Toute l'actualité économique et financière hebdomadaire de l'Arabie Saoudite, du Bahrein, des Emirats arabes unis, du Koweit, d'Oman, du Qatar et du Yémen.

SERAD


Edito - POC 28

 

Sultan al Jaber, ministre de l'industrie et des technologies avancées des E.A.U. et CEO de l’entreprise pétrolière nationale ADNOC, a été nommé président de la COP-28.

Comme le signale l’agence de presse officielle émirienne, la nomination d'un grand patron (un technicien, un praticien !) à un tel poste est une première. Cette nouvelle, concernant un important capitaine d’industrie pétrolière, est toutefois diversement accueillie par de nombreuses parties prenantes (associations, élus, relayeurs d’opinions…), particulièrement engagées dans la lutte contre le changement climatique.

Enoncé dans les dernières brèves, l’objectif des Emirats est donc connu : convaincre qu'une puissance pétrolière peut être en même temps un champion de la transition énergétique et tirer d’une COP des résultats concrets. En d’autres mots, cette Conférence des Parties sera une proof of concept (POC).

Les Emirats assument cette position qui ne va pas de soi. D’un côté, le pays est le premier de la région à avoir ratifié l’accord de Paris et le premier à annoncer une stratégie visant la neutralité carbone d’ici 2050 à l’échelle nationale. D’un autre côté, le pays souhaite augmenter sa capacité de production pétrolière à 5 M/b par jour d’ici 2027 (contre environ 4 actuellement) et continue à émettre environ 22 tCO2 par habitant chaque année (un chiffre globalement constant depuis 15 ans, par comparaison les Etats-Unis sont à 15t et la France à 5t). La position émirienne, dont l’économie demeure dépendante au pétrole (1/2 des recettes publiques, 1/3 du PIB) est la suivante : capter de l’or noir le maximum de valeur à moyen terme tout en investissant massivement dans des énergies propres.

Concernant la transition énergétique, les autres membres du CCG poursuivent le même besoin de réformer, en raison de l’épuisement programmé, certes plus ou moins lointain selon les pays (+ de 90 ans pour le Koweït, - de 20 ans pour Oman), des ressources pétrolières. La région a globalement les moyens de faire face aux défis techniques et financiers de la transition : mais qu’en est-il de sa crédibilité ? C’est justement cette dernière qui se jouera en novembre prochain à Dubaï.

A moyen terme, le niveau de prix des hydrocarbures sera une des variables décisives à observer, en conditionnant la dynamique régionale de réforme. Des prix très élevés pourraient ainsi entrainer une fragmentation des dynamiques, avec une désincitation à réformer dans certains pays rentiers, alors que de faibles prix – en dessous du breakeven fiscal moyen des pays du CCG de 60-65 USD (sans Bahreïn) – pourraient paralyser les économies les plus fragiles tout en ralentissant le momentum d’investissement dans les états les plus locomotifs.

En cette période de janvier, il ne nous reste plus qu’à transmettre nos meilleurs vœux pour 2023. Souhaitons donc à la COP 28 une franche réussite et, tout aussi important dans la région dans le cadre des réformes de transition énergétique, des prix pétroliers stables et à un niveau adéquat : ni « trop haut », ni « trop bas ».

 

Graphique de la semaine - Des pays parmi les plus polluants du monde (2021)

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Source : Global Carbon Atlas 

 

Pétrole et gaz

Brent (cours au 13/01/2023 à 17h30 GST) :  84 USD 
Tendance haussière depuis une semaine

 

Les prix de l’or noir retrouvent des couleurs en cette deuxième semaine de 2023. Le Brent s’échange désormais, aujourd’hui 12 janvier 17h30 GST, à environ 84 USD le baril, contre 79 USD la semaine dernière.

Plusieurs éléments ont contribué à cette dynamique haussière. Du côté de la production, de nouvelles sanctions européennes sur le pétrole russe sont attendues début février. Portant cette fois-ci sur les produits pétroliers et non sur le brut, ces nouvelles restrictions alimentent les incertitudes autour de l’offre russe.

