, les créations d’emplois se sont établies à +187 000 en juillet (après +185 000 en juin et contre +312 000 en moyenne sur les 12 derniers mois), soit en-deçà des attentes du marché (+200 000). Elles se sont concentrées dans la santé (+63 000), les aides sociales (+24 000), les activités financières (+19 000) et le commerce de gros (+18 000). Par ailleurs, le rapport fait état de révisions à la baisse des créations d’emplois en mai (‑25 000) et en juin (‑24 000), soulignant des créations d’emplois moins dynamiques qu’annoncées dans les rapports précédents.

Le taux de chômage a diminué à 3,5 % en juillet (‑0,1 point par rapport à juin), soit un niveau plus bas qu’attendu par le marché (3,6 %). Il continue d’évoluer entre 3,4 % et 3,7 % depuis mars 2022. Le taux d’emploi a légèrement augmenté à 60,4 % (+0,1 point) tandis que le taux activité est resté stable à 62,6 % pour le 5ème mois consécutif.

Enfin, le salaire horaire moyen a progressé de +0,4 % sur un mois et de +4,4 % sur douze mois glissants (au même rythme que le mois dernier).

D’après le rapport JOLTS publié le 29 août, les ouvertures de postes ont reculé à 8,8 millions en juillet (‑338 000 par rapport à juin). Les baisses ont été les plus importantes dans les services professionnels (-198 000), la santé (‑130 000) et les collectivités locales et étatiques (129 000).  Les démissions ont également reculé à 3,5 millions (‑253 000), ce recul s’expliquant principalement par les services de restauration et d’hébergement (-166 000).

 

Politiques macroéconomiques

 

Fitch dégrade la notation de la dette souveraine américaine de AAA à AA+

L’agence de notation Fitch Ratings a dégradé le 1er août la notation souveraine à long terme des États-Unis de AAA à AA+, avec perspectives stables.

L’agence justifie cette dégradation par (i) la détérioration attendue de la situation budgétaire au cours des trois prochaines années, avec une hausse du déficit public (6,3 % en 2023, 6,6 % en 2024 et 6,9 % en 2025 selon les prévisions de Fitch) et de la dette publique (jusqu’à 118,4 % du PIB en 2025) ainsi que (ii) l’érosion de la gouvernance au cours des deux dernières décennies aux États-Unis, avec de nombreuses impasses (« standoffs ») sur le relèvement de la dette, résolues à la dernière minute.

La secrétaire au Treasury, Janet Yellen, a déclaré dans un communiqué qu’elle « exprimait son désaccord sur la décision de Fitch […] fondée sur des données datées ».

 

La Fed se montre déterminée à faire reculer l’inflation tout en signalant les risques d’un resserrement excessif ou insuffisant

Lors de la conférence de Jackson Hole, le président de la Fed, Jérôme Powell, a réaffirmé la détermination de la Fed à assurer la stabilité des prix, soit une inflation à 2 %. J. Powell a admis que le processus de désinflation a été entamé, mais considère que le niveau d’inflation actuel demeure encore trop élevé et que l’économie américaine reste au-dessus de son niveau potentiel. À cet égard, il n’a pas écarté la possibilité d’une nouvelle hausse du taux directeur. Cette approche est conforme au procès-verbal (minutes) publié le 16 août, dans lequel les responsables de la Fed évoquent des aléas haussiers pour l’inflation et la possibilité d’une nouvelle hausse du taux directeur.

