1/ Annonce de reprise de contacts entre le gouvernement et le FMI

Le FMI a fait savoir dans le cadre d’une conférence de presse organisée le 11 mai qu'il "poursuivrait son engagement avec le gouvernement pakistanais concernant la 9ème revue de l’EFF, malgré la montée des tensions politiques". Ces propos sont intervenus après que l'arrestation du leader du PTI Imran Khan mardi 9 mai avait déclenché de violentes manifestations à travers le pays (M. Imran Khan a depuis été relâché le 11 mai). Le FMI a rappelé que le déblocage de la 9ème revue restait aussi conditionné par une mobilisation substantielle de financements complémentaires.

Selon Bloomberg News, un responsable du FMI aurait indiqué qu’« afin de reprendre le dialogue en vue d’un accord sur la 9ème revue de l’EFF, le gouvernement pakistanais a fait savoir (i) qu’il renonçait à la mesure annoncée en mars dernier de subventionner le prix des carburants pour les mobylettes et les petites cylindrées », qu’il n'introduirait pas non plus de nouvelles exonérations fiscales et n’interviendrait pas sur le marché des changes (sous-entendu pour défendre une parité élevée entre la roupie et les dollar américain) ».

2/ Dérive des subventions et aggravation de l’endettement du pays, notamment à court terme :

(i) Les subventions approuvées par le ministère des finances et les subventions « cachées » dépassent de 2,13 Mds USD, le budget voté en Loi de Finances (1,3 Mds USD) depuis le début de l’année budgétaire 2022/2023.

- Au cours des 10 premiers mois de 2022/2023, les subventions approuvées par le ministère des finances ont dépassé de 44% le budget voté lors de la loi de finances.  Par rapport aux 353 Mds PKR (1,3 Md USD) de subventions votées en loi de finances en juin 2022, la somme des subventions supplémentaires approuvée par le cabinet fédéral s’était établie à 267 Mds PKR (0,9 Md USD), soit un dépassement de 44% des subventions effectivement mises en place.

Le montant supplémentaire de 267 Mds PKR intègre la somme de 102 Mds PKR (360 M USD) mise à disposition du ministère de l’énergie au cours de la dernière semaine d’avril 2023, pour régler une partie de la dette circulaire due aux sociétés de productions indépendantes (IPP) chinoises.

- A ce montant, viennent s’ajouter des subventions supplémentaires (dites « cachées ») que le gouvernement pakistanais appelle « techniques » et qui sont des réaffectations de crédits du « PSDP » (« Public Sector Development Program »), qui devaient initialement servir à financer les projets d’investissements qui atteindraient 350 Mds USD (1,23 Md).

(ii) En fin d’exercice budgétaire, le service de la dette devrait représenter 56% des engagements budgétaires du Pakistan, contre un objectif de 35% fixé dans la loi de Finances.

Les titres émis sur le marché auprès des banques locales (et des banques commerciales à l’étranger) au cours des neuf premiers mois de l’année budgétaire ont augmenté en valeur de 69% en g.a.

Selon le dernier rapport du ministère des Finances, les dépenses courantes avaient augmenté à la fin mars de 25% en g.a.. Dans ce contexte, le gouvernement a dépassé les dépenses budgétaires consignées dans la Loi de finances puis dans les deux lois de finances rectificatives pour un montant de 3107 Mds PKR (11 Mds USD) au cours des 9 premiers mois de l’année budgétaire.

Cette situation a entrainé une augmentation de 69% en g.a. des emprunts effectués auprès des banques commerciales étrangères et des banques locales (emprunts du Trésor) à hauteur de 3 582 Mds PKR (12,6 Mds USD) contre 2 122 Mds PKR (7,48 Mds USD) en 2021/2022.

Les emprunts du Trésor pour compenser le déficit budgétaire depuis juillet 2022 ont été effectués à 87 % auprès des banques commerciales locales.

Selon la société d’analyse économique KASB, le service de la dette devrait représenter 56% du budget à la fin de l’année budgétaire (contre 35% prévue par la loi de finances votée en juin 2022) et il pourrait dépasser la barre de 70% du budget au cours de l’année budgétaire 2023/2024.

(iii) L’adjudication de bons du Trésor du 3 mai a été souscrite en dessous de l’objectif fixé par la Banque centrale (SBP).

Le mercredi 3 mai, le gouvernement a émis des bons du Trésor à trois mois pour un montant de 706 Mds PKR (soit 45 Mds PKR en dessous de l’objectif) à un rendement de 21,99 % (inchangé depuis février 2023).

