Réflexions hebdomadaires sur les principaux évènements financiers, institutionnels ou règlementaires, aux Etats-Unis.

Sommaire

Conjoncture

  • L’inflation PCE diminue nettement mais sa composante sous-jacente reste élevée
  • Les créations d’emploi du secteur privé surprennent par leur dynamisme

Politiques macroéconomiques

  • Les minutes de la Fed montrent que certains responsables favorisaient une hausse de 25 pb plutôt qu’une pause
  • La Cour suprême invalide le plan d'annulation des dettes étudiantes de l'administration Biden

Services financiers

  • Les débats sur la création d’ETF indexés sur le Bitcoin se poursuivent

Situation des marchés

Brèves

 

Conjoncture

 L’inflation PCE diminue nettement mais sa composante sous-jacente reste dynamique

Selon le rapport publié par le Bureau of Economic Analysis (BEA), l’inflation des prix des dépenses de consommation personnelle (Personal Consumption Expenditure - PCE) a progressé de +0,1 % en mai (après +0,4 % en avril) et sa composante sous-jacente (hors énergie et alimentation) à +0,3 % (après +0,4 %). Sur douze mois glissants, l’inflation PCE a diminué à +3,8 % (après +4,3 %), soit son niveau le plus bas depuis avril 2021, alors que sa composante sous-jacente est restée quasi inchangée à +4,6 % (après +4,7 %).

En évolution mensuelle, les prix de l’énergie ont baissé de ‑3,9 % (après +0,7 %) tandis que ceux de l’alimentation ont augmenté à +0,1 % (après +0,0 %). Sur douze mois glissants, les prix de l’énergie ont baissé de ‑13,4 % (après ‑6,3 %) et ceux de l’alimentation continuent de ralentir à +5,8 % (après +6,9 %).

En évolution mensuelle, les prix des biens ont baissé de ‑0,1 % (après avoir augmenté de +0,3 %) et ceux des services ont légèrement ralenti à +0,3 % (après +0,4 %). Sur douze mois glissants, les prix des biens et des services ont ralenti à +1,1 % et +5,3 % respectivement (après +2,1 % et +5,5 % respectivement).

 

Les créations d’emplois du secteur privé surprennent par leur dynamisme

D’après le rapport d’ADP (Always Designing for People) sur l’emploi à l’échelle nationale (ADP National Employment Report), publié le 6 juillet, les créations d’emplois dans le secteur privé ont significativement augmenté en juin, atteignant +497 000 (après +267 000 en mai), soit la plus forte hausse depuis juillet 2022. Ces créations d’emplois ont été nettement supérieures aux attentes du marché (+220 000). Elles ont été tirées par les services aux consommateurs, notamment par le loisir et l’hôtellerie (+232 000).

La croissance des salaires des employés en poste (job-stayers) a légèrement baissé à +6,4 % (après +6,6 % en mai) et celle des employés changeant de poste (job-changers) a baissé pour le 12ème mois consécutif, à +11,2 %, au plus bas depuis octobre 2021. Ces niveaux de croissance continuent toutefois de suggérer une poursuite des pressions inflationnistes.

Le rapport JOLTS (Job Openings and Labor Turnover) du Bureau of Labor Statistics (BLS), également publié le 6 juillet, indique quant à lui une légère diminution des offres d’emplois en mai dans les secteurs public et privé, à 9,8 millions (‑496 000), soit légèrement en‑dessous des attentes du marché (10 millions).  Elles ont nettement diminué dans le secteur de la santé (‑285 000).

 

 

Politiques macroéconomiques

 

Les minutes de la Fed montrent que certains responsables favorisaient une hausse de 25 pb plutôt qu’une pause

Selon le procès-verbal (minutes) du dernier comité de politique monétaire de la Fed (FOMC) qui s’est tenu les 13 et 14 juin 2023, presque tous les responsables de la Fed ont estimé que le maintien de la fourchette‑cible des taux fed funds était approprié, mais certains ont indiqué qu’ils étaient favorables à une hausse de +25 points de base (pb) ou qu’ils auraient pu soutenir une telle proposition. Le statu quo a toutefois été voté à l’unanimité, privilégiant la prudence face aux effets différés du resserrement monétaire et du durcissement des conditions de crédit sur l’activité économique.

