Au cours des dix dernières années, le secteur de la construction et des infrastructures a fortement contribué au dynamisme de l’économie qatarienne. La nécessité pour le pays de disposer d’infrastructures à la hauteur de ses ambitions pour accueillir la Coupe du monde de football, a accéléré le lancement de nombreux projets qui arriventà leur fin. Certains projets structurants en termes d’affichage de la modernité du Qatar devront se poursuivre, soutenus par les pouvoirs publics.

Après une dernière décennie marquée par une croissance forte et une activité soutenue, le secteur de la construction qatarien se contracte

Au cours de la décennie 2010, le secteur du BTP a fait l’objet d’importants investissements au Qatar. Le développement de projets immobiliers résidentiels et non-résidentiels a donné naissance à de nouveaux quartiers (Pearl, Lusail ou Msheireb). Ces projets ont permis de tirer la croissance du pays. Le secteur de la construction représentait 12% du PIB qatarien en 2021. Les investissements dans les projets de construction, notamment immobiliers, sont en effet un des principaux canaux de redistribution. Ainsi, dans les 14,8 Mds $ d’investissements publics destinés aux financements de projets d’infrastructures entre 2021 et 2023, 9,7 Mds $ ont été dédiés au « développement de l’immobilier résidentiel ».


Ce secteur d’activité fait face à une contraction, liée à la finalisation de projets majeurs. Les constructions terminées sont relativement sous-occupées, résultats d’un certain déséquilibre entre une offre surabondante et une demande déclinante. 2023 constitue une année de transition entre un cycle de travaux d’infrastructures en amont de la Coupe du monde vers un nouveau cycle d’investissements dans les hydrocarbures, qui implique des besoins en main d’oeuvre étrangère moins importants.


La demande en termes d’hébergements a atteint son plein en 2022 en raison de la tenue de la Coupe du Monde, qui a impliqué la construction de logements temporaires et la mobilisation de près de 35 000 unités résidentielles. Accor avait notamment remporté en octobre 2021 un contrat de plusieurs centaines de millions d’euros pour la gestion d’un parc de 25 000 logements. Cette hausse de la demande a entraîné des augmentations de 15 à 30% des loyers alors que de nombreux propriétaires exigeaient la signature de contrats de bail de deux ans. Les loyers demeurent donc élevés fin 2022, le gouvernement ayant signé des baux dits « Eksan » de 5 ans sur une partie du logement résidentiel excédentaire afin de maintenir le niveau des loyers. Post Coupe du Monde, l’offre résidentielle devrait continuer d’augmenter vu les projets en développement à Lusail et Al Wakra, alors que la demande diminue.


L’offre de location de bureaux a fortement augmenté en quelques années et représente désormais 5,3 M de m2, tirée par la construction de la ville nouvelle de Lusail, le réaménagement de la vieille-ville de Msheireb et l’ouverture d’espaces consacrés au sein de la Zone Franche de Ras Bu Fontas La surface de bureaux de très bonne qualité (catégorie A), historiquement tous à West Bay, a doublé entre 2016 et2022. Un grand nombre d’institutions gouvernementales ou paragouvernementales (Qatar Investment Authority, Qatar Central Bank, Qatar national Bank, Qatar Financial Centre Authority, Ministère du Commerce et de l’Industrie…) ont par ailleurs annoncé leur décision de déménager leurs bureaux à Lusail, au détriment de certains quartiers plus anciens dans le sud de Doha (B/C/D Ring, Al Sadd, Airport Road…). En 2022, pour la cinquième année consécutive, les prix de location d’immobilier de bureaux ont baissé (division par deux des prix à West Bay entre 2015 et 2022).


Le Qatar dispose d’une offre hôtelière haut de gamme opérée par des grands acteurs occidentaux (Mariott, puis Accor et dans une moindre mesure Hilton et IHG). L’Emirat a rapidement développé le secteur, passant d’une vingtaine d’hôtels à l’an 2000 à plus de 160 actuellement, essentiellement concentrés à Doha, pour un total de 37 000 clés. L’hôtellerie au Qatar s’adresse principalement à une clientèle aisée : les hôtels cinq étoiles représentent la moitié du secteur et les deux tiers des chambres disponibles, tandis que les hôtels 1, 2 et 3 étoiles ne représentent que 7% de l’offre hôtelière. Les projets d’expansion sont massifs : le Qatar projette plus de 50 000 clés en 2025. L’Emirat espère tripler le nombre de touristes d’ici 2030.


L’offre d’immobilier commercial a plus que triplé au cours de sept dernières années avec l’ouverture de nombreux malls (Mall of Qatar, Doha Festival City, Place Vendôme, Printemps). Elle représente désormais 1,7 M m2 (auquel se rajoutent 400 000 m2 de surfaces de boutiques hors mall au Souq Waqif, Souq Al Wakra, à Pearl, Msheireb, Katara ou Doha Port).

 

Deux tendances pour le secteur : l’urbanisme intelligent et durable et le secteur des hydrocarbures

La création d’infrastructures respectueuses de l’environnement et intégrant les technologies les plus récentes fait partie des priorités pour les autorités qatariennes. La plupart des projets publics, que ce soit dans le domaine des infrastructures sportives, de l’urbanisme, des transports ou des réseaux d’eau et d’énergie, intègrent cette nouvelle priorité de la ville durable et intelligente (« smart city »). La vision qatarienne de la ville durable insiste souvent plus sur la dimension connectée que sur la soutenabilité.


Le Qatar s’était en effet engagé à organiser une Coupe du Monde à zéro empreinte carbone et entend développer des stades respectueux de l’environnement. Dans ce cadre, la construction de la majorité des stades s’est effectuée à partir de matériaux recyclés. Les stades de la Coupe du monde de Football 2022 ont ainsi intégré un large panel de technologies de l’information et de la communication. A plus long terme, les autorités qatariennes souhaitent généraliser l’usage de standards environnementaux ambitieux dans le secteur du bâtiment, par la diffusion des standards du Global Sustainability Assessment System (GSAS).


Le gouvernement a approuvé en 2020 une loi régulant l’autorisation des PPP. Les entreprises françaises pourraient tirer avantage de leur expertise et expérience en matière de montages de PPP et faire croître leur présence sur le marché qatarien dans des projets relatifs aux volets « intelligent et durable ».


Deux sites identifiés officiellement comme « smart cities » traduisent l’importance accordée au cadre et à la qualité de vie : Msheireb Downtown (Doha) et la ville nouvelle de Lusail. Ils se distinguent par les importants investissements qui y ont été réalisés pour améliorer notamment l’empreinte environnementale : deux tramways parcourent ainsi les deux sites; Lusail gère de façon centralisée l’électricité au moyen d’un smart grid, l’architecture des quartiers a été conçue pour être durable...


Enfin, le Qatar a programmé des investissements massifs dans les hydrocarbures de l’ordre d’une centaine de milliards de dollars d’ici 2030. Ces projets structurants impliqueront des opportunités pour les entreprises du secteur de la construction qui sauront se positionner en aval des sociétés d’ingénierie qui réaliseront les EPC de ces différents projets.