L’UE et l’Inde négocient actuellement trois accords en parallèle : un accord commercial (ALE) pour relancer la négociation de l’accord commercial suspendue en 2013, un accord sur la protection des investissements (API) et un accord sur la protection des indications géographiques (IG). Il a également été décidé de résoudre en parallèle six irritants dans l’accès au marché indien. A l’issue des trois premières sessions de négociation, la Commission constate que le processus demeure très lent, notamment sur l’ALE et sur l’API, même si les avancées sur le volet IG sont plus significatives. L’échéance envisagée par la partie indienne qui affiche la volonté de conclure la négociation sur les trois volets d’ici à la fin 2023, est jugée irréaliste par la Commission.

Des ambitions divergentes et un processus de négociation très lent

A l’issue des trois premières sessions de négociation (juin, octobre et décembre 2022), la Commission a constaté un fort décalage du côté indien entre le niveau politique affichant la volonté de conclure la négociation sur les trois volets d’ici à la fin 2023, avant les prochaines élections générales en Inde prévues en 2024, et l’équipe de négociation qui campe sur des positions proches de celle de 2013.

Les négociations s’inscrivent dans le constat d’un écart significatif dans les ambitions des parties et dans un processus de négociation très lent en raison de difficultés d’ordre méthodologique et d’un processus décisionnel indien très vertical. Enfin, à l’inverse de la Commission Européenne, l’Inde n’a pas une grande expérience des négociations commerciales bilatérales et manque clairement de ressources humaines dans ce domaine.

Dans le respect du mandat confié par les Etats membre, la Commission vise la conclusion d’un accord complet et ambitieux, conforme aux orientations de la politique commerciale européenne. L’UE souhaite notamment obtenir la levée des nombreuses barrières tarifaires et non-tarifaires au commerce (SPS) et l’accès aux marchés publics indiens, mais également engager l’Inde dans le respect des règles du commerce international et des principes du développement durable.

Elle exclut par conséquent tout scénario dans lequel la négociation déboucherait sur un accord dit de « récolte précoce » (« early harvest »), qui a la préférence de l’Inde, qui porterait essentiellement sur un démantèlement tarifaire sur quelques lignes favorables aux intérêts indiens et quelques sujets réglementaires, comme première étape avant la négociation d’un ALE plus complet.

Par ailleurs, l’Inde fait jouer son statut de pays en développement pour réclamer des concessions déséquilibrées à son profit, et prétexte que si l’UE est plus ouverte en termes de tarifs douaniers, l’Inde a un accès limité au marché européen en raison de barrières non tarifaires élevées, incluant des normes de haute qualité et le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières.

Un état des lieux des avancées sur l’ALE, l’API et les IG à l’issue de la troisième session

Les positions de départ sont trop éloignées pour que des avancées significatives puissent être envisagées rapidement dans la négociation de l’ALE. En ce qui concerne le Trade and Sustainable Development (TSD), l’UE considère que le seul texte conforme au mandat est celui présenté par la Commission, ce qui n’est pas l’avis de la partie indienne.

La partie indienne reste ferme sur la durabilité des systèmes alimentaires (SFS), et souhaite conserver des accords de principe sur la durabilité mais sans s’engager plus avant.

Sur les enjeux sanitaires et phytosanitaires (SPS), les discussions ont principalement porté sur l’articulation des chapitres TBT et SPS, la définition des autorités compétentes et l’identification des points de contacts, et le traitement harmonisé des régions présentant les mêmes statuts sanitaires.

Les propositions de départ des deux parties sur l’accord de la protection des investissements sont très divergentes, notamment sur le champ d’application du mécanisme de règlement des différends. L’Inde souhaite en limiter la portée le plus possible en excluant (i) les mesures prises par les états fédérés et les municipalités, (ii) les mesures à caractère fiscal et toutes les mesures liées aux investissements s’y rattachant, (iii) les autorités responsables des marchés publics et (iv) les filiales enregistrées en Inde.

Sur le chapitre sur les indications géographiques, l’ambition de l’UE porte sur la reconnaissance pleine et entière des IG de chaque partie dans le cadre de l’accord sans passer par les procédures domestiques. Du côté indien, il s’agit principalement de la possibilité d’utiliser le logo des IG européennes comme outil marketing pour les IG indiennes et celle de reconnaitre en Europe, les IG pour les produits artisanaux et manufacturés.

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Les divergences entre les propositions européennes et indiennes sont très importantes et le déséquilibre entre un niveau politique indien qui affiche son ouverture et des négociateurs ancrés sur les positions de 2013 ne permet pas de pronostiquer des progrès rapides et notables. L’Inde semble vouloir profiter de l’élan politique donné à la reprise des négociations pour obtenir un accès au marché européen sans réelle réciprocité.