BUDGET 2023-24

Présentation du projet de loi de finances pour l’exercice budgétaire 2023-24 

Le projet de loi de finances (PLF) pour l’année budgétaire 2023-2024 (qui débute le 1er juillet 2023) est basé sur une croissance de +3,5%. Il prévoit des dépenses budgétaires en hausse de 30% au cours de l’année 2023/2024 (hors PSDP). Les dépenses courantes augmentent de 27%. Les salaires de la fonction publique vont connaitre une augmentation entre 30 et 35% (en fonction des grades occupés), ainsi que les retraites (+17,5%), alors que l’inflation s’établissait à 38% au cours des 11 premiers mois de l’année fiscale.

Exonérations fiscales et soupçons d’insincérité concernant les prévisions d’augmentation des revenus.

Les nombreuses niches fiscales mises en place en cette année électorale permettent de prédire que l’objectif de recettes fiscales en hausse de +38% affiché dans le PLF n’est pas sincère.

Ci-dessous quelques-unes des grandes mesures annoncées :

- exonération de la GST (TVA non déductible) à l’importation pour l’industrie (sidérurgie, traitement du riz, machines du secteur minier et du secteur du plastique) ou dans des zones spécifiques comme les territoires rattachés au Khyber Pakhtunkhwah (les ex-F.A.T.A.). Les F.A.T.A sont d’ailleurs entièrement exemptés de GST à la consommation ;

- exonération de retenue à la source de 2 % sur l’achat d’un bien immobilier pour les titulaires individuels de cartes d’identités de non-résidents, lorsque le bien immobilier est acquis au moyen de remises de fonds de l’étranger ;

- réduction de 10 % de la taxe d’habitation pendant trois ans après la fin de la construction du bien ;

- exonération fiscale de 5 ans des PME dans le secteur des Industries agro-alimentaires.

Le projet de loi de finances prévoit une augmentation de 15,7 % du budget de la défense.

Le budget de la défense du projet de loi de finances pour 2023-24 est préservé notamment lorsqu’il est comparé aux dépenses d’éducation en augmentation de seulement 5,5%. Le PLF prévoit un budget de la défense de 1804 Mds PKR (6,278 Mds USD), en augmentation de 15,7% par rapport aux dépenses de défense prévues pendant l’exercice 2022/2023 (Rs1,591 milliards). Le budget de chacune des branches de l’armée a progressé de façon identique.

Au total, le budget des armées (1,7% du PIB) semble en recul par rapport à 2022-23 où il représentait 2% du PIB. Mais, en réintégrant deux postes qui ont été externalisés cette année, le montant des retraites de militaires (563 Mds PKR) ou le programme de développement des forces armées (280 Mds PKR), il n’a perdu que 0,1 point de pourcentage de PIB par rapport à l’année 2022/2023.

Selon la presse, les dépenses moyennes par soldat s’élèvent à 13 400 USD au Pakistan, contre 23 000 USD pour l’Iran, 42 000 USD pour l’Inde, 371 000 pour l’Arabie saoudite et 392 000 USD pour les États-Unis.

Le FMI soulève de sérieuses objections sur le cadre budgétaire de la loi de finances pour 2023-2024

« Le projet de loi de finances pour l'année 2023/2024 rate une occasion d'élargir l'assiette fiscale de manière plus progressive. La longue liste de nouvelles dépenses fiscales réduit encore l'équité du système fiscal pakistanais et sape la collecte des ressources nécessaires[1] à un meilleur soutien aux bénéficiaires vulnérables du BISP (Programme de soutien du revenu destiné aux plus pauvres) et les dépenses de développement", a déclaré Mme Esther Perez Ruiz, la Cheffe de la mission résidente du FMI au Pakistan. Elle a ajouté que le Pakistan avait « raté l'occasion d'élargir son assiette fiscale ».

La Cheffe de mission a par ailleurs ajouté que l’annonce du relèvement du plafond d’envois de fonds des Pakistanais de l’étranger de 17 500 USD (5 millions de PKR) par mois à 100 000 USD par mois sans interroger les auteurs de ces virements sur la source des revenus et des actifs (selon les termes de l'article 111, paragraphe 4 de l'ordonnance sur l'impôt sur le revenu constituait un programme d’amnistie de facto (dans une logique de blanchiment) qui était susceptible de créer un précédent dommageable pour le pays. Le ministre des finances a immédiatement récusé ce point.

Augmentation de 46% du programme de développement du secteur public (PSDP) fédéral qui sera voté en parallèle à la loi de finances.

Le gouvernement pakistanais propose d’allouer 1150 Mds PKR en première lecture à l’assemblée nationale pour le PSDP fédéral 2023/2024 (le PDSP est un programme annuel d’investissements publics ou semi-publics). Le PDSP fédéral intègre dans ce montant 75 Mds PKR d’aide étrangère et 200 Mds PKR de financements privés dans le cadre de projets de partenariat public-privé (opération de « Build Operate & Transfer »). Le PDSP 2023-24 augmente de 46 % (en 2022/2023, ce budget s’établissait à 787 Mds PKR).

