La zone AEOI bénéficie de nombreuses façades maritimes et lacustres qui offrent une diversité d’espèces de poissons, mollusques, crustacés et plantes aquatiques. Néanmoins, le potentiel de la pêche et de l’aquaculture (continentales et marines) reste encore sous-exploité avec des productions halieutiques ne représentant que 22% de la production en Afrique subsaharienne.  La consommation de poissons reste également plutôt faible, notamment dans la Corne de l’Afrique, et la moitié des pays de la zone seulement sont autosuffisants en produits halieutiques, avec une dépendance aux importations qui reste toutefois stable depuis une vingtaine d’années. Malgré ce potentiel de développement, les secteurs de la pêche et de l’aquaculture en AEOI doivent faire face à de nombreux enjeux : : manque d’infrastructures et de financements, épuisement des ressources à proximité des littoraux, pêche INN, ou encore pollution des eaux marines et continentales, avec un lac Tanganyika nommé en 2017 « Lac le plus menacé de l’année ».

Une région dotée d’un grand linéaire de façades maritimes et lacustres

10 des 15 pays de la région d’AEOI ont une façade maritime tandis que quatre autres bénéficient de masses d’eau importantes sur leur territoire. Les pays de l’Océan Indien bénéficient de zones de pêche importantes, notamment les Seychelles qui possèdent la plus grande ZEE de l’AEOI estimée à 1,34 millions de km2, suivie de la ZEE mauricienne qui s’étend sur 1,28 millions de km2. Les pays de la Corne de l’Afrique et notamment l’Erythrée et la Somalie ont également des ZEE et un linéaire côtier important, la Somalie possède par exemple le deuxième linéaire le plus long d’AEOI après Madagascar et le plus long d’Afrique continentale. Les pays enclavés ne sont pas lésés puisqu’ils se situent dans la région des Grands Lacs et bénéficient d’étendues d’eau douce importantes, notamment la Tanzanie et l’Ouganda grâce au lac Victoria. Ces deux pays ont effectivement les deux plus grandes surfaces d’eaux continentales d’AEOI (61 500 km2 pour la Tanzanie – plus grand que la Région Grand Est, et 41 030 km2 pour l’Ouganda), respectivement les 2ème et 3ème plus grandes surfaces d’eaux continentales d’Afrique, derrière la RDC.

On note toutefois quelques contentieux au niveau des ZEE, notamment dans la Corne de l’Afrique entre le Soudan et l’Egypte,  entre Djibouti et l’Erythrée ou entre le Kenya et la Somalie. D’autres zones sont revendiquées dans l’Océan Indien par certains pays(Madagascar pour les Iles Eparses, Maurice pour l’Ile Tromelin, et l’archipel des Comores).

La pêche domine encore largement l’aquaculture

Une production halieutique en hausse de + 81 % en 20 ans. La production halieutique en AEOI augmente de manière relativement constante depuis les années 1950. La pêche continentale est toutefois le secteur qui connaît la croissance la plus rapide : la production a explosé de 1700% entre 1950 et 2020. L’aquaculture se fait quant à elle une place depuis les années 1990. La mariculture connaît toutefois un développement plus précoce tandis que l’aquaculture continentale commence sa croissance en 2006.

Une production issue de la pêche assez diversifiée, tandis que l’aquaculture est dominée par deux espèces. Les captures sont principalement issues de la pêche continentale : 1 198 407 T en moyenne annuelle entre 2018 et 2020, là où la pêche marine apporte 466 000 T par an. L’écart entre aquaculture marine et continentale est moins marqué : les productions annuelles sont respectivement de 162 000 T et 115 000 T. Les espèces capturées sont plutôt variées, bien que le Silver cyprinid et la Perche du Nil représentent respectivement 18% et 13% des captures. L’aquaculture est dominée par trois espèces : le Tilapia du Nil (43% de la production), l’algue rouge Spiny eucheuma (36%) et le Poisson-chat nord-africain (15%).

22% de la production halieutique d’Afrique subsaharienne. La production est dominée de loin par l’Ouganda et la Tanzanie, qui représentent respectivement 7,40% et 6,75% de la production halieutique en Afrique de l’Est. La Tanzanie est le champion d’Afrique Subsaharienne pour la production d’algues puisqu’elle représente 83% des plantes aquatiques produites (notamment grâce aux îles de Zanzibar). L’Afrique de l’Est constitue cependant une part relativement faible dans les productions aquatiques d’Afrique Subsaharienne.

