Réflexions hebdomadaires sur les principaux évènements financiers, institutionnels ou règlementaires, aux Etats-Unis.

Sommaire

Conjoncture

  • Les constructions résidentielles bondissent

Politiques macroéconomiques

  • Lors des auditions au Congrès, Jerome Powell indique la possibilité d’une ou deux nouvelles hausses des taux
  • Le Sénat tient une audition sur les nominations à la Fed
  • Le Treasury publie son rapport semestriel sur la politique macroéconomique et le taux de change

Services financiers

  • La FDIC appelle au renforcement des exigences prudentielles bancaires

Situation des marchés

Brèves

 

 

Conjoncture

Les constructions résidentielles bondissent

Selon le rapport mensuel du Census Bureau publié le 20 juin, les constructions résidentielles ont bondi en mai. Les mises en chantier ont augmenté de +21,7 %, atteignant 1,63 million en rythme annualisé (après 1,34 million), bien au‑delà des attentes du marché (1,39 million). Elles sont tirées par les maisons unifamiliales qui ont progressé de +18,5 %, atteignant 997 000 mises en chantier. Les permis de construire ont également augmenté, à 1,49 million (+5,2 % par rapport à avril).

L’indice de confiance des constructeurs mesuré par la National Association of Home Builder (NAHB) a augmenté à 55 en juin (contre 50 en mai et 51 attendu par le marché), passant ainsi en territoire positif pour la 1ère fois depuis 11 mois. Il est tiré par (i) la forte demande, (ii) le manque de stocks existants et (iii) l’efficacité croissante de la chaîne d’approvisionnement. Il reste toutefois bien inférieur au niveau de juin 2022 (67).

 

Politiques macroéconomiques

Lors des auditions au Congrès, Jerome Powell indique la possibilité d’une ou deux nouvelles hausses des taux

Dans le cadre de la publication du rapport semi-annuel de la Fed, le président de la Fed, Jerome Powell, a été auditionné à la commission des services financiers de la Chambre des représentants le 21 juin et à la commission des affaires bancaires du Sénat le 22 juin.

Le rapport semi-annuel de la politique monétaire publié par la Fed le 16 juin, décrit une activité économique en ralentissement malgré une consommation résiliente et un marché du travail tendu. Ce dernier montre toutefois des signes d’apaisement, notamment par le ralentissement des salaires et la diminution des emplois vacants. Bien que la désinflation soit engagée, le niveau d’inflation reste bien au-delà du taux cible de la Fed de 2% et, en particulier, les prix des services hors-logement montrent peu de signes de ralentissement. En ce qui concerne le secteur bancaire, la Fed soutient qu’il est « solide et résilient » et que la plupart des banques sont « bien capitalisées ».

Lors de son audition, J. Powell a rappelé que le statu quo décidé lors du dernier FOMC témoignait de la prudence face au délai de transmission du resserrement monétaire et du durcissement des conditions de crédit à l’activité économique. Il a indiqué que le rythme du resserrement ralentissait à l’approche du niveau suffisamment restrictif et qu’il serait ajusté en fonction des données entrantes et à chaque réunion FOMC (meeting-by-meeting). Par ailleurs, J. Powell a indiqué que la majorité des membres ont soutenu à la fois le statu quo lors du dernier FOMC et 1 ou 2 hausses de 25 points de base d’ici à fin 2023, ce qui lui semble être le scénario le plus probable en l’état des données.

Les Démocrates ont, dans l’ensemble, alerté sur l’influence de la remontée des taux sur l’emploi, notamment des minorités ethniques. J. Powell a rappelé le double mandat de la Fed, à savoir la stabilité des prix et le maximum d’emploi, ces deux objectifs étant d’importance égale. Les Républicains ont, quant à eux, interrogé J. Powell sur la régulation climatique et la réduction du bilan de la Fed. J. Powell a indiqué que la taille cible du bilan était inférieure à sa taille actuelle mais à un niveau qui soit compatible avec le régime de réserves abondantes (ample reserves). J. Powell a répondu à l’interpellation des Républicains que la Fed n’avait pas de mandat en matière de régulation climatique.

