juin 2023

SITUATION POLITIQUE ET ÉCONOMIQUE

Élections générales du 23 juillet

Convocation d’élections générales pour le 23 juillet après le revers du Parti socialiste (PSOE) aux élections régionales et municipales. Le 28 mai a été marqué en Espagne par la tenue de deux scrutins majeurs. D’une part, toutes les communes organisaient des élections municipales. D’autre part, la plupart des communautés autonomes[1] avaient également convoqué des élections ce jour-là (à l’exception de la Galice, de l’Andalousie, de Castilla-y-Léon, de Catalogne et du Pays Basque dont les élections ont été anticipées). Les deux scrutins ont vu le succès du Parti Populaire (parti de l’opposition, conservateur) –qui a réuni 31,5% des suffrages aux élections municipales– et dans une moindre mesure de Vox (parti d’extrême-droite, 7,18% des suffrages contre 2,9% aux précédentes élections municipales). Le parti du président du gouvernement, le PSOE, a quant à lui réuni 28,1% des voix aux élections municipales, alors que son partenaire de coalition, Podemos (extrême-gauche), perd du terrain depuis la dernière élection. Ainsi, le bloc de droite récupérait 6 des 10 communautés autonomes présidées par le PSOE. En réaction à cette déconvenue électorale, Pedro Sanchez a annoncé dès le lendemain des élections, prenant ainsi tous les observateurs de court, qu’il convoquait des élections générales anticipées pour le 23 juillet, alors qu’elles devaient initialement se tenir en novembre ou en décembre 2023. Ces élections législatives déterminent en Espagne la constitution d’un gouvernement. Cette annonce a surpris aussi bien l’opposition que les commentateurs politiques, qui interprètent cette manœuvre comme un « coup de poker », empêchant l’opposition d’engranger les bénéfices de sa victoire et forçant les partis de gauche à s’unir pour faire barrage à l’alliance annoncée entre le PP et Vox.

Les derniers sondages semblent en effet prédire une victoire aux élections du 23 juillet pour le Parti Populaire, sans majorité absolue néanmoins et donc contraint de s’allier à l’extrême-droite pour gouverner.

Accords entre le Parti populaire et Vox pour le gouvernement de plusieurs grandes régions ou communes. Alors que le Parti populaire (PP) a été la première force politique lors des élections du 28 mai dans de nombreuses communautés autonomes, il n’a obtenu la majorité absolue nécessaire pour gouverner seul que dans les régions de Madrid et de La Rioja. Dans le reste des régions et dans 140 communes, le PP pourrait chercher l’appui de Vox[2]. Dans la Communauté Valencienne, les deux partis sont déjà parvenus à un accord, Vox entrant au gouvernement de la région (le parti obtient la vice-présidence ainsi que les ministères régionaux de la culture, de la justice, de l’intérieur et de l’agriculture). Dans la région de Murcie, où il lui manque deux sièges pour atteindre la majorité absolue, le PP n’a pas inclus Vox dans le bureau de l’Assemblée régionale et souhaite gouverner en solitaire. Avec ces conditions, Vox a menacé de voter contre l’investiture du candidat du PP, ce qui conduirait à convoquer de nouvelles élections. De ce fait, Vox entend peser autant que possible dans les gouvernements régionaux et annonce ouvertement que, après les élections générales, le PP devra compter sur sa présence au gouvernement de l’Espagne s’il souhaite en prendre la tête.

La dissolution du Parlement reporte l’adoption des lois et des mesures attendues dans le secteur agricole. Comme le prévoit la Constitution, la convocation d’élections générales a mené à une dissolution du Congreso de Diputados (Assemblée nationale) et à la mise en place d’une députation permanente, qui exerce une partie des pouvoirs du Parlement, gère les affaires courantes et peut valider ou abroger les décrets adoptés par le gouvernement. De ce fait, alors que les organisations agricoles avaient exprimé leur inquiétude quant à la validation du décret royal pour contrer les effets de la sécheresse du 11 mai, la députation permanente a voté le texte, ce qui permettra la mise en place des mesures annoncées (entres autres, des aides directes pour l’élevage ou encore une augmentation de la subvention pour les primes d’assurance agricole).