Du côté de la demande de pétrole, Pékin a envoyé des signaux positifs cette semaine en i) émettant de nombreux quotas d’importation pour ses raffineurs et ii) supprimant les exigences de quarantaine pour les voyageurs. Difficile toutefois d’analyser de suite l’impact sur les marchés pétroliers des récents chiffres du commerce chinois (pour le mois de décembre). Les importations chinoises ont certes baissé de 7,5% en décembre (en g.a) mais il s’agit ici d’une amélioration par rapport à novembre (-10,6%), ce qui fait espérer chez certains analystes une reprise de la demande domestique. Les exportations poursuivent toutefois une dynamique plus négative (-9,9% en décembre contre -8,7% en novembre, en g.a).

Plus marginalement, le bref échouement d’un cargo dans le stratégique Canal de Suez ainsi que la grande augmentation des stocks de brut américains ont pu également pousser les prix pétroliers à la hausse cette semaine. 2023 commence donc avec une certaine volatilité sur les marchés pétroliers, à l’image de 2022.

Concernant le gaz naturel, l’année 2022 s’est achevée après avoir été témoin de fortes perturbations sur les marchés mondiaux. Les prix du gaz ont ainsi atteint des sommets à la suite du conflit en Ukraine et le Golfe a profité de cette situation en se présentant, grâce au GNL, comme une alternative au gaz russe devenu persona non grata. Conscient de cette nouvelle donne et leader incontesté en la matière, le Qatar travaille actuellement à l’expansion de son champs Northfield afin d’augmenter à terme sa capacité de production de GNL de 77 à 126 Mt / an.

 

Brèves économiques

Région

Dubaï accueillera le MENA IPO Summit (promu conjointement par DFM et DWTC) du 23 au 25 janvier 2023. Parmi les sujets abordés : le processus d'IPOs, les opportunités et les défis liés au fait d'être coté, les politiques dites ESG (environnement, social, gouvernance). Le lieu n’a sûrement pas été choisi par hasard : trois des principales bourses de la région (ADX à Abu Dhabi, DFM à Dubaï et Tawadul à Riyad) ont été particulièrement dynamiques en 2022, à contrecourant de la tendance internationale. Parmi les explications : les stratégies gouvernementales de monétisation des actifs, la forte croissance économique, le différentiel d’inflation avec l’international… Concernant Dubaï, la ville a notamment été le témoin de plusieurs introductions en bourse importantes en 2022, dont DEWA (6 Md USD) et Salik (1 Md USD).

Magnitt, une plateforme de données autour des startups, a publié son rapport 2023 sur l’investissement de venture capital dans les régions Moyen-Orient, Afrique, Pakistan et Turquie. Concernant le montant total des transactions, les EAU (1,2 Md USD, -20% par rapport à 2021) et l’Arabie saoudite (1 Md USD – plus que les quatre dernières années additionnées) se classent respectivement à la 2e et 3e place du classement comprenant l’ensemble des pays des régions susmentionnées. Toujours selon le rapport, en termes de capitaux déployés en venture capital, les principaux investisseurs émiriens ont été Shorooq Parners ainsi que Mubadala Ventures et les principales transactions EMPG (200 M USD) et Pure Harvast Smart Farms (180 M USD). En Arabie saoudite, les principaux investisseurs ont été STV et Sanabil Investments et la principale transaction Foodics (170 M USD).

Investcorp, un important gestionnaire d'actifs basé à Bahreïn et dont le fonds souverain émirien Mubadala est actionnaire, devrait investir jusqu'à 1 Md USD dans le marché immobilier du CCG au cours des cinq prochaines années. La société bahreïnie a déjà investi dans un large entrepôt à Dammam (Arabie saoudite), un investissement qui fait partie de la stratégie plus globale d’Investcorp de cibler davantage le segment des grands entrepôts

Arabie saoudite

La croissance économique de l'Arabie saoudite en 2023 devrait être alimentée par l'expansion robuste du secteur non pétrolier et une activité pétrolière soutenue, selon un rapport publié par le cabinet de conseil Strategic Gears. Le solde budgétaire devrait afficher un excédent en 2023 et ce, pour la deuxième année consécutive après huit années de déficits budgétaires. Quant à la dette publique, elle devrait rester inférieure au plafond d'endettement de 50 %.

Avec des actifs d'une valeur de 607,42 milliards de dollars, le Fonds public d'investissement saoudien (PIF) a conservé la sixième place sur la liste des principaux fonds souverains dans le monde, selon les dernières données publiées par le Sovereign Wealth Fund Institute. Actuellement, le PIF possède plus de 54 entreprises dans 10 secteurs différents, a créé plus de 500 000 emplois directs et indirects et devrait être un des investisseurs souverains les plus actifs au monde d’ici 2030.

