Zoom sur : Adoption du projet de révision du PNRR

Le gouvernement espagnol a adopté le projet de révision du plan national de relance et de résilience lors du conseil des ministres du 6 juin 2023. L’Espagne prévoit de mobiliser 94,3 Md€ supplémentaires pour la période 2024-2026 qui complèteront les 69,5 Md€ du plan initial pour 2021-2023.

Pour ce 2ème volet, le gouvernement mobilisera 10,3 Md€ en subventions, dont 7,7 Md€ en subventions supplémentaires attribuées en juin 2022 à partir du montant recalculé des droits à subvention selon l’évolution du PIB en 2020 et 2021 et 2,6 Md€ des adaptations de la facilité de relance dans le cadre du règlement RePowerEU. Par ailleurs, l’Espagne utilisera également les 84 Md€ en prêts de la facilité de relance et de résilience qui lui reviendraient.

Les priorités du plan révisé se concentrent sur le renforcement de l’autonomie stratégique en matière énergétique, agroalimentaire, industrielle, technologique et numérique. Ceci se déclinera par :

  • Un renforcement du financement des 12 projets stratégiques de relance (« PERTE ») avec 28,3 Md€ supplémentaires, dont les 10,3 Md€ de subventions et 17,9 Md€ de prêts. Avec les 14,2 Md€ du plan initial, les projets stratégiques obtiendront au total 42,5 Md€ ;
  • Le déploiement de 14 fonds, dont 11 nouveaux, avec les 66,3 Md€ restants de prêts sur les priorités suivantes :
  • Fonds de résilience régionale de 20 Md€ destinés à des investissements des communautés autonomes et qui sera géré par la BEI ;
  • Lignes de financement pour la transition écologique (15,5 Md€) et la croissance et la résilience des entreprises (7,0 Md€) gérées par l’agence publique ICO ;
  • Ligne Next Tech pour favoriser le scale-up des start-ups technologiques de 4,0 Md€ ;
  • Ligne de promotion du logement social sous la modalité de location de 4,0 Md€ ;
  • Fonds pour financer le nouveau dispositif pérenne de chômage partiel dit « mécanisme RED » de 3,0 Md€ ;
  • Fonds d’inclusion sociale pour des investissements en capital humain et de réduction de la pauvreté infantile de 2,5 Md€ ;
  • Fonds pour financer des incitations fiscales pour des investissements « verts » des entreprises et des ménages de 2,3 Md€ ;
  • Instrument de cyber-résilience et sécurité pour les administrations et les secteurs de la sécurité, la défense, l’aéronautique et l’espace de 2,2 Md€ ;
  • Fonds de co-investissements de 2,0 Md€ ;
  • Fonds Spain Audiovisual Hub pour soutenir des productions audiovisuelles en Espagne de 1,5 Md€ ;
  • Fonds de soutien aux entreprises touchées par la crise du Covid19 de 1,0 Md€ ;
  • Instrument d’appui aux PME de 0,9 Md€ ;
  • Fonds pour des investissements d’impact social et/ou environnemental de 0,4 Md€.

Le projet de plan révisé sera désormais évalué par la Commission européenne dans un délai de deux mois (prolongeable).

Prévisions macroéconomiques

 Prev macro

Actualité économique

1    Mesures de réponse à la crise et de relance

Mécanisme ibérique : la Commission européenne a donné son accord à l’extension du « mécanisme ibérique » jusqu’au 31 décembre 2023 (mécanisme de plafonnement du prix du gaz utilisé pour produire de l’électricité). Initialement prévu pour une durée d’un an (juin 2022-mai 2023), l’Espagne et le Portugal ont demandé de proroger ce mécanisme qui aurait permis une économie de près de 5 milliards d’euros pour le consommateur, selon le gouvernement espagnol. Le plafond de prix du gaz électrogène, actuellement de 55 €/MWh, passera à 56,1 €/MWh en juin et augmentera progressivement d’1,1 point par mois jusqu’à 65 €/MWh en décembre.

Mesures contre l’inflation : le gouvernement prolonge la majorité des mesures en vigueur pour le 2ème semestre 2023. Le 27 juin, l’exécutif a adopté un décret-loi laissant en vigueur la plus grande partie des mesures adoptées en décembre dernier pour limiter l’impact économique de l’inflation dont notamment :

