Toute l'actualité économique et financière hebdomadaire de l'Arabie Saoudite, du Bahrein, des Emirats arabes unis, du Koweit, d'Oman, du Qatar et du Yémen.

SERAD

 

Edito - La Coupe et le Bisht

« From Qatar, from an Arab country, I welcome everyone to the World Cup 2022 ». Dès le début de la Coupe du monde, l’Emir qatari Tamim al Thani confirme ce qui, pour beaucoup, était déjà une évidence : la Coupe du Monde n’est pas seulement une compétition sportive suivie par des millions et des millions de spectateurs, c’est aussi (surtout ?) un vecteur diplomatique et économique. 

Ce n’est donc plus la Coupe du Monde de Doha mais celle de l’ensemble des capitales arabes. Et de Mascate au Caire, on se réjouit de la victoire de l’Arabie saoudite contre le futur champion argentin ou encore de la formidable épopée de l’équipe marocaine. Une unité éphémère dans un monde instable ? Nous verrons. Force est toutefois de constater qu’il aurait été difficile d’anticiper une telle cohésion il y a quelques années et ce, en plein blocus du Qatar par certains de ses plus puissants voisins (Arabie saoudite, Bahreïn, EAU, Egypte). Difficile en effet d’imaginer l’Emir qatari Tamim al Thani s’assoir aux côtés du leader saoudien MBS ou du président égyptien al-Sissi. Difficile également d’imaginer le maitre de Riyad porter fièrement une écharpe qatarie en marge de la compétition. Et pourtant 
Pendant quelques semaines, Doha a été le centre gravitationnel du sport international. Le Qatar a donc gagné une première victoire, ici diplomatique

1,4 millions de visiteurs accueillis, une fréquentation du métro multipliée par sept* … des chiffres élevés qui témoignent de l’impact très positif de l’évènement sur le secteur du tourisme au Qatar. En outre, le pays arabe profite de ce soudain coup de projecteur pour signer des contrats industriels à long terme, alors même que les enjeux de souveraineté énergétique reviennent au-devant de la scène. 27 ans d’approvisionnement en LNG pour la Chine (pour un total de 60 Md USD), 15 ans pour l’Allemagne. Les yeux sont rivés vers Doha et les devises affluent. Bien entendu, certaines incertitudes économiques subsistent (que vont devenir les installations construites ? quelle dynamique pour l’activité manufacturière** ?) 
Le futur nous dira si ce fut une victoire à la Pyrrhus mais à court et moyen terme, le Qatar a remporté un second match, cette fois-ci sur le terrain économique. 

Leo Messi a soulevé la coupe ce dimanche 18 décembre. Puis l’Emir Tamim lui a recouvert les épaules d’un bisht. Un signe d’hospitalité et de respect. Mais peut-être aussi une manière subliminale de nous montrer où réside le véritable vainqueur. 

*Notons ici le travail des spécialistes envoyés par la France (dont des gendarmes) pour aider le Qatar à faire face à cette très forte affluence

 **L'indice des directeurs d'achat (PMI) du Qatar Financial Centre était certes en hausse en novembre mais toujours inférieur à 50, signifiant le peu d'optimisme de ces responsables sur l'expansion de l'activité manufacturière

 

 

Graphique de la semaine - Une compétition 2022 très regardée en France

Classement des matchs de football les plus regardés à la télévision française (nombre moyen de téléspectateurs, en millions)

Foot TV France

Sources : Médiamétrie, Les Echos, SER

Pétrole et gaz

Brent (cours au 23/12/2022 à 12h30 GST) :  81,3 USD 
+ 3 % depuis début 2022
Prix relativement stables depuis une semaine, mais bien en deçà de la moyenne annuelle

Quelle année pour les marchés pétroliers. Les prix à terme du Brent ont débuté l’année 2022 sous la barre des 80 USD le baril avant d’augmenter fortement et de dépasser le seuil symbolique des 120 USD à deux reprises (en mars et juillet). Les prix de la principale référence ont ensuite été affectés par une dynamique baissière et sont progressivement revenus à 80 USD. Une dynamique en V inversé. 

Peu d’éléments nouveaux et véritablement structurants à relever cette semaine sur les marchés pétroliers. Mais des pistes de réflexion pour 2023 ou plutôt des interrogations qui feront l’objet de toutes les attentions dans les prochains mois. 