Malgré la fin des inquiétudes liées au relèvement du plafond de la dette du gouvernement américain, les responsables ont souligné la persistance d’incertitudes justifiant le choix d’une pause. Globalement, ils estiment que le resserrement monétaire n'a pas encore produit tous ses effets, bien que certains pensent qu'une grande partie des effets a déjà été réalisée. Ils affirment également que le durcissement des conditions de crédit devrait continuer de peser sur l’activité économique, bien que l’ampleur des effets reste incertaine. Par ailleurs, dans un contexte d’apaisement des tensions du système bancaire, la plupart des responsables insistent sur les risques de hausse (upside risks) de l’inflation. Les économistes (staff) partagent globalement cette analyse, estimant que les scénarios d’inflation en hausse sont plus probables que ceux d’inflation en baisse, et que la poursuite d’une croissance modérée est désormais aussi probable qu’une légère récession (mild recession).

Concernant la suite de la politique monétaire, tous les responsables ont réaffirmé leur objectif d’abaisser l’inflation à sa cible de 2 %. Bien que l’inflation totale ait ralenti au cours de l’année passée, ils ont mis en avant une inflation sous‑jacente (hors énergie et alimentation) qui présente peu de signes de ralentissement, ainsi qu’un risque de désencrage des anticipations d’inflation, également mis en avant par les économistes. Ils ont souligné un apaisement des tensions entre l’offre et la demande sur le marché du travail, mais une croissance des salaires nominaux toujours supérieure au niveau compatible avec un retour de l’inflation à 2 %. Bien que les responsables aient privilégié la prudence lors du FOMC de juin, presque tous les responsables ont jugé que de nouvelles hausses au cours de l’année 2023 seraient appropriées pour atteindre les objectifs de la Fed. Ils continueront toutefois d’adapter la politique monétaire en fonction des données entrantes (data-dependent) à chaque réunion.

Les marchés anticipent désormais, à la date du 6 juillet, une hausse de +25 pb en juillet (à une probabilité de 95 %) et un maintien des taux (66 %) ou une nouvelle hausse de +25pb (30 %) en septembre. Ils anticipent par ailleurs un maintien des taux à 5,4 % jusqu’à mai 2024.

 

La Cour suprême invalide le plan d'annulation des dettes étudiantes de l'administration Biden

La Cour suprême a voté vendredi 30 juin l’invalidation du plan d’annulation des dettes étudiantes de l’administration Biden, à 6 voix contre 3. Les juges de la Cour Suprême ont estimé que l’effacement d’environ 400 Md USD de dette étudiante, prévu par l’administration Biden, constituait une utilisation excessive du pouvoir exécutif qui « s’empare du pouvoir législatif ».

Le plan de l’administration Biden visait à annuler jusqu’à 20 000 USD de prêts étudiants fédéraux contractés avant le 1er juillet 2022 pour des dizaines de millions d’américains gagnant moins de 125 000 Md USD. Le ministère de l’Éducation avait déjà accepté les demandes de près de 25 millions d’Américains à l’automne dernier.

La décision de la Cour suprême a été prise à la suite de vifs débats autour de l’interprétation de la loi HEROES, mise en place durant la pandémie de la COVID-19. Cette loi permet notamment au ministre de l’Éducation de renoncer à ou de modifier toute disposition légale liée aux dettes étudiantes fédérales dans un contexte d’urgence nationale. L’administration Biden avait ainsi suspendu les remboursements des dettes étudiantes durant 3 ans en réponse à la pandémie de la COVID-19. La Cour suprême a rejeté l’interprétation de la loi HEROES de l’administration Biden, soulignant notamment qu’il est possible de renoncer à ou de modifier des règlementations mais pas de les réécrire en intégralité.

 

Services Financiers

 

Les débats sur la création d’ETF indexés sur le Bitcoin se poursuivent

La bourse du Nasdaq a adressé le 29 juin à la Securities and Exchange Commission (SEC), l’autorité des marchés financiers, une proposition d’évolution de ses règles internes afin d’autoriser la cotation d’un fonds indiciel coté (Exchange-Traded Fund – ETF) indexé sur le Bitcoin. La demande concerne un projet d’ETF qui serait géré par BlackRock, premier gestionnaire d’actifs au monde avec 9 000 Md USD d’actifs sous gestion.

Depuis plusieurs années, la SEC s’oppose à la création d’ETF directement indexés sur des crypto-actifs, la SEC estimant que le marché des crypto-actifs au comptant est trop risqué. Seuls les ETF indexés sur des produits dérivés de crypto-actifs, qui sont négociés en bourse (futures liés au cours du Bitcoin par exemple), sont actuellement autorisés aux États-Unis. 

