Réflexions hebdomadaires sur les principaux évènements financiers, institutionnels ou règlementaires, aux Etats-Unis.

Sommaire

Conjoncture

  • Les prix immobiliers poursuivent leur recul en janvier

Services financiers

  • Joe Biden appelle à renforcer le cadre prudentiel des banques de taille intermédiaire
  • Le Congrès auditionne les régulateurs au sujet des faillites de SVB et Signature
  • La banque First Citizens rachète Silicon Valley Bank
  • Les tirages des banques sur les programmes de financement de la Fed diminuent mais restent élevés

Situation des marchés

Brèves

 

Conjoncture

 

Les prix immobiliers poursuivent leur recul en janvier

L’indice Case-Shiller publié par Standard & Poor’s, qui porte sur les prix immobiliers des 20 plus grandes villes américaines, a diminué de ‑0,6 % en janvier (après ‑0,9 % en décembre), et continue de ralentir sur un an (+2,5 % après +4,6 % en décembre et +6,8 % en novembre). Sur le plan régional, les prix ont fortement augmenté sur un an à Miami, Tampa et Atlanta (+13,8 %, +10,5 % et +8,4 % respectivement), tandis qu’ils ont continué de baisser à San Francisco et à Seattle (‑7,4 % et ‑5,1 %) et qu’ils ont baissé pour la première fois à San Diego et Portland (‑1,4 % et ‑0,5 %).

D’après le rapport de l’agence fédérale de financement du logement (Federal Housing Finance Agency – FHFA), les prix immobiliers aux États-Unis ont légèrement augmenté de +0,2 % en janvier (après ‑0,1 % en décembre et en novembre) tandis que sur douze mois glissants, ils ont nettement reculé à +5,3 % (après +6,6 % en décembre et +8,2 % en novembre). Nataliya Polkovnichenko, économiste de la division « recherche et statistiques » de la FHFA, explique que de nombreuses clôtures de janvier reflètent en réalité des taux sécurisés (rate locks) négociés avant le pic des taux hypothécaires au début novembre 2022 (à 7,1 %).

Par ailleurs, d’après une enquête de la Fed de New York, les ménages anticipent une augmentation des prix de l’immobilier de seulement +2,6 % au cours des 12 prochains mois (après +7,0 % l’année dernière), soit le rythme le plus bas depuis 2014. Cependant, les anticipations de hausse des prix sur les 5 années à venir ont quant à elles augmenté depuis 2022 (+2,8 % après +2,2 %).

 

Services Financiers

 

Joe Biden appelle à renforcer le cadre prudentiel des banques de taille intermédiaire

La Maison-Blanche a publié le 30 mars un communiqué détaillant les priorités du président Joe Biden en matière de réglementation bancaire, à la suite des faillites de Silicon Valley Bank (SVB) et de Signature Bank.

Le président a d’abord demandé à la Fed, après consultation avec le Treasury, d’envisager de réinstituer les règles prudentielles qui étaient applicables aux banques ayant entre 100 et 250 Md USD d’actifs avant la loi de réglementation bancaire de 2018 portée par l’administration Trump. Ces règles incluent notamment des exigences de liquidité, des exercices annuels de stress-tests, la mise en place de plans de résolution, ainsi que des fonds propres réglementaires suffisants pour absorber les pertes, y compris celles résultant des moins-values latentes. La loi de 2018 permet à la Fed de réinstituer ces exigences pour les banques ayant entre 100 et 250 Md USD d’actifs.

J. Biden appelle aussi à renforcer la supervision bancaire, notamment en réduisant la période de transition qui permet aux banques d’être exemptées de certaines contraintes après le dépassement du seuil de 100 Md USD d’actifs. Il évoque également des stress-tests devant être ciblés sur la résistance des banques face à la hausse des taux et face à la fuite des dépôts pouvant résulter d’une forte concentration des déposants. Le communiqué encourage également les régulateurs à poursuivre leur proposition d’étendre aux banques moyennes les exigences de dette de long terme permettant d’absorber les pertes en cas de défaillance.

Enfin, J. Biden souhaite que les coûts supplémentaires supportés par le fonds de garantie des dépôts à la suite des faillites de SVB et de Signature Bank soient intégralement portés par le secteur bancaire, via une contribution spéciale prélevée par la FDIC, mais en épargnant les plus petites banques (community banks).

