Au sortir de la pandémie, l’aviation commerciale indienne a retrouvé une croissance dynamique soutenue par des politiques publiques ambitieuses. Ce nouvel essor devra cependant prendre en compte certains facteurs pénalisants tels que la hausse du prix des carburants ou la pénurie de personnels qualifiés, afin de retrouver rapidement son équilibre tout en maintenant l’indispensable niveau de sécurité aérienne des opérations.

La privatisation d’Air India et la réorganisation en cours du ciel indien, avec l’arrivée de plusieurs acteurs et des commandes massives d’aéronefs soutiennent la pénétration par les entreprises françaises, qui investissent déjà dans le pays.

Un potentiel considérable encouragé par des politiques publiques ambitieuses

Avec 185 millions de passagers transportés en 2019 (80% en domestique et 20% à l’international) et 640 millions prévus en 2041, l’Inde est devenue le 3ème marché mondial derrière les Etats-Unis et la Chine. La croissance annuelle prévue pour ce secteur dans les deux prochaines décennies est supérieure à 6%, soit le double de la croissance mondiale estimée. Alors que la flotte indienne comprend aujourd’hui 700 appareils moyen-courriers et 40 long-courriers, le potentiel d’équipement est estimé à 2000 nouveaux appareils en service à horizon de vingt ans.

L’Inde met en œuvre depuis 2016 un ambitieux plan d'amélioration de la connectivité régionale qui se décline à travers le développement et la modernisation des aéroports domestiques et l’ouverture de liaisons aériennes subventionnées desservant les régions enclavées. 

L’essor du trafic devra cependant composer avec des facteurs de risque:

La maîtrise de la rentabilité pour les compagnies dans un contexte de forte concurrence, de prix encadrés, de renchérissement des coûts d’exploitation (le prix du carburant a augmenté de 60% en 18 mois), et de volatilité du taux de change ;

Des besoins massifs en personnels qualifiés, en particulier les pilotes (10 000 devront être formés dans les cinq prochaines années), mais également les personnels navigants, les mécaniciens et les contrôleurs aériens ;

La saturation des aéroports principaux qui accroît le risque de sécurité aéronautique,

A horizon 2050, la réduction de l’empreinte carbone du secteur, qui n’est pas encore une priorité des politiques publique. 

Des industriels français très présents en Inde 

L’aéronautique représente une part essentielle des exportations françaises vers l’Inde (44% en 2022), portée principalement par Airbus et Safran mais aussi Thales ou Dassault Aviation ainsi que des fournisseurs de second rang.

Airbus équipe environ 75% de la flotte domestique indienne (Indigo, AI-Vistara). Le groupe qui dispose déjà d’un centre de traitement de l’information et d’ingénierie à Bangalore construit un nouveau centre de simulation à Delhi et, en coopération avec le groupe Tata, un site d’assemblage de l’aéronef de transport militaire C295. Par ailleurs, le groupe développe des partenariats avec les industriels indiens du secteur (Tata Advanced Systems Ltd. et Mahindra Aerospace).

Les moteurs LEAP de SAFRAN équipent environ 80% des avions de la flotte domestique indienne. Disposant de centres d’ingénierie à Bangalore, d’un centre de formation à Hyderabad et d’un service de support informatique à Mumbai, Safran développe également des implantations industrielles à Hyderabad, pour l’assemblage de harnais électriques (SAP), la production de pièces pour les moteurs civils (SAE), et d’un centre de maintenance de moteurs (MRO) qui sera opérationnel en 2025.

L'avenir 

Les commandes récentes (210 A320/321neo et 40 A350 pour Air India) et à venir (jusqu’à 500 moyen-courriers envisagés pour IndiGo) contribueront au renforcement de la présence aéronautique française en Inde, dans la maintenance, la formation initiale des pilotes et des techniciens, mais également dans la production industrielle.

En effet, dans le cadre de la politique du « make in India » les autorités indiennes imposent, de manière croissante, la constitution de co-entreprises avec des partenaires indiens, la localisation de productions industrielles en Inde et des transferts de technologies. Ces exigences représentent une contrainte pour les industriels qui en contestent parfois le bien-fondé économique, mais elles offrent également des opportunités de renforcement de l’écosystème industriel aéronautique français dans le pays.

Dans cette perspective, les services de l’Etat en Inde soutiennent la formation d’un cluster aéronautique français à Hyderabad, pour donner plus de visibilité aux investissements industriels et développer un bassin d’emploi, et participent financièrement au projet de développement d’un démonstrateur de production de carburant durable (SAF) sur la plateforme aéroportuaire d’Hyderabad afin d’anticiper la décarbonation du secteur quand elle sera imposée par les autorités indiennes.

Par ailleurs, au cours des sept dernières années l’Inde a construit 66 aéroports pour atteindre aujourd’hui le nombre de 146 plateformes en service. Le pays vise d’en exploiter 200 en 2040.

L’autorité aéroportuaire (AAI) va lancer prochainement une nouvelle offre de mise en concession pour 50 ans de treize aéroports. ADP pourrait y participer tout comme les groupes Vinci Aéroport, Egis Aéroport.