Une consommation faible et en baisse et une dépendance hétérogène aux importations

Une consommation faible et en baisse de poissons et autres produits halieutiques. La consommation moyenne de produits halieutiques en AEOI était de 10,7 kg/pers/an en 2022, en baisse de 21% par rapport à 2010. Notons que ce chiffre est réhaussé par les Seychelles et Maurice, seuls pays de la zone à avoir une consommation supérieure à la moyenne mondiale. L’apport protéique issu des produits aquatiques représente une faible part dans l’apport protéique total : aux alentours de 8% pour Maurice, Ouganda et Comores, moins de 3% pour les autres pays de la zone, là où la moyenne mondiale est à 7%. Cette part connaît parfois des valeurs extrêmes, comme en Ethiopie où la contribution des poissons, mollusques, crustacés à l’apport protéique n’est que de 0,24%. Les produits consommés sont en majorité des poissons marins, les crustacés ou mollusques représentent une faible part des apports, tandis qu’aucune consommation de plantes aquatiques n’est enregistrée. En Ouganda néanmoins, la part de protéines issues de la pêche et de l’aquaculture représente plus de 36% des protéines d’origine animale consommées.

Une dépendance aux importations qui reste stable depuis la fin des années 2000. Avec une production en hausse de +4,5% par an en moyenne, le niveau d’importation reste stable et stagne autour de 300 000 T, avec un pic à 370 000 T en 2016. Seule la moitié des pays de la zone AEOI sont auto-suffisants en poissons, mollusques, crustacés : c’est le cas de l’Ethiopie, Madagascar, Seychelles, Soudan, Sud-Soudan, Ouganda et Tanzanie. Mis à part Djibouti, Maurice et le Rwanda qui ont des Self Sufficient Ratio (SSR) assez bas (respectivement 54%, 52%, 43%), le reste de l’AEOI a un niveau d’autosuffisance plutôt satisfaisant qui oscille autour de 80%. Certains pays ont toutefois un taux de dépendance aux importations (IDR) très élevés (Tableau 1) car ils importent des produits bruts pour les transformer ou les conditionner : c’est notamment le cas de Maurice et des Seychelle.

Des exportations relativement faibles et qui stagnent depuis 2016. Les pays de la zone AEOI exportent relativement peu, mis à part Maurice, les Seychelles et le Rwanda qui exportent respectivement 614%, 150% et 34% de leur production. Ces chiffres élevés sont toutefois en majorité des réexportations et non de l’export de denrées issues du pays. Les pays de la Corne de l’Afrique ont quant à eux des exportations quasi-nulles : 16 T pour Djibouti et 560 T pour l’Ethiopie, représentant respectivement 0,8% et 1% de leur production.

Des défis communs

Une pêche encore artisanale, un secteur de la transformation réduit et un déficit d’infrastructures, d’où des pertes post-récoltes fréquentes. Les pêcheurs sont principalement des pêcheurs artisanaux, disposant d’outils et techniques rudimentaires. Hormis en Océan Indien, les productions sont globalement peu destinées à l’export. Par ailleurs, en raison de l'insuffisance des infrastructures de conservation, les poissons sont souvent vendus directement après la récolte, sans valeur ajoutée et donc à des prix relativement faibles. La transformation de poissons est insuffisante et ce secteur fonctionne souvent en dessous de la capacité installée ou a une capacité de transformation assez faible : 100 T/jour pour la plus grosse usine au Kenya par exemple. La transformation et la réfrigération étant limitées, des pertes post-récoltes sont par conséquent souvent enregistrées. Deux exceptions dans le secteur de la transformation du poisson se dégagent notamment au sein de l’AEOI : c’est le cas de Maurice et des Seychelles spécialisés dans l’export de conserves de thon.

Les défis de la surpêche et de la pêche INN qui menacent les stocks de poissons. Les infrastructures de pêche étant peu développées, certaines zones sont surpêchées, les navires ne pouvant pas s’aventurer plus loin dans les eaux. Dans les eaux continentales, la pression sur les ressources aquatiques est également forte, les gouvernements sont parfois obligés de suspendre les pêches pendant plusieurs mois, notamment sur les lacs Kivu et Tanganyika. Cette surpêche est en partie due à la pêche INN qui a lieu aussi bien dans les eaux continentales qu’en mer, et que les gouvernements peinent à endiguer.