Néanmoins, plusieurs projets de loi sont à l’arrêt jusqu’à la constitution d’un nouveau congrès des députés. Sont notamment concernés les projets de loi sur le gaspillage alimentaire, sur l'amélioration des conditions de travail et de la protection sociale des travailleurs agricoles indépendants et des travailleurs agricoles temporaires en Andalousie et en Estrémadure ou encore sur les mesures visant à garantir l'accès à l'internet à haut débit à 100 Mbps dans les zones rurales.

 

Présidence du Conseil de l’Union européenne

Le président du gouvernement a présenté les priorités de la présidence espagnole (PEUE). Le jeudi 15 juin, Pedro Sanchez a présenté les priorités de la Présidence espagnole, qui commence le 1er juillet, lors d’un discours au siège du gouvernement. Sous un logo sobre et un slogan vantant « l’Europe plus proche », le chef du gouvernement a rappelé l’attachement profond de l’Espagne à l’UE et sa gratitude affirmant que l’Espagne ferait « tout ce qu’elle peut pour l’Europe » avant les élections du Parlement européen en 2024. La première priorité, réindustrialiser l’Europe, était reliée à la question de l’autonomie stratégique ouverte, faisant le lien avec l’apparition de dépendances croissantes dans les domaines de la santé, de l’alimentation ou du numérique, se référant à la feuille de route du sommet de Versailles de mars 2022, sans mentionner toutefois les questions de défense. Mettant en avant la notion d’ouverture (l’« autonomie stratégique » devenant même « ouverture stratégique »), l’importance du renforcement des relations avec l’Amérique latine constituera l’un des marqueurs de la présidence, via le sommet UE-CELAC des 17 et 18 juillet. Les autres priorités portaient sur la transition écologique (réforme du marché de l’électricité, réduction des déchets et élimination du plastique), la justice sociale (lutte contre l’évasion fiscale, réforme de la gouvernance économique) et le renforcement de l’UE (consolidation des fonds NextGenEU, pacte sur l’asile et les migrations).

En matière d’agriculture, l’Espagne a expliqué vouloir clôturer la modification du règlement sur les Indications Géographiques et souhaite avancer sur le règlement sur l’usage durable des produits phytosanitaires. L’Espagne souhaite aussi avancer sur des dossiers qui seront présentés par la Commission au cours du deuxième semestre : l’autorisation de nouvelles technologies génomiques, la révision du règlement sur le bien-être animal, etc. En matière de pêche, l’Espagne souhaite encourager la décarbonisation et la modernisation de la flotte de l’Union européenne.

 

Sécheresse et aléas climatiques

Après plus de 125 jours sans pluie dans certaines zones du pays, le mois de mai a été marqué en Espagne par de violentes intempéries. Alors que le début d’année 2023 était marqué par une absence historique de précipitations, la deuxième moitié du mois de mai a été l’occasion de perturbations météorologiques qui, si elles ont atténué le manque d’eau, ont aussi causé de forts dommages sur les récoltes. La plupart du territoire espagnol a connu des épisodes de pluies torrentielles, de grêle ou d’inondations. L’entité Agroseguro, qui regroupe les assurances privées opérant dans le système assurantiel agricole, a estimé que ces aléas climatiques ont provoqué des dommages sur 150 000 hectares assurés, pour des indemnisations qui devraient approcher les 100 M€. Certaines cultures ont été particulièrement affectées : dans certaines zones d’Estrémadure, 80% des cerises ont été perdues et dans la région de Castilla-la-Mancha, les pertes dans la récolte d’ail ont pu atteindre les 90%. 

Les réserves en eau peinent à se reconstituer. L’Espagne traverse depuis plus d’un an une situation de sécheresse, qui ne parvient pas à s’améliorer malgré les récents épisodes de pluies, parfois torrentielles, dans la majeure partie du territoire.  Selon le ministère de la Transition écologique (MITECO), pendant la semaine du 20 au 27 juin, la réserve en eau dans les barrages était à 47,2% de ses capacités à 26 470 hm3, soit +1,9% par rapport à l’année précédente (qui était également une année de sécheresse) et – 27,8% par rapport à la moyenne des dix dernières années. Pendant la semaine du 5 au 12 juin, pour la première fois depuis trois mois, en raison des précipitations intenses, la quantité d’eau dans les barrages avait augmenté par rapport à la semaine précédente, mais dans une très faible proportion (+0,1%). Selon le président de la fédération espagnole d’irrigants, bien que les précipitations aient eu un faible impact sur les réserves, elles ont toutefois permis de ne pas irriguer les cultures et de préserver les réserves.

