Réflexions hebdomadaires sur les principaux évènements financiers, institutionnels ou règlementaires, aux Etats-Unis.

Sommaire

Conjoncture

  • Le marché du travail ralentit mais demeure robuste
  • Les prix ralentissent mais la composante sous-jacente augmente sur un mois
  • Les ventes au détail baissent en février

Politiques macroéconomiques

  • La secrétaire au Trésor est auditionnée au Congrès sur le budget et la situation économique

Services financiers

  • Silicon Valley Bank et Signature Bank font faillite, perturbant fortement les marchés financiers
  • Les régulateurs et la Fed déploient des mesures exceptionnelles pour rassurer les marchés et les déposants
  • Les réactions politiques se concentrent sur la recherche d’éventuelles défaillances et des implications pour le modèle prudentiel bancaire
  • 11 grandes banques annoncent renforcer les dépôts de First Republic Bank à hauteur de 30 Md USD
  • Les banques ont massivement tiré sur les facilités de refinancement de la Fed
  • La SEC propose plusieurs règles de cybersécurité pour les institutions financières

Situation des marchés

Brèves

 

 

Conjoncture

 

Le marché du travail ralentit mais demeure robuste

Le rapport mensuel du Bureau of Labor Statistics (BLS) sur la situation de l’emploi, publié le 10 mars, fait état de 311 000 créations nettes d’emplois en février 2023 (après 504 000 en janvier, révisé de ‑13 000, et 343 000 en moyenne sur les 6 derniers mois). Les créations d’emploi sont principalement concentrées dans les secteurs des loisirs et du tourisme (+105 000), des services de restauration (+70 000), et des ventes au détail (+50 000).

Le taux de chômage a augmenté à 3,6 % en février (+0,2 point par rapport à janvier). Le taux d’emploi et le taux d’activité ont tous deux progressé de +0,1 point, à 60,2 % et 62,4 % respectivement. Le taux d’activité demeure toutefois inférieur à son niveau d’avant-crise (63,3 % en février 2020).

Le salaire horaire moyen a légèrement ralenti à +0,2 % en février (après +0,3 % en janvier) mais il a accéléré sur douze mois glissants à +4,6 % (après +4,4 %).

 

Les prix ralentissent mais la composante sous-jacente accélère sur un mois

Selon la publication du BLS, l’indice des prix à la consommation (IPC) a légèrement ralenti en février (+0,4 % après +0,5 % en janvier). La composante sous-jacente de l’inflation (hors énergie et alimentation) a, quant à elle, légèrement progressé (+0,5 % après +0,4 %), largement tirée par les prix du logement (+0,8 %). Les prix de l’énergie baissent de ­‑0,6 % (après avoir augmenté de +2,0 % en janvier) mais ceux de l’alimentation progressent de +0,4 % (après +0,5 %).

En glissement annuel, l’inflation poursuit son recul à +6,0 % (après +6,4 % et +6,5 % les deux mois précédents). Les prix de l’énergie et ceux de l’alimentation ont tous deux reculé (+5,2 % après +8,7 % et +9,5 % après +10,1 % respectivement). La composante sous-jacente de l’inflation a légèrement reculé à +5,5 % (après +5,6 %).

Selon une enquête de la Fed de New York publiée le 13 mars, les anticipations d’inflation des consommateurs ont fortement diminué à un an (+4,2 %, soit ‑0,8 point de base), sont restées stables à 3 ans (à +2,7 %), et ont légèrement augmenté à 5 ans (+2,6 %, +0,1 point de base).

 

Les ventes au détail baissent en février

Selon les données publiées par le Census Bureau, les ventes au détail ont baissé de -0,4 % en février (après avoir rebondi de +3,2 % en janvier, révisé de +0,2 point de base par rapport à l’estimation préliminaire), soit légèrement en-deçà des attentes du marché (‑0,3 %). Sur douze mois glissants, l’évolution des ventes au détail s’élève à +5,4 % (après +6,7 %).

En évolution mensuelle, les ventes ont reculé dans les magasins d’ameublement (‑2,5 %), les bars et les restaurants (‑2,2 %), les magasins de véhicules neufs et de pièces détachées (‑1,8 %), les magasins de détails divers (‑1,8 %), les magasins de vêtements et accessoires (‑0,8 %), et les stations-services (‑0,5 %), tandis qu’elles ont augmenté pour les détaillants hors-magasins (+1,6 %), les magasins de soins de santé (+0,9 %), les magasins d’alimentation et de boissons (+0,5 %), et les magasins d’électronique et d’appareils électroménagers (+0,3 %).

