Réflexions hebdomadaires sur les principaux évènements financiers, institutionnels ou règlementaires, aux Etats-Unis.

Sommaire

Conjoncture

  • Le marché du travail demeure robuste
  • L’inflation progresse sur un mois mais baisse sur un an
  • La Fed publie les résultats de son enquête sur le marché du crédit

Politiques macroéconomiques

  • Le GAO alerte sur le caractère non soutenable de la trajectoire des finances publiques

Services financiers

  • Dans son rapport semestriel, la Fed souligne l’exposition du secteur financier à l’immobilier commercial
  • La FDIC propose un prélèvement spécial sur les plus grandes banques pour renflouer le fonds de garantie des dépôts
  • Les résultats d’Apollo, KKR et Carlyle sont affectés par la baisse des cessions et des commissions de performance

Situation des marchés

Brèves

 

Conjoncture

 

Le marché du travail demeure robuste

D’après le rapport mensuel du Bureau of Labor Statistics (BLS) sur la situation de l’emploi, publié le 5 mai, les créations d’emplois se sont établies en avril 2023 à +253 000 (après +236 000 en mars et +290 000 en moyenne sur les 6 derniers mois), bien au‑delà des attentes du marché (+180 000). Ces créations d’emplois sont concentrées dans les secteurs des services aux entreprises (+43 000), de la santé (+40 000) ainsi que des loisirs et du tourisme (+31 000).

Le taux de chômage a diminué à 3,4 % en avril (‑0,1 point par rapport à mars), soit ­­‑0,2 point par rapport aux attentes du marché. Les taux d’emploi et d’activité sont tous deux restés stables, à 60,4 % et 62,6 % respectivement, inférieurs à leur niveau prépandémique (61,1 % et 63,3 % respectivement en février 2020). Le salaire horaire moyen a accéléré en augmentant de +0,5 % en avril (après +0,3 %) et à +4,4 % sur douze mois glissants (après +4,2 %).

 

L’inflation progresse sur un mois mais baisse sur un an

Selon la publication du BLS, l’indice des prix à la consommation (IPC) a progressé de +0,4 % en avril (après +0,1 % en mars). La composante sous‑jacente de l’inflation (hors énergie et alimentation) a augmenté de +0,4 % (au même rythme que le mois précédent), tiré par le logement (+0,6 %) et les véhicules d’occasion (+4,4 %). En particulier, le prix des véhicules d’occasion, qui avait fortement contribué à la hausse de l’inflation en 2020 et 2021 (+54 % entre mars 2020 et janvier 2022), a rebondi en avril après une baisse continue depuis juin 2022 (-13 % sur la période). Les prix de l’énergie ont rebondi de +0,6 % (après ‑3,5 %) tandis que ceux de l’alimentation sont restés stables (+0,0 %) pour le 2ème mois consécutif.

Sur un an, l’inflation recule légèrement à +4,9 % (après +5,0 %) tout comme sa composante sous‑jacente (+5,5 % après +5,6 %). Les prix de l’énergie baissent de ‑5,1 % (après ‑6,4 %) alors que ceux de l’alimentation progressent à +7,7 % (après +8,5 %).

Selon une enquête de la Fed de New York publiée le 8 mai, les anticipations d’inflation des consommateurs ont baissé de ‑0,3 point à un an (atteignant +4,4 %), mais ont augmenté de +0,1 point à 3 ans et à 5 ans, atteignant +2,9 % et +2,6 % respectivement.

 

La Fed publie les résultats de son enquête sur le marché du crédit

L’enquête de la Fed sur les conditions de crédit (Senior Loan Officer Opinion Survey on Bank Lending Practices - SLOOS), réalisée auprès d’environ 80 organismes financiers et publiée le 8 mai, montre à la fois un durcissement des conditions de crédit et une baisse de la demande de crédit dans l’ensemble des catégories de crédit au cours du T1 2023.

Le durcissement y est notamment expliqué par (i) les perspectives économiques incertaines, (ii) une baisse de la tolérance au risque, (iii) une détérioration des valeurs du collatéral et (iv) des inquiétudes liées au coût de financement et au niveau de liquidité dans le contexte de resserrement monétaire. En particulier, les banques de taille intermédiaire (mid-sized banks - entre 50 et 250 Md USD d’actifs) et les « autres banques » (other banks – moins de 50 Md USD d’actifs) signalent un durcissement plus important du fait d’une plus grande inquiétude liée à leur niveau de liquidité, à la fuite de leurs dépôts et à leur coût de financement souvent plus élevé que celui des large banks (plus de 250 Md USD d’actifs).