  • La baisse de la TVA de 4% à 0% pour une série de produits alimentaires de base (pain, farine, lait, fromage, œuf, fruits, légumes, légumineuses, tubercules et céréales) et de 10% à 5% pour les huiles et les pâtes. La mesure sera désactivée à partir de novembre si l’inflation sous-jacente passe sous le seuil de +5,5% en g.a. au mois de septembre ;
  • Réduction des abonnements pour les transports publics régionaux et locaux de 50%, dont 30% à charge de l’État pour un montant de 380 M€ (les réductions pour les abonnements pour les transports publics gérés par l’État étaient déjà prévues pour toute l’année 2023 dans le budget) ;
  • Réduction des prix à la pompe pour les usages professionnels (transport routier, agriculture, pêche, taxis et ambulance) avec néanmoins une sortie progressive du dispositif (de 0,20€/L actuellement à 0,10 €/L au 3ème trimestre et 0,05 €/L au 4ème trimestre) ;
  • Le prix plafond pour la vente de bouteilles de gaz butane et propane à 19,55€ (pour une bouteille de butane de 12,5kg) ;
  • La réduction de 80% des coûts d'accès au réseau et de distribution des entreprises électrointensive ;
  • Pour rappel, les réductions des impôts sur l’énergie était déjà en vigueur pour toute l’année 2023 (TVA sur l’électricité, le gaz, les briquettes/pellets provenant de biomasse et bois pour chauffage à 5%, impôt spécial sur l’électricité à 0,5% et moratoire sur l’impact de génération électrique pour les producteurs d’électricité.   

Par ailleurs, le gouvernement a mis en œuvre une déduction de 15% sur l’impôt sur le revenu pour l’achat de véhicules électriques. Cette mesure sera en vigueur jusqu’à fin 2024, sous condition que l’acheteur prenne à sa charge l’installation d’un point de recharge dans son lieu de résidence. La déduction maximale se calculera sur une base maximale de 20 000€, montant comprenant l'acquisition, les frais et les taxes inhérents à un achat de cette nature.

Mesures contre l’inflation : la banque d’Espagne estime que les mesures pour limiter l’impact de la hausse des prix ont permis de réduire l’inflation de 2,3 pp et d’augmenter la croissance de 1,1 pp en 2022 dans son chapitre dédié à l’énergie dans le rapport annuel 2022. Pour 2023, la banque d’Espagne demande de retirer les mesures de soutien général et de privilégier les mesures ciblées.

 

2   Macroéconomie

Croissance du PIB : selon la 2ème estimation de l’institut national des statistiques (INE), le PIB trimestriel espagnol a enregistré une croissance de +0,6 % au T1 2023 par rapport au trimestre précédent et confirme le retour au niveau de PIB du T4 2019, le dernier trimestre avant le début de la crise sanitaire. Le résultat s’explique notamment par les bons résultats du secteur extérieur, avec une hausse des exportations (+5,7%) supérieure à celle des importations (+2,6%), et de l’investissement (+1,1%). En revanche, la consommation, notamment des ménages (-1,3%) recule pour le 2ème trimestre consécutif. Dans l’ensemble, la contribution de la demande nationale reste négative (-0,9%).

Par ailleurs, l’INE a opéré une révision du profil des trimestres de 2022 (tout en laissant le PIB annuel inchangé) : -0,5% t/t au T1 (-0,1 pt), +2,6% t/t au T2 (+0,1 pt) et +0,6% t/t au T4 (+0,1 pt).

Inflation : selon la 1ère estimation de l’institut national des statistiques (INE), l’augmentation de l’indice des prix à la consommation (IPC) s’est établie à 1,9 % en glissement annuel en juin 2023 (vs. 3,2 % en mai). L’inflation sous-jacente s’élève à 5,9% et cumule quatre mois consécutifs à la baisse (-0,1 pp en mars, -0,9 pp en avril, -0,5 pp en mai et -0,2 pp en juin) après avoir atteint un pic de 7,6% en février. L’INE indique que cette évolution s’explique par une hausse moindre des prix des carburants, de l’électricité et des boissons non alcooliques par rapport à juin 2022 (les détails par catégories seront publiés avec la 2ème estimation).

Prévisions économiques : le gouvernement a mis à jour son scénario macroéconomique dans le plan de stabilité et prévoit une croissance de +2,1% en 2023 et +2,4% en 2024. Pour 2023, la prévision reste inchangée par rapport au projet de plan budgétaire d’octobre 2023 mais la composition varierait avec notamment une révision à la hausse de la consommation privée (de +1,3% à +2,1%) qui deviendrait le principal moteur de croissance grâce au dynamisme du marché du travail et la modération attendue des prix. Par la suite, la croissance du PIB se rapprocherait progressivement de son potentiel de croissance en 2025 (+1,8%) et 2026 (+1,7%).

 

3   Finances publiques

Plan de stabilité 2023-2026 : l’Espagne prévoit de revenir à un déficit public de 3,0% du PIB dès 2024. Le 27 avril, la ministre des Comptes publics a présenté la trajectoire de déficit public du plan de stabilité 2023-2026. Pour 2023, l’exécutif maintient l’objectif de 3,9% de déficit déjà prévu dans le plan de stabilité 2022-2025 mais avance d’un an le retour sous le seuil de 3,0% de déficit, qui serait atteint en 2024, et respecté également en 2025 (2,7%) et 2026 (2,5%). Au niveau de la dette publique, celle-ci maintiendrait sa tendance à la baisse en 2023 (111,9%), 2024 (109,1%) et 2025 (107,9%) pour atteindre 106,8% du PIB à l’horizon 2026.