 

Le Sénat tient une audition sur les nominations à la Fed

La commission des affaires bancaires du Sénat a tenu une audition sur les nominations à la Fed. Le 15 mai, la Maison-Blanche a annoncé la nomination de Philip Jefferson, actuellement gouverneur de la Fed, au poste de vice-président de la Fed, la reconduction du mandat de gouverneure de Lisa Cook et la nomination d’Adriana Kugler au poste de gouverneur de la Fed.

Interrogé sur les facteurs de risque, P. Jefferson a indiqué qu’il surveillait attentivement le secteur de l’immobilier commercial, la fuite des dépôts facilitée par les nouvelles technologies, la cybersécurité et les séquelles de la crise sanitaire. L. Cook a ajouté à la liste des risques le durcissement des conditions de crédit résultant à la fois du resserrement de la politique monétaire et des turbulences bancaires, tout en soutenant la possibilité d’un atterrissage en douceur de l’économie américaine. A. Kugler a insisté sur l’inflation élevée qui affecterait plus particulièrement les populations les plus vulnérables.

Les sénateurs ont tous soutenu l’utilité d’avoir des banques de différentes tailles, notamment au regard de la proximité des banques communales (community banks) avec la population locale. Les sénateurs républicains ont exprimé leur doute quant à l’utilité d’une régulation renforcée. L’ensemble des candidats se sont accordés sur l’importance du rôle des banques régionales dans le financement local. En particulier, P. Jefferson a souligné l’équilibre à trouver entre le renforcement de la régulation favorisant la confiance dans le système bancaire et la disponibilité du crédit pour financer l’économie. Il n’a toutefois pas remis en cause la « revue holistique » actuellement en cours par le vice-président de la Fed chargé de la supervision, Michael Barr. Mark Warner (D-Virginie) a mis en garde contre des effets d’interaction entre le resserrement et le renforcement de la régulation qui pourrait conduire à une réduction drastique de l’offre de crédit, ce qui pourrait déclencher des perturbations dans l’activité locale.

 

Le Treasury publie son rapport semestriel sur la politique macroéconomique et le taux de change

Le Treasury publié le 16 juin son rapport semestriel sur la politique de change des principaux partenaires économiques des États‑Unis pour la période allant de janvier à décembre 2022. D’après ce rapport, aucun partenaire commercial majeur des États-Unis n’aurait manipulé sa monnaie pour obtenir un avantage commercial indu. En effet, le rapport souligne la forte appréciation du dollar américain au cours de l’année 2022, ce qui a conduit les principaux partenaires commerciaux à vendre du dollar sans pour autant remplir le critère de manipulation de devise. Enfin, le rapport déplore l’absence de transparence de la Chine sur le mécanisme d’ajustement de son taux de change.

La liste des pays surveillés comprend l’Allemagne, la Chine, la Corée du Sud, la Malaisie, Singapour, la Suisse, et Taïwan. Au cours de l’année 2022, la Suisse, n’ayant vérifié qu’une seule des trois conditions, a été retirée de la liste des pays sous surveillance renforcée.

Pour rappel, le Treasury utilise trois critères pour évaluer si un pays manipule sa monnaie. Un pays est placé sur la liste des pays surveillés s’il remplit au moins deux des trois conditions suivantes :

1)     un excédent commercial (de biens et services) vis-à-vis des États-Unis supérieur à 15 Md USD au cours de 12 derniers mois ;

2)    une balance des paiements excédentaire dépassant 3 % du PIB du pays ;

3)    des achats de devises étrangères (pour affaiblir sa monnaie) sur au moins 8 mois au cours des 12 derniers mois, pour un montant supérieur à 2 % du PIB du pays.