Quelle demande chinoise 
Les fondamentaux de demande sont toujours aussi importants pour comprendre et anticiper les prix pétroliers. La crise internationale du covid-19 en est une illustration. Les yeux sont donc tournés vers Pékin et vers sa future demande de pétrole. Plus globalement, la question qui se pose est également liée aux fortes incertitudes pesant sur l’économie mondiale (hausse des taux d’intérêt, inflation généralisée…). 

Quel futur pour le pétrole russe ?
Le yin et le yang, la demande et l’offre. Les sanctions européennes sont en place et semblent déjà affectées l’offre russe d’or noir. Selon Bloomberg, les exportations maritimes de brut russe ainsi ont chuté au cours de la première semaine faisant suite aux nouvelles sanctions (-54 % en volume / une baisse également liée à des travaux dans un port de la Baltique). Cette dynamique sera donc surveillée de près par les analystes. 

Quel rôle joué par l’OPEP+ ?
Le rôle joué par le cartel des producteurs sera particulièrement scruté dans les prochains mois alors que la récente baisse des quotas OPEP+ de 2M b/j n’a pas permis d’entraver la dynamique baissière des prix. Surtout, certains analystes s'interrogent sur la cohérence de ces politiques avec l'augmentation souhaitée des capacités de production de certains de ses membres (à commencer par les EAU). En règle générale, un cartel efficace nécessite un cartel uni.

 

Brèves économiques

Région

Plusieurs dirigeants et ministres du CCG ont participé, le 20 décembre en Jordanie, à la 2e Conférence de Bagdad pour la coopération et le partenariat. Les six pays du CCG ont ainsi envoyé leur chef d'Etat ou de hauts responsables à cette conférence, aux côtés du roi jordanien Abdallah II, du président Emmanuel Macron ou encore du premier ministre irakien Mohammed Chia Al-Soudani. Pour rappel, l'objectif affiché d'un tel rassemblement est « d'accroître la coopération avec l’Irak afin d’en renforcer la sécurité, la stabilité et la souveraineté et de soutenir les processus démocratiques et constitutionnels en cours, en plus de promouvoir le dialogue comme moyen de règlement des différends régionaux » (communiqué de presse conjoint publié par l’Elysée). 

Un investissement stratégique entre deux voisins : le saoudien Hassana Investment Company achète une participation minoritaire pour 2,4 Md USD dans des actifs émiriens de DP World. Selon l’agence officielle des Emirats WAM, cet investissement se traduira par la création d’une nouvelle co-entreprise via laquelle l’émirien Hassana possèdera 10,2 % dans trois actifs emblématiques de DP World (Jebel Ali Port, Jebel Ali Free Zone et National Industries Park). Pour mémoire, ces trois actifs (dont le revenu pro forma est estimé à 1,9 Md USD en 2021) ont déjà fait l’objet, en juin 2022, d’un précédent investissement international (par le canadien CDPQ pour 5 Md USD). 

Arabie saoudite 

Visite à Riyad du ministre du Commerce extérieur, de l'Attractivité et des Français de l'étranger, Olivier Becht. L'objectif principal de sa visite (du 19 au 22 décembre) est de renforcer les partenariats économiques et commerciaux entre la France et l'Arabie saoudite, ainsi que la coopération notamment dans le secteur de la santé. Olivier Becht a notamment échangé avec Khalid Al-Falih, ministre saoudien de l’Investissement et a visité l’emblématique région d’Al-Ula. Une forte délégation d'entreprises du secteur de la santé, menée par l'Association des soins de santé accompagne le ministre dans cette visite. 

Les exportations de brut de l'Arabie atteignent leur plus haut niveau depuis 30 mois en octobre. En octobre, les exportations de brut du pays ont augmenté de 52 000 barils par jour (kb/j) pour atteindre 7,77 millions de barils par jour (mb/j), un record sur 30 mois, tandis que la production a diminué de 84 000 pour atteindre 10,646 millions de bpj. La production mondiale de brut a diminué de 228 kb/j en octobre, en raison de pertes en Russie, en Arabie saoudite et aux États-Unis.

Le taux d'inflation annuel passe à 2,9 % en novembre 2022 (g.a). Le principal moteur de l'inflation de l'IPC en octobre a été la hausse des prix du logement, de l'eau, de l'électricité, du gaz et des autres combustibles de (+4,7 %), et des aliments et boissons de (+3,5 %).

L’Arabie saoudite a attiré environ 4 Md USD d’investissements directs (IDE) au 1er semestre 2022, selon le ministère des Finances (MoF), contre 15,6 Md USD au premier semestre de l’année dernière. Il convient toutefois de préciser que le résultat de l’année dernière résulte de l'accord d'Aramco avec un consortium dirigé par "EIG Global Energy Partners (EIG), qui a été conclu à environ 12,4 Md USD au deuxième trimestre 2021. En excluant l'opération d'Aramco, les IDE au premier semestre 2022 sont supérieures de 25,9 % en glissement annuel.