 

                                                  

Politiques macroéconomiques

 

La secrétaire au Trésor est auditionnée au Congrès sur le budget et la situation économique

Janet Yellen, secrétaire au Trésor, a été auditionnée le 10 mars à la commission des voies et moyens du Sénat et le 16 mars à la commission des affaires financières du Sénat.

Dans ses propos liminaires, J. Yellen a rappelé les objectifs du budget demandé par le Président Biden tout en défendant un bilan économique positif des deux premières années de l’administration Biden. Sur les sujets budgétaires, les Républicains ont critiqué une hausse excessive des dépenses publiques, exigeant des coupes dans les dépenses, alors que les Démocrates ont salué un budget qui permettrait de réduire le déficit sur 10 ans. J. Yellen a appelé les élus à relever ou suspendre le plafond de dette sans condition et au plus vite, en mettant en garde contre « un effondrement économique et financier ».

S’agissant de la situation économique, J. Yellen a réaffirmé que la baisse de l’inflation demeurait la « priorité absolue » de l’administration Biden, qui vise à soutenir l’offre tout en limitant les hausses de coûts dans certains secteurs, notamment de l’énergie et de la santé. Les Républicains ont également critiqué l’augmentation du budget de 80 Md USD de l’Internal Revenue Service (IRS), administration fiscale chargée de la collecte et de recouvrement d’impôts et du contrôle fiscal. Enfin, interrogé sur le pilier 1 de l’accord de l’OCDE, la secrétaire au Trésor l’a défendu en affirmant que les entreprises américaines n’en pâtiraient pas et que la Chine n’en bénéficierait pas. Elle a esquivé des questions sur ses effets sur les finances publiques, indiquant qu’il était difficile d’estimer l’impact avec précision en raison des négociations toujours en cours.

Enfin, J. Yellen a indiqué que le système bancaire était sain en dépit de récents problèmes de liquidités rencontrés par certaines banques.

 

 

Services Financiers

 

Silicon Valley Bank et Signature Bank font faillite, perturbant fortement les marchés financiers

La banque régionale Silicon Valley Bank (SVB) a été fermée par le régulateur californien le 10 mars. SVB était une banque spécialisée dans les prêts et la gestion de trésorerie pour les start‑ups dans le secteur des nouvelles technologies, qui comptait 210 Md USD d’actifs et 175 Md USD de dépôts fin 2022. Le 8 mars, SVB a annoncé publiquement avoir enregistré 1,8 Md USD de pertes liées à la cession d’actifs obligataires en moins-values, et chercher à lever du capital supplémentaire afin de les compenser, suscitant un mouvement de fuite des dépôts et de chute de son action les 9 et 10 mars, qui s’est achevé par la fermeture de la banque par le régulateur californien.

Dans le sillage de SVB, de nombreuses banques américaines, plus particulièrement les banques régionales ou présentant un modèle d’affaires proche, ont vu leur action décrocher. Le 9 mars, l'indice KBW Bank, qui suit 24 grandes banques américaines, a chuté de 7,7 %, sa plus forte baisse quotidienne depuis près de trois ans.

Signature Bank (110 Md USD d’actifs au 31 décembre 2022) a été fermée par le régulateur new-yorkais le 12 mars. La banque, qui présentait aussi une clientèle de professionnels, avec une forte exposition à l’immobilier commercial et au secteur des crypto-actifs, a subi un mouvement de retraits massifs dans le sillage de la faillite de SVB.

 

Les régulateurs et la Fed déploient des mesures exceptionnelles pour rassurer les marchés et les déposants

Les régulateurs américains (Trésor, FDIC, Fed) ont annoncé le déploiement d’un mécanisme dérogatoire pour garantir l’ensemble des dépôts de SVB et Signature. 96% des dépôts de SVB et 90% des dépôts de Signature n’étaient pas couverts par la garantie fédérale des dépôts, celle-ci étant plafonnée à 250 000 USD par compte. Les autorités américaines ont activé l’exemption pour risque systémique permettant au fonds fédéral de garantie des dépôts (FDIC) de protéger tous les dépôts sans plafond chez SVB et Signature. Une contribution exceptionnelle levée sur les banques doit couvrir le manque à gagner pour le fonds de garantie.