 

Services Financiers

 

La FDIC appelle au renforcement des exigences prudentielles bancaires

Dans une intervention du 22 juin, Martin Gruenberg, président de la Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC), l’autorité de garantie des dépôts, a appelé à renforcer les exigences prudentielles bancaires, et a présenté les enjeux de la transposition des règles issues des accords de Bâle III finalisés en 2017.

M. Gruenberg a souligné l’importance de finaliser la mise en œuvre de Bâle III et a présenté les quatre piliers de la réforme : (i) standardiser les exigences de fonds propres au titre du risque de crédit et limiter l’effet de l’utilisation des modèles internes (« output floor ») ; (ii) renforcer l’évaluation des risques de marché par une révision complète du portefeuille de négociation (fundamental review of the trading book - FRTB), incluant notamment une plus grande prise en compte des risques extrêmes et une estimation de la liquidité de marché en situation de tensions ; (iii) standardiser la mesure du risque opérationnel ; (iv) mieux prendre compte les risques de changement de la valeur des positions sur des produits dérivés en fonction des risques de crédit des contreparties (credit valuation adjustment – CVA).

S’agissant du périmètre, M. Gruenberg indique que les nouvelles règles pourraient s’appliquer à toutes les banques ayant plus de 100 Md USD d’actifs. Il retient comme principal enseignement des faillites bancaires récentes que le cadre applicable aux banques ayant entre 100 et 250 Md USD d’actifs doit être renforcé. Il souhaite notamment revenir sur la dérogation permettant à ces banques de ne pas déduire de leurs fonds propres réglementaires les moins-values latentes de leurs titres disponibles à la vente.

En termes de calendrier, M. Gruenberg a indiqué que les trois régulateurs (Fed, FDIC et OCC) publieraient prochainement une proposition de règle pour consultation. La règle finale ne sera pas publiée avant mi-2024. La mise en œuvre du nouveau cadre devrait être progressif, avec une transition s’étalant sur plusieurs années.

M. Gruenberg a reconnu que l’augmentation des exigences de fonds propres bancaires risquait de peser sur l’offre de crédit. Il estime néanmoins que la mise en œuvre progressive des nouvelles règles limitera cet effet à court terme, et qu’à long terme des banques mieux capitalisées offriraient davantage de résilience au marché du crédit en période de repli.

J. Powell, président de la Fed, a aussi été longuement interrogé sur ce sujet lors de son audition au Congrès (cf. supra). J. Powell a affirmé que la proposition n’était ni finalisée ni soumise à l’évaluation au Conseil des gouverneurs de la Fed. Il souhaite que les nouvelles régulations soient à la fois lisibles et stables dans le temps, et qu’elles ne pénalisent pas davantage les petites banques que les grandes banques. Les Républicains et les Démocrates ont tous exprimé leur inquiétude quant à l’impact de la réforme sur les conditions de crédit déjà durcies, aussi bien pour les ménages que pour les entreprises.

Dans un évènement distinct, M. Barr, vice-président de la Fed pour la supervision, a par ailleurs indiqué que la Fed réfléchissait à mettre en place des « stress-tests inversés » consistant à identifier les scénarios susceptibles de fragiliser chaque banque, compte tenu de leurs caractéristiques respectives.

 

Situation des marchés

 

Au cours de la semaine écoulée (de vendredi à jeudi), l'indice S&P 500 a reculé de -1,0 %, à 4 382 points. Les indices boursiers marquent le pas après une forte progression à l’issue de l’accord bipartisan sur le plafond de dette et par crainte d’un niveau terminal de taux directeur plus élevé qu’initialement prévu.

Les rendements des obligations souveraines (Treasuries) à 2 ans et à 10 ans ont tous deux progressé de +0,1 point sur 5 jours, à 4,8 % et 3,8 % respectivement. Les marchés obligataires semblent moins sensibles au relèvement du taux terminal anticipé dans la projection de la Fed publiée à l’issue de ce FOMC et des réponses de J. Powell lors des auditions.