Par ailleurs, selon les données du MITECO, 39,9% du territoire est en situation d’alerte ou d’urgence en raison de pénuries d’eau temporaires, les principales régions concernées étant celles de Catalogne et d’Andalousie.  

Après le gouvernement, plusieurs régions annoncent des aides à l’agriculture pour faire face à la sécheresse. Dans le décret-royal 4/2023, le gouvernement espagnol annonçait une série d’aides au secteur agricole (784M€) et l’investissement dans les sources d’eau non conventionnelles (1.4Md€) pour augmenter la ressource en eau, pour un montant total de près de 2,2 Md€. Par la suite, les régions de Catalogne, Estrémadure, Murcie et Castilla-la-Mancha ont annoncé établir des mesures complémentaires pour aider le secteur agricole.

Dans le cas de l’Estrémadure, le gouvernement régional a publié un décret en mai qui prévoit des aides de 10 M€ pour les céréales d’hiver, 1,5 M€ pour les secteurs porcin et équin extensifs, 2,7 M€ pour les exploitations apicoles et 2 M€ pour aider les agriculteurs à souscrire une assurance agricole. Castilla-la-Mancha destinera 60 M€ aux agriculteurs : 44,4M € seront dirigées pour les cultures en sec (dont 11 M€ pour les zones de montagne) et 15 M€ pour les cultures ligneuses. La Catalogne a prévu un budget de 10 M€ dans des aides à l’élevage (bovin, équin, ovin et caprin), à l’apiculture et à la cuniculture. Enfin, la région de Murcie a fait le choix de proposer des prêts pour un montant total de 5 M€, destinés aux exploitations de cultures en sec et d’élevage d’ovins et de caprins. Les prêts, qui devront être concrétisés avant le 31 décembre 2023, seront compris entre 40 000€ et 150 000€.

La sécheresse frappe durement le Portugal et mène à des premières restrictions. La sécheresse extrême continue de sévir au Portugal : plus du tiers du territoire national est actuellement affecté, en particulier dans le sud du pays. Dans ce contexte, le gouvernement portugais a commencé à prendre des mesures restrictives. Le jeudi 1er juin 2023, des restrictions sur la consommation d'eau dans l'est de l'Algarve ont été annoncées, dans le but de la réduire de 15%. Des mesures vont être mises en place au barrage d'Odeleite : réduction de 20 % du quota d'eau pour l'agriculture ; réduction de 20 % de l'eau utilisée pour les terrains de golf. Une semaine avant l’annonce de ces mesures, le gouvernement portugais avait déjà interdit les nouvelles plantations d’oliviers, d’avocatiers et de fruits rouges, dans les régions de l’Alentejo et de l’Algarve, en raison de la sécheresse. Ces mesures ont fait fortement réagir la profession agricole (CAP) qui continue de dénoncer l’absence de mesures d’aides au secteur agricole, conjoncturelles comme structurelles. La demande majeure porte sur des investissements massifs pour le stockage de l’eau, à l’instar de l’exemple espagnol. Dans ce contexte, les agriculteurs portugais anticipent des pertes supérieures à celles de la saison passée, déjà affectée par ce phénomène. Parmi les sous-secteurs les plus sévèrement touchés, sont citées la production d’huile d’olive, de cerises, de céréales et de miel. Dans ce dernier cas, les apiculteurs prévoient une chute de leur production entre 80et 90% et dénoncent l’absence de soutien de la part du gouvernement.

La sécheresse pourrait provoquer des tensions entre l’Espagne et le Portugal pour l’usage de l’eau. La pénurie d’eau a poussé la communauté d’irrigants de Palos de la Frontera (province de Huelva en Andalousie) à demander au gouvernement central de redéfinir la convention d’Albufeira, qui régit la gestion des eaux frontalières entre l’Espagne et le Portugal (fleuves Miño, Limia, Douro, Tage, Guadiana). La convention d’Albufeira prévoit notamment que la gestion du Guadiana est une compétence du Portugal, sauf pour l’affluent Chanza. La communauté d’irrigants espagnole veut pourtant augmenter le pompage d’eau à l’embouchure du Guadiana pour irriguer les productions de la province de Huelva. De leur côté, les Portugais souhaitent également pomper plus d’eau du Guadiana pour irriguer davantage en Algarve. Ces usages contradictoires de l’eau pourraient générer des tensions entre les deux pays, puisque toute utilisation d’eau non prévue par la convention d’Albufeira doit être approuvée à la fois par le Portugal et par l’Espagne.

