Réflexions hebdomadaires sur les principaux évènements financiers, institutionnels ou règlementaires, aux Etats-Unis.

Sommaire

Conjoncture

  • Les prix des dépenses de consommation ralentissent, tirés par les biens
  • Les offres d’emploi diminuent et les licenciements augmentent

Politiques macroéconomiques

  • La Fed annonce une hausse de 25 points de base de son taux directeur

Services financiers

  • Malgré le rachat de First Republic par JP Morgan, les tensions sur les cours des banques régionales ne sont pas apaisées
  • La Fed et la FDIC reconnaissent des manquements dans leur supervision de Silicon Valley Bank et Signature Bank
  • La FDIC propose de renforcer la garantie des dépôts pour les comptes courants des entreprises
  • La SEC renforce la supervision des hedge funds et des fonds de private equity

Situation des marchés

Brèves

 

Conjoncture

 

Les prix des dépenses de consommation ralentissent, tirés par les biens

Selon les estimations publiées par le Bureau of Economic Analysis (BEA), les prix des dépenses de consommation personnelle (indice PCE) ont ralenti en mars à +0,1 % (après +0,3 % en février et +0,6 % en janvier) tandis que sa composante sous-jacente (hors énergie et alimentation) a progressé de +0,3 %, au même rythme que le mois précédent.

En évolution mensuelle, les prix de l’énergie et ceux de l’alimentation ont tous deux baissé, de ‑3,7 % et de ‑0,2 % respectivement (après ‑0,5 % et +0,2 %). Sur douze mois glissants, l’inflation PCE et sa composante sous-jacente ont poursuivi leur recul à +4,2 % (après +5,1 %) et +4,6 % (après +4,7 %) respectivement. Les prix de l’énergie ont baissé de ‑9,8 % (après +4,9 %) tandis que ceux de l’alimentation ont augmenté de +8,0 %, poursuivant toutefois leur ralentissement (après +9,7 %).

En évolution mensuelle, les prix des biens ont baissé de ‑0,2 % (après +0,1 %) alors que ceux des services ont augmenté de +0,2 % (après +0,4 %). Sur un an, les prix des biens continuent de ralentir à +1,6 % (après +3,6 %) alors que ceux des services évoluent à des niveaux supérieurs à +5,5 % (après +5,8 %).

 

Les offres d’emploi diminuent et les licenciements augmentent

Selon le rapport JOLTS (Job Openings and Labor Turnover) du Bureau of Labor Statistics (BLS) publié le 2 mai, les offres d’emploi ont diminué à 9,6 millions en mars (‑384 000 par rapport à février), légèrement en-deçà des attentes du marché (9,7 millions).

Malgré la stabilité du nombre de cessations d’emploi (à 5,9 millions), la composition a évolué : les démissions reculent (-129 000) alors que les licenciements augmentent (+248 000). Au niveau sectoriel, le nombre de cessations d’emploi a été plus important dans la construction (+104 000) alors qu’il a baissé dans l’hébergement et la restauration (‑107 000).

 

 

Politiques macroéconomiques

 

La Fed annonce une hausse de 25 points de base de son taux directeur

La réunion du comité de politique monétaire (FOMC) des 2 et 3 mai 2023 s’est conclue par un relèvement de la fourchette-cible des taux fed funds de 25 points de base (pb), la portant à [5,0 % - 5,25 %]. Cette décision a été prise à l’unanimité. Par ailleurs, le rythme de réduction du bilan de la Fed a été maintenu à 95 Md USD par mois.

Le président de la Fed, Jerome Powell, a commencé par souligner la solidité du système bancaire américain malgré la faillite de certaines banques. Il a ajouté que des leçons seraient tirées de l’examen des défaillances de la supervision de Silicon Valley Bank (SVB). S’agissant de la conjoncture économique, il a indiqué que l’économie américaine était en ralentissement avec une croissance du PIB au T1 2023 en-deçà de son niveau potentiel, malgré une hausse de la consommation. Le marché du travail demeure tendu mais affiche des signes d’apaisement avec un ralentissement des salaires nominaux et une baisse du nombre d’emplois vacants. Selon J. Powell, il reste encore un « long chemin à parcourir » pour faire reculer l’inflation à 2 %, mais au regard de la normalisation progressive du marché du travail alors que les taux évoluent à des niveaux élevés, il soutient l’hypothèse d’un atterrissage en douceur plutôt qu’une récession.

