Actualités économiques du Nigéria et du Ghana - semaine 9 du 27 février au 5 mars 2023
Publication du Service économique régional d’Abuja, réalisée avec les contributions des SE de Lagos et d’Accra.
Faits saillants:
- Nigéria : Un défi de 13 Md USD attend le président élu Bola Tinubu ; Le GAFI inscrit le Nigéria sur sa « liste grise » ; Le volume de monnaie en circulation au Nigéria a baissé de plus de moitié en trois mois ; Seuls 24 % des crédits octroyés par la CBN au titre du programme ABP ont été remboursés.
- Ghana : Le Ghana demande à la Chine une solution de restructuration de dette qui soit « exemplaire » ; L'industrie du cacao serait menacée par les mineurs d’or illégaux.
Le chiffre à retenir:
156 M : C’est le nombre de connexions internet actives au Nigéria en janvier 2023 (+1,2 M en un mois).
Nigéria
Un défi de 13 Md USD attend le président élu Bola Tinubu
La capacité du futur gouvernement à faire face à aux problèmes économiques nigérians pourrait être en grande partie déterminée par le maintien ou non de la subvention à l'essence, d’après les analystes de Bloomberg. Son coût pourrait atteindre 6 000 Md NGN (12 Md EUR) en 2023, soit environ deux tiers des recettes estimées de la production de pétrole et de gaz. Pour les investisseurs étrangers, les multiples taux de change du Nigeria et les mesures prises par la banque centrale pour rationner les dollars sont également très dissuasifs. Dans ce cadre, les priorités affichées du président élu Bola Tinubu sont la réforme des subventions aux carburants et la libéralisation du marché des changes – des moyens dont la mise en œuvre pourrait toutefois s’avérer coûteuse au plan politique. Le président élu Tinubu s'est dès lors engagé à utiliser l'argent des subventions pour financer des programmes de santé et d'éducation, des projets d'infrastructure et la protection sociale. Bola Tinubu a également promis « de revoir attentivement et de mieux optimiser » le système national de taux de change multiples. A ce propos, les engagements de campagne du président élu consistent notamment à veiller à ce que son administration limite l'exposition du pays à la dette en devises étrangères. Il prévoit ainsi de contracter des emprunts hors naira uniquement pour des projets qui « génèrent des flux de trésorerie à partir desquels la dette puisse être remboursée ». L'ancien gouverneur de l’Etat de Lagos, centre économique du Nigeria, prévoit enfin d'inverser le déclin de la production pétrolière. Il s'est fixé l'objectif ambitieux d'augmenter la production de plus de 70 % d'ici 2027.
Le GAFI inscrit le Nigéria sur sa « liste grise » en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme
Le Nigeria a été placé sur la « liste grise » du GAFI (Groupe d'action financière sur le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme), qui désigne les pays présentant des lacunes en matière de lutte contre les flux financiers illicites. Cette décision pourrait augmenter les coûts pour les banques et les gestionnaires d'actifs, ce qui pourrait entraîner des répercussions sur la croissance économique du pays. L'avertissement du GAFI, dont le Secrétariat est à Paris, intervient au milieu d'une phase financière difficile pour le Nigéria. L'inscription sur la liste grise, qui précède l'inscription sur la liste noire, signifie qu'un pays fait l'objet d'une surveillance accrue de la part du GAFI. Les pays inscrits – dont l’Afrique du Sud par cette même occasion – sont en effet incités à faire davantage pour s'attaquer aux problèmes sous-jacents du crime organisé, du financement illicite, du commerce de la contrefaçon et de l'évasion fiscale. Les entrées de portefeuille et d'investissements généraux pourraient ainsi diminuer, rendant plus difficile l'obtention de prêts ou d'investissements. La liste des juridictions soumises à une surveillance renforcée – dénomination officielle de la « liste grise » – comprend, outre le Nigéria, des pays et territoires aussi divers que Gibraltar (Royaume-Uni), le Panama ou les Emirats Arabes Unis.