Déficit public : fin avril, le déficit des administrations publiques, à l’exception des autorités locales, s’élevait à 4,5 Md€ (0,3% du PIB), soit -49,8% par rapport à la même période en 2022. Par administration, l’État central enregistre un déficit de 23 M€ (0,00% du PIB, soit -99,6% par rapport à 2022), les régions de 3,4 Md€ (0,24% du PIB) et la sécurité sociale de 0,9 Md€ (0,06% du PIB).

Dette publique : la dette des administrations publiques s’élèverait à 1 526 Md€ fin avril 2023, soit une hausse de +5,6 % en glissement annuel.

 

4   Emploi

Enquête de population active : selon l'institut national des statistiques (INE), le taux de chômage augmente de 0,4 pp et s’élève à 13,3% au T1 2023 (contre 12,9% au T4 2022). Le nombre de personnes en recherche d’emploi passerait à près de 3,1 M de personnes (+104 000 personnes par rapport au trimestre précédent). Cette hausse du taux de chômage s’explique principalement par une hausse de la population active, qui augmente de près de 93 000 personnes sur le trimestre pour atteindre près de 23,6 M de personnes. Par ailleurs, les personnes occupées reculent de près de 11 000 personnes, pour s’établir à près de 20,5 M de personnes.

Accord hausse des salaires : Les organisations d’entreprises espagnoles CEOE et des PME CEPYME ont adopté un accord avec les syndicats UGT et CC OO fixant des orientations générales pour la hausse des salaires de 4 % en 2023 et de 3 % en 2024 et 2025. Par ailleurs, l’accord prévoit une clause de révision salariale qui, en cas de déviation de l’inflation estimée, prévoit une hausse supplémentaire de 1 % par an sur la période, applicable à partir de l’année suivante. A noter que cet accord est une orientation pour les entreprises et les syndicats négociant les conventions collectives au niveau sectoriel et provincial, mais son application n’est pas obligatoire et ne sert que de base pour les négociations par branche d’activité.

Coût du travail : selon l’INE, le coût de la main-d’œuvre par heure travaillée a augmenté de +4,1 % cvs au T1 2023 en variation annuelle et de +1,6 % cvs en variation trimestrielle.

Affiliations à la sécurité sociale : fin juin, la sécurité sociale récupère, en moyenne mensuelle, près de 55 000 affiliés par rapport à mai. Corrigé des variations saisonnières, on compte près de 20 000 affiliés en moins, soit 20,7 M d’affiliés à la sécurité sociale cvs. Sur l’ensemble du 1er semestre 2023, l’Espagne a récupéré près de 448 000 affiliés cvs.

Chômage (statistiques administratives) : au total, 2,69 M de personnes étaient inscrites au chômage fin juin (-50 268 personnes par rapport à mai), le niveau le plus faible depuis septembre 2008. Sur un an, le nombre de personnes inscrites au chômage s’est réduite de près de 190 000 personnes, -6,7%.

 

5   Entreprises

Chiffre d’affaires : selon l’INE, l’indice de chiffre d’affaires des entreprises (ICNE) est à la baisse en avril 2023 à -2,5 % cvs en variation mensuelle (-2,3 pp par rapport à mars). Les Industries extractive et manufacturière (-0,4 %), le commerce (-0,6 %), et l’approvisionnement d’énergie électrique, eau, assainissement et gestion de déchets (-8,3 % cvs) sont à la baisse, alors que les services non financiers de marché enregistrent une faible hausse (+0,7 % cvs).

Chiffre d’affaires industrie et services : selon l’INE, le chiffre d’affaires du secteur industriel (ICN) enregistre une faible baisse à -0,4 % cvs en variation mensuelle en avril 2023. Les sous-secteurs enregistrant les baisses les plus importantes sont les biens de consommation durable (-4,9 %) et l’énergie (-3,9 %). Le chiffre d’affaires du secteur services (IASS) reste stable à -0,1 % cvs en variation mensuelle en avril 2023. Le commerce de gros (-5,9 %) et la vente et réparation de véhicules et motocycles (-2 %) sont à la baisse, alors que le secteur hôtelier (+7,9 %) enregistre la hausse la plus prononcée.