Simultanément, la Fed a annoncé la mise en place d’un outil nouveau dénommé Bank Term Funding Program afin de soutenir la liquidité des banques. Cette facilité offre des prêts jusqu’à un an aux établissements bancaires, en contrepartie du dépôt en collatéral de bons du Trésor, titres de dette ou titres hypothécaires garantis par une agence publique. Exceptionnellement et contrairement à la pratique en matière de gestion du collatéral, ces titres seront acceptés à leur valeur nominale et non à la valeur de marché et ne subiront pas de décote. Cette facilité de prêts bénéficie d’une garantie publique du Treasury à hauteur de 25 Md USD.

 

Les réactions politiques se concentrent sur la recherche d’éventuelles défaillances et des implications pour le modèle prudentiel bancaire

La Fed a annoncé le 13 mars le lancement d’une enquête interne concernant la supervision de SVB, avec une publication des résultats prévue pour le 1er mai. Les sénateurs Elizabeth Warren (D – Massachussetts) et Richard Blumenthal (D – Connecticut) ont adressé une lettre au Ministre de la Justice, Merrick Garland et au Président de la SEC (Securities and Exchange Commission, régulateur des marchés financiers), Gary Gensler, afin de demander la mise en place d’une enquête sur la responsabilité des dirigeants de SVB.

Plusieurs élus républicains ont mis en cause la responsabilité des régulateurs financiers et de l’administration démocrate. Le camp républicain apparaît par ailleurs divisé dans son traitement des outils d’intervention exceptionnels mis en œuvre : si le Président de la Chambre, Kevin McCarthy a paru soutenir l’action de la Fed et du Trésor, l’ancien Président Donald Trump ou la candidate à la présidentielle Nikki Haley ont critiqué un « bail out » (sauvetage) des banques, au détriment des contribuables américains.

La faillite de SVB s’inscrit dans un contexte plus large de débats sur la régulation bancaire, alors que la Fed conduit actuellement une « revue holistique » des exigences de fonds propres des banques. Le 15 mars, un groupe de 50 élus démocrates du Congrès, emmenés par la sénatrice Elizabeth Warren (D – Massachussetts) et la représentante Katie Porter (D – Californie) ont déposé une proposition de loi qui viserait à restaurer certaines réglementations prudentielles bancaires qui ont été allégées par l’administration Trump en 2018 pour les banques dont l’actif est inférieur à 250 Md USD. Cet allégement est cité parmi les causes de la faillite de SVB par les auteurs de la proposition. Par ailleurs, le chef de la majorité au Sénat, Chuck Schumer (D – New York) a souhaité que les travaux législatifs sur la correction d’éventuelles défaillances de la supervision bancaire s’inscrivent dans une logique bipartisane, alors que les républicains s’opposent déjà à la proposition d’Elizabeth Warren.

 

11 grandes banques annoncent renforcer les dépôts de First Republic Bank à hauteur de 30 Md USD

Le 16 mars, 11 grandes banques américaines ont annoncé une opération conjointe de dépôt de près de 30 Md USD auprès de First Republic Bank (195 Md USD d’actifs), afin de soutenir la banque régionale : Bank of America, Citigroup, JPMorgan et Wells Fargo ont chacune déposé 5 Md USD ; Goldman Sachs et Morgan Stanley ont déposé 2,5 Md USD ; BNY Mellon, PNC Bank, State Street, Truist et U.S. Bank ont déposé 1 Md USD. Les régulateurs américains (Trésor, FDIC, Fed) ont salué cette décision, qu’ils estiment être une démonstration de la résilience du système bancaire. First Republic Bank avait vu son cours fortement sanctionné en bourse cette semaine sur fonds d’inquiétude quant à une éventuelle fuite de dépôts. Le 15 mars, S&P avait dégradé sa notation de crédit (de A- à BB+).

 

Les banques ont massivement tiré sur les facilités de refinancement de la Fed

La Fed a publié le 16 mars le détail de son bilan, permettant d’identifier les tirages des banques sur ses principaux dispositifs de refinancement.

