Lettre Agro Japon-Corée novembre-décembre 2022
Lettre AGRO Japon – Corée
N° 66 -novembre- décembre 2022
Sommaire
IMAGE DU MOIS : La hausse des prix de l'alimentation animale fragilise la filière laitière au Japon
Japon
- Le Japon expérimente un classement par étoiles des exploitations agricoles qui réduisent leurs émissions de gaz à effet de serre
- La hausse des coûts des intrants accélère la baisse du nombre d’élevages laitiers
- Le Japon structure sa politique de soutien aux exportations agricoles
- L’épizootie d’influenza aviaire risque de déstabiliser une filière volaille japonaise déjà fragilisée
Corée
- La Corée multiplie les initiatives en matière d’innovation dans le secteur agricole
- Le MAFRA adopte un plan d’aide à l’installation des jeunes agriculteurs doté d’objectifs ambitieux
Le chiffre du mois : 1,2%
Proportion de jeunes agriculteurs (moins de 40 ans) en Corée
Japon
Le Japon expérimente un classement par étoiles des exploitations agricoles qui réduisent leurs émissions de gaz à effet de serre
Selon le ministère de l’agriculture, de la forêt et des pêches japonais (MAFF), la production est responsable de 60 à 80% des émissions de gaz à effet de serre (GES) sur le cycle de vie des produits agricoles et la mise en place du système de classement par étoiles doit permettre aux agriculteurs de valoriser auprès des consommateurs les pratiques vertueuses. Une réduction de 5% des émissions permet une étoile ; de 10%, deux étoiles ; trois étoiles au-delà de 20%. La réduction est évaluée au regard de valeurs de référence calculées au niveau local et sur la base d’un recours aux pratiques conventionnelles. Le système a dans un premier temps été testé pour la production de riz, tomates et concombres, pour lesquels le calcul des émissions était relativement aisé et comparable. Parmi les principales sources d’émissions, figurent notamment la fabrication et le transport des engrais, le recours aux machines agricoles et le chauffage des serres. Le MAFF prévoit de poursuivre l’expérimentation jusqu’à la fin 2022 pour affiner son mode de calcul avant d’envisager de déployer ce système à large échelle.
Le secteur agricole, sylvicole et piscicole, qui représente environ 4% des émissions de GES du Japon, s’est vu fixer des objectifs de diminution de -10% par rapport à 2013 et de zéro émission nette en 2050 par la stratégie pour les systèmes alimentaires durables adoptée par le Japon en 2021. Japan Times, MAFF 1, 2
La hausse des coûts des intrants accélère la diminution du nombre d’élevages laitiers
Selon le journal Japan Agrinews, le nombre d’exploitations laitières aurait diminué de 3,4 % au cours des six derniers mois. Le coût de l’alimentation animale, en hausse de 50% en glissement annuel en septembre (30% après intégration des aides publiques), et qui représente en moyenne 45% des coûts d’exploitation d’un élevage laitier au Japon, est cité par toutes les organisations de producteurs comme la principale raison des cessations d’activité. De façon inédite, ce mouvement semble concerner des exploitations moyennes d’agriculteurs en début ou milieu de carrière et non uniquement des agriculteurs âgés sans successeurs.
Pour répondre à l’augmentation des coûts de production, le MAFF a annoncé en septembre une prime à la réforme des vaches laitières peu productives et les organisations régionales de producteurs, chargées de négocier les prix du lait cru et de distribuer les subventions nationales, ont pour la plupart annoncé des hausses, mais ces mesures sont jugées insuffisantes par les éleveurs. La diminution de la production pourrait par ailleurs être inférieure à la baisse de la demande attendue dans les mois à venir et conduire à un nouvel épisode de surproduction de lait comme celui déjà observé l’hiver dernier : à la baisse de consommation régulièrement observée en fin d’année, pourraient en effet s’ajouter les effets des arbitrages des consommateurs, pour lesquels les produits laitiers, qui ne sont pas considérés comme des aliments essentiels, risquent de ne pas être prioritaires. Une diminution de la consommation a déjà été observée au cours du dernier semestre, que les hausses de prix des produits transformés pourraient accentuer : les principaux groupes laitiers (Meiji, Morinaga Milk et Megmilk Snowbrand) ont déjà répercuté la hausse du prix du lait cru, avec des augmentations moyennes comprises entre 2,8% et 12,5% en novembre sur les produits transformés. Agrinews, Japan Times
Le Japon poursuit la structuration de sa politique de soutien aux exportations agricoles
En octobre, les exportations japonaises de produits agricoles ont progressé en valeur de 19% et atteignent 1 121 Mds de yens (environ 7,8 Mds €) sur les 10 premiers mois de l’année. La faiblesse du yen a soutenu la compétitivité des produits japonais, qui visent un positionnement de haut de gamme sur les marchés d’Asie. Parmi les principaux postes, les produits de la pêche augmentent de 23% en valeur (1,6 Md€), tirés par les marchés chinois (+31% et des Etats-Unis (+44%), tout comme les boissons (+15%, à 1,2 Md€).