La diminution du volume de crédit est attribuée à une baisse conjointe de l’offre et de la demande. Alors que la majorité des banques interrogées ont indiqué avoir un niveau d’exigence stable (54 %) ou en léger durcissement (43 %), elles anticipent la poursuite du durcissement sur l’année 2023 en raison (i) de la dégradation de la qualité de leur portefeuille de crédits et du collatéral des emprunteurs, (ii) d’une plus grande aversion au risque et (iii) des inquiétudes sur le coût de financement, le niveau de liquidité et les fuites des dépôts.

 

 

Politiques macroéconomiques

 

Le GAO alerte sur le caractère non soutenable de la trajectoire de finances publiques

Le Government Accountability Office (GAO), organe d’audit, d’enquête et d’évaluation budgétaire attaché au Congrès a publié le 8 mai un rapport annuel intitulé « The Nation’s Fiscal Health » qui décrit la situation et la projection budgétaires des États-Unis.

Dans ce rapport, le GAO indique que l’État fédéral fait face à une trajectoire de finances publiques non soutenable et réaffirme la nécessité de prendre des mesures correctives. Selon le GAO, la dette a fortement augmenté sous l’effet de l’accroissement des déficits et des intérêts de la dette. La part du service de la dette dans les dépenses fédérales devrait fortement progresser (8 % en 2022, 26 % en 2051 et 48 % en 2096 selon la projection du GAO), ce qui réduirait la marge de manœuvre en cas de nouvelles crises ou de catastrophes naturelles.

En réponse à cette situation, le GAO recommande à l’administration (i) d’établir une règle et des cibles budgétaires afin de mieux contrôler les dépenses et les recettes, (ii) de procéder à des évaluations régulières ainsi que des analyses des déterminants du déficit primaire, et (iii) de proposer une nouvelle approche institutionnelle sur le plafond de la dette de telle sorte à réduire tout risque de dérapage. Par exemple, le GAO avance une approche selon laquelle le Treasury modifierait le montant statutaire du plafond de dette dans le cadre de la procédure budgétaire avec une mise en œuvre automatique sauf en cas de refus explicite du Congrès.

 

 

Services Financiers

 

Dans son rapport semestriel, la Fed souligne l’exposition du secteur financier à l’immobilier commercial

La Fed a publié le 8 mai son rapport semestriel sur la stabilité du système financier américain, qui évalue les risques pour la stabilité financière sur quatre segments : la valorisation des actifs, l’emprunt des entreprises et des ménages, le niveau de levier dans le secteur financier, les risques de financement.

La Fed souligne la forte volatilité des marchés depuis novembre 2022 (en particulier des marchés des bons du Trésor), en lien avec des incertitudes sur la conjoncture économique et la trajectoire de la politique monétaire, ainsi que les difficultés rencontrées par le secteur bancaire. S’agissant de la dette des entreprises et des ménages, la Fed met en avant un risque modéré, alors que le niveau de dette combiné des sociétés non-financières et des ménages a augmenté moins vite que le PIB nominal sur le second semestre 2022. Ensuite, concernant le niveau de levier dans le secteur financier, la Fed soutient que le risque est modéré, soulignant notamment que les banques affichent des niveaux de capitalisation suffisamment élevés, et que les actions extraordinaires mises en place en mars 2023 semblent avoir rassuré les déposants. Enfin, les conditions de financement restent globalement satisfaisantes selon la Fed, même si certains établissements ont éprouvé des difficultés d’accès à la liquidité dans le contexte de stress du marché bancaire.

La Fed consacre un développement spécifique au crédit à l’immobilier commercial. Le recours au télétravail a réduit la demande de bureaux, ce qui pourrait entraîner une correction de la valeur des bureaux et des commerces. En outre, la hausse des taux d'intérêt augmente le risque que les emprunteurs ne soient pas en mesure de refinancer leurs prêts lorsque ceux-ci arrivent à échéance. Alors que les valorisations restent élevées, l'ampleur d'une correction pourrait être considérable et donc entraîner des pertes de crédit pour les détenteurs de la dette afférente. Le secteur bancaire (qui détient 60 % de la dette du secteur), en particulier les banques de moins de 100 Md USD d’actifs, est particulièrement exposé.

