Retour à la cible de l’inflation : Tout vient à point à qui peult attendre ...

Retour à la cible de l’inflation : Tout vient à point à qui peult attendre [1] ...

Après avoir atteint un pic en août-septembre 2022, l’inflation globale poursuit sa lente et irrégulière phase de ralentissement. Elle retournerait à la cible de la Banque centrale au T3 2024, selon cette-dernière. Face à la persistance de l’inflation, l’institution monétaire a continué de relever son taux de référence, le portant à 11,25 % en mars dernier. Si la lutte contre l’accélération du niveau général des prix, par le biais de la politique monétaire, commence à montrer ses effets, elle serait toutefois ralentie par des facteurs structurels de l’économie mexicaine, notamment le faible taux de bancarisation et l’importance du marché informel. Les subventions mises en place par le gouvernement, critiquées pour leur mauvais ciblage, apparaissent cependant indispensables pour préserver le pouvoir d’achat des ménages.

1. Une phase lente et irrégulière de ralentissement de l’inflation au Mexique

Au Mexique, l’accélération sans précédent de l’inflation a débuté en mars 2021, avec la reprise économique postpandémique, et s’est renforcée en 2022, en raison des pressions liées au conflit russo-ukrainien. Ce double choc a eu notamment pour conséquences de perturber les chaînes de production et d’approvisionnement au niveau mondial, conduisant à une flambée des prix internationaux. Au Mexique, en variation annuelle, le niveau général des prix est ainsi passé de 3,5 % en janvier 2021 à 7,62 % en février 2023, avec un pic à +8,70 % atteint en août et septembre 2022 (Graphique 1). Depuis ce pic, l’inflation globale a entamé une lente et irrégulière phase de ralentissement, retournant sous la barre des 8 % en novembre. Elle s’est établie à 7,12 % g.a. sur la première quinzaine du mois de mars, soit une amélioration de 0,5 points par rapport aux données de février.

L’inflation sous-jacente, qui exclut de son calcul les éléments les plus volatils, et qui représente un indicateur plus précis de l’évolution des prix, a continué d’accélérer sur la fin de l’année 2022, malgré les premiers signes de ralentissement de l’inflation globale. Son pic aurait été atteint en novembre, à 8,51 % g.a, son plus haut niveau depuis 2000. Elle a légèrement décéléré depuis, à 8,29 % g.a. en février 2023, puis 8,15 % g.a sur la première quinzaine du mois de mars. Toutefois, les pressions sur l’inflation de base demeurent généralisées, la plus forte d’entre elles étant exercée par les prix alimentaires (13,7 % g.a en février 2023 - Graphique 2).

Selon le FMI, l’inflation globale déclinerait graduellement en 2023, mais ne retournerait pas à la cible de la Banque centrale (de 3 % +/- 1 pp) avant la fin de l’année 2024.

2. Une réponse monétaire forte, limitée par des facteurs structurels de l’économie

Pour lutter contre l’accélération des prix, Banxico a entamé son cycle de resserrement monétaire en juin 2021, en amont de ses pairs régionaux. Depuis, le taux d’intérêt directeur a été augmenté de 725 points de base (pdb), en 15 mouvements, de 4 à 11,25 %, un record historique (Graphique 3). Le Conseil des gouverneurs de Banxico reste néanmoins préoccupé par la trajectoire de la composante de base de l'inflation et par la conjoncture internationale incertaine. La Banque centrale prévoit une inflation moyenne de 6,1 % pour 2023, et, se montrant plus optimiste que le FMI, un retour à la cible dès le T3 2024. Selon les marchés financiers, une prochaine hausse du taux de référence pourrait avoir lieu mi-mai. Le taux terminal serait atteint cette année, compris entre 11,25 et 11,75 %

Le maintien d’un différentiel de taux à 600 pdb avec la Réserve Fédérale Américaine, afin de limiter le risque de fuites de capitaux (flight to quality), aurait été la stratégie de Banxico depuis le début du cycle de resserrement de la Fed, en mars 2022 (Graphique 4). La Banque centrale du Mexique a toutefois surpris les marchés financiers en février dernier, en optant pour une hausse de +50 pdb (contre +25 pdb attendus, en lien avec la hausse de la Fed quelques jours plus tôt). Si le différentiel de taux entre les deux institutions a longtemps été maintenu à 600 pdb, afin de limiter le risque de fuite de capitaux notamment, il s’établit depuis février à 625 pdb, marquant le début du découplage de la politique monétaire de Banxico avec celle de la Fed. Alors qu’il était plutôt attendu pour la fin du mois de mars par les marchés, ce découplage anticipé répondrait à la persistance de l’inflation sous-jacente, selon les communiqués de la Banque centrale mexicaine.

Par ailleurs, l’efficacité du resserrement monétaire serait limitée par des facteurs structurels de l’économie mexicaine, dont le faible taux de bancarisation (17 %). Le Mexique ayant une moindre pénétration bancaire, par rapport aux pays avancés mais également par rapport aux pays émergents, les canaux de transmission de la politique monétaire qui opèrent via le système financier sembleraient moins efficaces que ceux qui opèrent via le canal des anticipations. Ceci reflèterait des facteurs structurels de l'économie mexicaine, laquelle présente des niveaux élevés d'informalité (54 %). Dès lors, près de deux tiers de la population utilise des mécanismes d'épargne informels et se finance à travers des crédits informels. Outre le niveau élevé d'informalité, la faible utilisation de produits financiers est significative : seulement 31 % de la population adulte possède une carte de crédit, 25 % une assurance et 40 % un compte d'épargne retraite. Par conséquent, le resserrement monétaire opérée par Banxico ne se transmettrait pas de façon optimale à l’économie réelle, limitant ainsi la lutte contre l’inflation.

3. Les mesures budgétaires pour lutter contre l’inflation sont sources de distorsions.

Face à l’accélération de l’inflation, le gouvernement du président Andrés Manuel López Obrador (AMLO) a eu recours à des plans de soutien budgétaire à destination des ménages.

 Toutefois, ces réformes ont été vivement critiquées en raison de leur mauvais ciblage. En effet, les subventions aux carburants auraient bénéficié aux ménages les plus aisés, et les programmes PACIC et APECIC ne cibleraient pas suffisamment les ménages les plus vulnérables.

Par ailleurs, pour atténuer la perte de pouvoir d’achat liée à l’accélération de l’inflation, les autorités ont légiféré en faveur de hausses de salaire minimum (+20 % en 2022), malgré le risque de créer des boucles prix-salaires et de possibles effets de seconds tours.

Si l’inflation globale et sous-jacente semblent enfin entamer une trajectoire baissière, le retour à la cible de la Banque centrale (3 % +/- 1 pp) ne serait atteint qu’à la fin de l’année 2024, selon le FMI. Cette lente phase de ralentissement, alors que le resserrement monétaire s’opère depuis près de deux ans, pourrait résulter de facteurs structurels limitants de l’économie mexicaine (faible taux de bancarisation et importance du marché informel). Quant aux décisions de politique budgétaire, elles ont permis de contenir en partie l’accélération des prix, mais demeurent incorrectement ciblées pour les consommateurs mexicains.


[1] Pour maintenir les prix, le gouvernement a prévu (i) l’augmentation de la production céréalière ; (ii) la distribution d’engrais ; (iii) la suspension des droits compensateurs sur le sulfate d’ammonium, pour une durée d’un an, afin de réduire le prix des fertilisants ; et (iv) la stabilisation des prix de carburants et d’électricité.