La stratégie japonaise de développement des exportations fixe un objectif de 2 000 Mds de yens en 2025. A cette fin, le gouvernement a approuvé les demandes de reconnaissance par les pouvoirs publics des quatre premières organisations de producteurs dans le domaine agricole. En vertu de la loi révisée sur la promotion des exportations de produits agricoles d’octobre 2022, ces organisations se voient confier des missions (établissement de standards unifiés, développement des canaux de vente, représentation des filières à l’étranger) et des ressources financières dédiées (emprunts, prélèvements sur les professionnels) afin de contribuer au développement à l’export. Les filières concernées par cette première vague sont le riz, les fruits et légumes, les fleurs coupées et les alcools japonais (saké et shochu). A terme, de telles organisations ont vocation à être constituées pour tous les produits d’exportation classés comme prioritaires selon la stratégie japonaise – et dont la liste a été étendue lors de la réunion ministérielle pour y inclure les carpes d’ornement (nishikigoï).
En réponse aux nombreux cas de détournement à l’étranger de variétés à haute valeur ajoutée développées au Japon (raisins « Ruby roman » ou « Shine Muscat », fraises) ces dernières années, une organisation de gestion des droits de propriété intellectuelle, portée par l’institut japonais de recherche agricole et alimentaire (NARO), sera finalement créée pour appuyer les agriculteurs dans la protection de leurs variétés végétales et animales. Agrinews 1, 2
L’épizootie d’influenza aviaire risque de déstabiliser une filière volaille japonaise déjà fragilisée
Les foyers d’influenza aviaire hautement pathogène (IAHP) se multiplient au Japon depuis le 28 octobre dernier, avec 45 foyers détectés dans 16 préfectures et 6 millions de volailles abattues. Cette circulation rapide, qui dépasse déjà en ampleur l’épisode de l’hiver 2021-2022 (20 foyers et 1,8 millions de volailles abattues), fait craindre un impact bien plus marqué sur une filière volailles déjà fortement éprouvée par les hausses de coûts de production (énergie et alimentation animale). Le ministre de l’agriculture Tetsuro NOMURA a appelé les éleveurs à une vigilance renforcée, notant que dans certains des foyers détectés, les mesures de biosécurité élémentaires n’avaient pas été appliquées.
Cette année, le nombre d’animaux abattus représente pour l’instant moins de 3% du cheptel total et le MAFF ne prévoit pas de mesures spécifiques pour équilibrer les marchés ; le prix des œufs à Tokyo était toutefois en forte hausse en novembre (+25% en glissement annuel). Dans le domaine de la viande de volaille, une diminution de la production domestique, qui couvre environ 75% des besoins de la population, alimenterait les tensions sur un marché déjà marqué par l’inflation des produits importés. Selon l’association des importateurs de volailles, les importations devraient ainsi baisser de 15% en décembre en raison de la forte hausse des coûts des produits en provenance du Brésil, baisse que la reprise des importations thaïlandaises ne compensera pas totalement. MAFF, Nikkei, JA, Japan Times
Corée du Sud
La Corée multiplie les initiatives en matière d’innovation dans le secteur agricole
Le gouvernement Yoon a présenté au Parlement un projet de loi visant à encourager le développement de l’agriculture intelligente (« smart farming »), domaine dans lequel la Corée veut se positionner en leader. Le pays peut se prévaloir de succès commerciaux comme l’entreprise PlanTfarm (qui développe des solutions d’agriculture verticale et commercialise les légumes produits via sa filiale Farm8) et de grands groupes industriels s’intéressent à ce secteur, comme le groupe agroalimentaire Nongshim qui vient de remporter un appel d’offres pour exporter des systèmes de culture en containers à Oman. Pourtant, selon le KISTEP (Korea Institute of Science & Technology Evaluation and Planning), la Corée accusait en 2020 un retard sur l’UE, présentée comme leader, et seules 10% des exploitations d’élevage et d’horticulture en serre avaient adopté des outils d’agriculture digitale. Le ministère de l’agriculture, de l’alimentation et des affaires rurales (MAFRA) ambitionne donc de développer le marché du « smart farming », qui représentait 300 Md KRW en 2021 (environ 220 M€), pour atteindre à terme 1 000 Md KRW (environ 720 M€) et un taux de pénétration de 30% des exploitations agricoles.