Mi-juin 2023, BlackRock et d’autres gestionnaires d’actifs majeurs, comme Fidelity (4 500 Md USD d’actifs sous gestion) et Invesco (1 500 Md USD) ont relancé des demandes de création d’ETF indexés sur le Bitcoin, avec l’appui des bourses Nasdaq et Chicago Board Options Exchange (Cboe). Le cours du Bitcoin a progressé d’environ 20 % la semaine suivant l’annonce de ces projets. Selon la presse, la SEC aurait formué des critiques sur ces projets et demandé des informations complémentaires aux bourses et aux gestionnaires d’actifs, qui ont transmis de nouvelles demandes d’autorisation.

Dans ces projets, une fonction de surveillance du marché des Bitcoins serait confiée à la plateforme Coinbase. Coinbase serait également chargé de la conservation des crypto-actifs pour plusieurs de ces ETF.

 

Situation des marchés

 

Au cours de la semaine écoulée (de vendredi à jeudi), l'indice S&P 500 a reculé de -0,88 %, à 4 412 points. Le recul tient principalement aux créations d’emplois plus dynamiques qu’attendu dans le secteur privé, laissant craindre une inflexion plus restrictive de la politique monétaire (cf. supra). Les banques enregistrent des reculs plus importants (-1,5 % pour JP Morgan et Bank of America, -3,0 % pour Goldman Sachs sur la semaine) dans l’attente de la publication de leurs résultats trimestriels, attendus à partir de la fin de la semaine prochaine.

Le rendement des obligations souveraines (Treasuries) à 2 ans a augmenté de +10 points, à 4,99 % après avoir franchi le seuil de 5 % pour la 1ère fois depuis les faillites bancaires de mars, et celui des obligations souveraines à 10 ans a progressé de +17 points, à 4,0 %.

 

Brèves

 

-A la suite de la publication des résultats du test de résistance de la Fed (stress-tests), les plus grandes banques américaines (JP Morgan, Citigroup, Wells Fargo, Goldman Sachs, Morgan Stanley et Bank of America) ont annoncé une hausse de leurs distributions de dividendes pour le troisième trimestre 2023. Par ailleurs, Bank of America (BOA) et Citigroup ont évoqué des différences entre les résultats donnés par la Fed et ceux obtenus via leurs modèles de tests de résistance internes, ces derniers affichant des estimations de pertes relativement plus importantes pour BOA, et moins importantes pour Citigroup ; elles ont indiqué être en discussion avec la Fed afin de comprendre l’origine des disparités. 

 

-Le juge chargé de la gestion de la faillite de SVB Financial, la société-mère de Silicon Valley Bank (SVB) a approuvé le 5 juillet la cession de sa division de banque d’investissement, pour un montant de 100 M USD, à un groupe d’investisseurs mené par le gestionnaire d’actifs Baupost Group.

 

-Le 29 juin, la sénatrice Elizabeth Warren (D – Massachusetts) a adressé une lettre à Rohit Chopra, directeur du bureau de protection des consommateurs financiers (CFPB). E. Warren encourage le CFPB à finaliser une proposition de règle publiée en février qui vise à limiter les pénalités de retard que les banques peuvent exiger de leurs clients titulaires de cartes de crédit.

 

-Dans un entretien au Wall Street Journal, le directeur de l’Office of the Comptroller of the Currency (OCC, régulateur des national banks), Mike Hsu, a rappelé les vulnérabilités posées par la croissance des grandes banques et de leur complexité. Il a soutenu qu’il revenait aux banques de démontrer aux régulateurs qu’elles ne devenaient pas trop grandes pour être gérées de manière adéquate (« too big to manage »), et rappelé que l’OCC dispose de l’autorité de démanteler les activités d’une banque qui témoignerait de manquements répétés.

 

-L’indice PMI du secteur de l’industrie, publié le 3 juillet par l’Institute for Supply Management (ISM), a diminué à 46,0 en juin (après 46,9 en mai), bien en-dessous des attentes du marché (47,3). En juin, le secteur s’est contracté pour le 8ème mois consécutif. Le sous-indice des stocks est tombé à un niveau considéré comme « trop bas », pouvant suggérer une future hausse de la production. L’indice PMI du secteur des services, publié le 6 juillet par l’ISM, a quant à lui nettement augmenté à 53,9 (après 50,3), bien au-delà des attentes du marché (51,3). Le secteur est en zone d’expansion pour le 6ème mois consécutif.