Les ports saoudiens ont connu une augmentation de 13 % en volume en 2022 (vrac « solides et liquides ») pour atteindre 237 millions de tonnes, contre 210 millions de tonnes en 2021. Par exemple, le nombre de voitures importées via les ports saoudiens a atteint 973 000, soit une augmentation de 25 % par rapport à 2021. Au total, les ports ont également reçu 933 000 passagers, soit une augmentation de 36 % par rapport à l’année précédente.

Le Fonds d'investissement public saoudien (PIF) et le fabricant chinois de modules solaires Longi ont signé un accord de développement conjoint pour la fabrication de produits solaires photovoltaïques (PV) et la fourniture de services connexes en Arabie saoudite. Cet accord s'inscrit dans le cadre de la stratégie 2021-25 du fonds souverain visant à "débloquer des secteurs, notamment les services publics et les énergies renouvelables", conformément à la Vision 2030 du pays. Longi fournira les modules nécessaires au producteur d'électricité indépendant (IPP) de 300 MW de Jeddah et 904 MW du projet solaire de 1 500 MW de Sudair.

Le Forum sur les minéraux du futur 2023 a lieu cette semaine en Arabie saoudite. Le rassemblement devrait avoir une portée mondiale, avec des délégués de plus de 60 pays (contre 38 représentés en 2022). Le sommet devrait aborder plusieurs sujets, notamment la durabilité, l'avenir de l'exploitation minière, la transition énergétique, la contribution des minéraux au développement des sociétés, la transformation numérique et les chaînes de valeur intégrées.

Bahreïn

De nouvelles mesures afin de lutter contre l'inflation au Bahreïn. Parmi les nouvelles mesures prévues : la suspension des taxes sur les terrains industriels pour les structures de stockage des aliments (pendant trois mois) et la suspension temporaire des approbations/taxes requises pour les supermarchés dans le cadre des campagnes promotionnelles. Bahreïn n’est pas le pays le plus affecté du CCG en termes d’inflation en 2022 mais le Royaume fait tout de même face à une hausse des prix, estimée à 3,5% sur l’année par le FMI lors de son WEO d’octobre. En novembre 2022, le gouvernement communiquait sur une inflation de 3,9% (par rapport à novembre 2021). La hausse des prix la plus importante figurait justement au sein du segment « alimentation et boissons non alcoolisées » (+12,7%), un poste de dépenses ciblé par les nouvelles mesures.

Emirats arabes unis

Le Dr Sultan Al Jaber a été nommé président de la COP28 (du 30 novembre au 12 décembre 2023 aux Emirats). Sultan Al Jaber est actuellement Ministre fédéral de l'industrie et des technologies avancées, PDG d’ADNOC, Président de Masdar (le géant émirien de l’énergie propre) et Envoyé spécial des EAU pour le climat. Comme énoncé par l’agence de presse officielle émirienne (ici) « Dr Al Jaber est le premier PDG à occuper le poste de président de la COP et en tant que PDG-fondateur de Masdar, il a supervisé son mandat visant à accélérer l'adoption des énergies renouvelables dans les EAU, dans la région et dans le monde. »

Les Emirats ont accordé un nouveau prêt de 1 Md USD pour le Pakistan, en plus de reconduire un prêt existant de 2 Md USD. Pour rappel, l'économie pakistanaise fait face à une crise importante étant donné les lourds dommages causés par les inondations de 2022 et la très fragile situation de sa balance extérieure (avec des réserves de change couvrant à peine un mois d'importations).

Annoncée en fin d'année dernière lors du conseil d’administration, la nouvelle filiale d'ADNOC dédiée au gaz, ADNOC Gas, a débuté ses activités le 1er janvier. Consolidant les activités de traitement du gaz et de GNL du groupe, cette entité exploitera huit sites de traitement du gaz et un important réseau de gazoducs pour libérer le potentiel des réserves gazières des EAU. Cette nouvelle entité sera prochainement introduite à la bourse d'Abu Dhabi. Parmi les autres annonces faites à la suite de ce même conseil d’administration : avancer de 2030 à 2027 l’objectif de capacité de 5 M de barils par jour et la création d’une direction verticale ciblant les solutions à faible émission de carbone et la croissance internationale.

