Région la plus dynamique du continent sub-saharien en matière de trafic aérien, l’AEOI représentait, en 2019, 38 % du trafic passager et 80 % du volume de fret du continent. Les flux aériens restent à l’heure actuelle concentrés autour des deux principaux hubs aéroportuaires régionaux : l’aéroport Bole d’Addis-Abeba et Jomo Kenyatta à Nairobi. Le développement du secteur aéroportuaire, de par sa forte intégration avec le secteur du tourisme, est considéré comme stratégique pour de nombreux pays de la région qui souhaitent se positionner comme de nouveaux hubs passagers ou logistiques (Rwanda, Djibouti). Si de nouveaux projets, parfois de très grande ampleur, sont envisagés, certains font face à des difficultés de financement, dans un contexte de retrait progressif des bailleurs du secteur. La France reste un partenaire important, par l’apport de financements et la présence de ses entreprises, actives sur des segments diversifiés (ingénierie, fournitures d’équipements, services aéroportuaires).

L’AEOI s’affirme comme une des régions les plus dynamiques du continent en matière de trafic aérien

L’AEOI est progressivement devenue une des régions les plus dynamiques du continent en matière de trafic aérien au cours des 20 dernières années. Elle représentait, en 2019, 38 % du trafic passager du continent sub-saharien (contre 30 % en 2010) avec près de 25,5 millions de voyageurs. Cette domination régionale est d’autant plus forte en matière de fret puisque la région a vu transiter 80 % du volume de fret du continent sub-saharien en 2019 (contre 44 % en 2010).

Malgré une baisse importante de la fréquentation des aéroports au cours de l’année 2020 liée à la pandémie de Covid-19, on peut noter une reprise partielle du trafic passager, qui n’est toutefois pas revenu au niveau de 2019 : 1,3 M de passagers à Maurice en 2022 (contre 1,7 M en 2019) ; 0,7 M à Madagascar (contre 1,1 en 2019). Certains pays sont toutefois confrontés à une diminution constante de la fréquentation de leurs aéroports, à l’instar du Soudan du fait du contexte politique et économique du pays.

Si plusieurs pays se rêvent en hubs aéroportuaires, l’Ethiopie et le Kenya concentrent actuellement l’essentiel du trafic passager et de fret de la région, notamment pour ce qui est du transit. L’Ethiopie, et l’aéroport de Bole (ADD) à proximité d’Addis Abeba, a vu transiter 12,6 M de passagers en 2019, soit 49,6 % du trafic passager de l’AEOI et 19,1 % de celui du continent sub-saharien. S’agissant du trafic de fret, ADD aurait traité sur l’année fiscale 2021-2022, près de 768 000 t de fret, faisant de l’aéroport le principal hub de fret aérien de l’AEOI, mais également du continent. Deuxième hub aéroportuaire de la région, Nairobi, essentiellement via l’aéroport International Jomo Kenyatta (JKIA), a accueilli près de 6,4 M de passagers en 2019 et près de 363 000 t de fret au cours de l’année 2021. D’autres pays souhaitent renforcer leur positionnement en tant que hub aéroportuaire dans la région. Le Rwanda a l’a ainsi annoncé, dès 2007 en initiant de nouvelles infrastructures aéroportuaires, et avec, plus récemment, un partenariat avec le Qatar. A l’échelle de la région de l’Océan Indien, Maurice, via son principal aéroport, Sir Seewoosagur Ramgoolam, se positionne également comme hub poussé par la compagnie Air Mauritius. Tandis que Djibouti affiche des ambitions de hub logistique régional, avec un projet de nouvel aéroport international. Le niveau du trafic actuel, tant sur le segment passager que fret, de ces pays reste toutefois très en dessous des flux expérimentés par l’Ethiopie et le Kenya.

Un secteur stratégique pour les pays de la région AEOI, perçu comme un vecteur de développement économique

Le développement du secteur aéroportuaire est priorisé par de nombreux pays de la région pour lesquels il est considéré particulièrement stratégique pour le développement de l’économie. Dans le contexte insulaire de l’Océan Indien, l’intégration entre enjeux aéroportuaires et filière touristique est particulièrement forte, les infrastructures aéroportuaires constituant les principaux points d’entrées de ces pays (Maurice, Madagascar, Seychelles). A l’inverse, les Comores, faiblement connectées au continent africain conséquence du nombre limité de lignes aériennes directes, restent en marge des échanges de flux de passagers et de marchandises.

Les stratégies des gouvernements sont généralement concentrées autour du développement des aéroports internationaux. Ainsi, le Burundi a fait de la réhabilitation et l’extension de l’aéroport international Melchior Ndadaye une priorité. Une dynamique similaire est visible au Kenya, avec l’extension et la rénovation de l’aéroport international Jomo Kenyatta ; ou encore en Ouganda (aéroport international d’Entebbe) et en Tanzanie, avec la rénovation et l’extension du Terminal 2 de l’aéroport Julius Nyerere. Pour s’adapter à la demande croissante (période pré-Covid-19), de nombreux pays envisagent (ou ont d’ores et déjà initié) la construction de nouvelles infrastructures. L’Ethiopie envisage la construction d’un mégahub aéroportuaire à une cinquantaine de kilomètres au sud d’Addis-Abeba, un projet porté par Ethiopian Airlines. En Ouganda, c’est le développement du projet d’exploitation des réserves pétrolières du lac Albert qui a justifié le lancement d’un projet d’aéroport international de Kabaale/Hoima démarré en 2018 et financé par l’agence de crédit export britannique. Les stratégies de développement visant les aéroports de taille moyenne sont plus erratiques voire inexistantes, et posent dans certains cas, le risque de construire des « éléphants blancs ». L’exemple de l’aéroport d’Isiolo réhabilité au Kenya est emblématique. Pourtant inauguré récemment en 2017, il reste largement en dessous de sa capacité maximale de 125 000 passagers par an, avec actuellement aucun vol de compagnies commerciales régulières.

