L’accès à l’assainissement s’améliore en AEOI depuis les années 2000, mais reste faible. En 2020, seul 24,7 % de la population de la région avait accès à des services basiques d’assainissement. Si les gouvernements défendent des objectifs d’accès universel ambitieux, les budgets alloués au secteur sont faibles. Malgré le soutien des bailleurs, le secteur reste sous financé et en recherche d’un modèle institutionnel et économique efficace. Les opportunités pour le secteur privé français existent, concentrées essentiellement sur les activités de consultance ou la réalisation d’ouvrages à haute technicité.

Un accès aux services basiques d’assainissement en augmentation, mais qui reste faible

L’accès à des services basiques d’assainissement dans la région AEOI a connu une amélioration - bien qu’étant toujours relativement faible – au cours des 20 dernières années. Le taux d’accès est passé de 15,3 % de la population d’AEOI en 2000 à 24,7 % en 2020.  Sur la même période, le recours à la défécation à l’air libre a été considérablement réduit sous l’impulsions de politiques nationales ambitieuses, passant de 40,4 % de la population en 2000 à 16,6 % en 2020, soit toujours près de 66 millions de personnes. Deux pays se démarquent par un accès universel à des services basiques d’assainissement : les Seychelles et Maurice. Tandis que les taux d’accès les plus faibles sont à noter en Ethiopie (8,9 %), en Erythrée (11,9 %), à Madagascar (12,3 %) et au Soudan du Sud (15,5 %). Si les disparités entre pays sont importantes, elles sont particulièrement notables entre les zones rurales et urbaines dans l’ensemble des pays de la région. A titre d’illustration, en Tanzanie le taux d’accès à des services basiques s’élève en zone urbaine et rurale à respectivement à 47,3 % et 23,3 %.

Le manque d’accès à des services d’assainissement est à l’origine d’importantes conséquences en matière de santé publique. Dans certains pays de la région, le taux de mortalité attribué au manque d'accès sécurisé à l'eau, l'assainissement et au manque d'hygiène reste élevé (Figure 2), notamment en Somalie (86,6 pour 100 000 hab), au Burundi (65,4) ou au Soudan du Sud (63,3). En outre, sont à relever des conséquences sur l’environnement, par le rejet des eaux non-traitées qui peuvent contaminer les sources d’eau ouvertes ou réserves d’eau souterraines. Ces dégradations environnementales et sanitaires peuvent également générer des impacts économiques non-négligeables. La dégradation des sources d’eau douce en Ouganda menace le secteur de la pêche du pays, qui représente la 3ème source de devises et emploie directement ou indirectement 5,3 millions de personnes. Le coût de l’inaction en matière d’assainissement peut ainsi s’avérer particulièrement élevé : il avait par exemple été estimé à 177 MUSD en Ouganda.

Une priorité politique non matérialisée dans les budgets et investissements

A l’exception des îles de l’Océan Indien ayant déjà atteint l’accès universel à des services basiques d’assainissement (Seychelles, Maurice), de nombreux pays défendent cet objectif à moyen terme : 2024 pour le Rwanda, 2030 pour le Kenya ou l’Ethiopie ou encore 2035 pour Djibouti. Des efforts particuliers ont été concentrés sur l’éradication du recours à la défécation à l’air libre, avec des objectifs ambitieux au Burundi, au Kenya ou en Somalie. Des initiatives poussées au niveau national, via une approche communautaire forte ont été mises en œuvre dans plusieurs pays (Erythrée, Burundi) pour favoriser l’accès aux services d’assainissement.

En dépit des ambitions affichées par une majorité de gouvernements de la région, le secteur de l’assainissement demeure sous-financé. Les budgets nationaux dédiés sont faibles, et insuffisants pour couvrir les investissements nécessaires à l’atteinte des objectifs voire pour simplement répondre à la croissance démographique à taux d’accès constant. Dans l’ensemble de la région, les réalisations en matière d’assainissement ont été inférieures aux objectifs, car les arbitrages financiers (rendus en cas de difficulté budgétaire) se font le plus souvent en faveur de l’accès à l’eau potable au détriment de la composante assainissement des projets. La gouvernance du secteur est par ailleurs compliquée par son degré de fragmentation, au niveau national entre les ministères en charge de l’eau et de la santé, ou avec les autorités locales.