Le total des actifs des banques saoudiennes a augmenté de 13,1 % durant les neuf premiers mois de 2022 (en g.a) pour atteindre 949 Md USD, reflétant la solidité du secteur bancaire saoudien. Cette croissance est due à l'augmentation des prêts, le portefeuille de prêts représentant plus de 62 % du total des actifs. En examinant de près le portefeuille de prêts, le crédit au secteur privé a augmenté d'environ 14,5 % jusqu'à fin septembre de cette année, par rapport à la même période de 2021, tandis que les prêts à la consommation ont augmenté à la fin du T3 de 8,9 % par rapport à la même période de l'année dernière.

S&P Global Ratings attribue la note «A-» avec des perspectives stables à la compagnie de réassurance saoudienne "Saudi Re". S&P a noté que Saudi Re a continué à renforcer sa position concurrentielle grâce à une croissance et une diversification rentable de ses activités ces dernières années, grâce à une expansion locale et internationale. 

Bahreïn

L'agence de notation Fitch confirme sa notation souveraine de B+ pour le Royaume, avec des perspectives stables. Pour mémoire, il s’agit du premier cran d’une dette jugée « hautement spéculative » et donc risquée. La notation de Fitch est principalement motivée par la faiblesse des finances publiques, la forte dépendance budgétaire envers les recettes pétrolières et le faible niveau structurel (bien qu’en hausse) des réserves de change. Sur une note plus positive, l’agence de notation soutient que Bahreïn reste soutenu par ses partenaires du CCG et que les indicateurs relatifs au PIB demeurent élevés (avec une croissance économique anticipée par Fitch de plus de 6% en 2022, contre 3,4 % selon le FMI dans son WEO d’octobre 2022). 

Le gouvernement du Royaume a dévoilé une feuille de route pour les quatre prochaines années (2023-26). Sous le thème « De la reprise au développement soutenable », ce plan gouvernemental comporte trois principaux piliers (et dix objectifs) : i) sécurité, stabilité et équité, ii) reprise économique et développement durable / soutenable et iii) services publics compétitifs et de qualité. 

Emirats arabes unis

La Banque centrale des Emirats a publié son dernier rapport trimestriel. Selon elle, le taux de croissance de la Fédération devrait s’établir à 7,6 % en 2022 (contre ‘plus de 6 %’ selon le dernier rapport du FMI datant de novembre 2022). Dans le détail et toujours selon la Banque centrale, la croissance du PIB pétrolier est anticipée à 11 % en 2022 et celle PIB non pétrolier à 6 ,1%. Concernant le taux d’inflation annuelle anticipé, il est projeté à 4,9 % (un chiffre proche du 5,2 % communiqué par le FMI dans son WEO d’octobre 2022). Selon la Banque, qui cite le Dubai Statistics Center (DSC), l'inflation de cet émirat a d’ailleurs atteint une moyenne de 6,2 % au T3 2022, en hausse par rapport au trimestre précédent (5,1 %). 

Aziz Akhannouch, premier ministre du Maroc a rencontré le Dr Sultan Ahmed Al Jaber, ministre émirien de l'industrie et des technologies avancées et PDG d’ADNOC, lors d’une visite officielle de ce dernier sur le territoire marocain. Plusieurs sujets ont été couverts lors de ce voyage dont la coopération énergique et industrielle bilatérale et la préparation de la COP28, organisée par les EAU au T4 2023. Selon l’agence officielle émirienne WAM, les échanges commerciaux bilatéraux ont progressé de 24 % au cours des trois premiers trimestres 2022 par rapport à 2021 (un ratio qui doit tout de même être mis en relief étant donné la situation sanitaire qui a particulièrement affecté le commerce international l’année dernière). 

Les EAU organiseront la conférence ministérielle de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) en 2024, le plus grand rassemblement mondial de ministres du commerce. Cette conférence se tiendra à Abu Dhabi fin février 2024. Deux principales priorités semblent se dessiner : réformer le système de règlement des différends et renouveler le règlement global de l’Organisation (vieux de 27 ans). L’organisation de cet évènement rentre dans la stratégie (ici d’influence) des Emirats afin de changer de dimension ; en d’autres mots, d’évoluer d’une plateforme commerciale régionale pour devenir une plateforme résolument internationale (voir les brèves du 30 septembre 2022). 