J. Powell a mis en exergue les incertitudes élevées qui peuvent influer sur l’atteinte de l’objectif de la banque centrale de ramener l’inflation à sa cible de 2 %. Il a notamment mis en avant celle concernant l’ampleur et les délais de transmission de la politique monétaire à l’économie réelle et à l’inflation. Il a également ajouté l’incertitude sur la sensibilité de l’inflation au marché du travail (aussi appelée courbe de Phillips) qui semble plus forte en sortie de crise pandémique. Enfin, J. Powell a insisté sur la difficulté à estimer le taux d’intérêt neutre de l’économie, ce qui crée une nouvelle incertitude sur le niveau optimal du resserrement monétaire. En ce sens, il a indiqué scruter les données économiques entrantes afin d’éviter le risque d’un resserrement excessif, ce qui pourrait causer des dégâts économiques inutiles, et également le risque de ne pas en faire assez, ce qui nécessiterait un resserrement bien plus fort avec un coût économique plus élevé.

Les marchés anticipent à la date du 31 août le maintien des taux fed funds à 5,4 % jusqu’à fin 2023 mais intègrent la possibilité d’une nouvelle hausse de +25 pb en novembre (probabilité estimée à 40 %) ou décembre 2023 (probabilité à 37 %), à 5,6 %. La prochaine réunion du FOMC se tiendra les 19 et 20 septembre.

 

Services Financiers

 

La Fed, la FDIC et l’OCC proposent de nouvelles règles pour la résolution des banques

Un mois après la publication du projet de transposition de Bâle III, les régulateurs bancaires (Fed, FDIC et OCC) ont publié le 29 août un paquet de règles relatives à la gestion des faillites bancaires et à la résolution des banques. Celui-ci comprend une proposition de règle imposant des exigences de dette de long terme (DLT) pour faciliter l’absorption des pertes, une proposition renforçant les exigences de plans de résolution que les banques doivent soumettre aux autorités et une recommandation (guidance) relative à l’élaboration des plans de résolution.

L’objectif de ce paquet est d’améliorer la gestion des crises bancaires à la lumière des faillites du 1er semestre (Silicon Valley Bank - SVB, Signature Bank, First Republic), notamment en renforçant les capacités d’absorption des pertes des banques de taille intermédiaire et en limitant le coût des faillites pour la FDIC.

Tandis que seules les banques d’importance systémique (GSIB) sont aujourd’hui soumises à des exigences de de capacité d’absorption des pertes (Total Loss Absorption Capacity – TLAC), la première proposition imposerait à toutes les banques ayant plus de 100 Md USD d’actifs de détenir un niveau minimal de DLT. Cette mesure vise à la fois (i) à prévenir la défaillance de ces banques, l’existence de DLT réduisant le risque de fuite des dépôts non-assurés en cas de pertes importantes, et (ii) à faciliter la résolution des banques en cas de défaillance, en augmentant leur capacité de bail-in et en diminuant le coût supporté par le fonds de garantie des dépôts. L’exigence de DLT serait égale au niveau le plus élevé entre 6 % des actifs pondérés par les risques, 3,5 % des actifs non-pondérés ou, pour les banques soumises au ratio de levier supplémentaire, 2,5 % de leurs expositions au titre de ce ratio. La règle fixe également les conditions d’éligibilité des instruments de dette pour être qualifiée de DLT. Les régulateurs estiment que les banques visées détiennent d’ores-et-déjà 72 % du niveau de dette de long terme requis par la proposition de règle, ce qui représenterait environ 70 Md USD d’émissions de dette en agrégé.

S’agissant des plans de résolution, la proposition de règle augmente la périodicité de ces plans (tous les 2 ans pour toutes les banques ayant plus de 50 Md USD d’actif) et en renforce le contenu pour les banques ayant plus de 100 Md USD d’actifs.

L’ensemble du paquet réglementaire proposé est mis en consultation publique jusqu’au 30 novembre 2023.

 

La SEC finalise sa réforme des hedge funds et des fonds de capital-investissement

La Securities and Exchange Commission (SEC), l’autorité des marchés financiers, a adopté le 23 août une réforme des exigences d’information et de protection des investisseurs des private funds (catégorie juridique intégrant principalement les fonds de capital-investissement et les hedge funds). La réforme, qui fait suite à une proposition de règle de février 2022, a été adoptée à une majorité de 3 contre 2 (opposition des deux commissaires républicains).