Pour faire face au défi du financement des infrastructures dans le secteur, plusieurs gouvernements souhaitent développer les Partenariats Public – Privé (PPP), à l’instar du Kenya, de la Tanzanie ou du Burundi. Aucun projet n’a cependant vu le jour faute de cadre règlementaire adapté et d’un modèle de financement et de garanties suffisamment attractif pour les investisseurs, le secteur étant structurellement non-rentable. A minima, le secteur privé peut apporter une expertise sur le segment de l’opération des stations de traitements en incluant une période d’opération dans les contrats de construction, permettant ainsi d’optimiser l’ensemble du projet. Ainsi,en avril 2023, l’Autorité de l'approvisionnement en eau et de l'assainissement de Dar es Salam (DAWASA) a attribué à Metito, société de gestion de l'eau basée à Dubaï, le contrat de conception, de construction et d'exploitation (DBO) d'une nouvelle usine de traitement des eaux usées d’une capacité de 6 000 m3/j à Dar es Salaam.

Une implication des bailleurs essentielle pour le financement du secteur

Dans ce contexte de financement public insuffisant, les bailleurs sont des acteurs essentiels au développement du secteur et au renforcement de l’accès aux services d’assainissement. La composante assainissement étant de plus en plus régulièrement intégré aux projets dans le secteur de l’eau, dans une approche intégrée de protection des ressources en eau et de développement urbain durable. Plusieurs bailleurs actifs dans le financement des infrastructures d’assainissement : USAID, BEI, KfW. L’UNICEF – active entre autres en Somalie, Sud-Soudan et Burundi – joue un rôle prépondérant dans la construction d’infrastructures de base et l’appui aux initiatives communautaires, en zones rurales notamment. Une approche coordonnée entre assainissement et drainage des eaux pluviales (storm water) est également favorisée par plusieurs bailleurs dans les villes les plus sujettes à des pluies importantes et soudaines (Kigali, Antanarivo notamment), cette approche permet de mieux dimensionner les systèmes d’assainissement, de limiter les rejets d’eaux pollués dans l’environnement et d’apporter plus de résilience aux habitations et infrastructures de transport.

En outre, la France est un bailleur important et soutient le développement du secteur. S’agissant de l’Agence française de développement (AFD), cette dernière est engagée dans la lutte contre la pollution du lac Victoria : elle a alloué plus de 950 MEUR dans les secteurs de l’eau et de l’assainissement entre 2011 et 2021 en Ouganda, au Kenya et en Tanzanie. Elle est également active dans la Corne de l’Afrique (Djibouti, Ethiopie) et dans l’Océan Indien (Madagascar, Seychelles). Le Trésor français contribue également au financement de projets liés au secteur. Au Rwanda par exemple, un projet est financé par la facilité FASEP pour une étude de faisabilité et de design du système d’assainissement du district de Kicukiro. A Madagascar, un projet de démonstrateur reposant sur un système végétalisé innovant d’assainissement des eaux usées, porté par Artelia et l’entreprise Ecobird a également été financé par un FASEP.

Les opportunités pour les entreprises françaises restent essentiellement restreintes à certains segments et sont particulièrement dépendantes des projets des bailleurs, malgré l’expertise française disponible. Le secteur des études et de la consultance semble le plus porteur, avec une présence de plusieurs bureaux d’études disposant d’une expertise (BRLi, Urbaconsulting, Hydroconseil, Setec, Egis, Biotope, Seureca). Les entreprises françaises peuvent également se positionner sur des ouvrages qui requièrent un degré de technicité (stations de traitement avec fortes composantes technologiques, notamment si inclusion de composantes d’opération), tandis que les marchés de construction, de pose de canalisations ou de fourniture de composantes à faible valeur ajoutée seront habituellement moins favorables car les entreprises chinoises sont très présentes et compétitives sur ce segment, en particulier en Afrique de l’Est. A noter toutefois que les entreprises de génie civil Colas et Sogea-Satom sont actives à Madagascar.