Une pollution qui menace les eaux intérieures : le lac Tanganyika élu lac le plus menacé en 2017. A la surpêche viennent effectivement s’ajouter des problématiques de pollution de l’eau, notamment dans les lacs Tanganyika et Victoria qui subissent bien souvent les effluents non traités des villes et villages alentours. La forte concentration en nutriments dans les eaux entraîne une réduction de la teneur en oxygène et une prolifération d’algues et de plantes invasives comme la jacinthe d’eau. La surpêche et la pollution ont valu au lac Tanganyika la triste dénomination « lac le plus menacé de l’année 2017 ».

Les intrants : un frein au développement de l’aquaculture qui pourrait toutefois être une solution pour la sécurité alimentaire. De nombreux pays de la zone ont identifié l’aquaculture comme secteur pouvant répondre en partie aux problématiques d’insécurité alimentaire. Son développement, hormis en Ouganda qui est le deuxième producteur en Afrique Subsaharienne, reste assez limité, notamment par les enjeux d’approvisionnement en intrants. Le secteur de l’alimentation animale est effectivement encore peu développé et l’approvisionnement en alevins reste délicat.

Les accords de pêche : un lien fort avec l’Union Européenne

Une relation forte entre l’UE et l’Océan Indien. L’Espagne et la France disposent des plus grandes flottes de pêches européennes dans l’Océan Indien. L’Union européenne possède trois accords de pêche en Océan Indien actuellement en vigueur : à Maurice, Madagascar et aux Seychelles. La pêche la plus pratiquée dans l'Océan Indien occidental est la pêche à la senne, dominée par les senneurs européens qui représentent environ deux tiers du total des captures. Trois espèces de thons sont ciblées en majorité : le Listao (Katsuwonus pelamis), l'Albacore (Thunnus albacares) et le Thon obèse (Thunnus obesus). La flotte de senneurs à senne coulissante de l'UE est constituée de grands navires, mesurant entre 60 et 90 mètres. En 2015, on comptait 30 navires actifs, dont 17 espagnols, 12 français et 1 italien. La flotte palangrière de l'UE dans la région est beaucoup moins importante dans sa catégorie que la flotte de senneurs à senne coulissante (représentant environ 10 % du total des captures palangrières dans la zone en 2007-2011), dans un secteur dominé par les flottes asiatiques. En 2015, la flotte palangrière française se composait de 20 navires, relativement petits.

L’Union européenne et la France : une forte présence dans l’Océan Indien. La France, qui a la deuxième plus grande ZEE au monde derrière les Etats-Unis, est le seul Etat membre de l’UE à être présent en AEOI. Sa ZEE s’étend sur 693 306 km2 dans la région grâce à la Réunion, Mayotte et aux Iles Europa, Bassas da India et Juan de Nova (Iles Eparses).

La Commission des Thons de l’Océan Indien (CTOI) : organe d’encadrement des pêches en OI. La CTOI est une ORGP (organisation régionale de gestion des pêches) et est en charge de la gestion durable de la pêche des thons et espèces apparentées en Océan Indien. Les espèces non couvertes par la CTOI sont gérées par une autre ORGP, l’Accord relatif aux pêches dans le sud de l’océan Indien (APSOI). Cet accord a pour principal objectif d’assurer la conservation et l’utilisation durable des espèces non thonières dans la zone. Les parties de cet accord sont les îles Cook, la Chine, la République de Corée, l’Australie, les Comores (partie non contractante), la France et ses territoires, le Japon, Maurice, les Seychelles, la Thaïlande et l’UE.

Une volonté d’encourager le développement de l’aquaculture mais des politiques publiques encore timides

L’aquaculture est identifiée comme une solution au renforcement de la sécurité alimentaire. Malgré une organisation du secteur à améliorer, l’aquaculture (continentale et marine) s’est développée ces dernières années et est aujourd’hui considérée comme une filière porteuse pour lutter contre l’insécurité alimentaire. Les programmes se développent dans la Communauté d’Afrique de l’Est, notamment au Kenya et au Burundi, mais ne sont pas encore priorisés dans la Corne de l’Afrique.

Une règlementation incomplète dans la Corne de l’Afrique et une difficulté à endiguer les pêches INN. Bien que le secteur de l’aquaculture-pêche se développe, la portée des programmes de développement reste très hétérogène au sein de la zone AEOI. La Corne de l’Afrique reste notamment plutôt en retard quant aux politiques de pêche : l’Erythrée, par exemple, ne possède pas de programme de planification, et peine à endiguer les problématiques de pêche INN, touchant notamment la Somalie. Cette menace est toutefois mieux maîtrisée sur les grands lacs, comme au Burundi et au Rwanda, où les gouvernements mènent des politiques drastiques envers les pêcheurs illégaux et confisquent régulièrement du matériel.