C’est la première fois depuis le début de l’année calendaire qu’une adjudication à trois mois n’est pas entièrement souscrite. Dans cette situation, les courtiers pakistanais considèrent que le taux de référence pour les emprunts à trois mois pourrait prochainement augmenter.

La SBP rappelle que lors d’une adjudication effectuée début avril 2023, le rendement des titres à six mois du Trésor a baissé de 2 points de base à 21,9616 %. Le rendement des titres à 12 mois avait augmenté, au cours de la même adjudication d’1 point de base pour atteindre 21,9997 %.

3/ La situation du remboursement des emprunts est tendue mais elle semble sous contrôle d’ici à la fin de l’année budgétaire (au 30 juin 2023), au-delà, un accord sur le programme du FMI reste incontournable.

Alors que le niveau de subventions supplémentaires et les subventions cachées ont beaucoup pesé sur le budget de l’année 2022/2023 (cf article ci-dessus), le Pakistan n’a toujours pas rempli les conditions d’un accord avec le FMI trois mois après la fin de la mission des Services du FMI à Islamabad. Dans cette situation, la 9ème revue de l’EFF (facilité élargie de crédit) au Pakistan n’est pas à l’ordre du jour du prochain Conseil d’administration du FMI qui aura lieu le 17 mai prochain.

Le ministre des finances a indiqué dans une conférence de presse que le Pakistan devait rembourser 3,7 Mds USD d’emprunts d’ici la fin de l’année budgétaire 2022/2023, dont une part sans doute importante, mais non précisée, de crédits chinois.

Le ministre des finances pakistanais indique que la partie chinoise, rencontrée le 5 mai dernier en marge de la visite du ministre des affaires étrangères, « allait aider le Pakistan à honorer les obligations extérieures du Pakistan d'ici la fin juin ».

Contacté par Bloomberg, le directeur de la branche singapourienne de « Moody’s Investor Service » a indiqué que le Pakistan devrait parvenir à rembourser ses emprunts d’ici la fin de l’exercice budgétaire se terminant le 30 juin, mais que, sans accord avec le FMI concernant le programme de programme du FMI (EFF), le Pakistan pourrait faire défaut dans le premier semestre de l’année budgétaire 2023/2024 compte tenu de ses très faibles réserves » actuellement situées autours de 4,5 Mds USD.

4/ Le solde primaire s’améliore en mars, mais il devrait connaître un recul en avril du fait de la baisse des transferts des Pakistanais de l’étranger.

(i) Le Pakistan a enregistré un excédent primaire de 654 MUSD en mars 2023, il s’agit du premier solde primaire mensuel positif depuis novembre 2020. Le gouvernement pakistanais prévoit un déficit primaire de 4 Mds USD pour l’exercice 2023, ce qui amène les acteurs à anticiper un maintien des restrictions à l’importation.

(ii) Les envois de fonds des Pakistanais de l'étranger ont représenté 2,21 Mds USD en avril 2023, déjouant les attentes de la SBP (la période du Ramadan étant actuellement plus propice aux envois du fait de l’obligation islamique de l’aumône « le zakat », en 2021/2022,  par exemple, le mois du ramadan avait connu une augmentation des envois de fonds de 15%), ont en fait baissé de 29,2 % en g.a. en avril 2023 par rapport à avril 2022 (contre une diminution moyenne de 13 % au cours des 10 premiers mois de l'exercice en cours).

5/ L'OICCI a présenté à la Banque centrale un programme en quatre points pour traiter la question des dividendes des investisseurs internationaux et permettre notamment leur rapatriement.

 

La chambre représentant les investisseurs étrangers au Pakistan (OICCI) a rencontré le gouverneur de la banque centrale pour lui présenter un plan en quatre points qui permettrait de résoudre les problèmes actuellement rencontrés par les entreprises pour rapatrier des devises :

1. La Banque centrale SBP pourrait autoriser les rapatriement des dividendes bloqués à hauteur de 10% au cours des 2 prochains mois ;

2. La SBP rapatrierait les dividendes en retard à partir du début de l’année budgétaire 2022/2023 sur une base trimestrielle pendant les 2 prochaines années ;

3. Les dividendes en attente de rapatriement pourraient être versés sur des comptes séquestres. Ces comptes bénéficieraient d’une actualisation.

4. Les dividendes en attente peuvent être réinvestis en action ou sous forme d'IDE dans d'autres entreprises à la discrétion de la filiale locale.

Le gouverneur de la SBP a bien pris note de ces recommandations et s'est engagé à soutenir en particulier les recommandations 3 et 4 sur le réinvestissement des dividendes.