Demande d’activation de la réserve agricole de crise de l’Union européenne pour faire face à la sécheresse. La France, l’Espagne et l’Italie se sont joint à la demande du Portugal de mobilisation de la réserve de crise pour répondre aux problèmes causés par la sécheresse dans les pays du littoral méditerranéen. Le Portugal a porté cette demande lors du conseil des ministres « Agriculture et pêche » de l’Union européenne du 30 mai. La PAC comprend une réserve financière d’au moins 450 M€ par an, qui a déjà été mobilisée à plusieurs reprises cette année pour les pays affectés par l’importation de céréales d’Ukraine (deux paquets, de 56,3 M€ et 100 M€) et l’Italie (27,2 M€ pour le secteur avicole). La Commission européenne a proposé le 26 juin une répartition des 330M€ restants dans la réserve – le commissaire à l’agriculture, Janusz Wojciechowski, avait annoncé que la réserve agricole serait augmentée de 80M€ en 2023, passant de 250M€ à 330M€. L’Espagne devrait recevoir 81M€ et le Portugal 11M€. Par ailleurs, l’Italie recevra 60,5M€ et la France 53,1M€.

En plus de la mobilisation de la réserve de crise, les pays se sont mis d’accord pour demander à la Commission européenne la flexibilisation des règles de la PAC et l’augmentation des paiements anticipés jusqu’au maximum légal. La Commission a proposé que 70% des aides directes et 85% des aides au développement rural puissent être accordées par un versement anticipé, et elle permettra de la flexibilité dans certains programmes sectoriels (vin, fruits et légumes), et propose aux états membres de modifier leurs plans stratégiques nationaux de la PAC.

ACTUALITÉS AGRICOLES PAR SECTEUR

Grandes cultures - céréales

Les dernières estimations font état d’une récolte de céréales d’hiver catastrophique en Espagne. Depuis le mois d’avril, les prévisions de récolte des céréales d’hiver se succèdent et dressent un panorama de plus en plus sombre. L’organisation agricole Cooperativas agro-alimentarias estime que la récolte sera de 9 Mt, soit -48,5% par rapport à la précédente récolte. Les données d’Accoe, association des commerçants de céréales, prévoient une diminution de 45,2%. Dans le détail, selon Accoe, la récolte de blé tendre sera de 3,17 Mt (-37,7%), celle de blé dur de 363 000 t (-37,2%), celle d’orge de 3,8Mt (-47,1%) et celle d’avoine de 307 000 t (-65,85%). Le syndicat agricole ASAJA, a des prévisions encore plus pessimistes et estime que la production sera réduite de 65% et atteindra les 5Mt seulement.

La récolte de la campagne 2022/2023 risque de renforcer la dépendance espagnole aux importations de céréales. L’Espagne consomme habituellement près de 40 Mt de céréales, dont la moitié est importée. La baisse de la récolte intérieure, ainsi que l’augmentation de la demande pour l’alimentation animale liée à l’effet de la sécheresse sur les pâturages promettent un volume d’importations plus élevé cette année. L’Espagne est déjà destinataire de 35% des importations extracommunautaires de l’UE et le deuxième bénéficiaire des céréales en provenance d’Ukraine par la mer Noire, derrière la Chine. Selon les données de l’ONU, entre le 3 août 2022 et le 4 juin 2023, l’Espagne avait importé 5,7 Mt de céréales (essentiellement du maïs et du blé tendre) à travers le corridor, soit 18% des exportations ukrainiennes.  

 