Concernant la politique monétaire, J. Powell a affirmé qu’il fallait plus de données pour affirmer le caractère « suffisamment restrictif » du niveau actuel des taux. Selon le président de la Fed, la suite du resserrement monétaire sera décidée lors du prochain FOMC (meeting-by-meeting approach) et dépendra de l’évaluation des nouvelles données économiques et financières (data-dependent), notamment du durcissement des conditions de crédit. Il a affirmé que, contrairement aux anticipations de marché, il ne prévoyait pas de baisse des taux fed funds d’ici fin 2023 compte tenu de la persistance de l’inflation, signalant toutefois la possibilité de faire une pause en juin. Les marchés anticipent désormais un maintien du niveau actuel des fed funds jusqu’à l’été 2023, puis 2 baisses de -25 pb des taux pour atteindre un taux terminal de 4,4 % à fin 2023 (source : CME FedWatch Tool).

 

Services Financiers

 

Malgré le rachat de First Republic par JP Morgan, les tensions sur les cours des banques régionales ne sont pas apaisées

La Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC), autorité de résolution, a annoncé le 1er mai la saisie de First Republic (233 Md USD d’actifs au 31 mars 2023) et sa vente à JP Morgan. Il s’agit de la plus large faillite d’une banque de dépôt depuis celle de Washington Mutual en 2008.

Le California Department of Financial Protection and Innovation (DFPI) a justifié la fermeture administrative de First Republic par la fuite des dépôts des dernières semaines (‑72 Md USD au 1er trimestre, puis de nouveau -11 Md USD fin avril), la valorisation du portefeuille de titres insuffisante pour obtenir suffisamment de liquidités à court terme, le déséquilibre financier de la banque et la chute du cours de bourse.

La FDIC a mené des négociations avec plusieurs établissements pour trouver un repreneur, en appliquant le principe du moindre coût pour le fonds de garantie des dépôts. Un accord a été conclu avec JP Morgan, 1ère banque américaine, qui a repris la totalité des dépôts de First Republic (87 Md USD restants) et la majorité de ses actifs (un portefeuille de prêts de 173 Md USD, valorisé à 150 Md USD pour la cession, et 36 Md USD de titres et autres actifs). JP Morgan a versé 10,6 Md USD à la FDIC pour cette reprise et a obtenu (i) une ligne de financement de la FDIC de 50 Md USD sur 5 ans et (ii) un accord de partage des pertes sur les prêts repris par JP Morgan. La FDIC conserve par ailleurs la dette de la banque envers la Fed (93 Md USD) et la partie résiduelle des actifs (80 Md USD) non repris. Le coût de la transaction pour le fonds de garantie des dépôts est évalué à 13 Md USD. Le président de la Fed J. Powell a estimé, lors de la conférence de presse du FOMC, que cette reprise constituait une « bonne solution pour le système bancaire ».

Les marchés ne semblent néanmoins pas rassurés sur la situation des banques régionales. Le 4 mai, le titre de Pacific West (44 Md USD d’actifs) a baissé de -51 % à la suite de rumeurs, partiellement confirmées par la banque, d’un plan de cession d’une partie de ses actifs. First Horizon (80 Md USD d’actifs) a baissé de -33 % à la suite de l’annonce par TD Bank de l’abandon de son projet d’acquisition de l’établissement. Plusieurs autres banques régionales ont baissé fortement dans la foulée (Western Alliance -38 %, Comerica -12 %, Zion -12 %, etc.). L’indice des banques régionales est en recul de -5 % le 4 mai et de -38 % depuis le début de l’année.

 

La Fed et la FDIC reconnaissent des manquements dans leur supervision de Silicon Valley Bank et Signature Bank

La Fed, la Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC, agence chargée de la garantie des dépôts et des résolutions bancaires) et le Government Accountability Office (GAO, organe d’audit rattaché au Congrès) ont publié le 28 avril trois rapports sur les faillites de Silicon Valley Bank (SVB) et Signature Bank, en mars 2023.

Les rapports de la Fed et de la FDIC reviennent longuement sur les carences de gestion des risques des deux banques, caractérisées par une croissance rapide et une forte dépendance aux dépôts non-assurés. Toutefois, les agences reconnaissent aussi leur défaut de supervision et mettent en exergue l’insuffisance de leurs ressources et le manque de réactivité des équipes de contrôle. Le GAO critique l’action des équipes de supervision de la Fed, notamment l’absence de mis en place de mesure exécutoire ou de surveillance renforcée malgré la persistance et l’aggravation des risques de liquidité et de gestion de SVB. L’action de la FDIC est également critiquée, le GAO soulignant que l’agence n'a dégradé la note de supervision de la banque que la veille de sa faillite.