La règle prévoit d’abord d’imposer aux fonds de nouvelles obligations de communication trimestrielle aux investisseurs, concernant les dépenses des fonds, les frais et la performance au cours du trimestre. Pour les fonds non liquides, la performance sera mesurée par les taux de rendement interne bruts et nets de frais et par la méthode des multiples des capitaux investis. Une analyse indépendante devra être fournie aux investisseurs lorsque les fonds leur proposent de céder ou d’échanger leurs parts contre des parts d’un autre fonds de la même société de gestion (advisor-led secondary transactions). La règle fixe également des exigences supplémentaires d’audit sur la valorisation des fonds.

La règle autorise le traitement privilégié accordé à certains investisseurs, à condition d’informer l’ensemble des investisseurs actuels et futurs de ces arrangements. Certains privilèges considérés comme préjudiciables aux autres investisseurs, liés aux droits de rachat, que la proposition initiale prévoyait d’interdire, sont autorisés à condition d’être proposés à l’ensemble des investisseurs. La diffusion d’informations de manière privilégiée à certains investisseurs est interdite.  

Certaines pratiques considérées comme contraires aux intérêts des investisseurs, telles que la facturation de frais liés à des services non rendus, la répartition inéquitable de certains frais ou les clauses réduisant les restitutions de sommes dues au fonds par les gérants (clawback) en fonction des impôts payés par ces derniers sont soumises à une obligation de communication.

 

Les agences Moody’s et S&P dégradent la notation de crédit de plusieurs banques

Le 7 août, l’agence de notation Moody’s a annoncé la dégradation d’un cran de la notation de crédit de dix banques américaines ayant entre 10 et 200 Md USD d’actifs (M&T Bank, Webster, BOK Financial, etc.). Elle a également placé cinq banques de taille plus importante (dont State Street, BNY Mellon et Trust Financial) en « révision pour potentielle dégradation » et a attribué une perspective négative à onze banques régionales.

Moody’s explique ces révisions par l’anticipation d’un risque de récession modérée début 2024, qui serait assortie d’une dégradation de la qualité des actifs des banques, en particulier pour les expositions à l’immobilier commercial. Moody’s évoque par ailleurs les moins-values latentes des portefeuilles de titres disponibles à la vente de ces banques, qui ne sont pas prises en compte dans leurs fonds propres réglementaires.

Le 22 août, S&P a à son tour dégradé d’un cran la notation de crédit de plusieurs banques régionales. Les banques dégradées sont : (i) KeyCorp (190 Md USD d’actifs), Comerica (85 Md USD) et UMB Financial (38 Md USD) compte tenu du coût croissant de leurs charges d’intérêt et de la baisse de leurs dépôts ; (ii) Valley National Corp (57 Md USD) et Associated Banc-Corp (39 Md USD), au regard de forte dépendance aux dépôts de courtage. S&P a également dégradé les perspectives de notation de S&T Bank (9 Md USD) et de River City Bank (4 Md USD) au regard de leur exposition à l’immobilier commercial.

Par ailleurs, Fitch a indiqué que l’agence était en train de réexaminer son analyse du secteur bancaire américain, pouvant conduire à plusieurs dégradations de banques.

 

PayPal annonce le lancement d’un stablecoin

Le groupe de paiement PayPal a annoncé le 7 août la création de PayPal USD (PYUSD), un stablecoin (crypto-actif arrimé à une devise) à visée de paiement visant un ancrage au dollar.

Le PYUSD est accessible aux clients américains de PayPal, avec plusieurs types de transactions possibles : l’achat-vente de PYUSD via le compte PayPal, la conversion dans les autres crypto-actifs proposés par PayPal, le transfert d’unités de PYUSD entre titulaires de comptes PayPal (ou vers des portefeuilles électroniques éligibles) et l’utilisation à des fins de paiement (via un mécanisme de conversion automatique en monnaie fiat lors du règlement de l’achat).