Les fonds souverains des Emirats continuent d'investir dans le segment de la santé. Mubadala et National Resilience, une société technologique basée aux États-Unis, ont signé un accord d'investissement. Mubadala établira une nouvelle usine de fabrication de produits biopharmaceutiques sur le sol émirien, exploitée par son partenaire américain.

Masdar a signé un accord avec le ministère kirghize de l'Energie pour développer une capacité de production de 1 GW d'énergie propre. Cet accord se décompose en plusieurs projets, le premier étant une centrale solaire photovoltaïque de 200 MW opérationnelle dès 2026. Ce projet permettrait au pays d'Asie centrale (pour l'heure largement dépendant des centrales hydroélectriques) de renforcer sa sécurité énergétique tout en ménageant ses ressources aquifères.

Le marché immobilier de Dubaï a battu son record depuis dix ans s'agissant du nombre de transactions immobilières et du prix des loyers. La ville a ainsi enregistré 90 881 transactions résidentielles en 2022, contre son record précédent de 81 182 en 2009. Selon Bloomberg, cela serait notamment dû à un afflux de Russes, à des personnes cherchant à éviter les confinements stricts en Asie, ou encore des investisseurs israéliens et des crypto-millionnaires.  Néanmoins, cela pourrait se calmer cette année, sauf “retour soudain des investisseurs chinois”. 

Koweït

Le Koweït devrait multiplier par cinq les envois de diesel vers l'Europe à partir de 2023 pour atteindre 2,5 millions de tonnes, soit environ 50 000 barils par jour. Le pays souhaite également doubler ses ventes de kérosène vers l'Europe cette année pour aider le continent européen à compenser la baisse des flux en provenance de Russie.

L'Assemblée nationale et le gouvernement se sont affrontés mardi sur un projet de loi visant à racheter des milliards de dinars de prêts bancaires. Alors que les députés ont rejeté une demande du gouvernement qui visait à retarder le débat autour du projet de loi sur les prêts, les deux seuls ministres présents à la session sont sortis, provoquant des réactions de colère de la part des législateurs et d’une galerie bondée de citoyens venus soutenir leurs représentants.

Oman 

Selon les données du Centre national pour les statistiques et l’information (NCSI), l’inflation a progressé de +2,1 % fin novembre 2022 en g.a. Dans le détail, cette hausse générale des prix a été principalement alimentée par l’augmentation du prix de la nourriture (+5 %), en particulier les matières grasses, la viandes et les produits laitiers, des services d’hôtellerie et de restauration (+4 %) et de la santé (+3,8 %).

Les groupes omanais OQ, saoudien SAABIC et koweitien KPI ont annoncé la signature d’un accord en vue de développer une usine pétrochimique associée à la nouvelle raffinerie de la zone économique spéciale de Duqm.

Qatar

QatarEnergy et Chevron Phillips Chemical (CPChem) réalisent le plus gros investissement pétrochimique de l'histoire pour construire le complexe pétrochimique de Ras Laffan, d'une valeur de 6 milliards de dollars. Le 8 janvier, le ministre de l'énergie du Qatar et PDG de QatarEnergy, Saad Sherida Al-Kaabi, et le PDG de CPChem, Bruce Chinn, ont signé un accord portant sur la création d'une coentreprise pour la mise en œuvre du projet, dont QatarEnergy détiendra 70 % et CPChem 30 %. Son lancement en 2026 portera la capacité globale de production pétrochimique du Qatar à près de 14 Mt/an.

Au troisième trimestre 2022, le PIB du Qatar a augmenté de 4,3 % en glissement annuel pour atteindre 48 milliards de dollars, selon les autorités qatariennes. Les activités extractives représentent 37 % de ce total.

Le Qatar et l’Algérie signent un accord cadre en faveur du développement du tourisme algérien. Ce 2 janvier, en présence du ministre du tourisme algérien, la chaîne hôtelière qatarienne Retaj a signé un accord majeur avec la société publique algérienne Hôtellerie, Tourisme et Thermalisme (HTT) pour l’exploitation de leurs services.

En 2022, le Qatar a produit près de 300 000 MW d’électricité à partir de déchets.  D’après les autorités qatariennes, le Qatar a recyclé l’intégralité des déchets produits pendant la coupe du monde 2022 : 28 % ont été convertis en énergie verte, produisant 560 kWH d’électricité, et le reste a été recyclé en plastique, papier, métal et verres.