La Fed évoque d’abord trois enseignements à prendre en compte : le rôle des réseaux sociaux dans la fuite extraordinairement rapide des dépôts de SVB (demandes de retrait de 85 % des dépôt en 2 jours, rythme sans comparaison avec les faillites bancaires antérieures) ; la capacité de déstabilisation du système financier par la faillite d’un établissement de taille limitée ; l’importance des exigences de fonds propres des banques pour leur résilience. Les auteurs du rapport mettent toutefois en avant le rôle joué par la loi de dérèglementation bancaire de 2019 et l’impulsion de l’ancien vice-président pour la supervision Randal Quarles, nommé par l’administration républicaine, qui ont réduit les exigences prudentielles, augmenté la complexité du cadre réglementaire et promu une approche plus souple de la supervision.

La Fed recommande de revenir sur certains assouplissements prévus par la loi de 2019, de renforcer la supervision bancaire de manière à mieux s’adapter aux banques en croissance, et d’être plus exigeante durant les phases de transition. La Fed indique que ces modifications seront soumises à la procédure habituelle d’évolution de la réglementation – y compris consultation publique, ce qui prendra vraisemblablement plusieurs années. Le Bank Policy Institute (BPI) et la American Bankers Association (ABA), représentant le secteur bancaire, ont critiqué cette orientation ; BPI soutient que la Fed a cherché à édulcorer ses propres manquements en matière de supervision.

 

La FDIC propose de renforcer la garantie des dépôts pour les comptes courants des entreprises

La FDIC, agence chargée de la garantie des dépôts et des résolutions bancaires, a publié lundi 1er mai un rapport portant sur le cadre existant et des options de réforme en matière de garantie fédérale des dépôts bancaires, visant notamment à tirer les enseignements des faillites de mars 2023.

Le rapport présente les défis auxquels est confronté le système de garantie et met particulièrement en avant le poids croissant des dépôts non-assurés ; en 2021, leur poids dans le système bancaire était de 46,6 %, son plus haut niveau depuis 1949. Or, les déposants non‑assurés sont plus susceptibles de fuir un établissement bancaire parce qu'ils craignent que leurs dépôts soient en danger. En outre, la technologie financière et le rôle des réseaux sociaux ont exacerbé le potentiel et l’ampleur des paniques bancaires.

La FDIC étudie trois scénarios de réforme : le maintien d’une garantie des dépôts dans ses formes actuelles, avec une éventuelle augmentation du niveau de garantie ; la mise en place d’une garantie illimitée ; la mise en place d’une garantie variant selon le type de comptes. Cette dernière option est privilégiée par la FDIC, qui recommande une hausse de la garantie visant à couvrir les comptes à vue utilisés pour les paiements des entreprises et institutions, en excluant les comptes à visée d’investissement. Toutefois, outre les difficultés pratiques associées à ce ciblage, il reviendra au Congrès de légiférer sur une éventuelle réforme de ce cadre.

 

La SEC renforce la supervision des hedge funds et des fonds de private equity

La Securities and Exchange Commission (SEC), régulateur des marchés financiers, a adopté une règle renforçant les exigences de reporting des private funds, catégorie incluant principalement les fonds de private equity (PE) et les hedge funds (HF). Elle concerne les informations que ces fonds transmettent à la SEC et au Financial Stability Oversight Council (FSOC), le conseil chargé de la stabilité financière, pour améliorer la supervision des risques liés à ces acteurs.

En particulier, la règle impose aux private funds d’informer les régulateurs dans un délai de 72h de l’occurrence de certains évènements (pertes importantes, retraits inhabituellement élevés, etc.). Par ailleurs, Les fonds de PE devront transmettre des données notamment sur les stratégies employées dans leur portefeuille, leur niveau de levier et la répartition géographique de leur portefeuille.

 

 

Situation des marchés

 

Au cours de la semaine écoulée (de vendredi à jeudi), l'indice S&P 500 a reculé de -1,7 %, à 4 061 points. En dépit des indices PMI supérieurs aux attentes du marché, les marchés financiers ont été marqués par la faillite de First Republic Bank, l’inquiétude d’un défaut de paiement américain en raison du plafond de dette et le risque d’une inflation élevée et persistante. Les investisseurs se montrent particulièrement inquiets du sort des banques régionales : l’indice des valeurs bancaires régionales a perdu ‑13,0 % au cours de la semaine.

Les rendements des obligations souveraines ont baissé de -0,3 point à 2 ans et de -0,1 point à 10 ans, atteignant respectivement 3,8 % et 3,4 %. En dépit d’un relèvement des taux fed funds, les taux souverains ont reculé sur fond de craintes d’une récession et d’une aversion au risque accrue à la suite des turbulences bancaires.

 

Brèves


  • Le 2 mai, la Maison-Blanche a publié un communiqué visant à présenter une proposition de taxe assise sur les activités de minage de crypto-actifs, intégrée dans la proposition de budget pour 2024. Cette taxe vise à compenser les coûts économiques et environnementaux de ces activités, et doit représenter 30 % du coût de l'électricité utilisée par les mineurs.