Création d’entreprises : selon l’INE, 8 623 sociétés ont été créées en avril 2023, soit une hausse de 1,7 % par rapport au même mois en 2022. Le capital déposé cumulé pour leur création a été de plus de 280 M€ (-0,8 % par rapport à mars 2022), avec une moyenne de 32 538 € (-2,5 %). Pendant ce mois, l’institution enregistre la dissolution de 1 540 sociétés (-7,4 %).

Commerce de détail : l’indice de commerce de détail (ICM) a enregistré une légère baisse mensuelle de -0,9 % cvs en avril 2023. Par type de distribution, les entreprises ayant un seul établissement ont augmenté leurs ventes de +4,0 %, les petites chaînes de +2,1 %, les grandes chaînes de +1,0 % et les grandes surfaces commerciales de +0,3 %.

Bénéfices d’Iberdrola : l’énergéticien espagnol enregistre une hausse de 40% de ses bénéfices au T1 2023 avec près d’1,5Md € sur le premier trimestre de l’année.

La Renfe soupçonnée de pratiques anti-concurrentielles par la commission européenne : la commission a ouvert une enquête pour abus de position dominante sur la compagnie ferroviaire. La Commission européenne, "craint que Renfe n'ait restreint la concurrence sur le marché espagnol des services de billetterie ferroviaire en ligne en refusant de fournir aux plateformes tierces des contenus complets sur sa gamme de billets et de réductions, ainsi que des données en temps réel (avant le voyage, pendant le voyage ou après le voyage) relatives à ses services de transport ferroviaire de passagers".

Indra : José Vicente de los Mozos, ancien PDG de Renault Espagne, est nommé comme nouveau directeur général de l’entreprise technologique et de défense Indra. Cette décision sera ratifiée lors de la prochaine assemblée ordinaire d’actionnaires le 30 juin.

Amazon : 15 000 PME espagnoles ont enregistré des exportations de jusqu’à 950 M€ en 2022 sur la plateforme Amazon (contre 850 M€ en 2021). Les ventes internationales en dehors de l’UE ont atteint 160 M€, soit le double par rapport à 2021. Les principaux pays de destination ont été la France, l’Allemagne, l’Italie, les Etats-Unis, et le Royaume-Uni. Au total, les PME espagnoles présentes sur la plateforme ont vendu 100 millions de produits (+15 % par rapport à 2021). 60 % de ces PME sont localisés en dehors de Madrid et de Barcelone (dont 30 % dans des villes de moins de 30 000 habitants).

 

6   Secteur bancaire et financier

Financement de l’économie : selon la banque d’Espagne, les conditions d’accès aux nouveaux prêts ont continué à se durcir tandis que la demande a diminué au premier trimestre. La baisse de la demande de nouveaux prêts s’expliquerait par une augmentation du coût de financement et une baisse des investissements côté entreprises tandis que les ménages seraient plus méfiants.

 

7   Marché de l’immobilier

Loi logement : La 1ère loi nationale sur le logement depuis l’adoption de la Constitution de 1978 a été voté en 1ère lecture le 27 avril par le Parlement puis approuvé par le Sénat le 17 mai. Parmi les principales nouveautés introduites par la loi, on note : une limitation des hausses de loyers en 2024 (3% maximum, avec des revalorisations des loyers indexées ensuite à un nouvel indice – qui sera créé par l’INE - à partir de 2025) ; une nouvelle définition des « zones sous tension » (zones ayant des dépenses moyennes associées au logement dépassant les 30 % du revenu moyen des foyers ou si les prix d’achat ou de location ont augmenté +3 pp de l’IPC lors des 5 dernières années) ; une nouvelle définition des « grands propriétaires » (possession de 5 propriétés ou plus en « zones sous tension » ou 10 propriétés ou plus ailleurs).

Logement social : le gouvernement souhaite ajouter 50 000 logements publics au parc existant (qui en compte 300 000 actuellement). Pour ce faire, le gouvernement souhaite mettre à disposition des administrations publiques les 50 000 actifs que compte la SAREB (la Société de gestion des actifs issus de la restructuration bancaire). La Sareb a été créée en 2012 avec des actifs bancaires toxiques liés à la pierre, l’entité a jusqu'à 2027 pour se débarrasser des prêts irrécouvrables et de leurs actifs livrés en garantie.

La région de Madrid lance un nouveau plan pour développer près de 2000 logements à des prix « accessibles » (intermédiaire entre des prix de marché et des prix de logement sociaux).  Ces logements seront également efficaces énergétiquement et financés à l’aide des fonds européennes EU Next Generation.

La Catalogne va elle aussi mobiliser les fonds européens pour investir dans son parc de logement. La région prévoit 161M€ d’aides pour construire plus de 3000 logements sociaux. Tous les logements construits à l’aide de cette subvention devront être achevés au plus tard en juin 2026, seront classés comme « officiellement protégés » pour une période indéfinie et devront être loués ou cédés à des bénéficiaires à faibles revenus