La France est l’un des principaux investisseurs étrangers en Inde avec un stock de 11 Mds EUR, bien que le transit d’une partie des flux par des juridictions tierces conduise à sous-estimer l’importance de ses investissements. La forte progression des investissements français, qui ont un peu plus que triplé en dix ans, reflète aussi bien le dynamisme de la relation bilatérale que l’attractivité croissante de l’économie indienne. Le stock d’investissements indiens dans l’économie française, à 200 MEUR en 2021, apparait encore faible au regard de l’importance des stocks d’IDE détenus par des ressortissants indiens dans le reste du monde (206 Mds USD selon la CNUCED).

 

La France se classe parmi les principaux investisseurs en Inde

Selon la Banque de France, le stock d’IDE fin 2021 s’élève à 11 Mds EUR pour la France, ce qui la place au 11ème rang des investisseurs étrangers en Inde. Le volume des investissements français est néanmoins sous-évalué du fait du transit d’une partie des flux par des juridictions tierces, telles que Maurice et Singapour (50% des flux, 30% des stocks), mais également les Pays-Bas, la Suisse (respectivement 4ème et 12ème investisseur en stock) et, plus récemment le Luxembourg (15ème). A cet égard, une partie significative de l’investissement des entreprises françaises a pour origine les Pays-Bas et la Suisse. C’est le cas notamment pour les entreprises comme Airbus, Legrand, Schneider Electric ou encore Renault, dont les investissements dépassent tous 100 MEUR.

Les investissements français en Inde se portent principalement sur le secteur des services, qui représentent 48,5% du stock en 2021. Les services informatiques et financiers représentent 40% du total des stocks d’IDE en 2021. Suivent dans l’ordre, l’industrie extractive[1], avec 26% du stock d’IDE en 2021, l’automobile 4%, et l’industrie pharmaceutique 3%. Ces cinq secteurs représentent les trois quarts des investissements français en Inde. En outre, ces secteurs emploient massivement dans le pays, avec près de 150 000 salariés pour Capgemini[2], 15 000 pour la BNPP et près de 7 000 pour la Société Générale, en raison de la localisation d’activités de back-office pour ces deux banques.

La progression des investissements directs français s’explique tant par le potentiel de l’économie indienne, porté une croissance moyenne de 7,3% au cours des vingt dernières années, notamment dans les services, que par la volonté du gouvernement indien de promouvoir l’investissement direct comme fondement de la création d’emplois et de financement de déficits courants structurels après la crise de change de 2013/2014. La réglementation en matière d’IDE a donc été assouplie[3]. Des partenariats industriels ont été noués dans les secteurs de la défense, du transport ferroviaire (Alstom), des infrastructures (ADP, CMA-CGM, Bolloré) et de l’énergie (TotalEnergies, EDF, Engie), en réponse à la politique d’ouverture sous condition du gouvernement indien. 

 

Une présence française accrue en Inde en raison d’un exercice 2020 exceptionnel  

L’enquête INSEE/OFATS de 2020 recense officiellement près de 700 filiales françaises en Inde, et plus de 1000 implantations, qui représentaient 406 000 emplois pour un chiffre d’affaires de 15,5 Mds EUR. La plupart des grands groupes français, dont 37 entreprises du CAC 40, sont désormais implantés en Inde. On dénombre entre 50 et 70 PME et ETI (mécanique, électronique, chimie-pharmacie) ainsi qu’environ 180 autoentrepreneurs. Les 1051 implantations françaises couvrent l’ensemble du territoire indien, mais elles se concentrent surtout dans quelques villes : Bombay 30%, Delhi 27%, Bangalore 15%, Pune 10%, Chennai 5%.

Les contraintes de localisation industrielle et les considérations de compétitivité-coût, dans un marché très concurrentiel, favorisent l’implantation de capacités industrielles, comme l’illustre le succès de Renault avec un modèle d’entrée de gamme, la Kwid, constitué à 98% avec des composants locaux.