Le nouveau programme Bank Term Funding Program (BFTP), mis en place par la Fed le 12 mars dans le cadre de la gestion de la faillite de SVB et de Signature Bank, a donné lieu à 12 Md USD de tirages de la part des banques entre le 13 mars et le 15 mars. Ce dispositif permet aux banques d’emprunter des sommes auprès de la Fed, pour une durée d’un an et contre le dépôt d’un collatéral (obligation souveraine américaine ou garantie par une administration fédérale) valorisé au pair.

Par ailleurs, les tirages des banques auprès de la discount window, mécanisme de refinancement auprès de la Fed préexistant (prêts à 90 jours, collatéral en valeur de marché), ont fortement progressé la semaine dernière, pour atteindre 153 Md USD d’encours au 15 mars (contre 5 Md USD au 8 mars). Les banques semblent ainsi avoir privilégié le dispositif préexistant, qui était disponible avant le 13 mars.

Enfin, la ligne des « autres dispositifs de crédit » (other credit extensions), qui inclut essentiellement les prêts consentis aux établissements relais (bridge banks) mis en place par la FDIC pour la gestion des faillites bancaires, a fait l’objet de 143 Md USD de tirages sur la semaine, portant ainsi le total des tirages auprès de la Fed à prêt de 300 Md USD.

 

La SEC propose plusieurs règles de cybersécurité pour les institutions financières

La Securities and Exchange Commission (SEC), autorité des marchés financiers, a publié le 15 mars trois propositions de règles visant à renforcer les exigences applicables aux institutions financières en matière de cybersécurité.

La première imposerait aux broker-dealers (courtiers et institutions financières opérant pour compte propre) et aux gestionnaires d’actifs d’informer leurs clients dont les données personnelles auraient fait l’objet d’une fuite ou d’un vol de données. La règle renforcerait également les modalités de protection de ces données.

Deux autres propositions de règles, portant sur la protection cyber des institutions, ont été adoptées. L’une imposerait à de nombreuses institutions financières (broker-dealers, bourses, chambres de compensation, etc.) de formaliser davantage leurs politiques de gestion des risques cyber et de mettre en place une revue au moins annuelle de ces politiques. L’autre vise à renforcer la résilience des infrastructures essentielles de marché, en imposant des exigences de cybersécurité à un champ plus large d’institutions (chambres de compensation, plateformes de négociation de swaps sur titres financiers, etc.) et en complétant les exigences applicables aux institutions concernées, qui devront notamment renforcer leurs dispositifs anti-intrusion et la supervision de leurs prestataires de cloud.

Les propositions de règle sont soumises à consultation pour 60 jours.

 

 

Situation des marchés

 

Sur la semaine écoulée (vendredi à jeudi), l’indice S&P 500 a progressé de +1,2 %, à 3 960 points. Les marchés ont toutefois affiché une forte volatilité sur la semaine écoulée, imputable notamment aux difficultés du secteur bancaire : l’indice KBW Bank, qui suit 24 grandes banques américaines, a baissé de -16 % au total entre le 9 et le 16 mars.

Plusieurs banques régionales américaines ont de nouveau été sanctionnées en bourse les 15 et 16 mars en début de journée, notamment First Republic, PacificWest et Western Alliance, sur fond de crainte de retraits massifs des dépôts au profit de plus grandes banques jugées plus robustes et vers des fonds monétaire « government » et des obligations souveraines (Treasuries) qui offrent en outre des rendements attractifs.

Les obligations d’État souveraines à 2 ans et 10 ans ont nettement reculé sur 5 jours, à 4,2 % (‑0,7 point) et à 3,6 % (-0,3 point). Cette baisse s’explique par la hausse de l’aversion au risque induisant un phénomène « flight to quality » ainsi que la révision de la trajectoire de taux futurs. En effet, les marchés anticipent désormais un taux fed funds terminal plus bas. La volatilité implicite sur le marché des Treasuries (MOVE Index) a atteint le 16 mars près de 200, son plus haut niveau depuis fin 2008, avant de reculer à 168.

 

 

Brèves

 

-La Fed a annoncé le 15 mars que son service FedNow serait lancé en juillet 2023, et qu’elle commencerait à enregistrer les futurs participants du réseau à partir d’avril. Le projet FedNow vise à moderniser le système de paiement interbancaire de la Fed, en offrant notamment un fonctionnement permanent (24/7 sur 365 jours) et un règlement quasi-immédiat (au lieu de 2 à 3 jours actuellement).