Le volume de monnaie en circulation au Nigéria a baissé de plus de moitié en trois mois
Selon la Banque centrale du Nigéria (CBN), le volume total de monnaie en circulation dans le pays était de 1 380 Md NGN (2,82 Md EUR) en janvier. Par rapport au volume disponible en octobre 2022 (3 290 Md NGN soit 6,7 Md EUR), cela représente une baisse de 58 % en trois mois – cette période correspond à celle de l’annonce suivie du remplacement des billets de banque de 1 000, 500 et 200 NGN par le gouverneur de la CBN Godwin Emefiele. Selon ce dernier, ces changements ont été opérés afin de réduire les trafics et le blanchiment d’argent, et de mieux maîtriser la masse monétaire dans le pays, en amont des élections. Ils ont toutefois eu des conséquences significatives pour la population et les commerces, en particulier informels, qui constituent la majorité du tissu économique du pays. Si la réforme a bien permis aux autorités d’effectivement mieux contrôler le volume de monnaie fiduciaire en circulation, il est encore trop tôt pour juger de ses effets économiques : certains avancent qu’elle aurait contribué à renforcer l’inflation (comme en témoigne la vente des nouveaux billets au-dessus de leur valeur faciale) et ralentir les flux économiques (en raison des difficultés de règlement des fournisseurs et des moyens de transport). Les autorités espèrent que ces inconvénients seront à termes compensés par un recours accru aux transactions électroniques (Mobile Money, transferts bancaires), dont le potentiel est toutefois limité par la fragilité des infrastructures numériques de certaines banques commerciales.
Seuls 24 % des crédits octroyés par la CBN au titre du programme ABP pour le secteur agricole ont été remboursés
Selon la dernière consultation du FMI pour le Nigéria au titre de l’article IV, seuls 24 % des crédits accordés par la Banque centrale du Nigéria (CBN) via le Anchor Borrower’s Programme (ABP) ont été remboursés. Ce programme de la CBN a été lancé par le Président Buhari en 2015 afin de financer la montée en gamme de la production agro-alimentaire et agro-industrielle, via des prêts aux agriculteurs. Il permet aux agriculteurs de rembourser leurs emprunts en liquide ou en nature, par l’envoi de l’équivalent de leur emprunt en production agricole. Il concerne notamment des producteurs de riz, maïs, farine, coton, sucre de canne, ainsi que des éleveurs, pour un total de 23 types de productions. Le faible taux de remboursement constaté est problématique compte tenu de l’importance accordée à cette politique au moment de son lancement, même si le volume de crédit alloué diminue depuis 2021. Le FMI a également souligné le faible effet de ce programme sur la production agricole, probablement en raison de la difficulté pour la CBN de mieux cibler les récipiendaires. Selon le Président Buhari, début 2022, le programme avait alors bénéficié à plus de 4,8 millions d’agriculteurs et éleveurs dans le pays. Il n’a toutefois pas permis de produire suffisamment pour répondre aux besoins locaux en produits alimentaires de base, ni permis au Nigéria d’exporter sa production et répondre ainsi à ses besoins en devises. Il est toutefois notable que le programme ABP avait eu des effets encourageants les premières années, avec une augmentation de 15 % de la production de riz par exemple entre 2015 et 2016.
Ghana
Le Ghana demande à la Chine une solution de restructuration de dette qui soit « exemplaire »
L’achèvement d’une mission de 3 jours confiée à une délégation chinoise en déplacement à Accra marque une avancée significative dans les négociations amorcées par le gouvernement ghanéen pour la restructuration de sa dette publique. Les échanges, qualifiés de fructueux et cordiaux par le Ministère des Finances ghanéen Ken Ofori-Atta, ont permis d’aborder les modalités techniques et les paramètres de la restructuration des 1,9 Md USD de dettes détenus par la Chine. Par ailleurs, le gouvernement ghanéen a formulé un certain nombre de demandes auprès de son premier créditeur, comme la prolongation du moratoire sur le service de la dette, une extension des maturités, ainsi qu’un abaissement des taux d’intérêts. Ces premiers échanges devraient constituer un socle solide pour permettre aux gouvernements ghanéen et chinois de trouver un accord bilatéral lors de leur prochaine rencontre, prévue en Chine fin mars.
L'industrie du cacao serait menacée des mineurs d’or illégaux
L’industrie du cacao ghanéenne est menacée par l’exploitation illégale de mines d’or, mettant en péril le fonctionnement des fermes de cacao prises d’assaut, ainsi que le programme de réhabilitation des fermes lancé en septembre 2020 par l’Office ghanéen du cacao (COCOBOD). Initialement mis en œuvre au Nord-Ouest du Ghana, celui-ci avait été étendu à toutes les régions du pays, afin de lutter contre la diffusion du virus « swollen shoot » touchant les plantations de cacao. A ce jour, plus de 35 hectares de terrain ont été repris par les orpailleurs illégaux, par une cessation contrainte ou par le moyen d’une vente, notamment dans l’Ouest du pays. Cela représente une perte d’environ 4,8 Md de GHS (355,2 M EUR) d’investissements du programme lancé par le COCOBOD.