Fraises

La polémique autour de l’irrigation près du parc de Doñana entraîne des boycotts internationaux. La polémique autour de Doñana ne cesse d’enfler depuis l’annonce par le Parlement andalou d’une loi controversée visant à étendre les surfaces irriguées près du parc de Doñana (voir le dernier numéro de mai). Alors que chaque parti politique national s’était emparé de la question, la polémique a atteint des proportions internationales. La plateforme Campact a lancé une campagne de signatures pour dissuader les supermarchés allemands (Edeka, Lidl, Rewe et Aldi) de vendre des fraises de la province de Huelva, qu’ils accusent d’être la cause de l’assèchement de l’écosystème protégé. Avec 196 000 signatures, cette pétition a tout de même déclenché une vague de réactions en Espagne et en Europe. L’interprofession de la fraise, Interfresa, a réagi à l’appel au boycott en l’accusant de répandre des fausses informations sur l’utilisation de l’eau pour les cultures. Une délégation de députés allemands qui devait effectuer un voyage en Espagne pour s’informer sur la sécheresse et sur le problème de Doñana, avait prévu de s’entretenir avec le gouvernement central à Madrid puis le gouvernement régional en Andalousie. Ce dernier voyage a été prudemment annulé par les députés allemands pour éviter toute ingérence dans la campagne électorale pour les élections du 23 juillet. Lidl a réagi en affirmant travailler avec des producteurs faisant un usage durable de l’eau, et préférant acheter des fraises allemandes quand cela était possible. En réaction à ces événements, la ministre régionale de l’agriculture de la région d’Andalousie (PP) s’est élevée en défense du secteur de la fraise, en affirmant que 90% des exportateurs de fraises et fruits rouges d’Huelva ont une certification Global G.A.P., qui certifie une utilisation durable de l’eau. Elle soutient par ailleurs l’intention de la filière de déposer une indication géographique, marque de qualité pour la fraise de Huelva.  Le ministre de l’Agriculture, Luis Planas, a également affirmé que le ministère de l’Agriculture (MAPA) soutiendrait les initiatives de l’interprofession pour obtenir une telle reconnaissance, tout en rappelant que la situation avait été provoquée par la loi sur l’irrigation du Parlement andalou.

La production de fruits rouges dans la province de Huelva constitue 98% de la production espagnole et l’Allemagne est la destination d’un tiers des fraises espagnoles. Si la campagne actuelle est terminée, la polémique pourrait avoir un impact sur la demande de fraises pendant la prochaine campagne de production.

 

Filière vitivinicole

Echec de la mesure de vendage en vert. Face à l’excédent d’offre dans le secteur vinicole, le gouvernement espagnol avait annoncé la mise en place de la vendange en vert, pour un montant de 15 M€. Les demandes de subventions étaient ouvertes jusqu’au 30 avril, pour des paiements s’étalant jusqu’au 15 octobre. Cette mesure n’a pas eu le succès escompté, puisqu’en Aragon, les demandes ont concerné moins de 2% de la surface de vigne de la région. L’organisation agricole d’Aragon, UAGA-COAG, a expliqué que l’échec de cette mesure provenaient de sa faible attractivité, puisque l’indemnisation était au maximum égale à 50% de la valeur moyenne du raisin. De même, dans la région de La Rioja, les aides concernent moins de 40% de la surface de vignoble et dans celle d’Estrémadure, 442 hectares de vignoble bénéficieront des aides, soit moins de 1% de la surface de la région.

Le MAPA a publié une proposition de résolution pour permettre la distillation de crise dans plusieurs communautés autonomes. Le ministère a accédé aux demandes des producteurs de vin d’autoriser la distillation de crise et a publié le 13 juin une proposition fixant les montants et les volumes qui pourront être distillés dans 2 communautés autonomes. Les aides proviendront du Programme Sectoriel pour le Vin (PASVE) de l’exercice 2023 dans le cas de la Catalogne et de l’Intervention Sectorielle du Vin (ISV) de l’exercice 2024 pour l’Estrémadure[3]. La proposition prévoit que 23 470 Hl de vin pourront être distillés en Catalogne, pour un montant de 700 000€ (réparti à parts égales entre le financement de l'UE et le financement propre du gouvernement catalan) et 68 224 Hl pourront être distillés en Estrémadure, avec des aides de 2,02M€. La distillation devra être effectuée avant le 15 octobre. Le MAPA avait au départ prévu l’inclusion de la région de La Rioja dans cette proposition de résolution et prévoyait d’autoriser la distillation de 62 050 Hl pour un montant de 5,1 M€. Finalement, La Rioja – tout comme le Pays Basque – activera la mesure avec des fonds propres.

D’un autre côté, l’association Unió Llauradora a dénoncé le fait que les producteurs de la région de Valence n’auront pas d’aides pour la distillation car le ministère de l’agriculture de la région n’en a pas fait la demande à temps. D’autres régions, comme Castilla-la-Mancha, n’ont pas souhaité mettre la mesure en place, en expliquant que le niveau des réserves régionales n’était pas anormal.