Adnoc va acquérir une participation de 24,9 % dans l'entreprise énergétique autrichienne OMV auprès du fonds souverain émirien Mubadala. Les précisions financières n'ont pas été divulguées à date, mais OMV a actuellement une capitalisation boursière d’environ 15,7 Md EUR (16,7 Md USD au 22/12/2022). Pour rappel, OMV possède 75 % de Borealis (dont Adnoc possède 25 % depuis peu) qui possède elle-même une participation minoritaire dans Borouge (dont Adnoc détient une participation majoritaire et qui est cotée à Abu Dhabi depuis juin 2022). Par cet achat, Adnoc augmente donc son exposition dans Borealis et dans Borouge, ce qui est cohérent avec sa stratégie de diversification dans le downstream

Koweït

La Kuwait National Petroleum Company (KNPC) a inauguré mardi son cinquième gazoduc liquéfié d'une capacité de production de 805 millions de pieds cubes par jour. La capacité de production élevée du pipeline, inauguré au terminal d'Al-Ahmadi, comprend 106 000 barils de condensats et de gaz liquéfié, qui devraient répondre à une grande partie de la demande intérieure et extérieure. Le projet est d'une importance capitale car il est lié aux principaux objectifs stratégiques de la KNPC 2040 pour atteindre une exploitation optimale des ressources en hydrocarbures, a déclaré le cheikh Nawaf Saud Al-Sabah, directeur général de la Kuwait Petroleum Corporation (KPC) lors de la cérémonie d'ouverture. 

Oman 

Le fonds souverain Oman Investment Authority (OIA) prévoit d’investir 1,9 Md OMR (près de 5 Md USD) dans 65 projets en cours et nouveaux – près d’un tiers dans le secteur de la logistique – en 2023 selon Abdulsalam Al Murshidi, le président du fonds. Le fonds envisage également de se désengager de 8 actifs désormais jugés non stratégiques (dans l’énergie, l’industrie, le tourisme et le segment des NTIC) afin de dégager plus de 500 M OMR (1,3 Md USD). 

L’Autorité en charge des zones franches et des zones économiques spéciales (OPAZ) et le consortium franco-omanais Marsa Al Duqm Investments Company ont signé le contrat d’usufruit lié au développement des superstructures dans le cadre du projet de port de pêche de Duqm. 

 
Qatar

Durant la Coupe du Monde, 26,8 millions de passagers ont utilisé les services de transport qatariens : 18,4 millions pour le métro, 7,4 millions pour le bus, 1,0 millions pour le tram. A cela s’ajoutent 8,3 millions déplacements en VTC et 315 000 en taxi. Sur les deux premières semaines du Mondial, la fréquentation du métro a été multipliée par sept et près d’un millier de vols quotidiens ont été enregistrés, sans trouble particulier. Le nombre de touristes a toutefois été nettement inférieur aux attentes : 765 000 supporters contre 1,2 millions anticipés sur les quinze premiers jours. A noter qu’en France, le Mondial a été particulièrement suivi avec une pointe à 29,4 millions de téléspectateurs pour la finale, record historique pour TF1. 

L’émir a approuvé le budget pour l’année 2023. Le ministère des finances s’attend à une hausse de 16 % des revenus soit 62,6 Md, basée sur une hypothèse conservatrice d’un baril à 65 USD. Les revenus de l’Etat proviendraient à 82 % des hydrocarbures, tandis que les autres recettes resteraient constantes en volume. L’excédent budgétaire atteindrait 8,0 Md USD et serait utilisé pour réduire la dette publique, renforcer les réserves de la banque centrale et augmenter le capital de la QIA. Quant aux dépenses, elles diminueraient de 3 % à 54,7 Md USD, en raison notamment d’une baisse des moyens consacrés aux grands projets après la fin du Mondial (-14 %), qui totaliseraient tout de même 17,6 Md USD. Il reste toujours difficile d’anticiper dans quelle mesure la rente gazière sera réinvestie au Qatar et dans quel secteur, outre la construction.

Le consortium porté par Petrobras (30 %, opérateur), TotalEnergies (30 %), Petronas (20 %) et QatarEnergy (20 %) a obtenu le permis d’exploration du bloc offshore Agua-Marinha au Brésil, dans le bassin de Campos à 140 km des côtes et non loin de Rio de Janeiro. Pour mémoire, QatarEnergy détient au Brésil des parts dans deux champs en production et de nombreux blocs d’exloration.