Enfin, la Fed recense plusieurs facteurs de risques pour la stabilité financière américaine : les difficultés du secteur bancaire ; l’inflation persistante et la poursuite de la hausse des taux, notamment dans les économies développées ; l’aggravation des tensions géopolitiques ; le blocage en cours entre le Congrès et la Maison Blanche concernant le plafond de la dette.

 

La FDIC propose un prélèvement spécial sur les plus grandes banques pour renflouer le fonds de garantie des dépôts

La Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC), agence chargée de la garantie des dépôts et des résolutions bancaires, a adopté le 11 mai 2023 une proposition visant à financer le coût pour le fonds de garantie des dépôts (Deposit Insurance Fund – DIF) de la couverture des dépôts non assurés de Silicon Valley Bank et Signature Bank. Ce coût, consécutif au déploiement exceptionnel décidé le 12 mars par le US Treasury, sur recommandation de la FDIC et de la Fed, d’une garantie des dépôts illimitées (au-delà des 250 000 USD normalement couverts par le DIF) a été estimé par la FDIC à 15,8 Md USD. Le ré‑abondement du fonds par le secteur bancaire en cas de perte subie par le DIF pour la couverture de dépôts non assurés est prévu par le Federal Deposit Insurance Act.

La proposition prévoit un prélèvement spécial sur les banques qui ont bénéficié le plus de la garantie exceptionnelle activée en mars par les régulateurs en raison d’un risque systémique, c’est-à-dire celles qui ont le plus de dépôts non assurés. La FDIC recouvrera cette contribution spéciale à un taux annuel de 0,125 % des dépôts non assurés au 31 décembre 2022 pour chaque banque concernée, après déduction d’une franchise de 5 Md USD (ce qui revient à exonérer l’ensemble des établissements de moins de 5 Md USD d’actifs). Selon les estimations de la FDIC, les banques de plus de 50 Md USD d’actifs (48 banques représentant 76 % des actifs bancaires américains) financeraient 95 % de la mesure. Au total, 113 banques seraient concernées (sur plus de 4 000 banques aux États-Unis). Le recouvrement entrerait en vigueur au 1er trimestre 2024 et serait étalé sur une durée de 8 trimestres, afin de limiter l’impact sur la liquidité des établissements concernés. Cette durée serait adaptable en fonction notamment de l’évolution de l’estimation du coût final au fur et à mesure de la vente des actifs des deux banques conservées par la FDIC. L’impact de cette proposition, qui sera enregistrée dans les comptes des banques concernées dès l’adoption de la mesure, est estimé en moyenne à 0,61 % du capital Tier 1 et à 17,5 % d’un trimestre de résultat des banques concernées. La proposition est mise en consultation pour une durée de 60 jours.

 

Les résultats d’Apollo, KKR et Carlyle sont affectés par la baisse des cessions et des commissions de performance

Apollo Global Management (598 Md USD d’actifs sous gestion) a publié le 9 mai ses résultats pour le premier trimestre 2023. Apollo Global Management (598 Md USD d’actifs sous gestion) a publié le 9 mai ses résultats pour le 1er trimestre 2023. Son résultat issu de ses commissions de gestion (fee related earnings – FRE) atteint 397 M USD, en hausse de +28 % en glissement annuel, en raison d’une hausse de +17 % des actifs sous gestion, notamment expliquée par l’acquisition d’un portefeuille d’actifs de Crédit Suisse en novembre 2022. En revanche, son résultat distribuable (distributable earnings - DE) qui prend également en compte les revenus nets issus de la performance des fonds gérés baisse de -6,6 %. Le groupe dispose de 52 Md USD de poudre sèche.

KKR (510 Md USD d’actifs sous gestion) a publié le 8 mai ses résultats pour le 1er trimestre 2023. Ses résultats issus de ses commissions de gestion représentent 549 M USD, en baisse de -9 % en glissement annuel. Les résultats distribuables baissent de ‑26 % à 719 M USD. Le groupe a levé 12 Md USD au 1er trimestre, portant son montant de poudre sèche à 106 Md USD.