Ce lancement est opéré en partenariat avec Paxos, une société spécialisée dans les crypto-actifs réglementée dans l’État de New York. L’émission et la gestion des réserves (liquidités et bons du Trésor) du PYUSD revient à Paxos, qui doit veiller à ce que chaque jeton PYUSD soit adossé à un dollar américain (un rapport sur les réserves doit être publié chaque mois par Paxos à compter de septembre 2023).

Dans une interview récente, PayPal a estimé que l’environnement réglementaire américain était en bonne voie pour offrir davantage de clarté. La commission des services financiers de la Chambre des représentants a adopté fin juillet une proposition de loi visant à définir un cadre de régulation fédéral des stablecoins. Le texte devra être discuté en séance plénière avant d’être soumis au Sénat. En l’absence de cadre fédéral, le stablecoin PYUSD sera régi par les règles en vigueur dans l’État de New York.

PayPal dispose d’une base de clients de plus de 430 millions de comptes actifs dans le monde au 2ème trimestre 2023, dont 240 millions aux États-Unis.

 

Une décision de justice pourrait faciliter la création d’ETF investis en crypto-actifs

Dans une décision du 29 août, la Cour d’appel fédérale du District de Columbia a jugé illégal le refus par la Securities and Exchange Commission (SEC), l’autorité des marchés financiers, d’autoriser la transformation d’un trust géré par Grayscale en un fonds coté (exchange-traded fund – ETF) investi en bitcoins.

Historiquement, la SEC a toujours refusé la création d’ETF directement investis en bitcoins aux États-Unis, contrairement à la création d’ETF investis en produits dérivés indexés sur le bitcoin, ces produits dérivés étant échangés sur des marchés réglementés.

La décision du 29 août pourrait constituer une étape vers la création d’ETF investis en crypto-actifs aux États-Unis. La SEC pourrait toutefois décider de faire appel de ce jugement, d’abord auprès d’une formation de jugement plus large de la même juridiction puis, en cas de refus de la juridiction, auprès de la Cour Suprême.

Ces derniers mois, plusieurs acteurs traditionnels de la gestion d’actifs (BlackRock, Fidelity, Invesco) ont annoncé des projets de création d’ETF investis en bitcoins.

 

 

Situation des marchés

 

Au cours du mois écoulé (du 1er au 31 août), l'indice S&P 500 a baissé de ‑1,8 %, à 4 508 points. Cette évolution s’explique principalement par une hausse de l’aversion au risque après une évolution dynamique des indices boursiers au cours des mois précédents ainsi qu’une réappréciation des perspectives de hausses des taux d’intérêt à la suite du procès-verbal et du discours de J. Powell, président de la Fed, lors de la conférence de Jackson Hole, alors que les indicateurs macroéconomiques semblent fléchir (révision à la baisse de la croissance du PIB et ralentissement du marché du travail).

Le secteur bancaire a enregistré un recul plus marqué sur la période, notamment dans la foulée des dégradations de notation de crédit des banques annoncées par Moody’s et S&P. Les indices KBW Banks et KBW Regional Banks reculent tous deux de -9 % sur un mois et d’environ -20 % depuis le début de l’année.

En dépit des mouvements de volatilité au cours de la semaine, le rendement des obligations souveraines (Treasuries) à 2 ans a augmenté à plus de 5,0 % vers le 25 août sur fonds d’anticipations de nouvelles hausses du taux directeur par la Fed avant de revenir à un niveau proche de celui du début du mois, à 4,9 %. Celui des obligations souveraines à 10 ans progresse de +0,1 point sur le mois, à 4,1 % après avoir dépassé 4,3 % le 21 août. La volatilité implicite sur le marché des Treasuries (MOVE Index) évolue autour de 120 depuis juin 2023 (contre un pic à 150 atteint en octobre 2022 et 50 en moyenne annuelle 2021).

 

Brèves