 

Filière bovine

Tensions autour des mouvements du cheptel bovin en lien avec la tuberculose bovine. L’Espagne a de nouveau été sur le devant de la scène européenne ces dernières semaines après la décision du gouvernement de la région de Castilla-y-Léon de flexibiliser les normes sanitaires de déplacements de bétail. Le 15 mai, le gouvernement de Castilla-y-Léon (Parti Populaire et Vox) a publié une résolution qui établissait une réduction des contrôles pour la classification d’une exploitation comme libre de la tuberculose bovine. En particulier, la résolution exemptait les exploitations des tests de mouvements obligatoires pour éviter la propagation de la maladie et assouplissait les conditions d’obtention du statut d’exploitation libre de la maladie. De ce fait, le cadre réglementaire de la région enfreignait les réglementations nationale et européenne et faisait courir le risque de contagion à des exploitations indemnes, dans la région mais aussi dans le reste du territoire espagnol et de l’UE. Afin de contrer cette décision, le ministère espagnol (MAPA) a présenté le 23 mai un recours au Tribunal Supérieur de Justice de Castilla-y-Léon, puis a publié le 29 mai un arrêté ministériel ne permettant les mouvements de bétail que si la destination était un abattoir ou si des contrôles stricts ont été effectués. La Commission européenne s’est également émue de la décision régionale en pressant le gouvernement central d’agir.

Le Tribunal Supérieur de Justice a décidé le 5 juin de suspendre la résolution du gouvernement de Castilla-y-Léon, décision à laquelle ne s’est pas opposé ledit gouvernement. Le même jour, les éleveurs de la région ont manifesté leur mécontentement face à l’annulation de la résolution devant le siège du gouvernement régional, allant jusqu’à provoquer un affrontement avec les forces de l’ordre. Finalement, le MAPA a publié un nouvel arrêté le 8 juin pour lever les restrictions à la circulation du bétail, une fois que le cadre normatif a été rétabli.

ACTUALITÉS AGRICOLES    ET PÊCHE LIÉES A L’UKRAINE

Le ralentissement de l’inflation s’est confirmé en mai en Espagne, alors que le gouvernement décide de prolonger la mesure de baisse de la TVA. Selon les données de l’Institut national de statistiques du pays, l’inflation s’établit en mai à 3,2% (4,1% en avril) en glissement annuel en Espagne. En ce qui concerne les denrées alimentaires, leur prix a augmenté de 12% (vs. 12,9% en avril) en Espagne. Ces résultats semblent confirmer un ralentissement de l’inflation dans le pays et s’expliquent en partie par la mesure de réduction de la TVA sur les produits alimentaires (de 4% à 0% pour une liste d’aliments de base et de 10% à 5% pour les pâtes et les huiles). Selon l’Agence fiscale, la mesure a représenté une baisse de 254 M€ de collecte fiscale, qui aurait dû être totalement répercutée sur les consommateurs. Cependant, l’association de protection des consommateurs FACUA a dénoncé des manquements dans l’application de la mesure par la grande distribution. FACUA avait dénoncé en début d’année à la Commission Nationale des Marchés et de la Concurrence (CNMC) l’action de sept chaînes de supermarchés (Aldi, Lidl, Carrefour, Mercadona), accusées de ne pas respecter les règles du décret instaurant la baisse de la TVA.  En juin, l’association analysait que 4 produits sur 10 avaient vu leur prix augmenter (contre 1 sur 3 en mars et 1 sur 5 en février), alors que les chaînes visées par la plainte n’avaient pas déclaré de hausses de leurs coûts. Devant l’absence de réponse de la CNMC, FACUA a saisi le Défenseur du Peuple.

Le gouvernement a approuvé le 27 juin un quatrième paquet d’aides liées aux conséquences de la guerre en Ukraine, parmi lesquelles se trouve le maintien de la mesure de réduction de la TVA, qui devait arriver à échéance le 30 juin. La réduction est prolongée jusqu’au 31 décembre – ou jusqu’à ce que l’inflation sous-jacente passe sous les 5,5%. La prolongation de la mesure était demandée par tout le secteur agroalimentaire : les organisations de producteurs, de l’industrie et des distributeurs avaient remis début juin une lettre à la ministre de l’Economie Nadia Calviño pour lui demander de garder la baisse de la TVA en place jusqu’à fin septembre. Dans ce 4ème paquet d’aides, le gouvernement a aussi inclus la prolongation de l’aide à l’achat de carburant pour l’agriculture et la pêche (aide de 10 centimes jusqu’au 30 septembre et de 5 centimes jusqu’à la fin de l’année).