Les faibles marges de manœuvre financières des autorités nationales ainsi que les difficultés d’accès au financement peuvent contraindre le développement de projets aéroportuaires. C’est le cas notamment au Burundi, qui fait face à des difficultés pour financer ses projets de réhabilitation/construction d’aéroports internationaux ou secondaires, ou bien du Soudan. L’ampleur des investissements nécessaires pousse certains pays à étudier des solutions de financement telles que la mise en concession partielle ou de nouvelles formes de PPP, en Ethiopie par exemple, pour le financement du mégahub aéroportuaire de Bishoftu, estimé à 5 Mds USD.

Le soutien des bailleurs et agences de développement au développement des infrastructures aéroportuaires se réduit progressivement. Les priorités des bailleurs (a minima occidentaux) ont évolué, le secteur aéroportuaire étant de moins en moins considéré comme un secteur prioritaire avec une réorientation des financements vers des secteurs participant à l’atténuation ou à l’adaptation au changement climatique. AFD par exemple, qui a contribué à la réhabilitation de certains aéroports, au Kenya, en Ethiopie, en Somalie notamment, ne finance plus prioritairement les infrastructures aéroportuaires.

Une coopération active avec la France et les entreprises françaises, parallèlement à l’arrivée de nouveaux acteurs

La coopération entre la France et les pays d’AEOI dans le secteur aéroportuaire est importante. Plusieurs FASEP ont été financés par le Trésor français. Au Rwanda, un projet gestion du trafic de drones dans la zone de l’actuel aéroport de Kigali avec l’entreprise Innov’ATM, la Rwanda Airport Company et la Rwanda Civil Aviation Authority a été financé. Tandis qu’en Tanzanie, est menée une étude de faisabilité par Bouygues et ADPI en vue de la rénovation et de l’extension du terminal 2 de l’aéroport international Julius Nyerere. A Djibouti, ADPi et Egis réalisent une étude pour la modernisation des capacités aéroportuaires du pays également financée par un FASEP.

Les entreprises françaises sont présentes sur une vaste diversité de segments du secteur aéroportuaire dans la région AEOI. Une présence historique de ces entreprises est à noter dans certains pays, à l’instar de la Tanzanie par exemple, où le terminal 2 de l’aéroport international Julius Nyerere a été construit par le groupe Bouygues dans les années 1980 et équipé de divers équipements français. La présence française est relativement diversifiée. Dans le domaine de l’ingénierie et de la construction, les activités d’Egis, Bouygues ou ADPi sont à relever. La fourniture d’équipements de gestion du trafic aérien (radars, simulateurs, systèmes de contrôle) et de matériels spécialisés est un marché intéressant pour les entreprises françaises (Thalès, Smith Detection). Les entreprises sont également actives dans les services aéroportuaires : restauration (Newrest, Nas-Servair), boutiques duty-free (Lagardère). Des fonds d’investissement comme Meridiam peuvent aussi être présents sur des formats de type PPP (comme à Madagascar). Les nouveaux projets aéroportuaires envisagés, au Rwanda, en Tanzanie, Ouganda ou Ethiopie constituent autant d’opportunités pour les entreprises françaises déjà présentes ou de nouveaux entrants.

Le dynamisme du secteur aéroportuaire dans la région est un facteur d’attraction pour d’autres acteurs, notamment issus de pays émergents, tant pour le financement que la construction ou l’exploitation des aéroports. L’Exim Bank of China a d’ores et déjà financé plusieurs projets dans la région, à l’instar de l’extension et de la réhabilitation de l’aéroport d’Entebbe en Ouganda (prêt de 200 MUSD) ou l’aéroport Bole en Ethiopie (345 MUSD financé via deux prêts). Le Qatar a récemment manifesté un intérêt pour le secteur aéroportuaire au Rwanda, en annonçant la prise de participation de la compagnie aérienne Qatar Airways à 60 % dans le capital de la société de projet NBIA (New Bugesera International Airport.) Outre cette participation, Qatar Airways avait également annoncé sa prise de participation à 49 % dans le capital de la compagnie nationale RwandAir. Sur le segment de l’exploitation et de la construction : la gestion de l’aéroport de Mogadiscio a été confiée en 2013 au groupe turc Favori, le terminal 3 de ZIA à Zanzibar à la filiale d’Emirates DNATA (Emirats arabes unis) tandis que la China Civil Engineering Construction Corp (CCECC) a signé des accords avec l’Etat du Puntland pour la construction de l’aéroport de Bosaso. La China Communications Construction Company a par ailleurs réalisé les travaux de rénovation et d’extension de l’aéroport Bole en Ethiopie.