 

Le Congrès auditionne les régulateurs au sujet des faillites de SVB et Signature

Le Sénat et la Chambre des représentants ont auditionné le 28 mars et 29 mars plusieurs régulateurs financiers et bancaires au sujet de la supervision et des faillites de Silicon Valley Bank et Signature : le vice‑président de la Fed chargé de la supervision, Michael Barr ; le président de la FDIC, Martin Gruenberg ; la sous-secrétaire au Trésor chargée des services financiers, Nellie Liang.

Plusieurs élus, républicains comme démocrates, ont mis en cause la supervision des régulateurs, en particulier de la Fed. Les sénateurs Sherrod Brown (D – Ohio) et Elizabeth Warren (D – Massachussetts) ont regretté les allégements prudentiels pour les banques de taille intermédiaire décidés par la Fed en 2019 et 2020, en application de la loi EGRRCP (« Crapo Bill ») de mai 2018. Le sénateur John Kennedy (R – Louisiane) a fortement critiqué la lente prise en compte, par la Fed, de la croissance rapide des dépôts de SVB dans son traitement prudentiel de la banque.

Les régulateurs auditionnés ont fait part de leur volonté de tirer les enseignements des faillites récentes, et ont avancé qu’ils devraient vraisemblablement proposer des évolutions du cadre prudentiel dans le cadre de publications prévues pour le 1er mai : un rapport de la Fed sur les causes de la faillite de SVB et la supervision de cette banque ; un rapport analogue de la FDIC sur la faillite de Signature Bank ; un rapport de la FDIC sur les enseignements à tirer de cet épisode pour le fonds de garantie des dépôts. M. Barr a souligné des lacunes fortes dans la stratégie de gestion des risques et de contrôle interne de SVB, et a évoqué un renforcement possible des exigences de capitaux et de liquidité pour les établissements ayant entre 100 et 250 Md USD d’actifs.

Enfin, certains élus, notamment le représentant Roger Williams (R – Texas), se sont inquiétés de la mise en place d’une contribution spéciale du secteur bancaire afin de supporter les éventuels coûts de la gestion de ces faillites pour la FDIC, et de ses effets pour les banques locales et régionales.

 

La banque First Citizens rachète Silicon Valley Bank

La Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC), autorité de résolution et de garantie des dépôts, a annoncé le 27 mars que First Citizens, banque régionale basée en Caroline du Nord (110 Md USD d’actifs), a racheté la totalité des dépôts de SVB et une partie de ses actifs.

Les modalités de rachat prévoient que First Citizens récupère depuis l’établissement-relai géré par la FDIC 110 Md USD d’actifs de SVB (dont 72 Md USD de prêts, 35 Md USD de cash et 3 Md USD d’autres actifs). First Citizens récupère aussi 93,5 Md USD de passifs (dont 56,5 Md USD de dépôts et 35 Md USD d’emprunt auprès de la FDIC). First Citizens a obtenu un rabais de 16,5 Md USD sur le rachat du portefeuille de prêts. Le reste des actifs de SVB, soit 90 Md USD de titres, reste dans l’établissement-relai pour être liquidé par la FDIC.

La transaction prévoit des dispositions de partage de pertes et de retour à meilleure fortune. D’une part, la FDIC accepte de prendre en charge, pendant 5 ans, une partie des pertes liées aux prêts de SVB. D’autre part, la FDIC récupère des droits d’attribution de plus-value de l’action de First Citizens, plafonnés à 500 M USD, jusqu’au 14 avril 2023. La FDIC met enfin en place une ligne de financement spéciale de First Citizens à hauteur de 70 Md USD pendant 5 ans.

Le titre de First Citizens a progressé de +45 % le 27 mars. La FDIC estime le coût de la faillite de SVB pour le fonds de garantie des dépôts à 20 Md USD, la plus importante perte du fonds depuis sa création.

 

Les tirages des banques sur les programmes de financement de la Fed diminuent mais restent élevés

Selon les données publiées le 30 mars par la Fed, la discount window, principale ligne de financement d’urgence des banques auprès de la Fed, présente un encours de 88 Md USD au 29 mars 2023, contre 110 Md USD au 22 mars et 152 Md USD au 16 mars.