Dans le PSDP 2023-2024, le secteur des infrastructures, qui relève essentiellement du gouvernement fédéral, reçoit 52 % du budget du PDSP. Les projets à caractère social représentent 25 % du PDSP, tandis que le budget des territoires pakistanais relevant directement de l’échelon fédéral (Jammu et Cachemire libre, Gilgit-Baltistan, et districts fusionnés, ex-F.A.T.A., du KP) recevait de 12,4 % du budget total du PSDP.

 

- Politique monétaire –

Le Comité de politique monétaire de la Banque centrale maintient le taux directeur à 21%.

Dans son communiqué, la SBP expose que le niveau d’inflation constaté en mai (37,97%) devrait commencer à baisser à partir de juin.

Les réserves de la Banque centrale de nouveau orientées à la baisse.

Dans son communiqué, la SBP indique que les réserves de change de la banque centrale s’élevaient le 9 juin dernier à 4,02 Mds USD contre 4,4 Mds USD il y a un mois.

 

 

- Balance des paiements –

Les envois de fonds des Pakistanais de l’étranger ont baissé de 12,9% au cours des 11 premiers mois de l’année 2022/2023.

En mai 2023, les expatriés pakistanais ont envoyé 2,1 Mds USD au Pakistan, en baisse de 4,4% par rapport à avril 2023 et de 10,4% en g.a.

Certains analystes considèrent que les envois de fonds se seraient maintenus mais qu’ils auraient été dirigés vers un canal illégal (les établissements de type « hawalla ») qui achètent les devises aux Pakistanais résidant à l’étranger sur le marché ouvert qui se situe généralement entre 10 et 15% au-dessus du taux de change interbancaire.

Le gouvernement pakistanais a mis en place un accord de contre-achat avec l’Iran, l’Afghanistan et la Russie.

Le mécanisme de troc prévoit de rendre possible les achats seulement lorsqu’un montant équivalent à l’export est prouvé.

Aux termes de cet accord :

- Il est prévu que le Pakistan exporte 26 produits en Afghanistan, en Iran et en Russie (lait, crème, œufs, céréales, viande, poisson, différentes catégories de fruits et légumes, riz, sel, divers produits pharmaceutiques, cuir et articles en cuir, chaussures, articles de sport, différents types de produits sidérurgiques) ;

- Les acheteurs pakistanais sont autorisés à importer d’Afghanistan du charbon et d’autres minéraux, des articles en caoutchouc brut, des peaux brutes, du coton, des produits métalliques, des fruits et des noix, des légumes, des légumineuses, des épices, et des métaux ;

- La partie achat de l’accord de troc avec l’Iran porte sur le pétrole brut, le gaz naturel liquéfié (GNL) et le gaz de pétrole liquéfié (GPL), les produits chimiques, les engrais, les articles en plastique et en caoutchouc, certains fruits, des noix, des légumes, des épices, des métaux, du charbon, des peaux brutes, de la laine brute et des objets en fer et en acier ;

- La partie achat de l’accord de troc avec la Russie porte sur l’achat de blé, de légumineuses, de charbon, d’huile de moteurs, de GNL et de GPL, d’engrais, de divers types de teintures, d’articles en plastique et en caoutchouc, des minéraux et des métaux, de produits chimiques, d’articles en metal et en acier, et d’articles de machines industrielles textiles.

- Energie -

Le Pakistan reçoit sa première livraison de pétrole russe.

Il s’agit de la toute première cargaison de pétrole brut russe (provenant de l’Oural) livrée au Pakistan. Le tanker arrivé à destination de Port Qasim (ville de Karachi) est d’une capacité de 50 000 tonnes métriques de pétrole.

Un accord de gouvernement à gouvernement avait défini que le pétrole livré par la partie russe le serait à prix réduit, mais la formule de prix n’a pas été rendue publique. Le ministre de l’électricité avait annoncé en mai que la cargaison devait être payée en yuans chinois dans le cadre d’un accord entre la Banque centrale pakistanaise et la Banque centrale chinoise. Une nouvelle livraison de 50 000 tonnes sera déchargée sur le même port à la fin juin.

Shell Pakistan Limited (SPL) a informé la Bourse du Pakistan (PSX) que sa société mère avait l’intention de vendre ses actifs.

En mai, SPL avait annoncé des pertes nettes de 4,6 Mds PKR (16,1 M USD) pour le premier trimestre 2023 alors que le bénéfice après impôts pour l’année 2022 s’était établi à 2 Mds PKR.

La perte est liée (i) au fait que le retard de paiement des subventions par l’Etat est pris en charge pendant un très long laps de temps par les opérateurs de la distribution d’hydrocarbures ; (ii) à un phénomène de contrebande de carburant diesel exceptionnelle cette année survenue à la suite de l’augmentation des prix des carburants en février 2023 ; à la baisse de consommation d’1/3 des carburants par la population pakistanaise dans le contexte actuel de crise économique.

Par ailleurs, il semble que cette décision repose également (i) sur la baisse de la parité entre la roupie et le dollar américain de plus de 40% en un an (cela a entraîné des frais financiers importants des distributeurs de carburants), (ii) sur les incertitudes macroéconomique (inflation élevée et risque de défaut) et une situation d’instabilité politique.



[1] Le ratio des impôts sur le PIB s’établit à 8,7 %, contre 10,1% voté en loi de finances 2022/2023.