La « TVA Zéro » contribue à faire baisser le taux dinflation au mois de mai au Portugal. Afin de contenir le phénomène inflationniste, qui se fait durement sentir par la population portugaise depuis plusieurs mois, le gouvernement portugais a décidé en avril dernier de mettre en place une mesure de « TVA Zéro », qui exonère de la TVA 46 produits alimentaires (légumes, fruits, viande, poisson, pain etc.). Selon l’Institut national de Statistiques (INE), cette mesure aurait permis de désaccélérer l’inflation au mois de mai. Ainsi, le taux d’inflation portugais s’élève à 4% en mai, alors qu’il était de 5,7% en avril, ce qui représente une baisse d’1,7 point de pourcentage. Dans ce contexte, la « TVA Zéro » serait responsable d’une diminution de 0,8 point de pourcentage du taux d’inflation. Notons cependant que le prix de certaines denrées alimentaires, tels que ceux de la viande de bœuf, de la daurade et des oranges, ont continué d’augmenter au mois de juin. 

AUTRES ACTUALITES AGRICOLES

PAC : données de la première campagne de demande des aides pour la période 2023-2027. Dans un entretien pour le média EFEAgro, le secrétaire général d’Agriculture et d’Alimentation du MAPA, Fernando Miranda, est revenu sur les demandes d’aides de la PAC en Espagne dont la clôture de la période de demande est prévue le 30 juin. Selon lui, en date du 31 mai, 83% du nombre des demandes attendues ont été reçues, dont 67% sont clôturées et le reste est en cours.  Le secrétaire général a aussi expliqué qu’entre 70% et 80% de la surface totale accueillera des éco-régimes, ce qui correspond aux prévisions du gouvernement. Enfin, Fernando Miranda a annoncé que le gouvernement distribuerait 4 M€ aux organisations du secteur agroalimentaire qui aideront les agriculteurs à effectuer leurs demandes. Ces organisations peuvent demander des aides pendant 20 jours à partir du 15 juin et celles-ci seront attribuées via un système d’appel d’offres.

Difficultés dans les demandes d’aides de la PAC au Portugal et crainte de paiements retardés. Début juin, la Confédération des Agriculteurs du Portugal (CAP) a alerté sur le retard dans le dépôt des dossiers de demandes d’aides PAC, dont la campagne a été prolongée jusqu’au 15 juillet. Un « manque d’articulation entre les services du Ministère de l’Agriculture », serait à l’origine de difficultés informatiques empêchant le dépôt de nombre de dossiers. Ainsi, au 4 juin 2023, seuls les 18 % de la surface attendue pour l’aide au paiement de base auraient fait l’objet d’un dépôt de demande formel (soit environ 0,6M ha sur 3,0M ha). La CAP a rappelé son exigence que les « paiements dus aux agriculteurs soient effectués au mois d’octobre sans retard ».

Opposition des organisations agricoles et de certaines régions à la mise en place d’un registre numérique de traitements phytosanitaires. Dans le cadre du règlement UE 2022/2379, l’Espagne a publié le 27 décembre un décret royal qui s’inscrit dans la volonté de l’administration espagnole de numériser le secteur pour disposer d’un meilleur suivi des pratique agricoles. Le décret crée donc le SIEX, un système qui permettra de mettre en relation et de centraliser toutes les bases de données relatives à l’agriculture et l’élevage, pour simplifier les démarches de l’agriculteur et permettre une meilleure circulation de l’information au sein de l’administration. De plus, le décret crée le Cuaderno digital de explotacion (CUE). Le CUE est un « cahier » ou registre numérique développé par l’administration (ou répondant à des spécificités identiques) dans lequel l’agriculteur devra inscrire les traitements phytosanitaires, l’utilisation de fertilisants ou encore l’irrigation qu’il réalise sur son exploitation. Le décret du 11 mai relatif à la sécheresse a néanmoins retardé l’entrée en vigueur de cet outil en définissant plusieurs dates d’entrée selon la taille des exploitations avec une priorité donnée aux enregistrements liés aux éco-régimes de la PAC. Ne subsiste au 1er septembre 2023 que l’obligation pour les grandes exploitations (+ de 30ha de SAU ou + 10 ha de cultures permanentes) de renseigner les éléments liés aux éco-régimes. Le reste des données n’est attendu que pour le 1er janvier 2024 et les petites exploitations bénéficient d’un délai d’un an.