 

Brèves

 

-Le Joint Committee on Taxation (JCT), organe bipartisan chargé d’évaluer des mesures budgétaires, a publié le 20 juin une estimation du coût budgétaire de la mise en œuvre du Pilier 2 de l’accord de l’OCDE sur la fiscalité des multinationales à -56,5 Md USD sur la période 2023-2033. Le Pilier 2 vise à instaurer l’impôt minimum à 15 % et les entreprises qui ont un taux effectif inférieur à 15 % devront payer la différence au pays où le bénéfice est réalisé.

-La commission des affaires bancaires du Sénat adopté une proposition de loi bipartisane visant à responsabiliser les dirigeants bancaires, à la suite des faillites bancaires récentes, qui sera donc discutée en plénière. Elle doit notamment permettre à la FDIC de récupérer les rémunérations qu'un dirigeant a perçues au cours des deux années précédant la faillite d'une banque.

-Le 20 juin, la société, financée notamment par Charles Schwab, Citadel, Fidelity ou Sequoia Capital, a annoncé le lancement de sa plateforme d’échange de crypto-actifs destinée aux investisseurs institutionnels. La plateforme affiche comme spécificité de ne pas offrir de service de conservation des crypto-actifs pour le compte de ses utilisateurs, visant par là à minimiser les conflits d’intérêts.

-Le 15 juin, BlackRock, premier gestionnaire d’actifs au monde, a déposé une demande d’agrément auprès de la Securities and Exchange Commission (SEC), autorité des marchés boursiers, pour un fonds coté (ETF) investissant directement dans le Bitcoin. À ce jour, la SEC n’a jamais autorisé de fonds de ce type, citant des risques de manipulation de marché.

-La Securities Industry and Financial Market Association (SIFMA), représentant les entreprises du secteur financier, a communiqué son opposition à une proposition de la SEC datant de janvier et visant à étendre la définition juridique d’une place de marché (exchange), afin notamment d’inclure les plateformes de finance décentralisée (DeFi). L’association s’inquiète de ce que la proposition élargirait de manière inefficace le champ de la définition, car trop vague et augmentant la pression réglementaire sur des acteurs financiers traditionnels.

-Le Financial Stability Oversight Council (FSOC), conseil réunissant les principaux régulateurs financiers, a tenu une réunion le 16 juin. Elle visait notamment à évoquer les enjeux liés à la terminaison du taux LIBOR le 30 juin, la situation du secteur bancaire et l’exposition du secteur financier au secteur de l’immobilier commercial.

-La commission des appropriations du Sénat a adopté (15-13) le 22 juin une proposition d’allocation par ministère du budget 2024. Le montant total des dépenses discrétionnaires s’élève à 1 590 Md USD, dont 886 Md USD pour les dépenses militaires et 704 Md USD pour les dépenses non militaires. Les niveaux sont conformes aux plafonds définis dans le Fiscal Responsibility Act. La proposition devra être examinée et adoptée en séance plénière avant d’être envoyée à la Chambre des représentants.

-Dans une intervention du 20 juin, Jonathan Kanter, Assistant Attorney General au Department of Justice (DoJ), a confirmé qu’une mise à jour des lignes directrices sur l’examen des concentrations dans le secteur bancaire était en préparation avec les régulateurs bancaires. Il a notamment insisté sur la nécessité de mieux prendre en compte, au-delà des indicateurs traditionnels centrés sur les parts de marché en matière de dépôts, les frais et les taux d’intérêt pratiqués, la variété des produits proposés, la localisation des agences et la qualité de service.

-La SEC a annoncé le 17 juin que la plateforme de crypto-actifs Binance avait accepté de rapatrier aux États-Unis la totalité des actifs détenus pour le compte des clients américains de la plateforme, dans le cadre de la procédure judiciaire engagée par la SEC contre Binance.

-Le groupe de capital-investissement KKR (510 Md USD d’actifs sous gestion) a annoncé le 20 juin la conclusion d’un partenariat avec PayPal, consistant à racheter les prêts à la consommation détenus par PayPal pour ses clients européens, à hauteur de 40 Md USD.

 

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