En raison de la forte hausse des prix de l’énergie et de sa répercussion sur l’inflation, la Commission européenne, à l’instar des instituts nationaux de conjoncture, a fortement révisé ses prévisions de croissance pour l’Autriche : après un fort rebond en 2022 à +4,6 %, le PIB pourrait ne progresser que de 0,3 % en 2023 pour accélérer à +1,1 % en 2024. Malgré les mesures prises par le gouvernement pour atténuer les effets de l’inflation sur le pouvoir d’achat, la consommation des ménages ne retrouverait son rôle moteur qu’en 2024. Si le marché du travail résiste bien, le chômage affichant un taux de 5,0 % fin 2022, il pourrait légèrement se dégrader à l’horizon 2024.

Après -5,9 % en 2021, le déficit public de l’Autriche pourrait atteindre 3,4 % du PIB fin 2022, puis -2,8 % en 2023 et -1,8 % en 2024. L’endettement de l’Autriche passerait alors de 82,3 % du PIB fin 2021 à 74,9 % fin 2024.

Une forte reprise après deux années de lutte contre la pandémie

2020-2021 : 12,5 % du PIB d’aides publiques en réponse à la crise sanitaire

En Autriche comme dans la plupart des Etats européens, les années 2020 et 2021 ont été marquées par la lutte contre la pandémie de Covid-19, les confinements et les plans d’aides massifs aux entreprises et aux ménages. Si l’économie autrichienne a connu en 2020 une contraction du PIB de 6,5 %, liée au repli de la consommation des ménages (-8 %), des exportations de biens et services (-10,7 %) et des importations (-9,2 %), 2021 a été l’année de la reprise, malgré un début d’année sous confinement : le PIB a  progressé en 2021 de 4,6 %, porté par la demande des administrations publiques (+7,8 %), le commerce extérieur (exportations : +9,6 % ; importations : +13,7 %) et le retour des investissements (FBCF : +8,7 %). Avec la fin des confinements et la levée des restrictions aux frontières, le tourisme aussi a été un des principaux piliers de la reprise en 2021.

L’inflation (IPCH) est restée contenue en 2020 à +1,4 % mais s’inscrivait déjà en 2021 sur une trajectoire haussière, avec +2,8 %.

En matière d’emploi, le fort recours des entreprises autrichiennes au chômage partiel (pour un coût de 10 Mrd EUR, soit 2,5 % du PIB) a permis de préserver les emplois et d’éviter des destructions massives. Après s’être replié à 4,8 % fin 2019, le chômage a progressé à 6,0 % en 2021, puis 6,2 % fin 2021.

Face à la crise, la réponse de l’Etat fédéral a été la mise en place d’importants dispositifs d’aides et de soutiens aux entreprises, aux collectivités territoriales et à l’économie sociale : compensation des pertes induites par les fermetures administratives, prise en charge partielle des coûts fixes, allègements et reports fiscaux, etc. L’Autriche a consacré au total 12,5 % du PIB à l’aide et au soutien pendant la crise. Ainsi, alors que le solde public s’inscrivait en léger excédent fin 2019 (+0,6 % du PIB), il affichait un déficit significatif fin 2020 (-8 %) et fin 2021 (-5,9 %). L’endettement de l’Autriche, qui s’était réduit à 70,6 % du PIB fin 2019, rebondissait à 82,3 % du PIB fin 2021.

2022 : un rebond significatif

Avec une hausse du PIB estimée par la Commission européenne dans ses prévisions d’hiver à +4,6 %, corroborée par le FMI dans ses prévisions d’octobre (+4,7 %), 2022 s’inscrirait donc dans la poursuite de la reprise engagée à partir de l’été 2021. Au cours du premier semestre 2022, la croissance a été de nouveau soutenue par la consommation des ménages qui pourrait atteindre sur l’année +4,2 % alors que le soutien public se replierait légèrement à +2,4 %. Ainsi le 1er trimestre a affiché une hausse du PIB de 1,5 % par rapport à la période précédente ; le deuxième progressait encore de 1,9 %. Dans le sillage de 2021 qui avait vu la contribution du commerce extérieur en hausse, les exportations de biens et de services en 2022 devraient afficher une forte progression de 10,5 %. Les importations se tassent modestement à +6,7 %.

Mais devant la forte progression des prix de l’énergie, engagée depuis fin 2021, et les répercussions de l’invasion russe de l’Ukraine, les dernières estimations indiquent un fléchissement significatif de la croissance : une stagnation de l’économie est devenue perceptible au 3ème trimestre ([1]), les exportations se repliant de 3,5 % et les importations de 1,1 %. Dans les différents secteurs de l’économie, seul celui de la construction résistait encore ainsi que ceux des administrations et des arts et des loisirs. Les investissements se sont très légèrement repliés de 0,3 %, marquant ainsi les incertitudes des entreprises face à l’avenir.