Des initiatives ont déjà été adoptées sous la précédente présidence, notamment la création de quatre clusters (« smart farm innovation valleys ») regroupant PME innovantes, structures de formation et de location des matériels innovants aux agriculteurs. Le projet de loi, qui vise à donner un cadre plus structuré aux efforts coréens dans ce domaine, prévoit des plans quinquennaux nationaux déclinés au niveau régional ainsi qu’une étude annuelle sur les tendances du marché. Le développement des technologies doit être favorisé par un dispositif de soutien aux démonstrateurs (le MAFRA veut développer lui-même 8 technologies essentielles pour le secteur) et des standards communs ; leur diffusion reposerait sur des « zones de développement du smart farming » et sur la formation des agriculteurs, avec un nouveau statut de « smart farming manager ». Le projet prévoit également la mise en place d’une plateforme de partage des données collectées par les objets connectés afin de favoriser le développement d’une industrie de services reposant sur l’analyse des données.
Le MAFRA va par ailleurs déployer un nouveau système de gestion des aides agricoles, qui s’appuiera sur l’intelligence artificielle (IA). Le projet, dont le déploiement est prévu entre 2023 et 2025, vise à améliorer la qualité de service aux agriculteurs via un portail unique et à mieux identifier, grâce à l’IA, à la fois les cas de non-recours aux aides et les versements indus. Un nouveau système d’information géographique doit également optimiser la gestion des aides. 70 Md KRW (environ 52 M€) sont prévus pour ce projet, dont le MAFRA espère à terme des économies de 100 M€ par an. MAFRA 1, 2, 3, JoongAng, verticalfarm daily
Le MAFRA adopte un plan d’aide à l’installation des jeunes agriculteurs doté d’objectifs ambitieux
Confronté au vieillissement de la population agricole coréenne, dont l’âge moyen était de 62 ans en 2021, le MAFRA a présenté un plan favorisant l’installation de jeunes agriculteurs (moins de 40 ans), avec un objectif de 26 000 installations d’ici 2027. Pour atteindre un objectif de long terme ambitieux (10% d’agriculteurs de moins de 40 ans en 2040, contre 1,2% aujourd’hui), un triplement du nombre d’installations actuel est jugé nécessaire. Pour y parvenir, le MAFRA prévoit d’abord de renforcer les aides financières à l’installation, qui atteindront 1,1M KRW par mois (environ 800 euros) pendant 3 ans, et des avantages fiscaux accrus. Un accompagnement suivi sera assuré avec des prêts bonifiés pour les agriculteurs ayant passé cette période initiale. L’accès au foncier sera également facilité par le biais de prêts bonifiés sécurisés par un fonds de garantie public. Le volume de terres mises en réserve par la banque nationale des terres agricoles à destination des jeunes agriculteurs sera également augmenté, grâce à un relèvement de 5% du prix d’achat maximal par hectare. Un système de location, avec option d’achat jusqu’à 30 ans après l’installation, vise à apporter plus de souplesse pour les nouveaux installés dans un contexte de visibilité réduite à moyen et long terme sur le modèle économique des exploitations. La formation des nouveaux agriculteurs sera réformée, avec un renforcement de la formation continue et un accent mis sur la gestion d’entreprise, la maîtrise des nouvelles technologies et la participation des agriculteurs aux activités de recherche et d’innovation.
Enfin, le plan comprend un volet dédié à l’environnement des jeunes agriculteurs, avec le développement de services (gardes d’enfants notamment) dans les communautés rurales. Le plan cite la France, mais aussi le Japon, parmi les pays de référence présentant un taux de jeunes agriculteurs supérieurs à celui observé en Corée. MAFRA
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Rédigé par : Le pôle agriculture et alimentation du Service économique régional de Tokyo et le Service économique de Séoul.
Contacts : Jérôme PERDREAU, Conseiller agricole, jerome.perdreau@dgtresor.gouv.fr
Ryoko ISODA, Attachée sectorielle au pôle agriculture et alimentation, ryoko.isoda@dgtresor.gouv.fr
Jina AHN, Attachée économique, en charge des questions agricoles au sein du SE de Séoul jina.ahn@dgtresor.gouv.fr