L’encours du nouveau programme Bank Term Funding Program (BFTP), mis en place à la suite des faillites de SVB et de Signature Bank, augmente en revanche à 64 Md USD, contre 54 Md USD la semaine précédente. La ligne de refinancement dédiée aux établissements relais gérés par la FDIC reste quant à elle stable à 180 Md USD.

Au total, les tirages des banques sur les dispositifs de refinancement de la Fed s’élèvent à 343 Md USD, contre 354 Md USD la semaine précédente. Cette évolution montre un léger apaisement des banques concernant la situation de leur liquidité, même si les niveaux de tirages restent très élevés (15 Md USD d’encours au total au 8 mars, avant les faillites de SVB et Signature Bank).  L’évolution montre également que le nouveau dispositif BFTP, qui permet d’obtenir des financements contre un collatéral valorisé en valeur nominale, est de plus en plus utilisé par les banques.

Par ailleurs, l’encours des fonds monétaires a continué de progresser sensiblement sur la semaine (+66 Md USD), principalement au profit des fonds investis en obligations souveraines (+71 Md USD), ce qui pourrait montrer la continuation du mouvement de migration de certains dépôts bancaires vers ces supports.

 

Situation des marchés

 

Sur la semaine écoulée (vendredi à jeudi), l’indice S&P 500 a progressé de façon quasi continue, clôturant sur une hausse de +2,83 %, à 4 028 points. Les marchés ont affiché une volatilité relativement contenue et une tendance à la hausse sur la semaine écoulée.

L’indice KBW Bank, qui suit 24 grandes banques américaines, a augmenté de +5,70 % entre le 24 et le 30 mars. L’indice des banques régionales (DJSRBK) a quant à lui progressé de +3,2 % sur la semaine, le rachat de SVB par First Citizens ayant été considéré comme un signe d’apaisement. L’indice a néanmoins baissé de -1,85 % le 30 mars à la suite des annonces de resserrement réglementaire publiées par la Maison-Blanche (cf. supra). Les rendements des obligations d’État souveraines à 2 ans et 10 ans sont restées relativement stables sur 5 jours, à 4,0 % et à 3,5 % respectivement.

 

 

Brèves


  • Le Bureau de protection des consommateurs financiers (CFPB) a adopté le 30 mars une règle finale sur le reporting des données de prêt aux petites entreprises par les banques et établissements de crédit. La règle prévoit que les prêteurs qui accordent plus de 100 prêts aux petites entreprises par an doivent collecter et communiquer des données sur l'origine ethnique, le sexe et d'autres informations des bénéficiaires.
  • Dans une lettre adressée au président Joe Biden, Kevin McCarthy (R-Californie), président (speaker) de la Chambre des représentants, dénonce le retard pris dans la décision sur le plafond de la dette et expose ses demandes de modifications du budget 2024, proposé par l'administration Biden. K. McCarthy a précisé 4 demandes : (i) ramener les dépenses non-militaires à leur niveau antérieur à la période d’inflation élevée, (ii) récupérer les fonds dédiés à la Covid-19 non-dépensés par les États fédérés et les collectivités locales, (iii) renforcer l'obligation de travailler pour ceux qui sont disponibles et qui n’ont personne à charge, et (iv) inclure des mesures visant à réduire les prix de l'énergie et à renforcer l’indépendance énergétique du pays. J. Biden a répondu en demandant aux Républicains de la Chambre de produire au plus vite une résolution budgétaire détaillant leurs priorités.
  • Janet Yellen, Secrétaire au Trésor, a prononcé le 30 mars un discours centré sur ses priorités en matière de stabilité financière. Après être revenue sur les faillites de SVB et de Signature, elle a souligné qu’il était nécessaire de réévaluer les mesures de dérèglementation bancaire mises en œuvre par l’administration précédente. Elle a aussi évoqué certaines vulnérabilités des institutions financières non bancaires (NBFI), en saluant notamment les propositions de la Securities and Exchange Commission (SEC), autorité des marchés financiers, pour renforcer les exigences de liquidité des fonds monétaires et des fonds ouverts. Elle a aussi indiqué être particulièrement attentive au niveau de levier des hedge funds. Elle a enfin appelé le Congrès à légiférer pour encadrer les risques liés aux crypto-actifs.