Alors que les flux d’IDE affichaient un solde négatif en 2016 (-223 M USD contre une moyenne de 694 M USD par an depuis 2010), 2020 a enregistré un flux record de 3 Mds EUR[4] selon les données de la Banque de France. Toutefois, les flux d’IDE sont revenus à 300 M EUR en 2021.  

L’année 2022 a été marquée par de nouveaux projets : Total a annoncé un investissement de 300 M EUR aux côtés d’Adani dans l’hydrogène vert[5], Schneider Electric a investi dans une smart factory pour un montant de 50 M EUR, Safran a investi dans deux nouveaux sites industriels à Hyderabad à hauteur de 150 M EUR, ADP a investi dans le nouvel aéroport de Goa, dont le coût de construction s’élève à 340 M EUR. Dernièrement, CMA-CGM a investi 130 M EUR dans la modernisation d’un nouveau terminal à Bombay dont il a remporté la concession. La plupart de ces investissements ne constituent pas toutefois des IDE, mais mobilisent la trésorerie des entreprises françaises présentes en Inde.

Par ailleurs, Sanofi a annoncé début février 2023, la fermeture prochaine de son usine de production de vaccins à Hyderabad, qui emploie 1000 personnes et la cession du site. Pour autant, le groupe entend maintenir son implantation à Hyderabad, en y installant un centre mondial dédié à l’innovation, qui emploiera 350 personnes.

 

A l’inverse, les investissements indiens en France restent peu élevés

Très volatils et sujets à de fortes variations (-78 M EUR en 2016, -32 M EUR en 2017), les flux d’IDE indiens en France enregistrent un rebond en 2019 avec 76 M EUR et 2020 (32 M EUR), selon la Banque de France, pour un stock estimé à 200 M EUR. Ce montant reste faible cependant au regard du stock des investissements indiens dans le monde, estimé à 100 Mds USD en 2021 par la RBI.

L’INSEE recense 60 entreprises indiennes en France (hors-activités financières et d’assurance) pour un chiffre d’affaires de 780 M EUR et 3 000 salariés. Les secteurs phares sont les transports (Motherson Group), l’agroalimentaire, les équipements hydrauliques (Electrosteel), la pharmacie (Aurobindo), les biotechnologies (Sintex) et l'informatique (HCL, TCS, Infosys, Centum).

Des opérations récentes d’acquisition, ou en cours de réalisation, témoignent de l’attractivité du marché français pour les entreprises indiennes dans le secteur de la pharmacie : Biocon, spécialiste des biosimilaires, a racheté l’entreprise américaine Viatris en 2022, qui détient trois sites de production en France, et Gland Pharma envisage d’acquérir Cenexi (trois sites de production en France et Belgique).



[1] Le poste industrie extractive comprend l’extraction de pétrole brut, de gaz naturel et services de soutien aux industries extractives.

[2] La présence de Capgemini en Inde s’est renforcée en Inde à partir de 2006 suite à de multiples acquisitions d’entreprises indiennes (rachat de 49% des parts de Hindustan Unilever, rachat de Kanbay pour 1,3 Md USD, Thesys, iGate pour 4 Mds USD, Altran Technologies pour 4,1 Mds USD, LiquidHub pour 500 M USD).

[3] Un régime automatique, sans approbation préalable du gouvernement autorise les investisseurs étrangers à effectuer des IDE greenfield pouvant aller jusqu’à 100% dans des secteurs définis de manière limitative (aéroports, activités minières, transport aérien, médicaments), un régime plus restrictif limitant les participations à 49% (raffinage de pétrole). Enfin, l’autorisation du gouvernement est requise pour des participations dans le domaine bancaire, les médias, la vente de produits alimentaires).

[4] Schneider Electric a annoncé l’acquisition de la division électricité et automatisation du conglomérat indien Larsen & Toubro pour un montant de 1,6 Md USD. Le groupe ADP a acquis 49% du capital de GMR, qui est titulaire de contrat de concession de sept aéroports, pour un montant de 1,4 Md USD. Enfin, TotalEnergies a investi près de 550 M USD dans l’énergie solaire, avant d’annoncer près de 2 Mds USD d’investissements en 2021.

[5] L’opération a été suspendue en raison du risque de réputation provoqué par l’affaire Adani.