Carlyle (381 Md USD d’actifs sous gestion) a publié le 4 mai ses résultats pour le 1er trimestre 2023. Son résultat issu des commissions de gestion atteint 193 M USD, en hausse de +6 % par rapport au premier trimestre 2022, en raison notamment des levées de fonds réalisés, mais son résultat distribuable a baissé de -10 % à 272 M USD. Carlyle dispose de 73 Md USD de fonds disponibles à l’investissement.

 

Situation des marchés

 

Au cours de la semaine écoulée (de vendredi à jeudi), l'indice S&P 500 a progressé de +1,1 %, à 4 131 points. Malgré les inquiétudes persistantes d’une éventuelle récession et du risque de défaut de paiement lié au plafond de dette, les marchés ont rebondi avec la stabilisation du secteur bancaire et une baisse continue de l’inflation. Toutefois, les craintes d’une dégradation du secteur bancaire persistent : la banque Pacific West (44 Mds USD d’actifs) a indiqué le 11 mai avoir perdu environ 10 % de son dépôt sur la semaine écoulée, entraînant une baisse de son cours de ‑22,7 % sur la journée.

Le rendement des obligations souveraines (Treasuries) à 2 ans a augmenté de +0,2 point, à 3,9 % tandis que celui à 10 ans est resté stable 3,4 %. Compte tenu d’une baisse de l’inflation, le marché anticipe une baisse plus rapide des taux fed funds, ce qui a tiré vers le bas les rendements des obligations souveraines. Toutefois, le risque de défaut de paiement exerce des pressions haussières sur les obligations à très court terme (le taux des Treasuries à 1 mois a progressé au cours de la semaine écoulée de +0,9 points, à 5,5 %).

 

 

Brèves


-La Securities and Exchange Commission (SEC) a annoncé le 5 mai l’octroi d’une récompense de 279 M USD à un lanceur d’alertes, dont les informations ont permis la poursuite d’acteurs coupables d’agissements illégaux et la collecte de pénalités atteignant 4 Md USD. Il s’agit de la plus grosse récompense décernée par l’agence depuis la mise en place du programme en 2011.

-La Commission sur les services financiers de la Chambre des représentants a tenu le 10 mai et le 11 mai deux auditions portant sur l’action des régulateurs lors des faillites bancaires récentes, faisant intervenir le 10 mai des universitaires et représentants du secteur financier, et le 11 mai un responsable du GAO, qui a publié un rapport sur le sujet. Les représentants républicains ont à cette occasion critiqué les rapports dédiés publiés par la Fed et la FDIC et ont publié des ébauches de projets de loi visant à accroître la transparence et la responsabilité de ces agences devant le Congrès.

-Le 9 mai, plusieurs sénateurs démocrates dont Sherrod Brown (D-Ohio), président de la commission sur les affaires bancaires, ont adressé une lettre à dix banques majeures, demandant des informations sur leurs pratiques en matière de pénalités de retard sur les cartes de crédit, à la suite d’une proposition de règle du CFPB visant à limiter les frais de retard excessifs, et ayant suscité une forte opposition du secteur bancaire.

-La plateforme de trading en ligne Robinhood a annoncé le 10 mai qu’elle permettra à ses clients de négocier des actions et des fonds négociés en bourse 24 heures sur 24, cinq jours par semaine (dans le régime existant, les clients de la plateforme sont limités aux heures d’ouverture des bourses).

-Le California Department of Financial Protection and Innovation (DFPI), régulateur financier pour l’État de Californie, a publié le 8 mai un rapport portant sur sa supervision de Silicon Valley Bank (SVB). Le rapport, qui rappelle que le superviseur principal de la banque était la Fed de San Francisco, reconnaît que la supervision de l’établissement a été inadéquate. Il met également en exergue l’accroissement du risque de paniques bancaires en raison de la numérisation des services bancaires et de l’usage des réseaux sociaux.

-Le département de la Justice de l’État de New York a publié le 5 mai un projet de loi visant à renforcer significativement la régulation du secteur des crypto-actifs. La proposition prévoit notamment des exigences renforcées en matière de connaissance et contrôle des clients des plateformes, de prévention des conflits d’intérêts, d’audit des éléments financiers, et une compétence accrue du département de la Justice dans le contrôle et la poursuite des acteurs suspectés de fraude.