Les organisations agricoles se sont élevées dès le départ contre cette mesure, en expliquant qu’elle supposait une charge de travail supplémentaire pour les agriculteurs, qui sont souvent concernés par la fracture numérique. Bien que le décret du 11 mai ait repoussé la date d’entrée en vigueur du CUE, aussi bien les organisations agricoles que les administrations régionales réclament un nouveau report au gouvernement national. Ainsi, l’association Union de Uniones souhaite que le CUE n’entre en vigueur qu’en 2028, lorsque le règlement européen l’exigera. La région d’Andalousie souhaite elle aussi un report jusqu’en 2026. Face à ces demandes, le Secrétaire général du MAPA Fernando Miranda a récemment laissé entendre que l’entrée en vigueur du CUE serait repoussée, probablement d’au moins un an.

Nette augmentation de la consommation de produits bio. L’association Ecovalia a publié son rapport annuel sur la production et la consommation de produits bio en Espagne. Les résultats montrent une forte augmentation de la consommation de produits bio, qui se situe en 2022 à 60€ par habitant et par an, contre 53,41€/hab/an en 2020 et seulement 21,25€/hab/an en 2012. Bien que le bio gagne du terrain en Espagne, la consommation reste cependant très faible par rapport aux autres pays européens (moyenne UE en 2021 : 104,3€/hab/an, France 187€/hab/an, Suisse : 425€/hab/an). Le panier bio est composé à 64% par des produits d’origine végétale. Les produits bio résistent également mieux à l’inflation que les produits conventionnels (+7,32% en moyenne sur l’année 2022 pour les produits bio contre +8,70% pour les produits conventionnels). A noter que l’Espagne est l’une des pays de l’UE avec le plus de surface utilisée pour l’agriculture biologique, essentiellement située en Andalousie.

Accord de commerce avec le Mercosur 

Le revers électoral du gouvernement de Pedro Sanchez fin mai aux élections locales, qui a provoqué la convocation d’élections législatives dès le 23 juillet, aura-t-elle un effet sur la signature de l’accord de libre-échange avec les pays du Mercosur ? Cet accord, négocié depuis plus de 20 ans a été placé très haut dans la liste des priorités de la présidence espagnole. L’Espagne, du fait de ses liens historiques avec le continent sud-américain, veut faire de ce bloc « un partenaire stratégique de l’UE ». Pour la première fois depuis 8 ans, un sommet des chefs d’Etat de l’UE et de l’Amérique Latine et des pays caribéens se tiendra les 17 et 18 juillet à l’initiative de la présidence espagnole du Conseil de l’UE. Au-delà de ce temps fort politique, ce que vise l’Espagne est la conclusion du projet d’accord de libre-échange entre l’UE et le Mercosur. Soutenu par un bloc de pays européen, dont le Portugal, l’Espagne annonçait depuis plusieurs mois cet objectif. Mais l’avancée des élections législatives au mois de juillet et leur résultat incertain, risquent de priver le gouvernement espagnol de la crédibilité nécessaire au niveau européen pour aboutir au résultat escompté. Répondant sur cette question le 15 juin dernier, Pedro Sanchez semblait pour la première fois marquer un affaiblissement de la volonté espagnole sur le sujet, affichant seulement d’avancer « autant que possible » au vu des réserves affichées par certains partenaires. De son côté, le gouvernement Portugais œuvre en soutien de son voisin espagnol. Le Premier ministre portugais a réaffirmé l'importance d'une conclusion rapide de l'accord commercial entre l'Union européenne et le Mercosur, et a considéré l'approfondissement des relations luso-brésiliennes comme une priorité. Il a également exprimé son espoir que la présidence espagnole de l'Union européenne puisse donner une impulsion décisive à la conclusion de l'accord commercial avec le Mercosur



[1] Echelon administratif équivalent aux régions en France. Les compétences dévolues aux comunidades autónomas sont plus importantes que celles octroyées aux régions en France, conférant un poids politique conséquent aux 17 gouvernements régionaux.

[2] A noter que cette situation est inédite en Espagne : l’extrême-droite est entrée au gouvernement d’une région pour la première fois en mars 2022 dans la région de Castilla-y-Léon.

[3] Le PASVE était en vigueur entre 2019 et 2023 et est remplacé par l’ISV dans le Plan stratégique national pour la période 2024-2027 .