Les instituts de conjoncture autrichiens, Wifo et IHS, estiment la croissance en 2022 à +4,8 % (4,7 % pour l’IHS), l’inflation atteignant 8,3 % voire 8,5 %. Le taux de chômage se replierait à environ 4,6 % (pm : 6,2 % fin 2021). Le déficit public au sens du Traité de Maastricht atteindrait 3,3 %, voire 3,5 % du PIB (2021 : -5,9 %).

 

A l’exception du FMI, la Commission et les deux instituts nationaux de conjoncture prévoient une croissance très faible en 2023

Si 2022 a encore pu profiter de l’acquis de croissance de 2021, l’effet pourrait ne pas se reproduire en 2023. La Commission européenne crédite l’économie autrichienne d’une stagnation à 0,3 % du PIB, après avoir, au printemps, estimé la croissance à 1,9 %. La tendance est d’ailleurs également confirmée par les instituts de conjoncture nationaux : pour le Wifo et l’IHS, la progression du PIB en 2023 pourrait rester contenue à 0,2 à 0,3 %. Contrairement à 2022, la consommation des ménages pourrait être fortement affectée par la hausse des prix, notamment de l’énergie, les incertitudes grandissantes quant à l’évolution des salaires et donc du revenu disponible. Selon la Commission, la consommation privée ne jouerait plus son rôle moteur : elle reculerait de -0,5 %, perdant ainsi 2,8 points par rapport aux prévisions de printemps. Toutefois, les mesures d’atténuation prises par le gouvernement, telles le plafonnement partiel du prix de l’électricité et la prime anti-inflation couplée à la prime climatique, devraient permettre de freiner le repli de la consommation.

Avec une progression de 6,7 %, la hausse des prix, engagée depuis fin novembre 2021 et toujours portée par les prix de l’énergie, pourrait rester en 2023 sur une trajectoire haute, mais en décélération par rapport à 2022. L’an prochain, le commerce extérieur continuerait à se replier : autant les exportations que les importations de biens et services se tasseraient, progressant respectivement de 1,4 % et 1,2 % par rapport à cette année.

Le solde public pourrait atteindre fin 2023 -2,8 % du PIB, se creusant de 1,3 point supplémentaire par rapport aux prévisions de mai 2022. Une des raisons de cette dégradation est l’indexation sur l’inflation des barèmes fiscaux (partiellement) ainsi que de certaines prestations sociales, mesures dont les effets affecteront les finances publiques sur le moyen terme.

Contrairement aux prévisions des instituts de conjoncture nationaux et de la Commission européenne, le FMI reste plus optimiste et crédite l’économie autrichienne d’une croissance modérée de 1 % en 2023, accompagnée d’une inflation de 5,1 %.

Vers un retour à la normale en 2024 ?

Selon les prévisions de la Commission, le PIB pourrait augmenter de 1,1 % en 2024, de nouveau soutenu par la demande privée (+1,2 %) et une demande publique encore solide (+1 %). Là encore, le FMI reste sur une trajectoire plus optimiste, avec une croissance en 2024 de 1,9 %, Le principal facteur d’incertitude, l’inflation, pourrait retrouver une trajectoire plus modeste avec une hausse de prix s’établissant à +3,3 %, voire revenant à 2,5 % selon les prévisionnistes du FMI L’investissement pourrait repartir à la hausse avec une progression de 1,6 % mais le commerce extérieur pourrait rester encore affecté par le ralentissement des échanges mondiaux.

Le déficit public en 2024 pourrait continuer à se résorber lentement, passant sous la barre des 2 %.

Un marché du travail qui résiste bien

Malgré des perspectives économiques en demi-teinte, le marché de l’emploi autrichien résisterait bien, la prévision de la Commission étant un taux de chômage à 5,0 % en 2022, puis à 5,2 en 2023 et 5,3 en 2024. L’emploi salarié pourrait rester sur une tendance haussière à +2,5 % cette année (-0,4 point par rapport aux prévisions de mai), se tassant à +0,6 % en 2023. La Commission estime que le marché autrichien du travail devrait rester solide autant en 2023 qu’en 2024, grâce notamment à la participation toujours croissante des femmes mais également des séniors, l’économie autrichienne souffrant actuellement d’un manque de main d’œuvre qualifiée dans de nombreux secteurs.

 
Prévisions macroéconomiques de la Commission européenne pour l'Autriche - 2022 à 2024
 
 
Prévisions macroéconomiques des instituts nationaux - 2022 à 2024
 
 
Evolution et perspectives du PIB et de la croissance entre 2000 et 2024
 
 
Evolution et perspectives de la dette publique et du solde public entre 2000 et 2024
 
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[1] Premières estimations de l‘institut de conjoncture Wifo : -0,1 % par rapport au T2 2022.